dimanche 11 mai 2008

Inquiétude & Certitudes - samedi 10 mai 2008

Samedi 10 Mai 2008


Hier soir, 22 heures 42 + Ma déprime, sans doute la fatigue, des couchers trop tard, pas de production dans mes chantiers toujours au point mort, pas ouverts en écriture. Mais peut-être le signe d’autre chose ? Physiologique ? Une chose m’est cependant venue, à deux jours de la fête de la Pentecôte, Dieu ne me veut-Il pas davantage priant, davantage croyant, plus près de Lui, et cette douloureuse faiblesse, cette grisaille m’y amènent.

Ce matin, 07 heures 49 + Je m’éveille aussi déprimé que je m’étais mis au lit, la vanité de ce que je fais et de ce que je suis. Prier dans l’attente de ce moment – rythme des liturgies chrétiennes – de la Pentecôte. Les Actes rapportent, en termes qui pourraient être ceux des incroyants « du dehors », ce qu’entre détenteurs du pouvoir de l’époque on comprenait de la discussion entre Juifs et chrétiens : ikls avaient seulement avec lui certaines discussions au sujet de leur religion à eux, et au sujet d’un certain Jésus qui est mort, mais que Paul déclarait toujours vivant. Je remarque d’une part que ce qui finalement paraît anodin au gouverneur romain, Festus, ne le paraîtra pas au tribunal de César à Rome : condamnation à mort et exécution. Et d’autre part que notre auteur, Luc, qui a su interroger Marie, est très informé de dialogues qu’on dirait aujourd’hui au sommet. – Je m’aperçois que j’ai interverti hier les lectures d’évangile, ce qu’aucun de mes destinataires putatifs ne m’a fait remarquer en retour… j’étais resté loin du texte, ne relevant que l’interrogation du Christ à Pierre et n’allant pas à la première lecture. Les « discours » ou les enseignements du Christ, après les repas, et non pas avant, nos liturgies d’aujourd’hui font le contraire… l’interrogation : Pierre m’aimes-tu ? ne veut pas, de la part du Christ, aboutir à la réponse connue d’avance, et qui fait le pendant, pas seulement au reniement pendant la Passion, mais aux professions de foi admirables de concision du chef des apôtres. Il s’agit bien d’une mission particulière. Avec l’incrustation d’une image forte, celle de la parabole du pasteur, des brebis, la bergerie, la brebis perdue, un résumé de tout l’enseignement sur le troupeau et sa garde. Des brebis qui n’appartiendront ni à Pierre ni à l’Eglise hiérarchique, qui sont les brebis de Dieu. Lui-même, Pierre, ne s’appartiendra plus. Les institutions ecclésiales et par extension le nouvel ordre politique qu’a ambitionné parfois le christianisme de fonder, ne sont pas pour eux-mêmes et leur perpétuation mais, en substitut provisoire de Dieu-même, une déperdition d’elle-même pour le service et la sécurité des ouailles. Déperdition de soi-même, cela commence dans notre rôle vis-à-vis de notre fille et la fonction parentale. Contemporaine de la fondation de son Eglise par Jésus, la loi romaine : elle est pour l’ordre, fin en soi, elle est appliquée par des personnes interchangeables, qui se succèdent à Césarée, par exemple. Ce que commencent le Christ puis ses Apôtres est au contraire relationnel, de l’amour mutuel, une mission de paix et de sécurité. Non pas un ordre acquis, mais un ordre à faire
[1].. Et je m’aperçois – ma fatigue générale ? – que je n’ai rien interverti du tout mais que je me crois encore la veille (vendredi) du jour où nous sommes (samedi)… veille de la Pentecôte [2], dont j’attends, cette année, tant. Conclusion de l’évangile de saint Jean, l’amour de Pierre pour le Christ, mais l’amour de Jésus pour Jean… les destinées de chacun, censément indifférente de l’un à l’autre. Il y a chez Jean la sobriété de quelqu’un ayant atteint la plénitude d’une maturité, celle que donne la vraie connaissance, l’embrassement de la vérité. Jean est par excellence l’homme de la Pentecôte, structuré par l’Esprit-Saint, par une contemplation et une compréhension aussi intenses qu’il est possible à l’âme et au mental humain d’y parvenir. Conclusion aussi des Actes : Paul, censément prisonnier, ne sachant pas son sort final, prêche tranquillement avec une assurance totale et sans rencontrer aucun obstacle. Prêche qui n’est pas de morale ou de commentaire mais ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ dont il imite les dires : il annonçait le règne de Dieu, que nous oublions totalement à notre époque, figé dans ce que nous vivons, et regardons comme intangible, surtout dans les multiples injustices, bêtises et catastrophes dont nous sommes témoins et souvent complices. Tant que nous prions pas pour que ce règne arrive, nous sommes responsables de ce qu’il tarde. A notre niveau… mais à la Pentecôte, il y eut une langue de feu par personne.

Prier, seul avec tous et en Dieu, dans le silence où seuls les oiseaux et les couleurs de nos fleurs – jamais aussi belles depuis une décennie – donnent tranquillement leur accompagnement. Prier en même temps que chantent les oiseaux, moment précis du jour et surtout de l’âme, surtout quand elle doit se hisser de l’abîme et s’oublie elle-même, oublie l’âme, et monte, simplement. La prière est un autel où tout se passe. L’homme le sait depuis toujours quand il est religieux. Jean, le plus religieux au sens moderne, c’est-à-dire (pour nous) chrétien, a le privilège, reconnu par les autres disciples, de pouvoir interroger le Christ. Celui-ci lui répond, le priant, le contemplatif, celui qui demande reçoit réponse et précisément à sa question. La mienne, en cette veille de Pentecôte, est que mes aimées et moi, et tous ceux que je rencontre ou à qui j’importe, nous recevions tous force et flamme. Vie ! Ainsi soit-il.

Cet automne m’était apparu le trait, que je croyais dominant, chez le nouveau président, notre président : l’immaturité. En ce sens, il incarne bien la France du moment parce que si le tréfonds des Français, en pays rural, ou en milieu de tradition modeste, est « mature » depuis des siècles, avec épaisseur et circonspection, sachant à l’épreuve plus qu’au nez discerner le vrai du surfait, en revanche, les élites qui nous dirigent (ou qui nous oppriment en nous forçant à suivre des modes auxquelles eux-mêmes ne comprennent que peu – en quoi ils n’orientent ni ne dirigent, mais simplement et seulement contraignent), ces élites, nos élites auto-proclamées, sont sans maturité ni profondeur. C’est bien pourquoi elles ont gobé si facilement l’idéologie camouflant les autres : je redis ici que pour moi le tournant n’est pas du tout Mai 1968 mais Mars 1986. Mai 1968 pouvait et a pu devenir un bien commun national et mondial, une sorte de libération des mœurs, qui fut politique là où il n’y avait plus de société naturelle (les pays de l’Est travestissant le communisme en dictature bornée et peu créative). Mars 1986 a été le premier gouvernement réactionnaire que la France ait connu depuis 1944. Ce n’est ni dit ni étudié, sans doute parce que le sujet est austère, et surtout parce qu’il reste actuel. De plus en plus actuel.

Ce matin, nouvel oukaze présidentiel pour les manuels scolaires et les enseignants – alors même que l’histoire n’est plus, Xavier Darcos dixit, une matière fondamentale. La traité et l’esclavagisme doivent être apprises de tous, dès les plus petites classes et surtout dès la prochaine rentrée. Nicolas Sarkozy n’apprend pas, il est incorrigible, il se répète, il est continu de parole. Jamais l’ensemble, toujours le point par point, avec laborieusement et après coup du tissu conjonctif pour démontrer la cohérence.

Difficile à vraiment formuler, car on est aux frontières du racisme… mais de quel droit le président de la République, de bien moindre généalogie française que nos immigrés peuplant depuis plusieurs générations nos banlieues et dans la mouvance française depuis les Bourbons, taille-t-il dans l’histoire de France et souligne à la plume les points à réformer dans nos vieux manuels d’histoire ? Il est bien moins imprégné de nous que ceux qu'il prétend réinstruire et qui nous ont rejoints après lui. La mémoire collective d’un peuple fait une nation, elle est un bien commun qui, comme la souveraineté, n’appartient à aucun individu, ni à aucune section du peuple, nul ne peut en disposer ni se l’approprier – commentaire libre de l’article 3 de notre Constitution. L’histoire d’un peuple commence dans la conscience de chacun, elle n’est pas le fruit d’un enseignement, d’un programme – elle ne se décrète pas et ne se fait ou ne se défait à la manière dont se composèrent et se mirent à jour les histoires officielles des partis communistes dans les pays léninistes au XXème siècle. Elle est synonyme de culture mais elle ne suppose pas des connaissances particulières, elle est une forme de poésie, elle est un amour du pays dont on se sent le produit de corps et d’âme. Ceux qui demandent notre nationalité ont le tropisme des adoptifs, aussi beau et valable que le droit de naissance. Nicolas Sarkozy admire-t-il la France ? telle qu’elle est ? et non telle qu’il veut la transformer ? la connaît-il autrement qu’en mode d’emploi ? De Valéry Giscard d’Estaing, Georges Pompidou avait dit à Philippe de Saint-Robert : ce n’est pas qu’il n’aime pas la France, c’est qu’il se croit supérieur (les épreuves, il est vrai et il est beau…, ont remis l’ancien président de la République à simplement aimer son pays, le nôtre, en partage et il a fini par le bien connaître, c’est son mérite d’avoir appris). Valéry Giscard d’Estaing qui à son époque paraissait bavard et égotiste, avec de fréquentes mises en scène, parfois pédantes – comparée à ce que nous subissons depuis un an, c’était en fait modeste et presque silencieux – fut forcément interrogé sur ce qu’était la France, pour lui. Il répondit, en solo : pour moi, la France, c’est ce qu’il y a de meilleur. Cela faisait un peu gastronome. Nicolas Sarkozy dispose de la France. Il a plus risqué notre image dans le monde, la crédibilité de nos valeurs en un an que Vichy pendant les pires quatre années de notre histoire depuis Azincourt et Isabeau de Bavière - alors, c'était sous la contrainte, maintenant ce serait sous quelle emprise ? Pas seulement l’image de sa fonction, mais les axes : la générosité, l’indépendance. Il y a placé les tests ADN, peut-être la « base-élèves ». Il a inventé le retour à l’atlantisme que plus personne n’imaginait, a fortiori ne souhaitait, ni en France, ni en Europe, ni aux Etats-Unis. Même sans-gêne (ou inculture ?) pour la Shoah, maintenant pour la traite.

[1] - Actes XXV 13 à 21 ; psaume CIII ; évangile selon saint Jean XXI 15 à 19

[2] - Actes XXVIII 16 à 31 passim ; psaume XI ; évangile selon saint Jean XXI 20 à 25

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