dimanche 11 mai 2008

Inquiétude & Certitudes - samedi 3 mai 2008


Samedi 3 Mai 2008

Mai 68 : étal de librairie

Trentième anniversaire du premier courriel collectif

Prier… tant de « choses », mais quelques visages, quelques âmes… vrais repères et ancrages dans la réalité de la vie tandis que l’absurde, l’échec, la mort, le dédain, les engrenages de l’indifférence ou de la bassesse dont personne n’est responsable mais qui sont notre civilisation et notre société… nous cernent et m’oppressent. M’oppriment. Ce n‘est pas nouveau, mais par moments, c’est assaillant. Mémoire de Pierre BEREGOVOY, aussi, autour de laquelle on s’agite. Pourquoi ? Relisant-déchiffrant mon carnet de l’époque, je vois que BARRE témoignant du « coup de blues » qu’un Premier ministre éprouve en quittant Matignon, a parlé de prier…[1]. Mystérieuse relation trinitaire, dont l’explicitation, autant qu’il est possible, commence par celle du Fils avec le Père. Le Christ dit ici le Père et non mon Père. La relation est de mutuelle habitation, au sens le plus fort et en fait indicible. Relation de Lui à Dieu, et de nous à Dieu, le Père, et à Lui, qui est de mouvement, de passage de départ. L’identité et la communion divines sont de l’ordre de l’être et au présent (donc, de l’ordre de l’éternité), mais toute la nature, toute la relation, et surtout toute l’accessibilité pour nous sont de l’ordre de l’action, une action nous prenant en entier, une action qui est prière et qui est passage (mouvement et station). Personne ne va vers le Père sans passer par moi… je suis dans le Père et le Père est en moi… c’est le Père qui demeure en moi et qui accomplit ses propres œuvres… je pars vers le Père. Les deux plans, celui de notre condition humaine que partage le Christ lors de ce « discours », la nôtre : accomplir des œuvres, en avoir accompli, demandez quelque chose en invoquant mon nom, et moi je le ferai, et le plan surnaturel auquel nous sommes appelés. Mais ce plan transparaît dès maintenant, le départ du Christ annonce même une condition humaine encore plus efficace et douée : celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père. Œuvres de Dieu-même. Visage et apparition d’un Dieu se laissant voir, autant dire : saisir, par le Christ au soir de la Cène, pendant sa vie terrestre, dans sa Passion, et selon sa Résurrection à nous mystérieusement, très concrètement aux apôtres, dont Paul sur son propre chemin.

Mai 68. je suis à l’étal – de la bonne librairie vannetaise – présentant quelques livres, une vingtaine, seconde liste que je relève à la main, après celle de la FNAC, il y a deux mois. – Selon des émission radio. il y aurait quelques quatre-vingt livres en vente ces semaines-ci sur « Mai 68 ». Ville de province, mais toute librairie nous met en petite ville. Ici, une auteur propagande son propre livre, elle est professeur de français en lycée à Lorient, concurrente de Vannes, elle aborde crânement les gens, qu’ils s’arrêtent ou non à la pile de ses livres, édition locale, trois titres en dix-huit mois, je m’y suis mis sur le tard, elle n’a pas d’âge, elle dit n’avoir pas d’imagination, elle raconte ses souvenirs et ceux des autres, dans le détail, des menus de réfectoire et l’ambiance table par table, quand elle avait douze ans, pas loin d’ici ni de la mer. Elle vend un peu, elle n’a pas internet. Un homme encore jeune, visage usé d’une souffrance qui ne patine pas les traits, triste et présent, seul et sans doute avec des poids dans la vie, il est avec moi devant les titres sur Mai 68. La plupart sont des commentaires ou des rappels d’un esprit, d’une philosophie. Sur les vingt titres, un témoignage, mais quarante ans après de Geismar, une somme historique, celle de Sirinelli, à tous les créneaux, et l’essentiel – à mes yeux – qui a été le début de la poussée du général de Gaulle vers la sortie, n’est pas donné. Le reste me paraît, encore aujourd’hui, fugitif. Deux livres sur le « voyage à Baden-Baden », qui expliquerait tout : la fin du gaullisme, une entente avec Moscou.
Je suis à l’époque dans deux univers qui n’ont rien de commun avec le début des confrontations entre étudiants et forces de l’ordre, l’un est un paysage amoureux comparable à un cimetière, il me boit entièrement, fiançailles ratées, rebond possible avec une autre jeune fille que je croyais disponible à la présentation que, par pitié ou par oppprtunité, on m’avait ménagée, courrier d’une rencontre antérieure, et l’autre monde était celui du classement de sortie de l’Ecole nationale d’administration. Je n’aurais pas le Quai d’Orsay dont je me disais alors que j’en rêvais depuis l’âge de dix ans, ce dont je ne suis plus sûr aujourd’hui, très rétrospectivement. J’étais à cent lieues d’analyser la politique française en termes d’un conflit larvé mais rendant compte de tout et surtout de l’avenir entre de Gaulle et son inamovible Premier ministre, Georges Pompidou. Mes notes de journal intime, à l’époque, sont remplies de stances sur ce concours de sortie et sur ces amours qui ne sont pas réciproques. C’est, bloqué à Carcassonne, chez mon grand-père maternel, que le 16 mai devant la télévision où échangent Cohn-Bendit, Geismar et Sauvageot, relayés aussitôt et avec une grande habileté par Pompidou, je commence à noter, non les événements, mais ce que j’en pense. A cette date – quarante ans après – je donnerai mon journal.
– Mais cet homme, il est resté là, opinant sur les livres, me disant qu’il a vêcu, très jeune cette période, comme moi, il me donne le même âge que lui, se trompant certainement d’au moins dix ans. A la trésorerie générale, il me raconte le harcèlement, le portable obligatoire même chez soi, les dossiers à emporter chez soi, les contrôles plus de rendement au nombre de contribuables que de rendement pour le Trésor, un climat qu’il ne sait peut-être pas exprimer mais qui me paraît de bêtise et contraste avec des entretiens que j’ai eus avec le haut de la hiérarchie. La gauche a trahi, il ne donne pas les dates, Michel Rocard ou Lionel Jospin ? Il est suivi sophrologiquement. Une société qui soigne les souffrances qu’elle inflige. Les bombardiers de l’OTAN faisant sur la Serbie et le Kosovo de 1998 un second passage pour les vivres et les caisses de médicament, l’armée prétendant à l’humanitaire. La nostalgie en politique suppose de la liberté personnelle, et celle-ci de ne pas être dans le dénuement.

Anniversaire, le trentième, des premiers courriels en nombre… en Californie. C’est cette mûe-là qui a le plus enfanté, mais quoi ? nous ne le savons pas encore. Du commerce ? de la créativité ? des échanges ?

[1] - 1ère lettre de Paul aux Corinthiens XV 1 à 8 ; psaume XIX ; évangile selon saint Jean XIV 6 à 14

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