mardi 6 mai 2008

lecture exposé des motifs projet de révision constitutionnelle

soir du mardi 6 mai 2008


D'une lecture personnelle de l'exposé des motifs gouvernemental,

je retiens surtout

1° ce qu'il faut empêcher absolument
. que le président puisse s'adresser en personne au Parlement
. que les ministres remerciés ou démissionnaires retrouvent automatiquement leur siège, sans revenir devant leurs électeurs

2° le trompe l'oeil
. la limitation à deux mandats présidentiels
. l'exception d'inconstitutionnalité (cela dépend du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation et non des parties dès la première instance)
. le droit de pétition désormais criblé par le seul Conseil économique et social
. les divers contrôles nouvellement attribués au Parlement alors qu'ils n'ont pas été rodés en un an de pratique discrétionnaire du président régnant

3° l'abandon du referendum d'initiative populaire

4° une manipulation ambigüe du Conseil supérieur de la magistrature
Pierre Arpaillange, très monté là-dessus, devrait s'exprimer

En fait, l'inspiration générale est que l'élection présidentielle est un mandat impératif de programme que sanctionne seulement la non-réélection éventuelle de l'élu - sans qu'en cours de mandat il soit possible de le mettre en question, et que la responsabilité doit s'entendre non comme d'avoir à répondre de ses actes, mais comme la prérogative de décider (seul).

La contre-attaque globale serait de ne retenir que le voeu présidentiel de l'amélioration des relations entre Parlement et gouvernement, et de proposer que la mise en forme se fasse - tranquillement et sans urgence - entre parlementaires, quitte à ce que le gouvernement les accompagne par des commissaires ad hoc.

J'espère donc le sursaut parlementaire et vais m'adresser par courriel à chacun des sénateurs et des députés en ce sens.


Ci-après mes annotations de la rédaction gouvernementale. Le texte originel est sur le site de l'Assemblée nationale.

en noir le texte gouvernemental, en rouge mes annotations


Document
mis en distribution
le 25 avril 2008

N° 820
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 avril 2008.
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
de modernisation des institutions de la Ve République,
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
AU NOM DE M. Nicolas SARKOZY,
Président de la République,
par M. François FILLON,
Premier ministre,
et par Mme Rachida DATI,
la garde des sceaux, ministre de la justice.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Lecture personnelle de l’exposé des motifs du projet de révision constitutionnelle BFF 6 V 08
après que j’ai communiqué au Premier ministre, en même temps qu’au président de la République, à chacun des membres du comité animé par Edouard Balladur et aussi du Conseil constitutionnel
les réflexions que m’inspiraient la « commande » présidentielle, puis le rapport Balladur, enfin la lettre du Président au Premier ministre


Mesdames, Messieurs,
Parce qu’elles sont au cœur de la vie politique et constituent le socle de l’action de l’État, les institutions ne sauraient rester à l’écart de l’effort de modernisation souhaité par les Français et engagé par le Gouvernement – la modernisation = une mise au goût du jour ou selon la mode ou les idées dominantes – n’est pas par elle-même une raison suffisante. Elle est constamment invoquée par la droite depuis 1986. Elle était l’apanage de tous les Français, notamment à la Libération quand fut établi le Plan de modernisation
Il appartient à ceux qui revendiquent la modernité de prouver que les institutions existantes sont dépassées, inefficaces, dangereuses..

En bientôt cinquante ans, la Constitution de la Ve République, inspirée par la pensée du Général de Gaulle – par l’expérience de la France depuis au moins la Grande Guerre , a fait la preuve de sa solidité et de son efficacité. Avec elle, la France a surmonté des crises majeures, connu plusieurs alternances, traversé sans blocage des périodes de cohabitation. Avec elle, l’autorité de l’État et la stabilité gouvernementale ont été confortées. Alors pourquoi la changer ?
En aucun cas, cet acquis ne doit être remis en cause ni même fragilisé – prétention aussitôt trahie : le quinquennat l’avait déjà fragilisée, la pratique de Jacques Chirac plus encore mais en douze ans, la pratique de la première année du quinquennat davantage par la confusion et la concentration des pouvoirs exécutif et législatif, le dessaisissement quotidien des ministres et la prétention d’abaisser le Premier ministre au rang de simple collaborateur. Pour autant, le monde et la société française ont changé depuis un demi-siècle, et ces changements affectent l’idée que nos concitoyens se font de la démocratie : la démocratie c’est la participation la plus directe possible, c’est la consultation – également directe – chaque fois qu’une question est grave et engage l’avenir de tous : ratification du traité de Lisbonne, ratification des présents projets de révision constitutionnelle. Il convient d’en tirer les conséquences sur notre mode de gouvernement.

Au surplus, notre vie démocratique a déjà connu, depuis 1958, plusieurs inflexions résultant soit d’une modification des textes, avec notamment l’instauration du quinquennat, dont il avait été assuré par tous ses promoteurs de Georges Pompidou à Lionel Jospin, puis Jacques Chirac, qu’il ne changerait en rien nos institutions soit d’une évolution des pratiques – lesquelles ? étaient-elles constitutionnelles ?. Jamais toutefois l’équilibre général de nos institutions n’a été repensé dans une réflexion d’ensemble. Pourquoi se justifier ainsi si l’on a dit que ce qui va être proposé ne remet rien en cause et ne fragilise rien ?

Nos concitoyens aspirent profondément à une République exemplaire, à une démocratie irréprochable. – c’est le texte du candidat puis du président de la République. Si c’est le vœu des Français, le leur demander directement. La République est exemplaire et la démocratie irréprochable si l’on applique la Constitution à l’exemple du général de Gaulle.

Fort de ce constat, et soucieux d’engager une démarche ambitieuse et cohérente, le Président de la République a, par le décret n° 2007-1108 du 18 juillet 2007, confié à un comité de réflexion, composé de personnalités incontestables et représentatives de différents courants d’opinion, le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République – elles n’ont été déséquilibrées que parce qu’il n’a pas été tenu compte du désaveu populaire de 1997 et de 2005 – chaque fois, le président régnant s’est maintenu – il n’a pas été non plus tenu compte de la si faible participation au referendum sur le quinquennat. Les institutions sont déséquilibrées parce que les prérogatives présidentielles – considérables en droit et en jurisprudence – ne tiennent leur légitimité que de la soumission du président au suffrage universel direct, dont il est issu..

À l’issue de trois mois et demi de consultations et de travaux internes – c’est le cas de l’écrire – d’expérience, les suggestions et observations à ce comité ou au président de la République ou au Premier ministre n’ont été gratifiées que d’accusé de réception en copier-coller prenant acte d’une approbation qui n’était pas, de ce désir (octroyé par le président) que les citoyens participent , ce comité, présidé par M. Édouard Balladur, a remis ses conclusions le 29 octobre dernier. Affirmant le besoin d’une démocratisation de nos institutions, il a formulé un grand nombre de recommandations. À la demande du Président de la République, le Premier ministre a soumis la plupart de ces propositions à consultation auprès des différentes forces politiques du pays en vue de l’élaboration d’un texte susceptible de recueillir un accord large – pourquoi pas au pays lui-même ?.

Le présent projet de loi est le fruit de l’ensemble de ces réflexions et consultations. Il rassemble, parmi toutes les mesures souhaitables de modernisation des institutions, celles qui, dans la hiérarchie des normes, relèvent du niveau constitutionnel ; les autres seront reprises le jour venu – quel jour ? dans les instruments juridiques adéquats, sur la base de la Constitution révisée.

Le texte s’articule autour de trois orientations qui se confortent mutuellement : un pouvoir exécutif mieux contrôlé, un Parlement profondément renforcé et des droits nouveaux pour les citoyens.

Une première série de dispositions vise à rénover les modalités d’exercice du pouvoir exécutif. Elle est directement inspirée de la volonté de République exemplaire portée par le Président de la République dans le cadre de la campagne électorale.
Afin de garantir une respiration démocratique dans l’exercice des fonctions suprêmes et d’inviter leur titulaire à agir plutôt qu’à chercher à se maintenir au pouvoir, l’article 2 du projet de loi complète l’article 6 de la Constitution pour prévoir que nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs. – disposition dangereuse et qui n’est pas une concession du pouvoir actuel.

Dangereuse, parce qu’en cas de crise grave, l’homme ou la femme d’expérience serait le seul/la seule de tous les citoyens à ne pouvoir se présenter, alors qu’une permanence et une continuité pourraient être vitales. C’est supposer que nous n’aurons jamais une telle crise.

C’est de surcroît discriminatoire.

C’est un trompe-l’œil car seul le général de Gaulle a exercé pleinement la fonction présidentielle pendant à peine plus de dix ans, ses successeurs ou bien n’ont pas terminé ou fait plus d’un mandat, ou bien ont vu leurs prérogatives dimunuées substantiellement par la « cohabitation » avec une majorité parlementaire contraire à leurs vœux.

La « respiration démocratique », c’est la dissolution, c’est le referendum en cours de mandat présidentiel. L’ « apnée » démocratique, nous y sommes, c’est de considérer l’élection présidentielle comme un mandat impératif de programme, irrévocable pour cinq ans, alors qu’elle est un choix de personne – et de n’admettre de sanction populaire éventuelle que dans la non-réélection.

La limitation du nombre des mandats a en outre deux inconvénients : elle handicape l’exercice du second et ouvre la guerre de succession dès son ouverture (les deux dernières années de Jacques Chirac l’ont montré) ; dans le sytème en vigueur depuis le 16 Mai 2007, il n’y aurait plus de sanction poulaire du président réélu puisqu’il ne serait pas éligible en fin de son second mandat

L’article 3 du texte modifie l’article 8 de la Constitution en prévoyant l’intervention d’une loi organique plafonnant le nombre de membres du Gouvernement à un niveau qu’elle déterminera. Seront distingués ministres de plein exercice, d’une part, ministres délégués et secrétaires d’État, d’autre part. Cette disposition introduit une discipline nécessaire dans une République moderne et stabilisera les structures administratives.

C’est aussi peu moderne et rigide que possible. Un organigramme gouvernemental, déterminant en partie l’organigramme des administrations centrales, dépend des circonstances, des sujets du moment, ils changent de décennies en décennies et parfois plus rapidement encore. Le chiffre de quinze avancé par le candidat en 2006-2007 a été transgressé par la flopée de secrétaires d’Etat. La collégialité gouvernementale – qui est décisive pour la délibération démocratique interne à l’exécutif et pour la cohésion, la solidarité de l’équipe – suppose qu’il n’y ait pas de hiérarchie ou le moins possible entre les membres du gouvernement, tous à pied égalité vis-à-vis du Premier ministre et du Président.


Suivant les recommandations du comité présidé par M. Balladur et inspiré par un souci de transparence et d’exemplarité républicaine, l’article 4 du projet modifie l’article 13 de la Constitution pour y prévoir que, pour certaines des nominations relevant du Président de la République, les emplois ne seront pourvus qu’après avis d’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement. Parce qu’elles ne relèvent pas de l’autorité hiérarchique directe du Gouvernement, parce qu’elles ne sont soumises par ailleurs à aucune règle ou procédure particulière et parce qu’elles revêtent une importance particulière pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation, ces nominations feront désormais l’objet d’un droit de regard du Parlement. Il reviendra à une loi organique de fixer la composition de la commission, de poser le principe de l’audition publique des personnalités pressenties et de préciser la liste des emplois concernés. Il était facile de roder la proposition dès le 16 Mai 2007 – que de nominations en totale discrétion du président de la République, voire de son seul secrétaire général. La procédure trouvera également à s’appliquer, en vertu des articles 25, 28 et 31 du projet de loi, aux membres du Conseil constitutionnel, c’est très dangereux pour l’indépendance de ce Conseil qui doit être absolue aux personnalités qualifiées visées à l’article 65 de la Constitution relatif au Conseil supérieur de la magistrature id°, ainsi qu’au défenseur des droits des citoyens créé par le présent projet de loi. – le vrai défenseur, c’est le président de la République dont il ne serait pas inutile, si l’on veut tenir compte de l’expérience de ces mois-ci, de spécifier qu’il est le garant des libertés fondamentales, quitte à être attaqué là-dessus pour viol de la Constitution – et le système de défenseur, c’est l’organisation juridictionnelle du pays et l’indépendance de la magistrature du siège.


L’article 16 de la Constitution donne au Président de la République des pouvoirs exceptionnels en cas de crise d’une extrême gravité. Sans remettre en cause le principe même de cette disposition, l’article 5 renforce les garanties qui entourent son application. Il prévoit non plus seulement la consultation préalable du Conseil constitutionnel, mais aussi la saisine possible de ce dernier par les parlementaires à l’issue d’un délai de trente jours, puis son auto-saisine un mois plus tard et à tout moment au-delà, aux fins de vérifier que les conditions de mise en œuvre de ces pouvoirs sont toujours réunies. – a priori ni dangereux ni utile.

La saisine « possible » du Conseil constitutionnel par des parlementaires na pas de sens, puisque l’avis du Conseil constitutionnel n’est pas contraignant pour le président de la République ayant décidé la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels. La vraie garantie est la réunion de plein droit du Parlement, elle a pour objet un contrôle politique – et non la poursuite du travail législatif habituel (lettre du général de Gaulle au Premier ministre sur le rôle du Parlement, en date du 30 Août 1961). La recevabilité d’une motion de censure pendant l’exercice de ces pouvoirs exceptionnels a fait l’objet d’une décision d’incompétence du Conseil constitutionnel, le 14 Septembre 1961, et d’une appréciation négative du président de l’Assemblée nationale, le 19 Septembre 1961. C’est le seul point qui serait – peut-être – à méditer, s’il fallait absolument délibérer d’urgence sur ce point de nos institutions


L’article 6 du projet de loi modernise le régime du droit de grâce reconnu au Président de la République par l’article 17 de la Constitution, dans un sens plus respectueux des décisions de justice. Le droit de grâce aura désormais vocation à ne s’exercer qu’à titre individuel et après avis d’une commission dont la composition sera fixée par la loi. Le président de la République est déjà très conseillé par le crible actuel des demandes de grâce. Les décisions de portée générale ne s’opposent pas à une décision de justice mais plutôt à une législation (ainsi la remise grâcieuse des amendes et contraventions au titre de la cireculation automobile). En revanche, des aministies dont certaines personnalités en vue bénéficient sont d’opportunité. S’il y a à réfléchir, ce serait simplement pour disposer, sans mobiliser la Constitution que les avis, déjà existants en procédure, sont publiées, même s’ils sont contraires à la décision finale du président de la République.

Ce soudain souci de consulter et d’être conseillé avant de décider – au titre des articles 4 et 6 du projet de loi – serait plus crédible, si le comportement du président actuel avait de concertation depuis le 16 Mai 2007.


Issu de circonstances historiques très spécifiques, le droit de message du Président de la République au Parlement, tel que le définit l’actuel article 18 de la Constitution, apparaît aujourd’hui mal adapté. Aussi l’article 7 du projet propose-t-il que le Président de la République puisse non plus seulement adresser un message écrit, mais aussi prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès ou devant l’une ou l’autre de ses assemblées ; sa déclaration pourra être suivie d’un débat hors sa présence – mais non d’un vote qui remettrait en cause la nature même du régime. Cette procédure nouvelle aurait vocation à n’être mise en œuvre que dans des moments particulièrement solennels de la vie de la Nation.

C’est le point central de la révision. Il est camouflé par le nombre des autres points, il est banalisé au possible. L’adopter c’est changer de régime. Le président est responsable devant le peuple qui l’a élu, le Premier ministre et le gouvernement sont responsables solidairement devant l’Assemblée nationale qui peut les censurer. Si le président comparaît devant l’une ou l’autre des deux chambres, ou devant celles-ci ensemble, il rend secondaire les prestations gouvernementales devant le Parlement, et donc secondaires aussi les sanctions possibles de la responsabilité gouvernementale. Le contrôle disparaît tandis que le président de la République reste intouchable. Si par des résolutions que peut adopter la chambre ou les chambres devant lesquels il se sera présenté – que le président soit absent ou présent lors de leur débat – la responsabilité présidentielle se trouvait de fait marquée, mais sans sanction, on irait vers la confusion complète. A quoi sert d’ailleurs ce débat, et qui défendra le point de vue présidentiel, en l’absence du président ?

Il s’agit au mieux d’un caprice personnel, au pis de l’amorce d’un régime présidentiel puisque d’une part le droit de dissolution est considéré en désuétude, seule la réélection présidentielle était l’expression démocratique du nouveau régime, et d’autre part la responsabilité gouvernementale est éclipsée par la prestation solenelle du président de la République.

Puisqu’on invoque la modernité, le président de la République a tout moyen technique et politique de s’adresser à l’organe dont il est issu : le peuple

Sans modifier les articles 5 et 20 de la Constitution, qui définissent les rôles respectifs du Président de la République et du Gouvernement, l’article 8 atténue la singularité que représente l’affirmation de l’article 21, selon laquelle le Premier ministre est « responsable de la défense nationale » alors, d’une part, que le Président de la République est le chef des armées, d’autre part, que le Gouvernement est collégialement responsable de l’ensemble de la politique de la Nation devant le Parlement. La rédaction proposée vise à permettre une clarification des responsabilités dans cette matière.

Cet exposé de motifs, trop distinct du nouveau libellé proposé, omet le point décisif, qui est que la révision supprimerait la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement sur un sujet capital : la défense nationale. Le texte actuel – certainement voulu à la virgule par le général de Gaulle, étant donné le domaine visé qui lui était à tous égards particulièrement cher – fixe des responsabilités, non seulement politiques et éphémères mais historiques pour le Premier ministre personnellement. D’ailleurs, François Fillon en défendant personnellement, au lieu que ce soit le ministre des Affaires érangères ou le ministre de la Défense, l’option du président de la République d’augmenter nos effectifs en Aghanistan, s’est parlementairement conduit comme Michel Debré défendant en Octobre 1960 les crédits de la « force de frappe »

Le projet comporte, en deuxième lieu, un ensemble cohérent, structuré et audacieux de mesures destinées à renforcer le Parlement. Le constat d’un déséquilibre de nos institutions au détriment du pouvoir législatif est largement partagé et l’addition des instruments du parlementarisme rationalisé ne correspond plus, dans le contexte actuel, aux exigences d’une démocratie irréprochable C’est l’abus des prérogatives gouvernementales jusqu’en 2007, et maintenant le dessaisissement du gouvernement – seul responsable et donc contrôlable devant le Parlement – qui « déséquilibrent nos institutions au détriment du pouvoir législatif » (qu’il vaut mieux appeler pouvoir délibératif, vu le peu de cas qui est fait des propositions parlementaires)


La revalorisation du Parlement passe d’abord par l’énonciation solennelle de ses missions ; tel est l’un des objets de l’article 9 du projet, qui comble une lacune significative de l’actuel article 24 de la Constitution.

Cet aveu que la responsabilité du gopuvernement devant le Parlement n’est pas le mode naturel de son contrôle, montre l’abus de sens qui est fait depuis longtemps – et que consacre d’abondance le président régnant – du mot responsabilité. Ce mot – prendre ses responsabilités – veut dire aujourd’hui : décider et le plus souvent seul, alors qu’originellement être responsable, c’est devoir répondre de ses actes, au besoin devant une juridiction pénale.

L’histoire de la responsabilité parlementaire des ministres commence en Angleterre comme en France, sous l’empire de la Constitution de 179 consacrant la pratique de l’Assemblée dès 1789, par les procédures de mise en accusation.

L’exposé des motifs comme l’adjonction proposée témoigne d’une totale inculture juridique ou d’un grand cynisme. Car quel autre contrôle que la censure – prévue et organisée par notre Constitution – ou sa menace.

Elle exige ensuite que, pour les missions ainsi identifiées (vote de la loi et contrôle de l’action du Gouvernement), les assemblées disposent de prérogatives renforcées.
Plusieurs mesures visent, à cet effet, à leur donner davantage de souplesse dans les modalités d’exercice de leurs missions et dans leur organisation interne.
L’article 34-1 nouveau dans sa rédaction issue de l’article 12 du projet leur offrira la faculté, à l’instar de la grande majorité des Parlements étrangers, d’adopter, en tout domaine, des résolutions n’ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation – c’est ce qui est à rapprocher de la prestation du président, en personne, à la tribune du Parlement. Des résolutions seront votées d’approbation ou de censure, mais sans aucun sens constitutionnel; déchargée de cette fonction tribunitienne, la loi pourra retrouver son caractère normatif. Il appartiendra aux règlements des assemblées d’encadrer l’exercice de ce pouvoir nouveau, par exemple en fixant un délai minimum entre le dépôt d’un projet de résolution et son inscription à l’ordre du jour ou encore en fixant des règles relatives aux modalités de signature et de présentation des propositions de résolution.
Liberté sera laissée aux assemblées parlementaires d’instituer en leur sein jusqu’à huit commissions permanentes, au lieu de six aujourd’hui. Cette modification apportée à l’article 43 de la Constitution par l’article 17 du projet entend tout à la fois favoriser un travail plus efficace grâce à des effectifs resserrés et des compétences plus cohérentes, et permettre la traduction, dans l’organisation interne des assemblées, d’enjeux politiques nouveaux.


L’innovation la plus importante au titre de cette première série de mesures concerne les modalités de fixation de l’ordre du jour, qui, selon l’article 22 du projet modifiant l’article 48 de la Constitution, sera désormais arrêté par la conférence des présidents de chaque assemblée et non plus par le Gouvernement. Le texte repose sur une logique de concertation et de consensus. À défaut sont cependant institués des mécanismes garantissant le bon fonctionnement des pouvoirs publics : indépendamment des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, qui obéissent nécessairement à un régime spécial, le Gouvernement conservera la faculté d’imposer l’examen de textes préparés ou acceptés par lui, mais sur la moitié seulement du temps de séance, l’autre moitié étant à la libre disposition des assemblées et partagée à leur gré entre les fonctions législatives – pour l’examen de projets ou propositions de lois – et les fonctions de contrôle. Pour éviter tout risque de blocage en cas de discordance entre majorité gouvernementale et majorité sénatoriale, le texte prévoit en outre qu’une assemblée saisie d’un texte voté par l’autre aura l’obligation de l’examiner dans un délai d’un mois, si du moins le Gouvernement le lui demande.

Ces complications seraient inutiles si l’on était dans un système respectueux des personnes – ce qui est le cas dans le huis-clos des commissions – si les débats étaient d’idées et d’expérience et surtout si les votes étaient en conscience, seule la question gouvernementale de confiance, à ne poser que rarement, imposant une discipline de vote.

A juste titre, le Conseil d’Etat donne un avis négatif sur cette proposition.

Elle serait inutile si le mode de scrutin pour élire les députés à l’Assemblée nationale changeait et devenait la représentation proportionnelle – la pluralité serait assurée et les chances de l’opposition, des oppositions de se faire entendre ou qu’apparaissent des majorités d’idées au lieu des majorités figées d’aujourd’hui seraient sérieuses.

Adopter ces propositions c’est anticiper qu’on ne changera pas le mode de scrutin.


L’article 49, troisième alinéa de la Constitution est l’instrument emblématique du parlementarisme rationalisé. Il ne saurait rester – pétition gratuite, participant du goût en vigueur de s’attaquer aux « tabous ». Tout ce qui est de structure ou de tradition en France est considéré aujourd’hui comme vieillerie ou superstitition… en dehors d’une réforme qui se donne pour ambition de donner au Parlement une plus grande maîtrise du travail législatif et un rôle plus important dans la direction de notre pays. L’article 23 du projet en restreint donc le possible usage aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale et, pour le surplus, à un texte par session. Cette manie du quota – aussi bien pour les représentations, les embauches et toutes questions de personne – étendue aux matières est une rigidité sans fondement. Certaine session ne verra se présenter aucun texte appelant a qestion de confiance, une autre en verra beaucoup. Surtout si le gouvernement est ce qu’il prétend être : de réforme tous azimuts.
Plusieurs modifications tendent par ailleurs à améliorer la qualité de la loi en même temps qu’à renforcer le Parlement.


Ces différentes propositions devraient être le fruit d’une concertation approfondie et sans urgence, ni ordre du jour préétabli, entre les parlementaires, à leur expérience personnelle et avec le conseil des administrateurs des différentes assemblées, y compris le Conseil économique et social. Quitte à ce que des commissaires du gouvernement – pris dans le Conseil d’Etat ou dans l’entourage du Premier ministre et du ministre chargé des relations du gouvernement avec le Parlement – participent aux discussions et travaux les plus libres possibles : en groupes parlementaires, en commissions des lois, en commission ad hoc, et en commissions paritaires mixtes composées de sénateurs et de députés.


Celui-ci disposera, comme l’avait recommandé le comité présidé par M. Balladur, de davantage de temps pour examiner les textes qui lui sont soumis. Selon l’article 16 du projet, qui complète à cette fin l’article 42 de la Constitution, un délai d’un mois sera ainsi ménagé entre le dépôt d’un texte et son examen en séance ; il ne pourra y être dérogé qu’en cas d’urgence. De plus, la constatation par le Gouvernement de l’urgence, qui par ailleurs permet de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire après une seule lecture, pourra être mise en échec par un veto conjoint des conférences des présidents des deux assemblées ; tel est l’apport de l’article 19 du projet, modifiant l’article 45 de la Constitution. L’article 20 est un article de coordination concernant le régime des lois organiques défini à l’article 46 de la Constitution.


L’article 14 permet, sur demande du président de l’assemblée dont elles sont issues, l’examen par le Conseil d’État des propositions de loi, et non plus seulement des projets du Gouvernement. Cet examen interviendra avant le passage en commission et dans des conditions qui seront précisées par une loi.


L’article 15 du projet se donne pour objectif de lutter contre l’inflation législative – qui en est responsable, sinon le gouvernement ? se servant, comme cela a été relevé par toutes les autorités juridictionnelles et paralementaires, de la loi comme d’un panneau d’affichage et de propagande en favorisant un meilleur respect du partage entre le domaine de la loi et le domaine du règlement : à cet effet, l’article 41 de la Constitution modifiée donnera au président de chaque assemblée, et non plus au seul Gouvernement, la faculté d’opposer l’irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative. Quant à l’article 11, il étend, à l’article 34 de la Constitution, le domaine des lois de programmation, aujourd’hui limité à l’action économique et sociale de l’État. Il rend par exemple possible le vote par le Parlement d’une loi de programmation militaire assortie d’un rapport fixant les grandes orientations de la politique de défense, ce qu’une récente jurisprudence du Conseil constitutionnel semble interdire dans l’état actuel du texte.


La modification apportée par l’article 18 du projet à l’article 44 de la Constitution a un double objet. En précisant que le droit d’amendement s’exerce en séance ou en commission dans les conditions et limites fixées par le règlement de chaque assemblée, dans le cadre déterminé par une loi organique, elle permet d’abord l’institution de procédures réellement simplifiées pour l’examen de textes à caractère technique : le travail en commission sera, dans cette hypothèse, soumis à une simple ratification par l’assemblée plénière. Elle ouvre ensuite la voie, conformément à une recommandation du rapport du comité présidé par M. Balladur, à la fixation par la conférence des présidents d’une durée programmée d’examen des textes, à l’issue de laquelle la discussion serait close. Mise en œuvre avec discernement, cette procédure, qui existait d’ailleurs dans les premières années de la Ve République, apportera une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire et apparaît ainsi comme une mesure d’accompagnement du resserrement de l’article 49, troisième alinéa. Elle renforcera, plus généralement, l’intérêt des débats.

La nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de l’article 42 de la Constitution (article 16 du projet) est un élément majeur dans l’entreprise de renforcement du Parlement. Réserve faite des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que des projets de révision de la Constitution, le texte discuté en séance plénière ne sera plus le projet du Gouvernement, mais le texte issu des travaux de la commission qui en a été saisie. Cette revalorisation essentielle du rôle des commissions bouleversera les méthodes de travail et les équilibres actuels dans l’élaboration de la loi. Elle est le gage, pour le travail parlementaire, d’une efficacité et d’un intérêt accrus. Elle devra s’accompagner d’une plus grande publicité des travaux des commissions et de la participation à ces derniers des représentants du Gouvernement.

L’entreprise de revalorisation du Parlement vise également ses fonctions de contrôle.
Tout en rappelant l’équilibre, aujourd’hui prévu aux articles 47 et 47-1 que la Cour des comptes doit maintenir entre Gouvernement et Parlement en matière de lois de finances et de financement de la sécurité sociale, l’article 47-2 nouveau, tel qu’issu de l’article 21 du projet, précisera que la Cour, qui contribue à l’évaluation des politiques publiques, assiste chacune des assemblées dans l’exercice de leur mission générale de contrôle. Liberté leur est laissée de s’assurer par ailleurs tout autre concours utile. L’annonce par le président de l’Assemblée nationale, dans la lignée des recommandations du comité présidé par M. Balladur, de la constitution, au sein de l’Assemblée, d’un comité d’évaluation et de contrôle renforce le dispositif. Ce comité pourra notamment coordonner les demandes d’assistance qui émaneront non plus seulement des commissions des finances et des affaires sociales, mais de l’ensemble des commissions permanentes.


L’article 22 imposera, par la modification qu’il apporte à l’article 48 de la Constitution, l’organisation de séances de questions d’actualité pendant les sessions extraordinaires, ce qui jusqu’alors n’était qu’une faculté exceptionnellement mise en œuvre.


Le projet de loi constitutionnelle comporte par ailleurs, en son article 13, une restriction notable des prérogatives de l’exécutif et en particulier du Président de la République en matière internationale – pure démagogie : sans motion de censure, l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan n’aurait pas même été soumis à la commission de défense de l’Assemblée, et corrélativement un renforcement souhaitable des pouvoirs du Parlement : il soumet à autorisation parlementaire la prolongation d’une intervention des forces armées à l’étranger au-delà d’une durée de six mois – étant observé qu’un tel acte d’autorisation, qui trouverait son fondement au deuxième alinéa nouveau de l’article 35 de la Constitution, ne saurait s’accompagner d’aucune condition concernant les modalités opérationnelles d’engagement des troupes. Sitôt l’intervention engagée, le Gouvernement aura déjà été tenu d’en informer le Parlement dans les plus brefs délais, l’information pouvant donner lieu à débat sans vote. – pourquoi – en cela, comme en toutes propositions de ce genre, vg. les nominations – n’avoir pas commencé dès le 16 Mai 2007 : rien ne l’interdit, si rien n’y obligeait…


Le rôle du Parlement est aussi appelé à se renforcer en matière de politique européenne. En plus de la place que vient de reconnaître à chacune des assemblées la révision constitutionnelle du 4 février 2008 dans le contrôle du principe de subsidiarité, l’article 88-4 dans sa rédaction issue de l’article 32 du projet prévoira l’obligation de transmission au Parlement de tous les projets et propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne, et non plus seulement des actes législatifs. Le texte consacre également la création, dans chaque assemblée, d’un comité chargé des affaires européennes, dont les compétences ne devront pas empiéter sur celles des commissions de l’article 43. Comme dans tous les autres domaines, et notamment en politique internationale, le droit de résolution s’appliquera en matière européenne, avec la particularité de pouvoir s’exercer en dehors même des sessions, de sorte que le Parlement puisse réagir en temps utile aux projets de texte en discussion au Conseil.


L’article 88-5 de la Constitution, issu de la révision de 2005, introduisait une exception inédite au principe rappelé à l’article 3 selon lequel le peuple, seul détenteur de la souveraineté, l’exerce indifféremment par ses représentants ou par la voie du référendum. Aussi l’article 33 du projet le modifie-t-il pour aligner la procédure d’adoption des lois autorisant la ratification des traités d’élargissement non pas sur la procédure législative ordinaire mais, compte tenu de leur importance, sur celle qui s’applique dans le cadre de l’article 89 aux projets de révision constitutionnelle. Ainsi qu’il est dit au III de l’article 35 du projet, réserve est faite, comme en 2005, des adhésions décidées avant le 1er juillet 2004, qui suivront la voie législative normale ; est concernée, en pratique, la Croatie. – il est fantastique de réviser la Constitution – ou de revenir sur des promesses en campagne électorale voire des exigences du parti majoritaire monté alors contre le président régnant par celui qui lui a finalement succédé – uniquement pour réserver le cas d’un pays étranger plutôt que d’un autre !


Un Parlement renforcé est enfin un Parlement plus représentatif.


C’est pourquoi l’article 9 du projet, complétant sur ce point l’article 24 de la Constitution, prévoit que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population ». L’objet de cette disposition est de surmonter les contraintes résultant de la décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 du Conseil constitutionnel, laquelle a eu pour effet d’interdire toute évolution de la composition du collège électoral sénatorial dans le sens d’un équilibre plus juste, en termes démographiques, entre petites, moyennes et grandes communes.


Le projet de loi met également fin à une singularité qui voulait que les Français établis hors de France ne soient représentés qu’au Sénat ; ils le seront aussi, en vertu de l’article 24 de la Constitution résultant de l’article 9 du projet, à l’Assemblée nationale. Pierre Messmer, d’expérience des Français à l’étranger, notamment dans nos anciennes colonies, avait jugé que des débats politiques intestins de ces compatriotes sur la scène étrangère ne grandiraient pas le pays, et que le suffrage indirect – donc une représentation au seul Sénat – était la seule possible, et qu’elle est suffisante. Rien n’empêche ces compatriotes de voter par procuration ni la loi de prévoir le cas où ils n’ont plus aucune résidence ni correspondant en France


Afin de mieux garantir l’égalité du suffrage, l’article 10 modifie par ailleurs l’article 25 de la Constitution pour imposer, tant pour l’élection des députés que pour celle des sénateurs, que les projets ou propositions tendant au redécoupage des circonscriptions ou à la répartition des sièges entre ces dernières soient soumis à l’avis public d’une commission indépendante dont la loi fixera les règles d’organisation et de fonctionnement.


L’article 25 dans sa nouvelle rédaction permettra en outre aux membres du Gouvernement cessant d’exercer leurs fonctions ministérielles de retrouver, le cas échéant, le siège dont ils étaient auparavant titulaires au Parlement sans avoir, comme aujourd’hui, à provoquer une élection partielle au caractère quelque peu artificiel. Cette réforme avait déjà été envisagée en 1974. Valéry Giscard d’Rstaing, devenue une référence pour les gaullistes, en 1974 !
Cette proposition est – après celle que le président vienne en personne devant le Parlement – un changement de régime et un retour aux Républiques d’antan. Elle participe d’une mise au rancart du suffrage universel, qui ne sera plus questionné que tous les cinq ans. Bien au contraire, la réélection de l’ancien ministre montrera d’une part s’il a ou non réussi, et d’autre part si son renvoi était fondé. La possibilité de sa démission pour se faire réélire donne d’ailleurs au ministre d’origine parlementaire tout son poids politique au gouvernement ; elle lui enjoint aussi de bonnes relations avec son suppléant. D’ailleurs, il est notoire que ce type de ministre ne quitte pas sa circonscription d’une semelle. Nul ne fait partie d’une assemblée qu’élu, la quitter c’est se démettre, sous quelque prétexte que ce soit. Le délai d’un mois pour opter entre la position de parlementaire et de ministre, en début de législature, tient à cela.
Disposition contraire aussi à la pétition d’assurer une meilleure représentativité du Parlement : des non-élus siégeant au titre d’une élection antérieure ?


Enfin, il y a lieu d’indiquer que les droits nouveaux reconnus au Parlement ne produiront tous leurs effets sur l’équilibre des institutions que si l’opposition dispose de garanties renforcées, l’effet de discipline qui s’attache au fait majoritaire pouvant limiter la portée de prérogatives théoriques. Aussi le projet prévoit-il en son article 24 de surmonter les obstacles constitutionnels qui s’opposent aujourd’hui à ce que soient garantis des droits spécifiques aux groupes parlementaires qui n’ont pas déclaré appartenir à la majorité – qu’estce que cette déclaration d’allégeance groupée ? le droit de vote au Parlement est individuel, quelle que soit la discipline consentie qui soutient le Gouvernement (article 51-1 nouveau de la Constitution). Sur cette base, des droits particuliers et nouveaux seront reconnus à l’opposition en matière, par exemple, de création de commissions d’enquête ou de missions d’information, ou de représentation dans diverses structures telles que les commissions d’enquête, missions d’information et équipes de contrôle de l’exécution des lois. En dehors même de la sphère parlementaire, l’article 1er du projet se propose d’ouvrir la possibilité, par un ajout à l’article 4 de la Constitution, de garanties spécifiques au profit des partis d’opposition ; sont par exemple visées les règles de financement ou les règles protocolaires.


La réforme des institutions ne saurait limiter son ambition à l’amélioration des rapports entre pouvoirs constitués. Elle vise aussi à ce que les citoyens soient davantage écoutés, à ce que leurs aspirations soient mieux prises en compte, à ce que leurs droits soient garantis plus efficacement. À cette fin, le projet comporte, en troisième et dernier lieu, quatre séries de mesures.


Il ouvre d’abord la voie à une profonde réforme du Conseil économique et social. L’article 29 prévoit la possibilité de le saisir par voie de pétition citoyenne ainsi disparaît le vœu si souvent exprimé – depuis 1974… précisément, mais à la base du peuple – que soit institué le referendum d’initiative populaire. Le comité Balladur ne l’admettait qu’avec réticence et en trompe-l’œil, puisque le Parlement pouvait en traitant le sujet dans l’année éviter au pouvoir de convoquer le referendum – D’autre part, le droit de pétition et l’accueil de celle-ci sont traditionnels en France et actuellement prévus par le règlement des assemblées (Assemblée nationale art. 147 à 151 et Sénat 87 à 89 bis). Ils ne sont ni à créer ni à organiser, et ce serait les réduire que de les attacher au Conseil économique et social - Même les propositions Balladur si timides ne sont pas reprises. En fait de modernité, on croirait lire Esmein dans ses éditions les moins « anciennes » (la 8ème éd. de son manuel de droit constitutionnel . 1927 . p. 478) : « Quant à l’initiative populaire, c’est incontestablement un élément de trouble » et l’article 30 affirme sa vocation particulière à intervenir sur les questions relatives à l’environnement. Ces mesures préfigurent une vaste réforme de la composition du Conseil, qui devra faire davantage de place aux organisations non gouvernementales, aux jeunes, notamment aux étudiants, et le cas échéant aux grands courants spirituels. Un projet de loi organique sera déposé à cet effet dans les prochaines semaines.

La réforme de 1974 élargissant la saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs a marqué, en son temps, un progrès majeur de l’État de droit. Le projet propose, en ses articles 26 et 27, de franchir une étape supplémentaire en ouvrant aux justiciables la faculté de contester, par voie d’exception, la constitutionnalité de dispositions législatives déjà promulguées, réserve faite des textes antérieurs à 1958 – c’est un trompe-l’œil puisqu’il faut aller jusqu’au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Une véritable avancée serait que l’exception puisse être soulevée à l’américaine dès que se noue l’instance..
Les dispositions en cause seraient contrôlées sous l’angle non pas de la procédure ou de la compétence, qui n’intéressent que les rapports entre les pouvoirs publics, mais de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ce contrôle a posteriori serait confié au Conseil constitutionnel, charge aux juridictions des ordres administratif et judiciaire d’écarter les questions ne soulevant pas de difficulté sérieuse et de renvoyer les autres, selon les cas, au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, chacune de ces cours suprêmes assurant pour sa part un rôle de filtre avant transmission au Conseil constitutionnel. Seraient ainsi conciliés l’exigence de sécurité juridique, le respect du Parlement, la nécessité de ne pas engorger le Conseil constitutionnel et le progrès dans la protection des droits fondamentaux.


Si le Conseil constitutionnel et les juridictions administratives et judiciaires ont un rôle éminent dans la protection des libertés, la garantie des droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations appelle aussi des instruments plus souples, susceptibles notamment de faire une juste place aux considérations d’équité. L’institution du médiateur de la République par la loi du 3 janvier 1973 a constitué, à l’époque, un progrès notable ; l’absence de saisine directe et la création ultérieure d’autorités dont la multiplicité affaiblit l’efficacité en ont cependant limité la portée. C’est pourquoi l’article 31 du projet institue, en un article 71-1 nouveau de la Constitution, un Défenseur des droits des citoyens, qui pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ; une loi organique précisera ses modalités d’intervention ainsi que les autres attributions susceptibles, le cas échéant, de lui être dévolues en complément de sa mission constitutionnellement définie. Le périmètre d’intervention sera déterminé selon une approche pragmatique et progressive. Outre celles de l’actuel médiateur, pourraient notamment être reprises, dans un premier temps, les attributions du contrôleur général des lieux de privation de liberté ainsi que celles de la commission nationale de déontologie de la sécurité.


Enfin, l’article 28 du projet organise la refonte du Conseil supérieur de la magistrature. L’évolution du rôle que joue l’autorité judiciaire dans une démocratie moderne impose que le Président de la République cesse d’en assurer la présidence. Le texte dispose que la formation compétente à l’égard du siège sera présidée par le Premier président de la Cour de cassation et celle qui est compétente à l’égard du parquet par le Procureur général près la Cour de cassation. Le garde des sceaux, ou son représentant, pourront toutefois assister aux séances du Conseil, sauf en matière disciplinaire. Pour garantir, outre l’indépendance de l’institution, sa nécessaire ouverture, il est également prévu que les magistrats (au nombre de sept au total, président compris) seront désormais minoritaires au sein du Conseil. Outre un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État et un avocat, dont la loi organique précisera qu’il est désigné par le Conseil national des barreaux, six personnalités qualifiées désignées à raison de deux chacun par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, complèteront la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Dans la même logique, une loi organique modifiera l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature pour permettre la saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables eux-mêmes, avec des filtres appropriés, et non plus seulement par le garde des sceaux et les premiers présidents de cours d’appel. Le projet prévoit en dernier lieu que le Conseil sera appelé, dans un souci de transparence, à émettre un avis sur les nominations des procureurs généraux alors que, s’agissant du parquet, il ne peut aujourd’hui le faire qu’à l’égard des procureurs et substituts.


Plusieurs anciens gardes des Sceaux sont opposés à cette réforme et le feront savoir. Le paradoxe est quelle soit présentée par le ministre la moins consensuelle de toutes celles et tous ceux qui se sont succédés à ce poste.


Les articles 34 et 35 du projet comportent les dispositions transitoires et fixent, de manière générale, les conditions d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle.
Ainsi qu’il est dit au II de l’article 34, la plupart des dispositions relatives à la procédure législative ou, de manière générale, au fonctionnement du Parlement entreront en vigueur le 1er janvier 2009, de manière à laisser aux assemblées parlementaires le temps d’adapter leurs règlements. Comme il est naturel, les projets ou propositions de lois dont l’examen aurait déjà commencé à cette date continueront à suivre les règles aujourd’hui applicables en ce qui concerne, notamment, les délais et le texte qui vient en discussion en séance.


Le I du même article rappelle que, pour les dispositions dont la mise en œuvre nécessite l’adoption d’une loi organique ou ordinaire d’application, c’est à cette dernière qu’il reviendra de fixer les conditions d’entrée en vigueur. Il est toutefois nécessaire de préciser dans la loi constitutionnelle que les nouvelles règles relatives au caractère temporaire du remplacement des parlementaires acceptant des fonctions gouvernementales s’appliqueront non seulement pour l’avenir, mais aussi aux ministres en fonction lors de l’entrée en vigueur de la loi organique d’application ; tel est l’objet du IV de l’article 34.


Enfin, les dispositions qui n’appellent pas de texte d’application et pour lesquelles il n’en est pas disposé autrement entreront en vigueur immédiatement. Le III de l’article 34 prévoit toutefois, par exception à ce principe, une entrée en vigueur différée pour les dispositions relatives à l’élection des sénateurs, qui n’affecteront pas le renouvellement partiel prévu en septembre 2008, mais les suivants.


L’article 35 règle les questions posées, s’agissant du titre XV de la Constitution, par la probable entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Le I adapte par anticipation les termes des articles 88-4 et 88-5 résultant de la présente révision constitutionnelle à la nouvelle typologie des actes européens. Le II procède à l’abrogation technique de dispositions transitoires issues des révisions du 1er mars 2005 et du 4 février 2008 et devenant sans objet du fait de la présente loi constitutionnelle. Ainsi qu’il a été dit plus haut, le III maintient enfin le sort particulier fait depuis l’origine à la Croatie afin de permettre le recours à la procédure législative ordinaire pour autoriser son éventuelle adhésion à l’Union européenne.

Aucun commentaire: