vendredi 13 juin 2008

Inquiétude & Certitudes - jeudi 12 juin 2008

Jeudi 12 Juin 2008


Journal de honte ?

Dublin, école européenne de démocratie

Guantanamo, territoire américain où instaurer l'Etat de droit

la parole française retirée, un déshonneur pour une génération

pour l'Afghanistan, davantage que pour l'Afrique entière

la loi de modernisation : intérêts des uns et rupture de promesse

Chantiers de l'Atlantique

caissières au blog.

Tant de choses, c’est-à-dire de causes humaines, de désespoirs ou de difficultés à muer en espérance et en sourire… que cela ne peut se porter qu’à plusieurs, en couple d’amour et avec la grâce de Dieu. Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. La loi du tallion nous abaisse, être pire que celui qui nous fait souffrir, nous humilie, nous manque par défaut de compassion ou d’aide. La main donnée à qui nous l’a refusée quand les rôles étaient inverses. Les écritures par Jésus du code de procédure fraternelle : le pardon illimité, la réconciliation avant toute chose, et notamment avant le soi-disant spirituel. Raisons tout humaines, certes, de tenter d’être meilleur que l’agresseur ou en tous les cas de satisfaire à l’autre, mais raisons profondes : Dieu veut toujours davantage de nous. De même qu’Il nous donne toujours bien davantage que ce que nous n’imaginons pas même lui demander. Le bonheur peut nous dépasser quand il est le bonheur : au désert, les pâturages ruissellent, les collines débordent d’allégresse. Elie et ses difficiles dialogues avec le roi Acab, le surnaturel faisant du naturel un signe. Nos vies et surtout le don de nous-mêmes, à scruter et entreprendre ainsi : le discernement commence par la disponibilité, tu prépares la terre, tu arroses les sillons, tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies, tu bénis les semailles… il faut toute une vie pour ainsi préparer, nous préparer. Tu couronnes une année de bienfaits… et voici le moment du passage d’ici à plus loin : ceux qui nous y précèdent, ces jours-ci, puis notre tour inopiné ou à date simple d’un vieil âge. Durer pour les miens, aimer à ne jamais finir, car c’est ainsi que l’éternité s’attrape et ne se perd jamais. Etre aimé surprend [1] : alors, de Dieu ! là est l’enjeu d’une foi de cœur, qui venue par la raison ou par les circonstances, a alors son terreau : tu visites la terre et tu l’abreuves, tu la combles de richesses, ainsi soit-il


Devrais-je titrer ce journal Voir & Entendre – ce qui situe en pleine quiétude – ou journal de honte ?

L’Irlande donne la leçon aux autres gouvernants en Europe, et particulièrement au nôtre, se targuant de moderniser les institutions. Le Premier ministre britannique, si le non l’emporte à Dublin, serait sans doute contraint d’aller au referendum. Et à Prague,Vaclav Klaus, euro-sceptique, aurait alors l’autorité voulue pour imposer le referendum au gouvernement.

La Cour suprême considère Guantanamo comme territoire américain, donc sous emprise de la Constitution des Etats-Unis et accorde le droit aux détenus : encore près de 300, d’en appeler des tribunaux militaires. L’Amérique a en elle ses antidotes, pas nous. Nos changements de cours politiques s’effectuent par catastrophe : Sedan en 1870, Juin 1940, Mai 1958. Le paradoxe de Mai 1968.

L’extradition de Marina Petrella. Je courielle en ces termes aux députés et d’ici la fn de la semaine aux sénateurs, que je dois par ailleurs encombrer de mes plaidoyers contre la révision constitutionnelle.
Je me suis permis d'encombrer votre messagerie à plusieurs reprises ces derniers mois à propos de la révision constitutionnelle, et je fais de même maintenant avec vos collègues de la Haute Assemblée. Et peut-être encore avant la réunion du Congrès. En 1973 - par Le Monde - puis en 2000 par la poste, j'avais argumenté contre le quinquennat qui aujourd'hui motive la "modernisation"... et qu'on nous disait à l'époque indifférent...
Vous êtes abreuvés - et les Français - de protestations présidentielles à propos de renforcement des pouvoirs du Parlement, de garanties nouvelles pour les libertés et les droits fondamentaux (le médiateur doit céder la place à un défenseur ad hoc), sans compter la modernisation de la démocratie telle qu'à lire la proposition sur le referendum d'initiative populaire ou sur l'exception d'inconstitutionnalité, il saute aux yeux que ce sont des leurres.
Cas d'école maintenant - le décret d'extradition de Marina Petrella - et évidemment atroce souffrance d'une personne physique parfaitement identifiable.
La parole de la France a été donnée. Par François Mitterrand, président de la République. On peut avoir des sentiments personnels ou des jugements politiques sur l'ancien président et ses quatorze ans d'exercice à notre tête, mais si ces sentiments ou jugements devaient a posteriori peser sur la parole donnée, il n'y a plus de continuité française, et - par avance - les décisions de ses successeurs dont l'actuel deviennent précaires.
Il est courant et aisé de juger aujourd'hui la défaillance des générations françaises précédentes quand Hitler a monté puis a régné, ou sur ce qu'ont fait ou pas fait ce que les uns appellent - à la suite légitime du général de Gaulle - l'"autorité de fait dit gouvernement de Vichy", et les autres le gouvernement du Maréchal gérant au mieux la catastrophe la plus marquante de notre Histoire. Mais aujourd'hui que faisons-nous ? En 1940, les réfugiés politiques autrichiens et allemands anti-nazis, que nous avons livrés au Reich. Et le débat récurrent sur les harkis abandonnés. Et d'autres douleurs et responsabilités - déshonorantes.
Je dis : nous, parce que si Marina Petrella - après Persichetti - est renvoyée en Italie, même si des régimes paraissent actuellement "adoucis", ce sera notre faute collective - et donc individuelle - à chacun de nous qui n'aurons pas tout fait pour empêcher ce manque à la parole française donnée.
Même si la jurisprudence du Conseil d'Etat considère comme irrecevable un pourvoi "populaire", je compte - et j'y travaille en ce moment avec mes manuels et polycopiés (Raymond Odent entre autres, après Laubadère et Duguit) et quelques amis avocats aux Conseils - déposer un recours contre le décret que vient de signer le Premier ministre, François Fillon, avec comme intérêt pour agir l'engagement de mon honneur personnel s'il est manqué à l'honneur national et à la parole donnée. Il se trouve qu'ambassadeur, j'ai argumenté cette promesse dans des pays de l'ancienne Union sovétique, puis, à titre plus personnel, en Afrique.
Puis-je compter - avec ce que je crois la "majorité silencieuse" dans notre pays - sur au moins une question orale avec débat adressée au plus vite au gouvernement ?
Cela dans ce contexte où l'Irlande donne une leçon de démocratie autrement qu'en mots - à toute l'Europe et particulièrement aux gouvernants français.
Avec espérance et donc confiance.

L’Afghanistan. Son gouvernement – celui des alliés ou de la « coalition » - réclame 50 milliards d’euros sur trois ans, la conférence des donateurs, réunies à Paris ce matin, en accorde 21. Le président français double notre concours un peu plus de 100 milions en deux ans, comparé à l’effort précédent : 37 millions. Ce n’est pas cela qui est minable, c’est l’ensemble d’une politique, engouffrant des milliards pour un seul pays, certes stratégique, qui ferait le progrès de l’Afrique entière.

L’action de groupe, salvatrice pour les spoliés, pour les employés et rétablissant un peu l’équilibre des parties dans les réclamations contre les grands groupes industriels et prestataires de services, était au programme de Nicolas Sarkozy et figurait dans le projet de loi dit de modernisation de l’économie. Il en a été retiré la nuit dernière, les syndicats et associations ne se font pas faute de dénoncer les amitiés du président de la République. Ainsi, le mandat impératif reçu lors de l’élection du 6 Mai, valant referendum positif sur le programme, varie d’intensité selon les sujets et selon les groupes de pression. En revanche, un outil du logement social, la réservation du livret A à la seule Caisse d'épargne, à La Poste et au Crédit mutuel, disparaît puisqu'il est donné à l'ensemble du système bancaire : privatisation d'un outil promu à la fonction de créer du profit.

Il est dit que l’Etat rachète 9% du capital sud-coréen dans le groupe norvégien qui a racheté, il y a deux ans les Chantiers de l’Atlantique. Il y a trente ans, il n’y avait plus de chantiers compétitifs en Europe que ceux du Portugal et de la Pologne, face – déjà – à la Corée du sud. Il y a eu Arcelor-Mittal et Gandrenge, le Président a évoqué Pechiney, littéralement évaporé sans que s’en soucient les pouvoirs publics. La politique économique française a été – un temps – un jeu de Monopoly où Bercy on agençait ou défaisait des puzzles. Puis c’est devenu la manipulation de quelques taux, dont il ne reste plus à la « discrétion » du gouvernement que celui du livret A. Que redécouvre-t-on : une politique industrielle ? l’Etat peut-il la faire s’il n’y a plus d’entrepreneurs privilégiant territoire et main-d’œuvre de leur nationalité d’origine, ou d’adoption ? et s’il la fait, est-ce possible dans les règles du jeu auxquelles nous avons consenti depuis vingt et dix ans : la privatisation panacée théorique pour l’emploi et la baisse concurrentielle des prix, la mondialisation ayant fait surgir, hors contrôle des Nations unies, une organisation qu’on ne sait pas faire régulatrice. Dans l’immédiat, tant que l’accord n’est pas fait avec Séoul, on a tort de publier ce schéma : Etat + Alsthom = minorité de blocage, donc maintien des emplois.

Audiogénique au possible, une célébrité d’ici très peu. Le livre-journal – tiré d’un blog. de dix-huit mois – d’une caissière de grande sur face. Blog. ouvert il y a dix-huit mois, comptabilise120.000 visiteurs en Janvier, 700.000 ce matin. Partager une situation et surtout en sourire, solidarité des caissières, la centaine, les clients, deux ou trois par jour sont notables, le pire est l’indifférence, ni un regard ni une réponse au salut, il est vrai que le client est seul entre les rayons, livré à lui-même, et la caissière, seul personne humaine, prend tout en fin d’exercice. La jeune écrivain a 28 ans, voulait faire une carrière dans le culturel et l’édition. DEA de littérature moderne, la distance entre les études et ce que l’on trouve au travail. A démissionné il y a six mois. Evidemment, elle va trouver un emploi dans l’édition… Précédents, Françoise Lefèvre, La première habitude, magnifique et très particulière histoire d’amour-rupture, présentée comme caissière, il y a trente ans, mais ensuite dite apparentée à la famille royale de Prusse… et autre précédent, cette actrice d’un seul film, L’ennui, d’après Moravia, partenaire de Charles Bering, le corps d’une des démoiselles d’Avignon, le visage aussi, on ne sait si c‘est affreux ou magnifique, mais un jeu d’une sincérité bouleversante, le jeu de l’énigme, de la froideur, de l’insaisissable et du don partiel, fulgurant, imprévu comme le plaisir, quand il est total et vrai. Plaisir, avec guillemets. Repérée à sa caisse de grande surface… quand les théâtres sont devenus « espaces » et les magasins des « surfaces », le jour où gagner un match devint « réaliser l’exploit ». De la même époque date une nouvelle façon de commenter une apparition télévisée de la personnalité au pouvoir : décrypter. Nous sommes une société où l’on communique… plus jamais revue à l’affiche, il est vrai que nous allons rarement au cinéma et n’avons pas la télévision.


[1] - 1er Rois XVIII 41 à 46 ; psaume LXV ; évangile selon saint Matthieu V 20 à 26

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