mardi 3 juin 2008

Inquiétude & Certitudes - mardi 3 Juin 2008


Mardi 3 Juin 2008
Vote de première lecture de la révision constitutionnelle, au Palais-Bourbon : les 3/5èmes sont manqués
La gendarmerie veut les droits syndicaux de la police si elle est désormais commandée place Beauvau
La nature humaine quand elle pousse au crime
Une nouvelle "affaire du foulard"
Trois sujets pour le Président en un seul jour - chacun exclusif des deux autres
La Chine sans le Tibet
L'Etat licencie mieux que les entreprises
Quand Georges Pompidou présentait le nouveau gouvernement
Michel Barnier, l'artiste


Prier… mais lui, sachant leur hypocrisie, leur dit… [1] Nos questions à Dieu sont presque toutes de ce tonneau, car elles ne portent pas sur notre relation à Lui, mais sur nos affaires à nous et sans lui. Dieu ne répond que sur Lui-même et sur notre relation à Lui. Jésus nous renvoit, sans suggérer de hiérarchie, à notre discernement personnel de ce qui est de Lui et de ce qui est de nous. Mais son ministère et le salut qu’Il nous a apporté et que chaque jour, dans notre vie individuelle, et pour notre temps et nos générations, nous gratifie tout de même d’une espérance, la réconciliation de toutes nos attentes et de toutes nos contradictions, ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. D’ici là, consigne de vie – totalisante – continuez à grandir dans la grâce et la connaissance de Jésus Christ. C'est le sens d’une destinée que nous vivons chacun si limitée : le nombre de nos années ? leur plus grand nombre n’est que peine et misère, elles s’enfuient, nous nous envolons. Réflexe du psalmiste, la prière intense, celle qui contemple et reçoit pleinement : fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à ton fils. Or, nous sommes plus que serviteurs, nous sommes au premier rang, fils adoptifs. Et prodigues.

En milieu d’après-midi, vote « solennel » de la révision constitutionelle en conclusion de la première lecture : 315 pour et 231 contre. La majorité constitutionnelle n’est donc pas atteinte, mais il ne s’en faut que de peu. Le Sénat va être l’arbitre. Jean-Marc Ayrault annonçant ce matin le vote non de son groupe laisse entendre que le oui n’est pas impossible au bout du compte, si les amendements socialistes sont considérés. Il est vrai que faire de la réforme du mode d’élection du Sénat – habilement et de façon que justifie toute l’histoire de la Cinquième République – une des conditions d’un ralliement, c’est rendre impossible l’adoption ndu texte au Sénat-même. Comptabiliser le temps de parole et d’apparition dans l’audio-visuel du président de la République es sans doute excessif. Il est avéré que Nicolas Sarkozy se conduit encore moins que ses prédécesseurs en arbitre au-dessus des divers camps, mais cela ne trompe pas non plus les téléspectateurs et l’ « omni-présence » tue plutôt le discours. Il y aura probablement encore des tractations. Autre facteur – plutôt répulsif – du vote révisionnel, l’antipathie de plus en plus profonde qui se développe entre Rachida Dati, la gauche et même une partie de ses collègues au gouvernement. Avec sagacité, Edouard Balladur aurait demandé à Sarkozy de ne pas la faire monter à la tribune sur ces questions… calendrier prévisionnel : ouverture du débat en plénière au Sénat le 17 Juin et convocation du Congrès, probablement le 21 Juillet.

Incident vif qui va aller certainement jusqu’au Conseil d’Etat, le droit à l’association sinon à la syndicalisation chez les gendarmes. Au motif que leur rattachement au ministère de l’Intérieur – qui juiridiquement je crois n’est pas un détachement de la condition ni de la hiérarchie militaires,mais une mise à disposition – devrait leur donner une égalité de droits (et de protestation contre ce rattachement) avec les policiers qui, eux, sont syndiqués.

Même mystère – celui de la nature humaine quand elle pousse au crime – que pour Fourniret et sa compagne (qui fut indispensable), l’affaire du jeune Antoine trouvé flottant quoique comateux sur l’étang d’Apremont en Vendée. Le dernier en date des concubins de sa mère assassine celle-ci et tente de noyer l’enfant, qui – miraculé – l’accuse. L’autre, dont le père de la victime a la meilleure impression : courageux et travailleur, avoue mais les circonstances sont celles qui firent la mort de Marie Trintignant dans les bras ou sous les coups de Quentin. Scène de jalousie du jeune homme apprenant qu’il est cocufié. La jeune mère d’A., dont le charme est indéniable, mais coureuse invétérée pourrait un jour tomber de la même manière. D’ailleurs, le fait que le garçonnet n’ait rien entendu ou ne soit pas intervenu, montre bien qu’il était lassé des scènes provoquées par la vie tumultueuse de sa malheureuse mère. Fourniret revendique et explique, voudrait faire partager sa passion-obsession pour la virginité… c’est ce qui le pousse au crime. Cédric, au contraire, par amour sans doute, a perdu son contrôle, mais durablement, puisqu’il n’a pas tenu à lui qu’il manque un second meurtre dans l’heure.

Virginité, justement… l’arrêt du tribunal de grande instance de Lille nous fait, probablement, entrer dans une affaire du même genre – immense et ridicule – que celle du foulard qui échauffa les Français au point que Danielle et François Mitterrand, ensemble, ne s’accordaient pas. Au point immédiat que les commentaires et la polémique au palais-Bourbon et dans les médias éclipsent complètement le plus important du jour : le vote en première lecture de la révision constitutionnelle tant voulue par Nicolas Sarkozy, président régnant. – L’affaire est intéressante parce qu’elle montre à quel point nous avons perdu nos repères et d’une certaine manière « la hiérarchie des normes ». Le mariage est une institution sociale en même temps qu’une aventure consentie par deux personnes : individu + un second individu + la société, et pour tout être prenant conscience un peu conscience de ce qu’il fait et vit + l’enfant possible ou en projet ou en désir ou redouté, mais donc là… Il y a donc conflit de compétences. Affaire privée à régir comme un contrat entre les parties, droit civil, application de l’article pertinent et il est proable que la Cour d’appel confirmera le tribunal de première instance. Mais principes de la République, principes de la France – dirai-je plus simplement – pas de communautarisme, pas d’application de mœurs importés d’ailleurs pour régir ces parties. Le futur époux trompé par sa future femme qui lui ment sur sa virginité. On est libre en France d’être vierge ou pas, mais en droit peut-on cacher un élément tel qu’il n’y aurait pas eu échange de consentements, pas eu contrat, si l’époux l’avait su ? Complication, le jugement de Lille est à la demande de la jeune femme qui a combiné son aveu de mensonge pour pouvoir divorcer de son époux – ou mieux pour faire annuler le mariage. La température a monté à l’Assemblée nationale car Rachida Dati aurait revêcu sa propre histoire, puis – dans l’émotion, ou selon la pente dont Rama Yade et fadela Amara nous ont déjà donné l’habitude : en difficulté, on court cracher (à l’unisson avec la droite qu’on a ralliée, ce dont on reste un peu honteux tout de même – mais pas Rachida qui dirigeait la campagne et en tout cas la communication de Sarkozy) on court cracher rétrospectivement sur la gauche qui… et que… en l’occurrence ses gouvernements subventionnaient « Ni pute, ni soumise » de Fadela… La garde des Sceaux a donc encore davantage plombé la révision constitutionnelle tout en l’éclipsant. Elle n’a guière été défendue, en effet, sur les bancs de l’U.M.P. Il va être intéressant de voir si Sarkozy est fidèle en amitié et si – tout à fait impensable l’été dernier quand Mme Dati tenait la chandelle entre les époux Sarkozy sur un lac américain – elle est, ces temps-ci, la première virée…

Le Président – dont personne n’avait cru qu’il puisse changer autrement que pour la montre et quelques semaines au maximum – continue de gâcher chaque exercice par l’accumulation qu’il en fait. Début de journée pour passer vingt minutes « visage fermé » (émotion commande) avec les familles des sept jeunes morts dans l’accident autocar-train-passage à niveau. Milieu de journée à Rome pour le sommet de la FAO à promettre le même milliard qu’il y en a un an, et dont on ne peut toujours vérifier si et en quoi il a été effectivement déboursé. Fin de journée avec Berlusconi, où – convention sans doute entre les deux hommes de n’en pas trop dire pour que le Cavaliere ne perde pas la face chez lui – l’on convient que Air France garde ses chances pour Alitalia : Air-France(-KLM).

Les reportages sur la Chine – série à France-Infos. et dans La Croix – fort bien faits et édifiants : on marque comme un progrès social que depuis le début de l’année les contrats de travail peuvent être à durée indéterminée passés dix ans d’emploi ! ce qui aurait délocalisé vers le Viet Nam et le Bengla Desh bien des investissements coréens ou japonais – et j’apprends que l’inflation est à deux chiffres comme la croissance, avec une bourse de Shangaï, sans doute la cinquième du monde (avec une capitalisation de 1.650 milliards d’euros – conversion du dollar sans doute), a perdu la moitié de sa valeur depuis Octobre… hier j’entendais que la politique de restriction des naissances (le deuxième enfant n’est loisible qu’aux minorités, à peine de très lourdes amendes, proportionnelles aux revenus : on compte officiellement 55 minorités) a permis d’ « éviter » 400 millions d’habitants en trente ans… mais tous ces exposés sont introduits par une double datation : deux-trois semaines après le tremblement de terre et à tant de mois ou de semaines de l’ouverture des Jeux. Aucune référence chronologique au Tibet.

Chronique des licenciements et compression de personnel – qu’on ne dit jamais comme cela : réorganisation, restructuration. Météo-France lourdant plus de 500 emplois sur 3.500 et fermant 40 sites départementaux sur 100. Au passage, on apprend que les deux centres – dans le monde – collationnant l’ensemble des données et observations, toutes de sources nationaux sont aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. De plus en plus, on dit anbglo-saxons, et de moins en moins américains. La Grande-Bretagne est l’alibi indispensable aux Etats-Unis pour véhiculer l’idée du pluralisme dans l’hégémonie mentale et scientifique.

Quelques heures, rue Desaix, dans le Journal officiel – Débats parlementaires – Assemblée nationale. Les discours de présentation par Georges Pompidou, Premier ministre du général de Gaulle, de son nouveau gouvernement (Avril 1962 – Décembre 1962 – Janvier 1966 – Avril 1967) et les débats qui s’ensuivent. Je n’ai copié que les deux premiers et le dernier. Je compilerai une prochaine fois le débat suivant la première élection au suffrage direct du président de la République.

Le débat d’Avril 1962 est dominé par l’Algérie, mais aussi par la question des institutions : questions de Paul Reynaud et dialogue du nouveau avec lui. Georges Pompidou passe pour un homme neuf, on lui oppose une évolution du régime caricaturée à croire que l’on est déjà sous Nicolas Sarkozy. Je n’ai pas eu le temps de lire vraiment les textes de Georges Pompidou, mais pressentiment que c’est de grande classe – quelques formules sur l’autorité et la liberté – et que l’homme, pour avoir été tant distingué du général de Gaulle alors même qu’il n’était pas de sa cuvée préférée (la Résistance et surtout Londres et la France combattante) est exceptionnel d’intelligence et de structure politique. Au point où j’en suis de ma vie et de mon intelligence de notre évolution politique depuis la Seconde gurre, il est certain que l’actif l’emporte sur le passif, qui fut lourd, dans ce qu’apporta ou amoindrit GP relativement au legs du général de Gaulle. En 1969-1970, j’étais persuadé du contraire et ferrayai pour que se tienne et aboutisse un procès en infidélité. Il est vrai aussi qu’à égalité avec Maurice Couve de Murville, ce legs – Georges Pompidou l’a fabriqué au jour le jour de 1962 à 1969, lui en politique intérieure et en vie des institutions et mon vénérable ami en politique extérieure, bien entendu et en quatre ans de plus…. De Gaulle sans doute avait besoin aussi d’un civil, sans références dans la Résistance, pour donner à son régime une allure plus banale, plus civile précisément. Les témoignages de Jean Poudevigne confirment ceux de Jean Charbonnel : l’importance, dans les premières législatures, d’une allégeance à de Gaulle en fonction du passé et de la France libre, mais ce devenait certainement insuffisant, pour le régime, sinon pour son chef.

Autre remarque, le thème des institutions perdure : 1967 est autant marqué que Décembre et Avril 1962. Georges Pompidou me donne raison – explicitement – sur mon assertion constante que le referendum d’Octobre 1962 n’a pas été une novation de notre Constitution pour ce qui est des prérogatives de la Cinquième République. Dernière observation, il y a, putativement, un chef de l’opposition à chacune de ces présentations du gouvernement, du nouveau gouvernement Pompidou : Paul Reynaud le 26 Avril 1962 et qui dominera le débat de censure en Octobre, Gaston Defferre le 13 Décembre 1962 (personne n’a relevé ce singulier anniversaire du renvoi de Laval à Vichy) et qui, le premier, établira le consensus sur les institutions en se portant candidat en Janvier 1964 à l’élection présidentielle prévue pour se tenir l’année suivante, enfin François Mitterrenad le 18 Avril 1967. Il ne semble pas qu’à la présentation de son gouvernement en 1967, Georges Pompidou ait déjà annoncé ou fait pressentir la procédure des ordonnances. Instabilité ministérielle dans le gouvernement de Michel Debré, stabilité sous Georges Pompidou des grands portefeuilles qu’il soit Premier ministre ou président de la République.

Ces semaines-ci, l’homme d’Etat – le seul parmi les ministres, Premier compris et président de la République évidemment aussi – est Michel Barnier qui ne varie pas de ton, qui excipe avec simplicité d’une double expérience des mécanismes et engagements européens, et des questions agricoles, et qui – surtout – a, comme compte-rendu de tout, le travail en cours avec ceux-mêmes qui revendiquent. Une voix posée, un physique qui sans doute le dessert, surtout en réunion où Nicolas Sarkozy a forcément la vedette : c’est Michel Barnier, de deux têtes supérieur au physique et en solidité d’exposé et d’explication. Calme, posé, sans histoire(s). Il met même en situation le Premier ministre et ne fait pas référence au maître. Un artiste, au moins pour ces jours-ci.

[1] - 2ème lettre de Pierre III 12 à 18 ; psaume XC ; évangile selon saint Marc XII 13 à 17

Aucun commentaire: