samedi 5 juillet 2008

Inquiétude & Certitudes - samedi 5 juillet 2008


Samedi 5 Juillet 2008

La leçon d'hier : notre besoin d'unisson entre nous et de considération par les tiers

L'ignorance européenne du président français

La double erreur de l'annonce d'aller aux J.O.

Et finalement, la jounée d’hier – accueil d’Ingrid Bétancourt en France – était une belle journée, cette femme rayonne, a une belle voix et un ton juste, tout le reste sera sujet à controverse. Sauf elle. Amour et justice se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. Prier…[1] l’évangile, Jésus, son ministère, sa présence surtout sont une novation, faisant tout éclater et supposant notre propre novation : on met le vin nouveau dans des outres neuves. Présence festive et joyeuse, parabole des noces. Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles ; qu’ils ne reviennent jamais à leur folie. Ce jour-là, je relèverai la hutte de David qui s’écroule, je réparerai ses brèches, je relèverai ses ruines, je la rebâtirai telle qu’aux jours d’autrefois. La restauration, idyllique, Dieu parmi nous. Le Seigneur donnera ses bienfaits, et notre terre donnera son fruit. La justice marchera devant lui, et ses pas traceront le chemin. Je les planterai sur leur sol, et jamais plus ils ne seront arrachés du sol que je leur ai donné. Toute la géostratégie du Proche-Orient… est là, bien plus que les éphémères réserves de pétrole. Dieu nous parle humainement et de ce qui nous intéresse, le manger et le boire, notre maison et nos lieux. Il y pourvoit, et leur donne le sens. J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix. Prier… tant et tant d’intentions que comme un enfant, j’apporte tout au Seigneur, et repart jouer… léger, sous le regard de…

Leçon d’hier… les Français sont soif d’unisson, d’union nationale, mais pas dans le vide, pas non plus – c’est la leçon de l’échec des tentatives depuis 1995 de toute véritable mobilisation sociale – dans la contestation d’une politique gouvernementale, même mal aimée, comme elles le sont toutes depuis une quinzaine d’années. Un unisson, une union nationale pour une cause… sans doute, le climat au soir de la coupe du monde de foot-ball en 1998 a été tel que certains ont osé la comparaison avec la Libération… perte du sens de l’Histoire, des valeurs et du réel sérieux de certains événements par rapport à d’autres. Et puis, il n’y avait certainement pas que le président régnant qui voulait être remercié nommément par l’héroïne, la France entière a voulu être préférée d’Ingrid Bétancourt. Nous sommes aujourd’hui pauvres d’Histoire, pauvres d’union, pauvres d’élan. Le reproche majeur qui est fait – rétrospectivement – à des gouvernants n’est pas la contre-performance économique ou des erreurs de gestion d’une crise ponctuelle ou d’un mal économique ou politique rampant, erreurs dont sont souvent responsables l’ensemble des élites d’une génération, le reproche et la responsabilité sont de faire ou défaire la cohésion d’un peuple. Et aujourd’hui, il y a deux peuples, le peuple français, mais aussi le peuple européen que sans doute le peuple français est l’un des plus à même de constituer, de faire naître en tant que nouveau niveau de conscience collective. Or aucun de ces deux peuples n’est compris par nos gouvernants actuels. Les Français sont interprétés comme ayant donné un blanc-seing pour cinq ans ; entretemps, les réformes, qu’elles aboutissent ou pas, qu’elles bénéficient ou non du consensus et aussi des circonstances. Les Européens, il est vain de penser qu’on les mobilise pour le traité de Lisbonne si on n’a pu le faire pour la Constitution, et surtout si l’on refuse les consultations directes.

Ingrid Bétancourt est donc une leçon de courage et de tenue personnels. Elle s’est révélée une femme politique de première habileté : fasse le ciel que dans son « autre » pays, plus violent physiquement que le nôtre, elle ne subisse pas un sort à la Benazir Bhutto, sur le destin de laquelle nous n’avons pas su méditer. Qu’elle l’ait voulu ou non, elle a suscité notre accueil d’hier, et une mobilisation morale et diplomatique certaine dès son enlèvement, et en cela elle nous montre notre dénuement. Quelle soif nous avons d’avoir une image à nos yeux autant qu’au reste du mnde ! aveu que nous avons conscience de ne plus en avoir une aussi belle qu’à tant de reprises de notre Histoire.

La réaction « à chaud » du président de la République à la hausse – très faible – du taux directeur de la Banque centrale européenne est une erreur à multiples conséquences. Elle montre que Nicolas Sarkozy n’a pas organisé ses dossiers européens, qu’il ne sait pas les compétences du Conseil européen ni ce que peut faire ou animer la présidence semestrielle : une inflation désormais à 4% fonde tout à fait un taux directeur haussé à 4,25%, c’est le minimum que l’on pouvait attendre et que l’on a d’ailleurs attendu ; le Conseil européen (et non le président semestriel) n’a compétence que pour fixer à l’unanimité la parité de l’euro. car pour tout le reste la Banque centrale européenne est indépendante des gouvernements nationaux et du Conseil européen, tels que sont les traités en vigueur et telle qu’était la Constitution.

La France ne peut avoir quelque succès de gestion en six mois que si elle lance des perspectives et idées pour la génération à venir. Celles-ci ne peuvent être que la démocratie directe en Europe : élection du président du Conseil européen au suffrage direct de tous les citoyens de l’Union, recours au referendum pour les matières de la compétence de l’Union – et que l’émancipation européenne vis-à-vis des Etats-Unis dans l’intérêt-même des Etats-Unis qui n’ont plus le poids, à eux seuls, pour gérer le monde. L’Europe satellite ne pèse ni par elle-même ni à l’avantage des Etats-Unis, émancipée, elle peut changer le monde. Ce discours, la France excellerait à le dire, le répéter et à en ouvrir les premiers chantiers : le mandat du prochain Parlement européen de faire une Constitution européenne. Au contraire, Nicolas Sarkozy s’enfonce dans la contradiction de critiquer ce qui au niveau européen – l’excès de libéralisme et de mondialisme – est maintenant pratiqué en France : l’idéologie et le dogme de la privatisation…
Pour réussir – en ce moment, plus encore qu’antan – en matière européenne, il faut soit la technicité (nous avons eu les Barre, Deniau, Ortoli en même temps que Couve de Murville et Pisani pour le quotidien à la Commission et à la table de négociations, et une succession de présidents qui avaient acquis le sujet), soit le don de susciter perspectives et espérance. Actuellement, le président de la République n’a pas assez duré pour avoir, sur le tas, acquis le minimum de savoir, et son refus de donner droit de réponse au peuple français et européen, l’empêche même de concevoir ce qu’est l’espérance européenne.

Est-il anecdotique de relever que les deux « experts » français en matière européenne et qui vont donc soutenir notre présidence, viennent de la gauche ? Pierre Sellal, directeur du cabinet d’Hubert Védrine pendant le quinquennat de Lionel Jospin, a pris la place de Pierre Vimont en 2002 comme représentant permanent à Bruxelles, il y est toujours, largement doyen parmi ses pairs – et Jean-Pierre Jouyet, intime du couple Royal-Hollande jusqu’à sa déchirure à l’occasion de la campagne présidentielle. La droite n’a personne comme ministre des Affaires étrangères depuis trente-cinq ans si tant est que Michel Jobert et surtout, avant lui, Maurice Couve de Murville pouvaient être classés suivant nos pauvres clivages d’aujourd’hui.

Le président de la République, apparemment sans concertation avec ses pairs de l’Union, a donc fait savoir qu’il ira à l’ouverture des Jeux olympiques à Pékin. Décision occultée pour l’opinion publique par le discours d’accueil à Villacoublay… un sondage chinois, s’il existe une opinion libre en Chine, indique que pour les deux tiers des Chinois, le président n’est pas le bienvenu… On a donc deux risques : celui appréhendé par les autorités de manifestations sociales ou de débordements appelés par la présence de tant de supports médiatiques, et celui que les mêmes autorités peuvent susciter, des prises à partie de nos dirigeants.

[1] - Amos IX 11 à 15 ; psaume LXXXV ; évangile selon saint Matthieu IX 14 à 17

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