lundi 29 septembre 2008

Inquiétude & Certitudes - mardi 30 septembre 2008

Mardi 30 Septembre 2008

Il y a deux cités ; l'une s'appelle Babylone, l'autre Jérusalem. Le nom de Babylone signifie « confusion » ; Jérusalem signifie « vision de paix ». Regardez bien la cité de confusion pour mieux connaître la vision de paix ; supportez la première, aspirez à la seconde.
Qu'est-ce qui permet de distinguer ces deux cités ? Pouvons-nous dès a présent les séparer l'une de l'autre ? Elles sont emmêlées l'une dans l'autre et, depuis l'aube du genre humain, s'acheminent ainsi vers la fin des temps. Jérusalem est née avec Abel, Babylone avec Caïn... Les deux villes matérielles ont été construites plus tard, mais elles représentent symboliquement les deux cités immatérielles dont les origines remontent au commencement des temps et qui doivent durer ici-bas jusqu'à la fin des siècles. Le Seigneur alors les séparera, lorsqu'il mettra les uns à sa droite et les autres à sa gauche (Mt 25,33)...
Mais il y a quelque chose qui distingue, même maintenant, les citoyens de Jérusalem des citoyens de Babylone : ce sont deux amours. L'amour de Dieu fait Jérusalem ; l'amour du monde fait Babylone. Demandez-vous qui vous aimez et vous saurez d'où vous êtes. Si vous vous trouvez citoyen de Babylone, arrachez de votre vie la convoitise, plantez en vous la charité ; si vous vous trouvez citoyen de Jérusalem, supportez patiemment la captivité, ayez espoir en votre libération . En effet, beaucoup de citoyens de notre sainte mère Jérusalem (Ga 4,26) étaient d'abord captifs de Babylone...
Comment peut s'éveiller en nous l'amour de Jérusalem notre patrie, dont les longueurs de l'exil nous ont fait perdre le souvenir ? C'est le Père lui-même qui, de là-bas, nous écrit et rallume en nous par ses lettres, qui sont les Saintes Ecritures, la nostalgie du retour.
[1]

Exaltation et épuisement cette nuit, tant j’ai eu conscience – après quarante cinq ans d’observation des chroniques du monde et de mon pays – que nous entrions dans une ère nouvelle dont nous ne savons rien et selon un processus qui ne fait que commencer. Je l’écris par ailleurs dans mon journal d’inquiétude & vie de certitudes. Ouvrant ma messagerie en même temps que le portail orange m’apportant les dépêches de l’AFP, c’est la proposition decommentaire l’Evangile au quotidien que je regarde d’abord. Comment n’être pas halluciné par la coincidence et le prophétisme, les deux cités, les deux amours, leur emmêlement des origines à la fin des temps. La parabole de notre moment – historique, ces heures-ci, à l’égal de 1929 ou des déclarations des deux guerres mondiales au siècle dernier, qui périment ce qu’on a pris pour des événements majeurs, le 11-septembre ou l’invasion américaine de l’Irak pour ce début de XXIème siècle – est tout entière là, et la médication aussi. Mais il faudra des années et sans doute plusieurs générations pour que nous la prenions. Humblement mais fièrement, chcaun y collaborer dès ce matin.
Prier… le livre de Job, que je considère comme l’entretien psychothérapeutique modèle, ou une analyse au sens de la psychanalyse. Il faut des répondeurs et relanceurs, en principe neutres, ceux de Job, ne le sont pas, mais du moins ils assument la fonction indispensable, que le « patient » ne soit pas enfermé dans son monologue. Job remplit d’autre part le préalable et la fin qui sont essentiels. Il souffre sans doute, mais il n’admet pas sa culpabilité. Il a par ailleurs conservé, ce que n’a plus en entrant en entretien ou en analyse le patient : ses repères. Job garde foi en Dieu.
[2] Pourquoi donner la vie à l’homme qui ne trouve plus aucune issue, et que Dieu enferme de toutes parts ? ceux dont tu ‘as plus souvenir, qui sont exclus, et loin de ta main. Chant du désespoir mais qui a son adresse : Dieu. Le désir de mort, la préférence qui caractérise la dépression : maintenant je serais étendu dans le calme, je dormirais d’un sommeil reposant. C’est là au séjour des morts que prend fin l’agitation des méchants, c’est là que reposent ceux qui sont exténués. Pourquoi donner la lumière à un malheureux, la vie à ceux qui sont pleins d’amertume, qui aspirent à la mort sans qu’elle vienne, qui la recherchent plus avidement qu’un trésor ? Le mur, donc, et l’évangile ne le fait pas franchir – aujourd’hui. Jésus en route vers Jérusalem, sa passion et sa mort humaines. Le refus d’un village de l’accueillir, ils partirent vers un autre village. Apparemment, rien de lumineux ni dans les malédictions du juste ni dans cette marche du Christ : comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. Dieu lui-même sans halte ni repos, mais un repère, une direction, un moment vers lequel continuer. Prière : tu m’as pris au plus profond de la fosse, le poids de ta colère m’écrase, tu déverses tes flots contre moi, que ma prière parvienne jusqu’à toi, ouvre l’oreille à ma plainte. Ainsi soit-il…

Matin

L’ère du libre arbitre est terminé pour tout le monde. Pour les dirigeants des peuples et des entreprises occupés à faire croire que leurs politiques respectives n’ont pas d’alternatives tant elles sont les meilleures, pour les opposants captivés par leurs disputes mutuelles pour la peau d’un ours qu’ils ne savent pourtant tuer. La liberté des calendriers et des rythmes, attaquer l’Irak sous un prétexte controuvé, occuper l’Afghanistan pour y éradiquer le Moyen-Age, disputer d’un élargissement de l’Union ou de l’Alliance atlantique à l’Ukraine, à la Géorgie, à la Turquie, proposer en France des révisions constitutionnelles, la suppression de l’échelon départemental, les révisions de toutes nos géographies publiques (les implantations juridionnelles, militaires, universitaires). Les opérations de politique extérieure, les manipulations de l’organisation administrative, le dépeçage des médias publics paraissent aujourd’hui futiles, coûteux en termes d’énergie et d’imagination dépensées pour de la propagande, du débat et – au fond – « enfumer les gens » selon la jolie expression de Chérèque, secrétaire général de la C F D T à propos des statistiques du chômage.

L’urgence est apparue, elle va tout commander pour des années, et comme les solutions ou les substitutions seront longues à apparaître, et ne s’imposeront que par des faillites – pires que dans les finances – les faillites de l’esprit, des dogmes et des idéologies. Les monarchies sacralisant le pouvoir – et dispensant pendant des siècles les peuples et les autorités de l’adjectif politique pour désigner les serviteurs de l’Etat ou du roi ou du bien commun, ce qui fut synonyme pendant dix siècles – se sont effondrées spirituellement et psychologiquement bien avant de l’être pratiquement. Le communisme – dans sa version soviétique, car il y en a bien d’autres possibles… depuis Marx et avant lui Paul de Tarse, et il est probable qu’on va revisiter le marxisme, avec pour seule pudeur ou timidité de ne pas le désigner mais d’en piller probablement beaucoup des démonstrations, des utopies et des dialectiques – était ruiné de l’intérieur, dans la cervelle des dirigeants d’abord, bien avant qu’il s’effondre politiquement. Ces deux systèmes d’Etat et de gouvernement, également totalitaires – ce qui n’est pas péjoratif quand il ne s’agit que de signifier la cohérence d’un système et non son caractère éventuellement contraignant par corps et exclusion des récalcitrants ou des sceptiques – étaient réputés en leur temps éternels et irremplaçables. Le capitalisme, avec ses deux avatars que sont le mondialisme et le libéralisme au sens de la déréglementation et d’un dépérissement de l’Etat que n’aurait osé systématiser à ce point et pour un délai aussi bref, moins d’une génération, un communiste bon teint, a paru – depuis l’implosion soviétique – promis, lui surtout à l’éternité. Critères de la bienséance idéologique voire d’une simple intelligence des réalités contemporaines, la loi du marché, celle de l’unique motivation économique par le profit, ont conduit à des mutations profondes : individualisme pour les carrières de l’entreprise au lieu d’un siècle et demi de solidarité salariale, détournement des plus-values de la production vers la spéculation tarissant l’investissement. Ce mimétisme obligé faute duquel plus personne, sur les tréteaux de campagnes électorales ou dans les colloques et consultation pour pays émergents ou laissés de côté, n’est pris au sérieux, a périmé ce qui avait été plébiscité politiquement, socialement depuis la révolution industrielle à quelque époque que celle-ci se soit produite selon les pays : secteur public industriel, concertation de partenaires sociaux organisée et arbitrée par les Etats nationaux, extension à la santé, à la prévoyanc du domaine régalien. Ce qui fut appelé le modèle social français pour s’en tenir à nous, et proclamé le soir du referendum négatif de 2005 à propos du projet de Constitution européenne, et qui n’avait plus de véification pratique dans aucun des calendriers de l’Union européenne ni dans les programmes politique de droite et de gauche. L’accord sur le dirigisme – ou un néo-colbertisme – c’est-à-dire sur une responsabilité ultime de l’Etat n’était contesté par personne, il était juridiquement et mentalement organisé et l’unification européenne, le « grand marché intérieur », ne le détruisait mais l’étendait au contraire à un ensemble où chaque partie prenante voyait grandir son champ d’action. La financiarisation de l’économie, la pétition d’une libération de l’entreprise tant vis-à-vis de l’impôt que des contraintes de gestion de sa ressource humaine (naguère son personnel), l’exclusion de l’Etat de la vie économique et la soumission du débat social aux nouvelles normes de la déréglementation ont vidé de leur sens les élections politiques puisque l’objet de celle-ci est interdit de traiter l’économie. Le dogme de l’automaticité des avantages sociaux en fonction directe de la croissance économique, celle-ci étant obtenue par une liberté totale à terme de l’affectation du capital, y compris des fonds propres pour les banques, était devenu un terrorisme idélogique, la gauche nominale ne proposant que des gestions et des équipes différentes, mais nullement des changements de perspectives ou d’organisation. Rien que la réduction du temps légal de travail à trente-cinq heures a passé pour un assassinat de l’économie française. Une démocratie qui ne peut plus légiférer, des gouvernements qui ne peuvent avoir pour programme que de se désarmer au point qu’est prévu pour Janvier prochain le début d’un processus amenant à supprimer l’échelon départemental donc tout un niveau de participation citoyenne, une Union européenne effective seulement pour organiser la jachère ou empêcher certaines acquisitions à l’extérieur. L’absurdité des conséquences, la détresse des sans-travail pousant les personnages politiques au prêchi-prêcha de la modernité, de l’adaptation. Disparition soi-disant des classes et de leur lutte mais direction de l’économie, du corps social par de très petits groupes se cooptant et d’année en année le système se resserrant, l’osmose des agendas et des carrières devenant toujours plus intime entre décideurs de tous poils, et d’un mandat présidentiel à l’autre – pour ce qui est de la France – une corruption des esprits, la disparition des contrôles et en fait une perte de vue générale de la réalité, y compris par ceux qui pâtissent de cet ordre de choses, l’immense majorité des gens, médusés et enveloppés au point de ne plus vraiment protester. Un peu le système colonial qui tenait avec très peu de contrainte apparente parce qu’une alternative paraissait inimaginable pour la plupart des coloniés et illégitime à tous les égards par les tenants métropolitains. Plus encore que par la force (les puissances coloniales vaincues spectaculairement par des peuples extra-européens), le sytème s’écroûla par sa contradiction interne : l’assimilation postulait l’extension de législations libertaires et égalitaires mettant forcément fin à des supériorités discutables. L’histoire propre à chaque peuple réapparaissait, comme elle a réapparu chez chacun des satellites de l’Union soviétique, sa seule rivale devint l’économie périmant les faits, les éphémérides, matérialisant tout avec l’assentimenet paradoxal de l’Eglise de Jean Paul II promouvant le libéralisme sur la tombe du communisme, moyennant quelques conditionnements jamais vérifiés avant l’encensement. Deux analyses furent empêchées – par l’idéologie dominante – dans les années 1990 : celle marxiste qui aurait expliqué la chute du communiste par l’infidélité de ses dirigeants aux utopies initiales, celle libérale au sens politique du XIXème siècle de la liberté des personnes plus que la liberté des entités qui aurait montré les contradictions du capitalisme et surtout évalué ses performances et leurs coûts.

L’histoire est à écrire du cheminement en France, en Europe qui mena des privatisations dans chaque Etat-membre des Communautés européennes au milieu des années 1980, aux accords de Marrakech pour le libre-échange mondial quel que soit le niveau de développement des pays. Le système d’aujourd’hui – celui qui a croûlé hier soir – s’est construit en toute logique depuis une vingtaine d’années avec crûdité, tous les objectifs, toutes les perspectives étant décrits publiquement plus encore par les politiques que par les entrepreneurs.

En revanche la psychologie humaine explique une bonne part du découplage de l’argent et de la production, sans que disparaisse – au contraire – l’instinct d’accaparement du maximum de biens fongibles et de liquidités, et à terme individuellement ou en groupe, l’accaparement du pouvoir : l’hérédité en politique et dans tous les métiers de notoriété se donnant en spectacle, dans les nouveaux empires familiaux notamment en France. En économie, c’est au début des années 1990 l’affadissement du métier bancaire, de l’application des fonds propres à de la spéculation sur des produits boursiers dits dérivés, de la confusion dans l’octroi du crédit des fonctions du prêteur et de l’assureur ; elle explique l’engouement des dirigeants – menés par leur libido personnelle – pour la croissance externe des entreprises à la tête desquelles ils parviennent par cooptation sans esprit de famille ni connaissance intime de la maison où ils entrent : loi du moindre effort car la prospection commerciale, l’invention technologique, l’étude des besoins sont bien plus coûteux et surtout demande bien davantage de temps. Ce ne sont pas les marchés qui ont failli ces derniers jours, ce sont les banques depuis des années qui ont changé d’objet principal. Le gigantisme a été systématiquement favorisé par les autorités et observatoires censées répondre de la légalité et de l’authenticité des raisons sociales. Selon les experts ou selon les méthodes d’évaluation, l’économie virtuelle est cinquante fois plus grande que l’économie réelle. La crainte d’un réveil de l’inflation – plaie de trois quarts de siècle en Europe – ne l’a pas éradiquée, nous le vivons, mais a surtout empêché de voir une autre inflation, celle de la "bulle financière" : concept raillé lors de la crise asiatique de 1997-1998.

Justement, les avertissements à partir de la disparition de l’apparente alternative au capitalisme que représenta – surtout socialement et militairement – le système communiste, ont été multiples, mais si variés que la synthèse n’a pas été faite et que ne se sont manifestés ni un refus global ni une critique détaillée déduite de ce refus. Crise des places d’Asie, effondrement du système bancaire japonais et remède seulement trouvé dans la nationalisation. Crise bien plus profonde mais moins éclatante pour l’extérieur, celle du financement des dettes internationales et notamment de la dette publique américaine, puis des principales entreprises de services, notamment financiers. Crise – pas seulement démographique – des systèmes de financement des retraites faisant naître les fonds de pension et introduisant dans les économies développées un nouveau patronat – virtuel et volatile. Crise morale du libre-échange par la dénonciation qui en est faite par l’ensemble des pays en voie dedéveloppement, notamment les pays africains, caraîbes et pacifiques associés à l’Union européenne. Crise des approvisionnements énergétiques illustrée par les cours erratiques du pétrole. Enfin, crise générale de discernement : la baisse continue des taux aux Etats-Unis ne palliant pas la tendance à la destruction des emplois et à l’inflation a suscité l’endettement des particuliers pour acquérir la sécurité de leur logement. Avertissements ponctuels en France, absorption-fusion-démantèlement de la sidérurgie (Arcelor), de l’aluminium (Péchiney pour Alcan puis Alcan à son tour), itinéraire d’Alcatel et de ses dirigeants même dans leur américanisation et désindustrialisation presque achevée du pays que traduit un déficit commercial croissant et désormais structurel. Bien entendu, l’ « affaire Kerviel », la même Société générale ayant fait l’objet des manœuvres de 1988 et recruté ses dirigeants dans les cabinets ministériels de la droite version 1995-1997.

Les effets de système seront analysés bientôt, les interdépendances, les sas, les vases communicants seront mis en évidence d’abord par les faits.

Donc, un système soudain en panne de financement et qui s’est coupé des racines habituelles : construction des marchés, politiques des rémunérations et revenus soutenant la consommation. 700 milliards immédiatement nécessaires aux Etats-Unis pour éviter l’effondrement de l’ensemble et à fournir par le Trésor, le contribuable donc, plus 620 en lignes de crédits accordées par la Fédérale Réserve, et dans la zone euro. plus de 120 milliards « injectés » par la Banque centrale européenne pour redonner des liquidités aux banques qui ne se financent plus les unes les autres, et qui déconnectées de la production n’ont plus les bénéfices de la consommation.

Paradoxalement, ces interventions des Etats – une soudaine réapparition d’un secteur public difficile à nommer autrement que par la garantie et la capitalisation que lui accordent les pouvoirs publics – restent dans le modèle libéral en ce sens qu’elles n’obéissent à aucun vouloir politique et à aucune conception économique a priori. On ne pense pas à des remèdes, on obéit sous la contrainte à la nécessité d’éviter la banqueroute de grands établissements financiers. Alors que pendant plus de vingt ans on n’a jamais songé à éviter la faillite d’entreprises de production et de service. On craint plus les épargnants – aux étages politiques des sociétés développées – que les salariés, la logique de dépréciation du facteur travail et de surévaluation du facteur capital ne se dément toujours pas. On ne réalise pas – mais tout a commencé il y a quinze jours seulement – que l’on déplace du niveau des banques et assurances au niveau des Etats le problème de la solvabilité et du financement des sommes qu’on met dans le circuit. Or, les Etats sont pour beaucoup – les Etats-Unis et la France déjà exsangues : notre dette nationale publique équivaut à 66% du produit intérieur brut, 1.269 milliards d’euros et chaque Français a appris la somme dont répondra chaque enfant à naître.

Le besoin de liquidités soudainement apparu a fait fleurir une critique chez les politiques unanimes. Les aveux de la chancelière allemande, le discours de Toulon. Critique pas informée des processus de l’entreprise particulière et de l’économie générale, démagogie des appels à sanctionner des responsabilités personnelles sans que soient évoquées celles des partis et des dirigeants élus qui ont mis en place les législations étaticides. Double contradiction : les droites au pouvoir en France, aux Etats-Unis, en Allemagne prônent soudain un autre capitalisme et pour ce faire ne dispose que d’un Etat croupion et d’une Union européenne, pour notre côté de l’Atlantique sans pouvoir de décision et sans concept alternatif du libéralisme désormais condamné. On a chanté, jusqu’il y a quelques jours, avec ceux qu’on voue aujourd’hui aux gémonies. Dans le cas français, cette critique démagogique et schématique s’accompagne de la réitération des projets de réformes, or toutes réformes visent à désarmer encore plus l’Etat et à privatiser services publics, processus de protection collective, enfin à transférer du domaine législatif donc démocratique bien des procédures vers des systèmes contractuels ou des professions privées : les conventions sur la durée du travail ou l’octroi des procédures de divorce, retirées des juridictions judiciaires et confiées aux offices notariaux.

Conséquences.

Multiples.

L’économie mondiale va se compartimenter, alors que toutes les réformes nationales ou à l’intérieur de groupements d’Etats comme l’Union européenne et toute la mondialisation tendaient à l’unifier. Il va y avoir des économies autonomes, retournant au circuit fermé, comme celles de l’Inde, de la Chine et de la Russie et des économies en quête de financements et entrant en dépendances des premières. Nous avions déjà les pays assistés, reculant chaque année davantage, déjà les pays dont on pille les matières premières et qu’on oblige à s’assurer collectivement un avenir non plus économique et financier en investissant dans les actifs et les services des paysles plus développées jusqu’à la semaine dernière. Les relations ne seront plus d’échange mais de dépendance, elles vont donc redevenir politiques.

Les personnes physiques chargées, parce qu’elles sont en place, de gérer la crise et dans l’immédiat de trouver les liquidités – celles à attendre des contribuables, celles mises en place par les banques centrales – n’ont aucune expertise économique. Les dirigeants des entreprises, banques, assurances et services mis en faillite ou recapitalisées par les Etats retrouveront certaianement des places de consultants, mais cessent d’être présentées au public. La presse « people » va désormais être évitées par ceux qu’elle donnait à admirer et à envier. C’est une révolution psychologique. Au simplisme des décisions d’entreprise : délocalisations, croissance externe, lcenciements, va succéder le simplisme des politiques ayant à exposer aux contribuables la légitimité d’une poursuite de leurs sacrifices. Les réfractaires du Congrès américain au plan Paulson refusent ce rôle. Il fallait donner des emplois jusqu’à la semaine dernière le dogme du libéralisme les promettait si l’on supprimait Etat et fiscalité des sociétés – du moins, c’est ce que disait le politique. Il faut aujourd’hui donner de l’argent. Le changement de discours sans qu’il y ait des concepteurs et des spécialistes du nouveau, avant longtemps, va être difficile.

L’évolution des régimes politiques est prévisible. A la confiance dans un système économique : la libre entreprise succède depuis ce matin l’appel à la confiance forcée dans le chef en place. Le système des années 1930 qu’il ait ou non mené à la dictature, va se retrouver avec moins de costumes et d’assemblées en plein air mais avec la même perfsonnalisation à outrance. La France l’a acceptée par avance depuis quinze mois que Nicolas Sarkozy est président de la République, nous sommes déjà dans un régime plus que présidentiel sans les contrôles parlementaires que George Bush junior vient d’expérimenter : l’Assemblée nationale française est prévisible, le Congrès américain ne l’est pas.

Dans l’immédiat, un processus politique nouveau change toutes les données intérieures. L’Autriche et la Bavière ont voté dimanche contre les coalitions au pouvoir. L’élu du 4 Novembre aux Etats-Unis sera immédiatemernt au pouvoir sans attendre son investiture ; la chronologie de la semaine dernière, la réunion à la Maison-Blanche, le vote d’hier soir et son éventuel amendement montrent que le président en fin de mandat n’a plus d’influence, ce sont les candidats qui en ont. En France, Nicolas Sarkozy dispose désdormais d’une rente de situation inattendue. La règle des gouvernements réformateurs était leur impopularité, aujourd’hui le sauve-qui-peut ne fera plus regarder que celui qui est aux manettes, l’opposition figée dans le calendrier constitutionnel de dévolution du pouvoir n’exercera plus aucun attrait puisque les problèmes sont immédiats. L’attrait du pouvoir en place va casser plus encore l’opposition socialiste, Jack Lang à propos de la révision constitutionnelle, Michel Rocard dans son appréciation du discours de Toulon seront rejoints par du grand nombre.

Les scenarii de longue date sont périmés, les programmes et les promesses peuvent être abandonnés parce que nécessité fait loi. Et la nécessité va dicter les comportements, les concepts. Dans le cas de la France, tout ce qui handicapait fondamentalement Nicolas Sarkozy, son goût de l’immédiat, son incapacité à donner des cohérencees et des perspectives à des actions seulement liées par un effet de catalogue et de chronologie, devient maintenant très adapté. Parer aux urgences, jour après jour. Le principe de réalité qu’il a érigé en discours politique et qui l’émancipe de toute mémoire et de tout précédent le sert aujourd’hui. Agir. Probable bond spectaculaire dans les sondages, le président dérangeant devient le recours contre la crise, celui qui garantit sécurité et épargne. Bien entendu, tout le passif d’une politique économique est épongé : la crise explique tout rétrospectivement, les lacunes demain ne seront pas sa faute. La manière d’exercer le pouvoir est maintenant justifiée par l’urgence et aussi par l’universalité de la crise.

La présidence française de l’Union européenne, bouleversée dans ses programmes par la guerre de Géorgie, rend – comme on n’aurait pu le rêver à l’Elysée, il y a quinze jours seulement – toute la main à Nicolas Sarkozy : le voici en vue au commencement de ce qu’on considèrera bientôt comme une crise comparable en importance et en effets aux déclarations de guerre de 1914 ou de 1939, à la crise économique de 1929 ou au symbolique franchissement du mur de Berlin. Nicolas Sarkozy est à l’inauguration d’une nouvelle période de l’histoire contemporaine. Il voulait la déterminer, c’était artificiel jusqu’à présent, maintenant que le calendrier n’est plus son fait mais celui des dérèglements inernationaux, le voici promu. Il se donnait une mission, pas claire et sans objectif discernable, en voici une autre avec une fin qui ne le sanctionnera pas : il défend les Français, il suscite les Européens. Enfin, comme accessoirement, la remontée du chômage depuis quatre mois, et statistiquement significativement pour Août, passe au second plan, tant il y a à commenter et à craindre.

L’élection présidentielle américaine permet d’éprouver les candidats en situation réelle d’exercer le pouvoir : Barack Obama confirme qu’il ne fera pas autrement que ce que tente, contre son propre camp, George Bush tandis que McCain se réfugie dans les mécaniques parlementaires. George Bush junior dont le bilan et l’image étaient désastreux même si l’opinion l’avait soutenu majoritairement – y compris Hillary Clinton – dans ce qui lui st reproché aujourd’hui, trouve par un retournement total de situation un événement de même portée médiatique que l’attentat du 11 Septembre pour le remettre au pinacle sans qu’il y soit pour rien.

Naturellement, la politique sera encore plus un spectacle et la montre d’un seul personnage qu’auparavant. Démagogie et autoritarisme, probable conflit avec les assemblées délibératives, mais surtout incertitude du modèle à venir. Reconstituer en vertueux ce qui ne fonctionnait que vicieusement ?

J’augure donc pour le court terme une accentuation de l’artifice des politiques, et à long terme, par force l’émergence d’une nouvelle classe de praticiens et de théoriciens de l’économie, de nouveaux entrepreneurs. Le processus peut être long mais la politique lassera assez vite pour que des élites, empêchées d’apparaître et d’entreprendre par la collusion de plus en plus grande ces dernières années entre ces capitalistes, aujourd’hui raillés mais qui n’étaient que des gérants sans fortune personnelle pendant leur exercice, et les élus.

Je constate que les politiques restent subordonnés : ils sont chargés d’ouvrir le trésor public à l’économie, non en récompense de celle-ci, mais en palliatif. Leur registre devrait être la conceptualisation et la concertation. Ils ne le tiennent pas. La prochaine réunion est beaucoup trop tardive : en principe le 15 Octobre. Chaque pays agit pour son compte, personne n’a proposé aux Etats-Unis une aide au financement des fameux 700 milliards, ils vont être refinancés par les investisseurs mondiaux acceptant encore les bons du Trésir américain. Chacun des Etats-membres agit depuis trois jours pour son compte : la concertation inter-étatique n’a lieu que quand les entreprises sont à capitaux mixtes, Fortis et Dexia.

Style aux Etats-Unis, question de personnes en France. Barak Obama va pouvoir promettre la lune, tandis que McCain est austère et avant tout congressiste. Le tribun l’emportera-t-il ? je le croyais pour la première fois samedi et dimanche, la démocratie directe, mais les Etats-Unis sont fédéraux, les élus et représentants comptent, même les juges sont élus : McCain est un parlementaire, l’opinion pour lui n’est pas une foule mais une addition de situations particulières. Chez nous, le retrait de Christine Lagarde et de François Fillon me paraît probable. Claude Guéant, dimanche soir, a parlé en Premier ministre, interprétant et accentuant le discours de Toulon.

Midi

Stupéfiant.

Comme il était à prévoir, les bourses asiatiques ont ouvert en forte baisse et la soirée américaine s’est conclue d’une façon ressemblant au sort fait à l’Irlande par ses partenaires de l’Union européenne : il suffit de revoter jusqu’à se dédire, pour que tout s’arrange.

C’est donc l’impasse. Elle devrait inquiéter. Pas à Paris où l’exception française persiste, elle est vantée. C’est depuis que nous nous sommes banalisés en abandonnant nos axes et repères des années 1950 et 1969, cette vantardise qui fait seule notre exceptionnalité. Christine Lagarde la semaine dernière, le successeur de Claude Bébéar ce matin à sa sortie de l’Elysée affirment que la France sera épargnée, que le risque « systémique » est dépassé, que le système national est stable et la solvabilité acceptable. A preuve, un chiffre et non une analyse, celui du bénéfice cumulé de notre ensemble bancaire. On se félicite publiquement que sa formule courante soit la « banque universelle » sans réfléchir que c’est cela qui a permis « l’affaire Kerviel », le jeu sur les fonds propres, que n’aurait pas une banque d’affaires. Si nous n’avons plus de banques d’affaires, Lazard a mis la clé sous la porte, c’est que le fructueux commerce de consultation en privatisation et en introduction en bourse est terminé, toute la matière possible y étant passé. Ce n’est pas un signe de santé ni de jeunesse pour notre organisation financière.

Passe encore que les diagnostics soient sans finesse, mais il n’y a pas l’amorce d’une concertation tandis que des centaines de milliards sont sollicités et placés – concertation européenne, concertation euro-américaine. Responsabilité autant de l’idéologie dominante dont personne ne veut plus porter la responsabilité de l’avoir véhiculée, imposée, vantée, que des gens de pouvoir : la mondialisation se répare par le chacun pour soi, le libéralisme par l’étatisation. L’Union européenne ne semble pas entrer en concertation, la Commission européenne ne se fait en rien remarquer, la relation franco-allemande existe : les ministres des Finances jeudi dernier à Berlin, la rencontre de la chancelière avec le président français la semaine prochaine, mais quel est son fruit. Airbus exemplaire est devenu l’exemple des dévoiements auxquels conduisent les systèmes qu’on condamne aujourd’hui : évidente crise de direction heureusement sanctionnée par le retrait de Forgeard, subordination d’un industriel majeur aux artifices de la délocamisation et d’une parité euro-dollar pas maîtrisée.

Faillite aussi de la doctrine : Greenspan avait raison contre Stiglitz il y a quinze jours. Or, comme Woody Allen, c’est en France que le prix Nobel d’économie en 201, est populaire ; bien moins aux Etats-Unis.

Vers quoi va-t-on ? Une gestion ne s’organisant pas et ne se programmant ni pour les actions, ni pour les concertations, ni pour l’élaboration des diagnostics et des formes nouvelles. Un système à venir qui va résulter des circonstances, de échecs et erreurs, non d’une volonté commune. Il est vrai que les constructions a priori ont échoué en 1919 et en 1945, du moins malgré la guerre froide la conclusion de la Seconde guerre mondiale a-t-elle accouché de l’Organisation des Nations unies et du G A T T. Cette crise financière pourrait enfanter une nouvelle organisation mondiale, englobant ce qui existe mais y ajoutant la démocratie et les peuples, la perspective planétaire qui se cherche depuis le sommet de Rio de Janeiro et le protocole de Kyoto. Cela paraît à côté de la question, mais c’est le fond, car la solution à terme de la crise de liquidités et de confiance mutuelle est une réaffectation des financements à l’économie réelle, ce qui suppose une éthique de gouvernement tant des Etats que des entreprises, donc une remise à l‘honneur des processus de planification, des prévisions concertées, et une fin acceptée de tous : le bien commun, et non le profit. Le profit ne doit être qu’une rémunération des personnes et des capitaux risqués, pas plus. Il est pour l’essentiel la matière de l’investissement.Il est de l’ordre du moyen, pas de la fin.

fin de soirée

Paradoxalement, les opposants – en France – à Nicolas Sarkozy refusent l’union nationale – ce que je comprends – pour le laisser dans la responsabilité des politiques qu’il a menées ces seize mois mais disent aussi qu’une médication ou des parades à la crise qui seraient seulement nationale, ne sont pas adéquates. Or, c’est par le biais européen que les socialistes et François Bayrou, ensemble, peuvent déborder le pouvoir en place – qui n’est pas européen d’esprit, il ignore même ce que c’est, et encore moins de pratique – en proposant l’union nationale au seul niveau des concertations à Bruxelles. Dialectique un peu complexe mais favorisant l’entrée en jeu des partis représentés au Parlement sans adouber les gouvernements.


Le Parlement européen n’a pas encore opiné. A Paris, pas d’allusion au rôle dévolu à la Banque centrale européenne, jusqu’à présent seule à agir (le total de ses concours depuis hier a doublé, atteignant 228 milliards de dollars, on compterait 400 banques « aux abois » mais toute action d’ensemble à l’américaine est exclue), parmi les institutions de l’Union. Pâleur habituelle de la Commission et de son président, mais bonne orientation des propositions possibles de mesures : Elles iront au-delà des projets de renforcement de la régulation du secteur déjà évoquées par Bruxelles : meilleur encadrement des agences de notation, amélioration de la supervision bancaire pan-européenne et durcissement des conditions de fonds propres à respecter par les banques. Mais cela reste trop « sectoriel ».

Un vocable nouveau va se répandre au moins dans le milieu politique à l’initiative de Bercy… le risque systémique, c’est pour l’éviter que nous participons au renflouement de Dexia.

Aux Etats-Unis, McCain sur la défensive, il est regardé par une majorité d’Américains comme ayant fait échouer le plan Paulson


Mauritanie… l’Union européenne et les A C P lâchent l’Union africaine, c’est en train de devenir un test. Cette organisation du continent qui nous a pris pour modèle, et qui m’est très sympathique car elle est assez capable de consensus précis, a là – pourtant – la pierre de touche de son crédit international. La question pour elle n’est pas de se faire respecter (et craindre) par les putschistes eux-mêmes, mais d’être la conscience et l’expert de la « communauté internationale » à charge pour celle-ci de devenir son bras séculier. Avec cynisme, le Premier ministre des putschistes, partant pour le sommet des A C P à Accra, observe dans un entretien que lui a ménagé R F I que la démocratie est sauve, qu’aucun embargo ou quelque chose d’approchant n’est envisageable ni envisagé et que les parlementaires ont fait savoir que tout est négociable surtout en conclusion des états-généraux de la démocratie réunissant tout le monde d’ici douze à quatorze mois. Il compte présider aussi la délégation mauritanienne aux discussions prévues pour se tenir le avec l’Union européenne. Il est pour moi certain que Moktar Ould Daddah, au pouvoir, aurait non seulement resopecté à la lettre la résolution du Conseil de sécurité et de paix de l’Union africaine, mais encore œuvré avec ténacité et intransigeance, comme il le fit à propos de l’apartheid et du conflit israëlo-arabe.


Zimbabwe, retour à la case départ. Le gouvernement d’union nationale avec l’opposant historique comme Premier ministre et un partage du reste des portefeuilles, qu’on croyait fait, cette fin de semaine, n’est pas accepté par Mugabe. Deux mois de prison ferme pour un journaliste doutant au Caire de la santé de Moubarak.



[1] - Saint Augustin (354-430), évêque d'Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l'Église Sermon sur le psaume 64 (trad. cf En Calcat)

[2] - Job III 1 à 23 ; psaume LXXXVIII ; évangile selon saint Luc IX 51 à 56

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