mardi 2 septembre 2008

réflexion a.s. relation avec la Russie - 7 janvier 1997


La relation - Alliance atlantique-Russie se disant nouvelle



Les relations internationales présentent donc des quadratures de cercle. La relation - Alliance atlantique-Russie se disant nouvelle - est de ce genre de problème. Les entretiens, selon la presse française, du Chancelier KOHL avec le Président ELTSINE, en affinent les données, sans en résoudre aucune. Il est à regretter que l'idée proposée - dans la note précédente - c'est-à-dire le voyage conjoint franco-allemand à Moscou, ne nous soit pas venue depuis longtemps, et si ce fut le cas, que nous ne l'ayons pas mise en oeuvre.

1° des contextes où le problème ne se poserait pas

- l'obsolescence de l'Alliance atlantique est proclamée à la dissolution de l'Union Soviétique. Les questions de sécurité sont désormais débattues en Europe à la CSCE, et dans le monde selon le respect ou non de la Charte des Nations-Unies. Les opérations de maintien de la paix, donnent lieu à un traité multilatéral proposé à l'ensemble des Etats : le traité prévoit organisation et financement des troupes d'interposition, et commence de codifier un droit pénal international.
Pourquoi cela n'a pas été fait ? Parce que l'Alliance est l'un des principaux moyens de l'hégémonie américaine, parce que la Russie est dangereuse - peut-être intrinsèquement - et parce que les Etats-Unis ont intérêt faire du maintien de ce danger un dogme. Parce que la France a craint, hors Alliance Atlantique, l'expansionnisme allemand ou le tête-à-tête Paris-Bonn par ailleurs tellement revendiqué mais moyennant tellement de garanties et de protections que plus personne n'est dupe, et que la distanciation actuelle a au moins le mérite de montrer une part de la vérité. Fort peu avantageuse.

- la poursuite, depuis de GAULLE, du mouvement de désengagement de la France vis-à-vis de l'Alliance atlantique. La question de l'élargissement de l'Alliance à l'Europe centrale de l'Est serait posée très différemment par les candidats ; à la vassalité économique vis-à-vis de l'Allemagne, ils chercheraient un contre-poids politique constitué par l'Amérique au sein de l'Alliance, et hors l'Alliance par la France. La garantie vis-à-vis de la Russie pourrait n'être que bilatérale de la part des Etats-Unis, ou être donnée indirectement dans un traité américano-russe définissant les normes du partenariat et ce qui y mettrait fin. En fait, le mouvement français aurait été précurseur de l'indépendance stratégique et logistique de l'Union européenne, et ce serait à celle-ci en tant que telle de couvrir à tous égards ses Etats-membres, sans qu'il y ait à discuter d'Alliance proprement atlantique et de système seulement militaire.
Pourquoi ce désengagement ne s'est-il pas opéré ? Croyance que de l'intérieur, on participe ? Erreur vérifiée à la suite de la guerre du Golfe (nous n'avons participé ni à la "juteuse" reconstruction, ni à la série des traités de défense bilatéraux ayant introduit comme jamais auparavant les Etats-Unis dans la région). Erreur que nous allons vérifier quant au réagencement des alliances et garanties en Europe orientale : ce sont les intérêts américano-russes qui prévaudront (bilatéralement) sur ceux de l'Union Européenne.

- la constitution d'une Union européenne stratégiquement et logistiquement indépendante. Elle est incompatible avec l'Alliance Atlantique. La théorie des " deux piliers " a trente-cinq ans, sa stérilité est édifiante.

2° une actualisation du " plan RAPACKI " est-elle une solution, et ne serait-elle pas DE FACTO EN COURS ?

- le thème est de ne pas mettre au contact les frontières nucléaires des deux alliances. Naguère, c'était dénucléariser, en fait neutraliser l'Europe centrale et l'Allemagne (depuis le Rhin). La France ne l'a jamais accepté, ni la IVème République en 1955, ni François MITTERRAND en 1989.1990. Le Général de GAULLE contourna la difficulté par un traité bilatéral ayant des aspects "défense" (traité de l'Elysée : 1963) et par les arrangements de 1967 relatif au statut de nos troupes, hors OTAN, stationnant en Allemagne.
Aujourd'hui, ce serait
. de la part de la Russie, accepter l'entrée de certains des pays de l'Europe centrale de l'Est, dans l'Alliance (y compris l'OTAN ? ou pas), c'est-à-dire de bénéficier d'une garantie d'intégrité territoriale, en fait contre elle
. de la part des Etats-Unis, de ne pas y faire stationner de moyens nucléaires ni de troupes
. solutions idéales sans doute pour les nouveaux membres
Question : les Etats-Unis ont-ils avancé dans l'ancienne R.D.A. des moyens conventionnels et/ou nucléaires

- quelles seraient les frontières ? Question de la Turquie et du Kurdistan, du côté atlantique ; accessoirement, statut de la Macédoine contesté par Athènes, velléités bulgares sur Skopje, Moldavie ou Bessarabie

- réponse : les frontières sont plus instables en Europe que partout ailleurs dans le monde. Effort de notre diplomatie au temps de MM. MITTERRAND et BALLADUR pour trouver des procédures en cas de conflit. Mais la carte n'est pas dessinée.

- la partie russe de la Prusse orientale est l'un des points les plus sensibles.
Si des Etats précédemment membres du pacte de Varsovie souhaitent une garantie territoriale atlantique, en fait américaine, on peut penser que Moscou apprécierait une garantie également atlantique et américaine de sa possession d'état de l'ancinne Könisgberg et quoiqu'il arrive d'une liberté d'accès par terre, soit en territoire polonais, soit par les pays baltes. Dialectique de garantie et contre-garanties qui rappelle 1939 ; elle est réaliste.

- l'Union européenne enclave un Etat à neutralité perpétuelle, et comprend quatre membres ayant opté pour une neutralité internationalement reconnue : Irlande, Autriche, Suède et Finlande.

3° si la question - pour l'Europe centrale de l'Est -est le retour à un empire soviétique, alors c'est l'ensemble de la Communauté des Etats Indépendants qu'il faut EGALEMENT examiner, et si c'est - pour la Russie - le retour à l'encerclement, alors c'est de l'ensemble des relations avec l'Occident qu'il s'agit

Poser ainsi les deux questions, c'est avancer vers des solutions à moyen terme.

- la plupart des Etats, qui furent membres du pacte de Varsovie, soit en tant que tels, soit comme Républiques constitutives de l'Union Soviétique, sont demandeurs de garanties territoriales. Ceux d'Europe de l'Est vis-à-vis de la Russie mais aussi de l'Allemagne ; ceux de l'ancienne Union Soviétique, vis-à-vis de la Russie ; et issus de l'Union Soviétique, Russie et Kazakhstan vis-à-vis de la Chine.
La vraie question de sécurité, depuis la chute de l'Union Soviétique, est donc bien différente de celle d'une extension de l'Alliance Atlantique.
Pour les pays d'Europe de l'Est, il s'agit d'un mouvement assez analogue à celui des Etats méridionaux ayant été sous dictature depuis les années 1930 ou 1960 : assurer la démocratie par intégration dans un esemble libéral. L'Union Soviétique ne subjugua l'Europe orientale qu'en étranglant d'abord la démocratie. L'épreuve hongroise de 1956 est un magnifique a contrario. L'intégration de l'Europe de l'Est dans l'Union européenne accélèrera la prise de conscience de cette dernière d'avoir à se doter d'une identité de défense couvrant ses membres sans pour autant défier la Russie. Elle périmerait ainsi la question d'un élargissement de l'Alliance atlantique.
Bien entendu, pour y arriver, il faudrait que les négociations avec les P.E.C.O. aient du souffle et ne soient pas des sous-commissions pour abonnés au C.N.P.F.
Devant les accords de partenariat de l'Alliance atlantique avec Moscou et avec Almaty, Pékin a l'attitude de Moscou quand c'est de Varsobvie qu'il est question.
On aboutit donc à l'inconnue chinoise, bien plus qu'à la susceptibilité russe.

- la Russie ne souffrira pas de son complexe d'excentricité par rapport au reste de l'Europe, si nous organisons entre Européens une réelle osmose économique, sociologique et culturelle.
Le désenclavement mental de Moscou, seul de nature à éviter que soit ressentie négativement l'intégration des anciens satellites dans l'Union européenne, est affaire des deux parties européennes. L'économie ne créera pas d'automatisme ; elle a contribué à maintenir et accentuer la corruption, elle n'a pas déterminé l'état de droit ni la liberté de circuler. Les financements ne doivent plus être conditionnés en termes de performances économiques, mais en termes d'avancée démocratique. On est loin du compte dans l'ensemble de la C.E.I. par ignorance et atavisme des dirigeants, par corruption des opposants trop populaires, par l'aggravation d'une crise sociale importée plus vite encore que les privatisations. Moscou doit devenir démocratique, l'Union européenne doit favoriser la communication transcontinentale. Deux points-tests : la politique C.E.I. des visas de sortie, la pratique électorale.
L'état de droit est la condition de la transformation économique intérieure et d'une pénétration saine par les entreprises étrangères. Actuellement, transformation et pénétration ne sont pas des investissements, mais une spéculation.
Bien entendu, cet effort sera rival de celui des Etats-Unis (très en avance sur l'Europe en matière de militance démocratique).

- l'intégration de l'Europe centrale de l'Est dans l'Union peut favoriser un " espace économique européen " avec la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie.
Sur le modèle de ce qui avait été tenté et même conclu, ad referendum, avec les pays de l'A.E.L.E.. Phase de transition pour les P.E.C.O. déjà commencée, maintien de territoires à osmose pour l'ex-Union Soviétique, surtout dans l'hypothèse où la mûe juridique des industries post-soviétiques ne sera possible, nulle part, dans les formes et selon le calendrier imaginés partout en 1990.1992.

La question est donc l'élargissement de l'Union européenne et la contagion des moeurs démocratiques, bien autrement que celle d'étendre territorialement le Pacte atlantique.

Les cheminements - ici proposés - sont plus malaisés à considérer, si, par ailleurs, nous voulons réintégrer l'O.T.A.N. parce que nous croyons que ce sera la matrice de l'ensemble des arrangements et des sécurités en Europe.
Cheminements qui rappellent aussi la nécessité d'un approfondissement sincère - avec l'Allemagne - de l'état actuel des choses et des perspectives souhaitables ./. (BFF-7.I.97)

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