jeudi 20 novembre 2008

Simone Veil à l'Académie française - une élection de maréchal . jeudi 20 novembre 2008



Jeudi 20 Novembre 2008

17 heures 15 – La nouvelle « tombe », Simone Veil est élue à l’Académie française. Aussitôt est lu le télégramme de félicitations du Président de la République, le courage, la femme d’Etat. Les commentaires disent l’unanimité de l’admiration. Deux phrases de la nouvelle immortelle, mais en enregistrement ancien, sur les camps, la survie, etc… l’évocation de la dépénalisation de l’avortement, quelques phrases de l’époque, elle a quarante et un ans et entre en politique.

Ma correspondance avec elle… dès que j’ai appris sa candidature.

Le mardi 14 Octobre 2008
Madame,
vous êtes une de nos rares autorités morales, je vous l’ai souvent dit – dès notre rencontre à propos de l’Abbé Pierre se débattant dans « l’affaire Garaudy » - et écrit à mesure que notre pays avait à choisir par élection présidentielle ou par referendum.
Vous voici candidate à l’Académie française. Je m’en réjouis pour cette noble et prestigieuse institution, mais le fauteuil de Pierre Messmer, ancien ministre des Armées du général de Gaulle, ancien Premier ministre d’un Georges Pompidou soucieux de donner quelques gages à la fidélité gaulliste qui semblait émolliente en 1972, est-il celui qui vous correspond ?
Je ne le crois pas.
Vous êtes éprise de netteté et de clarté. J’ai dans l’oreille vos réflexions à propos de nos gouvernants en 1996 : la confusion. Ne pensez-vous pas que votre parcours centriste et européen – tout à fait conséquent et respectable – est très différent de celui de Pierre Messmer dont vous seriez appelée à faire l’éloge et à nous donner des clés de compréhension. A lire avec intérêt et sympathie votre autobiographie, je ressentais que l’épithète gaulliste n’est pas flatteuse ni prisée sous votre plume.
Je ne m’en formaliserais nullement si je n’avais été le visiteur fréquent de Pierre Messmer jusqu’au 28 Juillet 2007, veille de son hospitalisation inopinée. Nous nous voyions alors tous les samedi après-midi. Le 21, la conversation vint vers vous à propos de la campagne présidentielle alors récente. Il me confirma ce qu’il m’avait parfois dit auparavant qu’il ne se sentait pas beaucoup d’affinités avec vous. Le verbatim que j’ai, importe peu. J’ai écouté sans discuter. Il était ancré.
Simplement, il me semble peu cohérent en convictions politiques et peu convenable de personne à personne, surtout quand l’une est réduite maintenant au silence, que ce soit au fauteuil d’un des gaullistes les plus éminents et qui ne vous aimait donc guère, que vous soyiez candidate.
Je crois d’ailleurs que votre place dans l’opinion et dans le cœur des Français est telle que votre entrée dans l’Académie française est superflue. Un honneur de plus, certes, mais au prix que je prends la très grande liberté, de vous dire.
En espérant ne pas vous blesser,

réponse

Paris, le 28 Octobre 2008
Monsieur,
Connaissant votre propension à décerner des leçons de maintien, votre lettre ne m’a pas surprise. Je ne compte plus les avis que vous vous êtes autorisé à me donner. Mieux vaudrait désormais en rester là.
Vous avez tout loisir de penser ce qui vous semble bon, notamment de mon éventuelle élection à tel ou tel fauteuil de l’Académie Française, élection que nombre de ses membres ont souhaitée.
Epargnez-moi d’avoir à prendre connaissance d’appréciations qui ne m’importent nullement et croyez, une fois pour toutes, je vous prie, à la considération que je vous porte.
signé : Simone Veil

j’ai répondu

Le jeudi 30 Octobre 2008
Madame,
je vous lis avec chagrin car vous vous méprenez sur mes sentiments. La lettre, à laquelle vous voulez bien répondre, les redisaient et en termes chaleureux et admiratifs.
Avec étonnement aussi car notre différence – considérable de position, de parcours, de passé et de notoriété – ne m’a jamais fait envisager vous « décerner des leçons de maintien » et à plus forte raison vous en donner. Au contraire, vous considérant comme une de nos très rares autorités morales, je suis venu à vous à propos de l’Abbé Pierre puis dans le cours de la dernière campagne présidentielle vous demander avis ou conseils, ou chercher auprès de vous directement à comprendre tel événement ou la raison de vos soutiens ou non-soutiens.
Sans position ni notoriété donc, je veux simplement faire autant que je peux pour ce à quoi je tiens en convictions ou en fidélités aux personnes et aux idées que la vie m’a données. Pour des choses et sur des sujets immenses, combien les générations précédentes ont été jugées en mal aujourd’hui n’ayant pas pris position. Vous le savez, je me suis battu comme je l’ai pu – notamment pour le maintien du legs du général de Gaulle : institutions, politique extérieure, dessein social.
Le sujet – maintenant – est mineur, mais j’ai été troublé par l’inadéquation de votre candidature, surtout si elle est sollicitée par d’autres et que vous y êtes pour peu. Parce qu’elle ne correspond pas à Pierre Messmer.
Je donne donc notre échange de correspondances à nos maîtres avant le prochain scrutin. Votre réponse aurait pu m’en dissuader.

puis j’ai adressé cet échange à chacun des électeurs, en personnalisant le dispositif suivant, selon la connaissance que j’en avais


le lundi 10 Novembre 2008
. . .
veuillez me pardonner de vous déranger un instant.
En Mai 2000, j’avais pris la liberté de suggérer aux suffrages de ceux d’entre vous qui siégiez déjà dans votre si prestigieuse compagnie, la candidature de Michel Jobert au fauteuil d’Alain Peyrefitte. J’étais familier de l’un et de l’autre, sans doute des personnalités politiques de premier plan, mais de plume certainement aussi. Vos futurs confrères ne l’avait pas trouvé déplacé.
Je me permets la même liberté pour vous donner ci-joint la correspondance que j’ai échangée avec Madame Simone Veil, candidate au fauteuil de Pierre Messmer. J’ai eu l’honneur d’être familier de ce dernier depuis Matignon et nous avions les mêmes références. Madame Simone Veil m’a quelquefois reçu depuis ce qu’il arrivait à l’Abbé Pierre en 1996, c’est pourquoi j’ai cru pouvoir lui écrire – avec déférence – mon sentiment quand j’ai connu sa candidature.

en même temps qu’à la candidate, j’avais écrit à Maurice Druon, dernier commensal de Pierre Messmer, à son domicile parisien.

Le mardi 14 Octobre 2008
Cher Maître,
vous me savez attaché d’affection, d’esprit et de beaucoup de conversations approfondies à Pierre Messmer dont vous êtes l’un des plus éminents amis.
J’ai donc appris avec beaucoup d’étonnement la candidature de Simone Veil à son fauteuil. Etonnement parce que ses écrits ne sont pas d’un premier plan littéraire évident, son élection sera donc de l’ordre de la notoriété et de la politique, certes au beau sens du terme. Alors étonnement plus encore que cette candidature soit au fauteuil de notre ami.
Simone Veil est exactement l’anti-parcours de Pierre Messmer. Le gaullisme est ce qu’elle combat en centriste et en européiste. C’est une adversaire politique même s’il y a un décalage dans les carrières, l’ancienne ministre de Valéry Giscard d’Estaing commençant son parcours gouvernemental quand Pierre Messmer malheureusement l’a achevé. L’entendre nous donner les clés de compréhension du parcours de notre ami sera « plaisant » comme aurait dit Pierre Messmer.
Quant à faire son éloge, ce serait choquant venant d’elle, précisément. Notre ami, à plusieurs reprises selon les pentes de nos entretiens – dont j’ai les derniers en Juillet 2007 en enregistrements magnétiques – m’a dit ne « pas beaucoup aimer » Simone Veil. A notre avant-dernière rencontre, à Saint-Gildas, le samedi 21, c’était une litote. Simone Veil est manifestement récusée.
Comment empêcher cette élection, surtout au fauteuil de notre vénéré ami ? Car je vous suppose peu enclin à voter pour elle – au moins pour ce fauteuil.
Nous avons un mois. Voici ce que je lui écris. Je vous ferai part de sa réponse s’il y en a une.

et j’ai appris ce matin par un de ses confrères que c’étaient lui et François Jacob, qui avaient présenté la candidature de la future immortelle, lequel François Jacob avait reçu Pierre Messmer après l’élection de celui-ci. Mon correspondant observe que le gaullisme de ces deux Académiciens, est incontestable.

Cumul des honneurs et unanimité forcée qui va avec.

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