vendredi 20 mars 2009

Inquiétude & Certitudes - vendredi 20 mars 2009


Vendredi 20 Mars 2009

. . . mais elle ne m’a pas éveillé, c’est le jour naissant ou mon horloge intérieure. Plus que quelques étoiles et le tiers de lune, très brillant. Silence encore de tout. J’ai presque toujours vêcu depuis une vingtaine d’années, chaque jour comme le dernier où je pourrai enfin, par force plus que par grâce, émerger, entrer quelque part, commencer surtout…

Prier … [1] dialogue étrange, quoique empreint d’estime mutuelle, entre apparemment deux professionnels de la religion, l’un de carrière : un scribe s’avança vers Jésus et lui demanda ‘Quel est le premier de tous les commandements ?’ Jésus lui fit cette réponse… Le scribe reprit :’Fort bien, Maître, tu as raison de dire que Dieu est l’Unique et qu’il n’y en a pas d’autre que lui… Formulation même de l’Islam… et l’autre qui s’est improvisé mais qui est reconnu, du moins à raison de son succès populaire. Et voici la chute, elle fait basculer le scribe dans son identité, dans sa vie, ce qu’un professionnel n’aime pas, l’apologétique oui, la vie personnelle non. Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. A vérifier, mais cette locution, ce concept, cette réalité décisive qui entraîne aussi bien la comunion des saints que l’au-delà et donc la résurrection, donc la passion, donc l’incarnation, majuscules partout… cette locution n’apparaît que dans les évangiles. Il me semble même qu’elle est tellement cathédrale que les Apôtres ne la reprennent pas dans leurs épîtres. Seul, le Christ l’emploie – le Fils de l’homme, autre locution décisive et que se réserve Jésus … parce qu’il en est le maître : Je suis la voie, la vérité, la vérité… et c’est sur la croix que le « bon larron » atteste l’existence de ce royaume, et dit sa foi en ce royaume aussi bien qu’il reconnaît que son compagnon de supplice en est le maître : Quand tu seras dans ton royaume… En vérité, je te le dis : ce soir-même… au passage, Jésus annonce au supplicié que contrairement à temps, sa mort va venir très vite. Les jambes brisées… ce qui n’était pas la règle. Et personne n’osait plus l’interroger. La réponse à laquelle nous sommes si habitués, dans ce qui est devenu notre chronique inattention, a surpris l’auditoire, complètement. Ils reviendront s’asseoir à son ombre, ils feront revivre le blé (lundi, notre fille à sa mère, qui m’en raapporte, émerveillée, le mot : regarde, Maman, les blés revivent…), ils fleuriront comme la vigne. Et ainsi préparés, du scribe à ce peuple antique, qui est notre parabole – il est possible qu’Israël contemporain, facile à juger dans ses exactions et cécité vis-à-vis des Palestiniens, soit notre parabole à nous, maintenant, car les camps de rétention et le racisme, n’en avons-nous pas dans notre hexagone ou en signant à 27 telle directive sur les sans-papiers avec des délais d’emprisonnement de plusieurs années ? – voici le dialogue que le Christ ne put avoir de son vivant : le jeune homme riche se déroba, Nicodème était dépassé, les disciples s’endormaient de fatigue au Jardin des Oliviers et au mont de la Transfiguration. Tu t’es effondré par suite de tes fautes… peux-tu me confondre avec les idoles ? c’est moi qui te réponds et qui te regarde. Je suis comme le cyprès toujours vert, c’est moi qui te donne ton fruit. On comprend que Marie gardait tout dans son cœur. Etre elle… ce qu’en principe et en Eglise, nous sommes. Ce serait d’ailleurs un meilleur sujet que celui des préservatifs et des conseils en comportement. Pas de commandement plus grand que ceux-là. Et pourtant j’aime bien ce pape, le premier à avoir admis l’eros, au même pied de légitimité que l’agapè, ce qui n’a pas du tout été commenté (encyclique, sa première : Deus caritas est), mais la gaffe par bonne volonté est bien « germanique » et s’enfoncer dans le bafouillage qui censément rattrape, est bien humain. L’heure timide des oiseaux, qui se règlent à la lumière, tâtons de part et d’autre de la maison. Prier… les yeux fermés de la mort, le Christ endormi sur le « coussin » du bateau, à l’arrière, dans la tempête. Le psaume… Dieu comble son bien-aimé quand il dort. Ah ! si mon peuple m’écoûtait, s’il allait sur mes chemins ! je le nourrirai de la fleur du froment, je le rassasierai avec le miel du rocher ! Maintenant, deux trilles se répondant, Cantique des cantiques. Commençons sans cesser de prier.

matin

Trois des dirigeants de la Société générale se font des bonus substantiels. Barack Obama a fait voter en urgence extrême une loi taxant à 90 % les primes et autres bonus.

Le Monde 2 fait plusieurs pages sur les narcos. au Mexique, écho sympathisant aux bienfaiteurs du président de la République française, allé là-bas exprès pour se goberger, la compatriotes en taule, faux prétexte et contrats bouclés, inexistants. Reste – au sein de l’AFP – cette dépêche arrivant du Mexique l’autre vendredi, en même temps que le couple présidentiel faisait le trajet inverse : elle donnait toute la chose. Pierre Louette aurait demandé qu’on ne traite pas la partie privée du voyage présidentiel.


après-midi

Nicolas Sarkozy décore Bernadette Chirac – l’épouse du prédécesseur, que celui-ci poussa aux premiers rangs des dernières réunions électorales puisque désormais l’amnistie, la sienne au titre d’un passé « abracadabrantesque », est du bon vouloir de l’impertinent ? ou de la conseillère générale, collègue de François Hollande ? Bernadette Chirac énonçant tranquillement dans une émission dominicale, il y cinq six ans que de son mari et elle, c’était bien celui-ci qui avait eu de la chance : l’épouser.

Un témoin direct me raconte, il y a dix jours que Jacques Chirac, tout à fait en queue de liste des conseillers « techniques à Matignon, comprit que Pierre Juillet et Marie-France Garaud étaient décisifs pour se faire remarquer de Georges Pompidou. Il parvint par eux qui, dix ans durant, crurent en lui. Et entraînèrent ainsi tant et tant de Français à espérer l’exercice nouveau d’un pouvoir qui ne vint jamais, et à qui nous sommes redevable – par contre-pied systématique dans le volume des activités, heures d’avion, temps de discours et égotisme – de Nicolas Sarkozy. Dernière dette envers Jacques Chirac : celui-ci invoqué – en turpitude – pour notre retour dans l’O T A N, n’a pas levé la langue pour exposer des moitifs ou rectifier ce qui a été présenté comme détail ou étape.

Madagascar… au lieu de se défausser sur Bruxelles pour qualifier les événements de cette semaine, ceux délibérés par une armée dont le désintéressement et le civisme tranchent sur ses homologues du continent, la France officielle prend une position réactive et, semble-t-il, désinformée.

Mauritanie… d’ici la fin de ce mois, l’Union européenne devrait conclure. Le dossier a été bouclé sans ambiguité par Khadafi faisant à Nouakchott l’animation maladroite de la « grande prière » anniversaire de la naissance du Prophète et la leçon aux démocrates et aux légitimistes. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz – limogé le 6 Août 2008 aux yeux des partisans du président de la République élu il y aura bientôt deux ans – est donc adoubé de la meilleure façon. La France officielle, elle, n’a pas commenté : souvenir d’une semaine parisienne en Octobre 2007. Khadafi chez nous pour payer Cécilia sauvant les infirmières bulgares (et peut-être – dernière chance – le couple présidentiel d’alors).

soir

Je reçois un écho de la grande note de réflexion politique adressée notamment à chacun de nos députés. (disponible sur demande à mon adresse internet ci-dessus)

RE: proposition d'une réflexion politique sur l'année écoulée

Permettez-moi donc de réagir dans cet esprit de débat.
Je commencerai par le sens de votre conclusion III : savoir se remettre en cause. Cet effort nous est posé à tous et je pense bien évidemment au communiste que je suis. D’autant que la méfiance mutuelle que vous évoquez ensuite (conclusion IV) est dans le « meilleur » des cas stérile ou pire grosse d’aventures antidémocratique. Le populisme se développe toujours sur la désillusion.
J’en viens au cœur du sujet.
Permettez-moi de commencer par une réflexion qui concerne la nature de la crise actuelle. Deux faits qui à mes yeux n’ont rien d’anecdotiques.
En 1998, . . . j’ai eu l’occasion de faire publier des déclarations concernant un conflit à Roussel-Uclaf (produits pharmaceutiques). Au bout de dix années de travail, les chercheurs de l’entreprise ont mis au point deux molécules nouvelles : l’une concernait le cancer du sein, l’autre la méningite. Réponse en substance-mais fidèlement rapportée- de la direction : nous ne pouvons pas exploiter ces deux molécules faute de rentabilité : le cancer du sein ne concerne que la moitié de la population-La Palisse n’est pas tout à fait mort- quant à la méningite, elle concerne essentiellement le continent africain et ces pays ne sont pas solvables(sic). Depuis, l’entreprise n’a cessé de licencier pour finir rachetée par Sanofi. Second fait : j’avais publié dans la même période une déclaration de Claude Bébéar alors PDG d’AXA « je peux dégager 16 milliards de francs cash ; si je les mets dans l’industrie, au mieux ils me rapporteront 6 à 7%, si je les place en Bourse ils pourront me rapporter au pire 11%. Je sais que cela peut paraître terrible, mais c’est la règle du jeu ». A travers ces deux exemples, je pense que depuis –approximativement- 1974 let le choc pétrolier, nous sommes passés d’un capitalisme issu de la production industrielle à un glissement vers ce que certains désignent sous le vocable de « bulle financière ». J’ajoute que pour beaucoup d’hommes et de femmes déjà fragilisés par la crise, la course à la propriété foncière était devenu une valeur-refuge terriblement fragile elle aussi. Nous sommes loin du discours de De Gaulle énonçant que la politique ne se faisait pas à la corbeille. Et comme vous j’attendais un peu plus de…véhémence de la part d’hommes comme Guéant ou Guaino.
Je reviens maintenant à l’ une de vos problématique qui occupe une place fondamentale dans votre texte : la démocratie. Je ne vous paraphraserais pas pour dire mon accord avec ce que vos déclarations sur la « démocratie de façade », la »monocratie »ce qui s’est passé ou plutôt qui ne s’est pas passé après le résultat du référendum de 2005, à propos de l’Europe et de son fonctionnement, sur « notre » réinsertion dans l’OTAN et plus précisément sur « la volonté d’un seul qui s’impose à tous »-page 35 je crois-. Il y a un côté »napoléon le petit » qui cache mal une fragilité qui gagne tout le système institutionnel.
Je pense que la démocratie est profondément à repenser – y compris sa définition- et j’inclus dans ce regard critique la faillite si lamentable du système soviétique et ce qui peut en rester.
Il me semble que cela recouvre plusieurs dimensions qui converge vers ce besoin de redéfinition. Page 26 vous évoquer la crise des élites-non pas leurs compétences, mais la place qu’elles occupent de fait-. Je m’interroge personnellement sur l’écart entre ce que l’on appelle « la société civile » et les espaces institutionnels. De fait, peut-être au-delà de ce que vous dénoncez, la citoyenneté s’exerce essentiellement APRES- coup : si l’on est content, on applaudi mais si on ne l’est pas, on proteste contre un mal déjà accompli. Je ne pense pas avoir des penchants anarchistes et je pense que le travail institutionnel ne s’improvise pas. Mais si l’on retient des changements survenus en un siècle, deux éléments me semblent caractéristiques : les problèmes posés sont de plus en plus complexes et mouvants et l’exigence de démocratie se mêle à l’esprit de responsabilité. A mes yeux, l’URSS est morte de ne pas avoir su(ou voulu) aborder ce problème. Les rapports au sein du couple, les rapports enfants-parents, la place des Assemblées générales au regard de celle des leaders syndicaux, même la manière dont le patronat trouve d’autres formes de mobilisation des travailleurs que le contremaître de la révolution industrielle, de tous côtés la société appelle un autre type de démocratie, plus actif, moins fondé sur la dépossession des personne et la délégation de leurs pouvoirs à certains et ce, de manière plus permanente que le rythme électoral.
Je sais qu’il est courant de brocarder la démocratie athénienne dans la mesure où effectivement ni les femmes, ni les étrangers, ni les esclaves n’y avaient accès. Il n’empêche que du point de vue de son fonctionnement la distinction entre choix politiques précis et expertise se faisait, le premier revenant à la souveraineté citoyenne. Penser la démocratie d’abord comme l’exercice étendu de la citoyenneté sans pour autant rêver que nous allions tous, tous les jours à l’Assemblée nationale ; mais la penser comme posture d’exigence vis-à-vis des représentants de la nation dans un exercice de coopération ; les uns contribuant-avec la presse, les syndicats, associations et partis- à l’information et les autres définissant devant chaque problème ce qu’ils attendent comme vote de leurs élus ; cette conception est certainement à creuser. J’ai tendance ) penser que désormais l’échec des alternatives tient en grande partie à cet « impensé ». cela me conduit à une réaction devant une de vos proposition : le gouvernement d’union nationale. Je dois avouer une permanente…méfiance (le mot est lâché) devant cette notion. Autre chose pour moi serait d’admettre que l’exercice de la démocratie n’est pas celui d’une machine huilée, lisse mais de l’acceptation de la contradiction telle qu’elle existe dans la vie, d’une tension positive avec la volonté politique d’en dégager des solutions. Il y a des conflits sociaux qui ne peuvent disparaître même momentanément ; je crains même que d’avoir érigé le consensus comme règle d’or durant les années Mitterrand a transféré la tension dans la vie sociale et l’a trop souvent transformé en violence. Mais si la confrontation devient moteur de la réflexion collective d’une nation, il est possible qu’elle en tire de gros avantages. Notre échange peut peut-être en témoigner.
Cela me conduit à vos propos concernant les nationalisations. En gagnant en maturité durant mon propre parcours politico -intellectuel, j’en suis venu à considérer que partout dans le monde, nous avons confondu nationalisations et étatisation. Dès lors, la part nécessaire d’esprit d’initiative ne pouvait être assurée que par le marché ; et en contre- partie si je puis dire, salariés et usagers se sentant dépossédés ont nourri une solide indifférence à l’égard du devenir de ces entreprises. Bien sûr, cela n’a pas été intellectualisé comme tel, mais nous voyons bien, sur 25 ans, que de s’enfermer dans cette seule alternative : état ou marché conduit partout aux mêmes problèmes. Je reviens du Vietnam : après une déresponsabilisation générale et le règne de la corruption le dégagement voulu de l’étatisation conduit à une Ecole payante, une disparition des garanties de retraites dans le secteur privé…et même un trafic de femmes avec la Chine qui en manque. Sommes-nous condamnés à osciller entre Charybde et Sylla ?
Derniers ( ?) mot concernant l’Europe. Le premier élément est qu’au nom de l’inaccompli ce sont des commissions qui ne rendent de compte à personne qui détiennent des pouvoirs exorbitants. Et ce caractère d’inaccessibilité contribue fortement au risque que vous évoquez à propos de la méfiance. En changeant d’échelle du point de vue de l’espace géographique nous aurions dû théoriquement indexer une profonde démocratisation des processus décisionnels et nous allons à l’opposé. En fait l’orientation économique et sociale de l’Union européenne est à revoir. Je serais tenté de dire que par définition, le travail est de la coopération : personne ne peut travailler absolument seul et ce que l’on nous impose est de la mise en concurrence. Deux valeurs à mon sens antinomiques. Cela me conduit à votre avis sur le protectionnisme même à titre provisoire.si cela veut dire qu’on ne peut laisser la loi du plus fort nous dévorer, c’est à mes yeux incontestable. Mais faut-il le présenter sous cette forme ou l’heure ne serait-elle pas à prendre en compte qu’aucun pays ne peut trouver de solution isolées du sort des autres et ne faut-il pas revisiter une notion aujourd’hui délaissée : chercher à établir des coopérations mutuellement avantageuses ? Je ne rêve pas d’un monde angélique, mais je pense que la France a une histoire et un potentiel qui peut lui permettre de chercher à donner le « la »-ne serait-ce que partiellement- sur ce que devient le monde.




[1] - Osée XIV 2 à 10 ; psaume LXXXI ; évangile selon saint Marc XII 28 à 34

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