mardi 14 avril 2009

Inquiétude & Certitudes - mardi de Pâques . 14 avril 2009


Mardi de Pâques 14 Avril 2009


Prier… [1] la scène est tellement vêcue que son récit par Jean suppose une intimité de l’évangéliste avec la « pécheresse », l’hypothèse, dans le beau conte de Marguerite Yourcenar, de leur amour : elle la lui a racontée. Mais il y a également tant d’hypothèses, humaines, sur la relation aussi de Jésus avec Jean comme avec Marie-Madeleine. Le bain de l’amour. Les textes sont elliptiques, même le Cantique des Cantiques, ils ne donnent en général que les sentiments, l’évangile tranche. Il est factuel. L’abondance des événements explique le disparate des versions entre les quatre rédacteurs, sans compter les apocryphes. Le Christ est partout au matin de Pâques et spécialement, particulièrement, personnellement à chacun. Cesse de me tenir, je ne suis pas encore monté vers le Père. Jésus, selon le texte (traduction française moderne), ne met pas le possessif pour son Père, pas aussitôt, mais le développe : l’adoption est explicite, depuis la Résurrection, nous sommes substantiellement, spirituellement attachés au Christ, emportés par lui. Mais le noli me tangere ? est-ce à dire (et à prier) que Jésus « remonté » aux cieux et assis à la droite du Père est enfin saisissable, se laisse enfin saisir, alors que ce n’était pas possible humainement, sauf à l’occasion de la Passion : que de fois les évangiles rapportent la vaine tentative de se saisir de lui, mais lui passait son chemin. De prise sur Dieu, pour nous les humains, que spirituelle … A Béthanie, Marie-Madeleine étreint les pieds du Christ, elle pleure déjà mais pour une autre raison, celle qui l’a convertie. Pierre, mû par l’Esprit saint, remporte son premier succès de prédicateur : ceux qui l’entendaient furent remués jusqu’au fond d’eux-mêmes. Jésus, lui, vaut par sa seule présence : « … je ne sais pas où on l’a mis. » Tout en disant cela, elle se retourne et aperçoit Jésus qui était là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Le mystère – simple – des apparences et des modes de présence du Christ ressuscité. Femme, pourquoi pleures-tu ? question des anges, que reprend le Seigneur. Dieu nous appelle chacun par notre nom, tous, sauf Adam (et Eve qui doit son nom à Adam), sans doute parce que celui-ci est nous tous. Nommés par Dieu, par ceux/celles aussi qui quotidiennement nous aiment, nous savons alors qui est présent. C’est pour vous que Dieu a fait cette promesse, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera. Le début de la Passion : qui cherchez-vous ? c'est moi, et la conclusion par la Résurrection : qui cherches-tu ? et Jésus n'a pas à dire : c'est moi.

Une de mes anciennes collaboratrices – dans ce que l’on appelait à ma sortie de l’ENA l’Expansion économique à l’étranger – me fait le point attristant du métier et de son organisation. Dans la ligne de faire payer les demandes de renseignements, de mises e relations et d’études de marché (initiée au début de l’été de 1990 quand j’étais à Vienne-Autriche), « on » a pensé privatiser tout notre système à l’étranger, mais il est aussitôt apparu que le paiement pour prestations n’équivaudrait jamais à pas même 10% des coûts : les personnels, les locaux, les communications. On a alors décidé de donner la prospection et la partie commerciale à Ubi-France – anciennement Centre français du commerce extérieur – et de rassembler les études et les démarches officielles avec de bien moindres ressources humaines en un service directement à la main de l’ambassadeur. J’ai dit mon étonnement que Bercy – passée la querelle interne entre direction des Relations économiques extérieures et direction du Trésor, soldée par la fusion au bénéfice du Trésior dans une direction générale de la Politique économique – n’ait pas cherché à défendre son réseau. Réponse, on n’y pense plus qu’au Conseil Ecofin. et le commerce extérieur est vêcu comme tout à fait négligeable. Naturellement, je suis de l’avis contraire, notre balance commerciale est fonction d’un tissu relationnel dense et pérenne, et pas seulement des « grands contrats », aujourd’hui réduits aux performances – si coûteuses politiquement – d’Areva et d’Alstom.

La force navale au large de la Somalie et des côtes d’Oman, censée – sous commandement OTAN intégré, confié aux Britanniques – éradiquer la piraterie, se couvre de ridicule et de sang. Les actions de commando pour arraisonner les pirates sont nationales et elles font des morts nationaux. Tandis que les détournements et captures de navire deviennent quotidiens.

Heuliez, plus de mille emplois, va fermer parce qu’il manque 40 millions alors que la filière automobile dont l’entreprise poitevine est censément un fleuron – les carrosseries sur autoroutes, comme Lamberet disparue de Vannes – a reçu près de 10 milliards. Le fonds stratégique d’investissement n’est capable d’allonger que 10 millions et encore y a-t-il eu un suspense signé Châtel ou Wauquiez pendant plusieurs semaines.

Je lis dans Jeune Afrique (daté des 12-18 Avril) de larges extraits di duscours de Ségolène Royal, le 6 Avril à Dakar au siège du Parti socialiste sénégalais. Vous avez fait l’Histoire, vous l’avez faite bien avant la colonisation, vous l’avez faite pendant, et vous la faites depuis. Bien. Moins heureux et surtout trop partiel, la « condamnation » de la colonisation : une entreprise systématique d’assujettissement et de spoliation. C’est vrai pour certains de nos territoires, pas pour d’autres. Dans la Mauritanie que j’aime (beaucoup) et connais (un peu), la question est bien plus crûe : tout simplement, ce système politique est illégitime quels que soient ses résultats, les bénéfices du moment, voire même les consentements ou acquiescements. Evocation enfin et attendue : sans l’Afrique et les Africains, jamais la France n’aurait retrouvé sa liberté. Constance de cette championne ambitieuse et douée, mais sachant être humble devant son public, elle est au seuil d’une imagination et de propositions géniales, et demeure retenue par quelque chose que je n’identifie pas encore, et qui n’est certainement pas la problématique de ses relations avec la hiérarchie du Parti socialiste, il y a autre chose chose tenant sans doute à son éducation familiale, mélange de classicisme et de banalité, et à l’inverse d’une certaine envie de révolte. Elle n’a pas encore réussi cette sorte d’osmose populaire qui fait que l’un invente l’autre et que l’autre est constamment reçu et amplifié en écho. Sarkozy y est arrivé avec son électorat entre 2005 et 2007. Reste l’essentiel, la candidate de 2007 marque le président régnant à la culotte, est toujours sur la ligne de front.

Tandis que je lis dans Le Monde (daté des 12-13 Avril) un entretien avec Manuel Valls. Ces personnages à qui l’on « donne » une circonscription, comme ces temps-ci, on dédommage des ministres qui n’en avaient pas et qu’on va débarquer en les « nommant » au Parlement européen, ce que permet le scrutin de liste. Venu des cabinets ministériels, la communication de Lionel Jospin (résultat, le premier tour de 2002…), il se voit candidat de son parti en 2012 ! genre Benoît Hamon arrivé lui du cabinet du Premier secrétaire rue de Solférino. L’un à gauche, l’autre à droite, tous deux dans une gauche ne traitant pas et n’étant pas l’essentiel. Les Français attendent l’espérance d’un changement, l’incarnation de l’opposition, une stratégie gagnante, unbe reprise du pouvoir confisqué par la droite. Du Mitterrand 1965 (et Dieu sait si j’aime de Gaulle autant aujourd’hui qu’à l’époque, mais comment ne pas comprendre une grande part des Français qui furent peut-être admiratifs du 18 Juin mais ne le furent pas de la suite, je le comprends quant à moi, il peut y avoir des unanimités, mais ni sur tout, ni tout le temps), du Mitterrand 1974 et du Mitterrand 1981. L’opposition qui peut gagner, qui doit gagner, dont on a envie qu’elle gagne. Si la gauche est Manuel Valls ce qui la différencierait de la droite version Sarkozy, la plus inculte et expéditive que la France ait jamais connue, ce serait la lutte contre l’échec scolaire, un pacte avec les syndicats, la réforme fiscale, tout cela est maigre. L’analyse des positionnements de Nicolas Sarkozy au centre de chaque débat (pour devenir) celui qui ose tout, n’est pas sotte, mais elle n’est pas celle des Français. La politique n’est pas un commentaire politique ni de la science politique, elle est une situation que l’on veut à toute force changer et sans attendre. La politique est impatiente. Manuel Valls ignore aussi les symboles, plus durables que du texte. Accueillir chez lui Eric Besson. Enfin, il n’a pas réfléchi à nos institutions : les Français ont réclamé une présidence actve pour rompre avec le sentiment d’impuissance de la politique. C’est rejoindre Henri Guaino (re-Jeune Afrique) imposer le retour de la politique est un combat de chaque instant. Cela ne veut rien dire puisque le pouvoir actuel ne tranche pas avec le libéralisme, n’entend pas nationaliser ni contrôler, même s’il met l’argent du contribuable et la solvabilité des générations futurs encore plus dans les caisses des grands groupes directement ou indirectement. La phrase et surtout la pratique devraient se dire : imposer la démocratie là où on l’a fait disparaître, là où l’on n’ose l’imaginer. Dans l’entreprise, au Parlement, dans le parti majoritaire… Manifestement, Valls et Guaino soutiennent ce que je considère comme notre handicap principal dans la crise actuelle : le dédain de la démocratie qu’ils jugent inefficace.

Tous deux ne voient la crise que comme un accident technique et des effets d’image : la spéculation, les rémunérations, les paradis fiscaux. Je la crois résultat d’un démantèlement systématique et intéressé de tous les « acquis sociaux » d’un siècle et demi de lutte consciente des classes et d’une reprise (tardive) de cette conscience, pas encore belliqueuse mais déjà catégorique sur les notions et la pratique de l’égalité et de la solidarité. La mporale avance, reprend ses droits mais les gouvernants ne le ressentent pas encore. Ils viennent d’une autre génération, celle du cynisme où l’on n’avait de culture que le possible, jamais le souhaitable. L’utopie seule change les choses parce qu’elle vient des gens.

[1] - Actes des Apôtres II 36 à 41 ; psaume XXXIII ; évangile selon saint Jean XX 11 à 18

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