jeudi 25 juin 2009

Inquiétude & Certitudes - jeudi 25 juin 2009


Jeudi 25 Juin 2009


Je ne vous ai jamais connus. Ecartez vous de moi, vous qui faites le mal. … Et tout homme qui écoute ce que je vous dis, sans le mettre en pratique, est comparable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. … Il parlait en homme qui a autorité … Jésus parle de bon sens, clairement et nettement, mais le tranchant n’est pas dans le conseil qu’il donne, la simple prévoyance, il est dans le relationnement à Lui. L’incarnation du Fils de Dieu rend les choses et le mouvement précis, accessibles tandis qu’Abraham erre entre Sara et Agar, à la recherche de sa postérité propre et dans une certaine confusion car la promesse divine continue de le motiver et de l’habiter. Abraham inspiré par Sara, sa femme, n’aboutit pas même si la tradition monothéiste nous propose, dans les deux descendances par Ismaël et Isaac la généalogie de toute fraternité spirituelle. Jean-Marie Lustiger y ajoute la considération subtile et forte que toute conversion au Christ passe par l’itinéraire religieux d’Israël, l’attente, la révélation, la promesse. Mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. Nous sommes renvoyés à l’enseignement du Fils. [1] Rien à revendiquer es qualités. Pas de créance humaine sur Dieu, rien ne nous est mérite. Nous sommes appelés à la maturité d’une conduite adulte : construire sur le roc. Et pas seul. Toi qui les sauve, visite-moi : que je voie le bonheur de tes élus ; que j’aie part à la joie de ton peuple, à la fierté de ton héritage.

matin

France… la démocratie irréprochable. Diffusion d’un article de media-part : une affaire de fausses factures concernant Sarkozy père et fils. François Fillon, absent du remaniement, nomme un universitaire, membre de l’UMP et bras droit du maire de Neuilly après avoir été le faiseur de la campagne de David Martinon : sa nouvelle plume pour le discours économique. Dans les trois jours sur demande de Jean Sarkozy, il doit s’en séparer.

Les « états-généraux » de l’Outre-Mer… programmés pour Avril avec participation soutenue du président de la République. Des réunions dont peu arrive en « métropole » depuis un mois, le visage avant-hier d’un secrétaire d’Etat sans doute de peu de carrure mais qui avait compris que la domination « békée » ne fait l’affaire ni des locaux ni de la France en plus général pour aujourd’hui, en boucle, le battage médiatique sur une présence là-bas du président de la République, deux heures par île.

Le chômage empirant, les statistiques multipliant par dix ou vingt ans les annonces faisant état de quelques grands noms ou de moyennes entreprises : les trois mille licenciés de Michelin, et chaque jour deux ou trois entreprises vidant chacune quatre ou cinq cent personnes. Une politique macro-économique qui commence de ressembler à celle – Calonne – qui emporta l’Ancien Régime : l’emprunt pour faire croire que l’Etat peut encore quelque chose. Aucune coordination avec l’Allemagne, qui – elle-même – a beaucoup de mal à placer les obligations publiques. Le Monde donne une page presque entière à une dame ayant débuté dans les cosmétiques, pas en laboratoire mais en salon d’esthétique et de coiffure, qui serait maintenant le « nez » économique du gouvernement.

Ceux à qui la disgrâce va bien. Celles… Christine Albanel refuse la villa Médicis.

Mauritanie… la situation est révolutionnaire. Depuis vingt-quatre heures, l’hélicopère transportant vers Tamchakett (cent sud-est) le général-candidat est introuvable : canular, scenario du général de Gaulle un autre mercredi, il y a quarante-et-un ans, disparition réelle. Le Conseil constitutionnel, en soirée, hier, a annulé, contre toute attente le décret de l’intérimaire convoquant les électeurs pour le 18 Juillet, nonobstant qu’aucun des préalables convenus il y a près d’un mois à Dakar n’a été rempli. Cet après-midi, à seize heures locales, manifestation de toutes les oppositions au centre-ville de Nouakchott, place de la Liberté sur laquelle donne l’avenue de l’Indépendance. J’habitais presqu’à l’angle en 1965-1966 : les blocs-manivelle (la forme au sol vue d’avion). Le site internet Taqadoumy n’est plus connecté que par intermittence : une trentaine de tentatives d’intrusion hostile par jour depuis l’arrestation de son directeur de publication, il y a six jours.

soir

Mauritanie… le général-candidat est arrivé à destination. Son alter ego, El Ghazouani, qui tient pour lui la présidence du Haut Conseil d’Etat, dont les opposants veulent la dissolution, a été suspecté vingt-quatre heures… Franco fut suspecté de l’accident d’avion qui coûta la vie à son alter ego, le général Sanjurjo, très vite après le soulèvement du… 18 Juillet 1936 .

Les nouvelles se catapultent l’une sur l’autre. A Tamchakett, Mohamed Ould Abdel Aziz assure – comme à propos de la date du 6 Juin initialement arrêtée pour l’élection présidentielle anticipée – que celle du 18 Juillet est irréversible, ce qui signifie que les candidatures seront reçues jusqu’à demain soir… par un Conseil constitutionnel qui vient d’invalider le décret mettant, précisément, en œuvre cette date. A Nouakchott, le président sénégalais Abdoulaye Wade rencontre l’intérimaire et aussi le président, « déchu » selon les uns, légitime selon les autres, à qui réclamer d’ailleurs sa signature pour la formation d’un gouvernement d’union nationale toujours pas composé, et pour sa démission « volontaire ». C’est – en comptant les vingt-quatre heures de disparition de « l’homme fort » - du théâtre-bouffe italien. La manifestation convoquée pour seize heures locales a-t-elle eu lieu ? elle avait pour objet le « décret M’Baré », c’est-à-dire de contester la tenue du scrutin à une date artificielle sans que les préalables d’un gouvernement d’union nationale et d’une refonte de la commission électorale, aient été rempli. Il n’y a – censément – plus de « décret » M’Baré ».

France… je parcours pour l’annoter prochainement, la « déclaration » présidentielle devant le Congrès, à Versailles, lundi. Mélange d’Henri Guaino et de la dialectique sarkozienne, le ton du scandale pour se donner l’impératif du changement, l’invocation du Conseil national de la résistance, la pétition d’une conscience commune de l’héritage national. A la lecture, cela sonne faux. Pas tant par le rappel des mesures déjà répétées et dites depuis des mois que par ces pétitions qui, dans la bouche, de tout autre ne viendraient jamais tout simplement parce qu’il est évident qu’un Français se sent solidaire du passé français. Pourtant, la nationalité d’adoption – 1947 – du père de Nicolas Sarkozy n’est pas, proportionnellement, plus récente que celle de bien de nos compatriotes africains ou maghrébins. Pourtant, Mazarin pouvait dire : mon parler n’est pas français, mais mon cœur l’est bien. Il y a chez Nicolas Sarkozy quelque chose d’étranger et qui n’a rien à voir avec son passé ou ses ascendances, ce lui est personnel, il y a quelque chose – que je n’ai pas encore élucidée, mais que beaucoup sentent – qui résiste à notre identité nationale, qui fait de lui peut-être un dirigeant, peut-être un animateur, peut-être l’acteur de rôles ou de fonctions dont nous n’avions pas l’usage ni sans doute le goût ou la nécessité, mais à quoi nous avons majoritairement consenti, mais qui certainement empêche que nous nous reconnaissions d’instinct en lui, en ce qu’il dit, en ce qu’il propose. Si l’on cherche une différence fondamentale avec de Gaulle, elle est là. De Bonaparte ou de Napoléon, il reste ce mot du grand Carnot (la levée en masse, les soldats de l’an II), à une époque plus que critique : 1815. Mais, sire ! vous êtes la France. Et Louis XVIII dit, à peine plus tard, à la reine Hortense qui le répéta à son fils, le futur Napoléon III : sachez, madame, que j’ai souvent admiré celui que vous avez aimé.

Interrogation dramatique – certainement articulée par beaucoup au plan social à l’adresse de beaucoup de dirigeants depuis des générations : est-il des nôtres, peut-il le devenir ? mais il me semble que c’est la première fois qu’en France la question se pose en référence au national. – Rien à voir avec les thèmes européens ou atlantiques, voire même économiques, sociaux. Qu’est-ce que la France, que sont ses compatriotes relativement à lui ? Ses références de texte sont plaquées. – Et ce qui approfondit le drame, c’est qu’on ne peut dire à qui il serait ou d’où il serait, s’il n’est pas à nous, s’il n’est pas des nôtres.

Là, me semble-t-il, est la clé de notre désastre, du décalage de tout, du faussement de tout, non seulement dans les politiques gouvernementales ou dans l’ambiance générale du pays, mais dans tous les fonctionnements d’institutions, d’entreprises, dans ce qui devrait être des contre-pouvoirs, des médias, des oppositions, des représentations, tant il est vrai – de Gaulle en conférence de presse, le 31 Janvier 1964 – que du fait de l’élection présidentielle au suffrage universel direct « l’autorité indivisble de l’Etat es confiée tout entière au Président par le peuple qui l’a élu, qu’il n’en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire qui ne soit conférée et maintenue par lui ». Lors de son premier message de vœux aux Français, en tant que président de la République, François Mitterrand s’interrogeait à propos de nos institutions : « Elles étaient dangereuses avant moi. Elles le redeviendront après. ». Je le crois maintenant, pas tant à cause de ces institutions-mêmes, mais par cette obscur penchant français à se courber devant le chef, et si le chef n’a plus en référence sa conscience devant Dieu (le prince chrétien, qu’étudie d’abord Roland Dumas qui rappelle ce mot de celui de nos présidents qui dura le plus longtemps, d’affilée, à notre tête [2]) ou sa propre mise en cause devant le peuple (cette procédure référendaire que refusent Nicolas Sarkozy et l’U.M.P. de maintenant), alors, oui, « tout devient possible » et nous y sommes. Nous consentons à cette déteinte universelle chez nous d’une psychologie mal identifiée mais simpliste, nous consentons à une confusion sans précédent des pouvoirs, des fonctions, des métiers, nous consentons à des abus de position et de situation, car de la tête de l’Etat tout devient contagieux, tout peut se couvrir, tout peut se protéger et même la lumière ou l’évidence deviennent à charge de ceux qui les projettent. Deux sanctions seulement s’envisagent. La non-réélection … une inefficacité telle des politiques économiques et sociales que tout explose ou implose… mais l’engrenage dans lequel nous sommes et qu’expose bien l’impétrant à Versailles, est que « la crise » absout rétrospectivement et par avance, l’élu d’il y a deux ans et celui qui, depuis cette date, nous impose la recette unique d’un arrivisme auquel personne, encore, n’a pu résister. Et rien ne rend plus cynique que l’arrivisme puisqu’il se fonde sur l’expérience – celle du joueur de Dostoeiwski – de la psychologie humaine, tout homme, tout ce qui a position tout ce qui a position apparemment dominante, est un vaincu potentiel que ses pareils ne voient pas ainsi, ni ses subordonnés mais que l’homme d’un futur obsessif, faisant déjà sillage, a discerné. Là où le commun se sert des choses pour parvenir à commander les personnes, celui-ci est allé des personnes pour posséder toutes choses. Le livre bâclé mais anecdotique de Catherine Nay [3] montre chacune de ces remises en jeu d’un destin que le parieur veut toujours supérieur.

Il est vrai que depuis longtemps – sinon depuis Avril 1969, unique fois où un président, un homme au pouvoir le quitta parce qu’il n’avait plus le consentement populaire explicite pour sa personne et ses propositions – l’ambiance publique s’y prêtait de plus en plus. Ainsi Nicolas Sarkozy a-t-il toutes les excuses systémiques et circonstancielles.


[1] - Genèse XVI 1 à 16 ; psaume CVI ; évangile selon saint Matthieu VII 21 à 29

[2] - Roland Dumas . Le peuple assemblé (Flammarion . Mars 1989 . 318 pages)

[3] - Catherine Nay . Un pouvoir nommé désir (Grasset . Janvier 2007 . 479 pages)


Aucun commentaire: