vendredi 5 juin 2009

Inquiétude & Certitudes - vendredi 5 juin 2009

Vendredi 5 Juin 2009

Prier… [1] concentration, remise de soi, discernement, force, passage. Anne allait s’asseoir tous les jours au bord de la route, sur une hauteur d’où elle pouvait voir au loin. Comme elle guettait l’arrivée de son fils, elle l’aperçut au loin… c’est le père du prodigue… mais la mère court d’abord à son mari. Alors, le chien qui les avait accompagnés dans le voyage courut en avant ; il arriva comme un messager, et il remuait la queue en signe de joie. Rare épisode de l’Ecriture mettant en scène un chien et de façon positive (les petits chiens évoqués par la Cananéenne dans l’évangile – notre doyenne qui vit son dernier temps dans cette version-ci de la vie). Le père aveugle se leva et commença à courir en trébuchant. L’événement met tous en mouvement. Retrouvailles comme les fiançailles et la première nuit de Tobit avec Sara : ils se mirent à pleurer de joie. Lorsqu’ils eurent adoré Dieu et rendu grâce, ils allèrent s’asseoir. Guérison selon les prescriptions et la prophétie de l’ange, dénouement et lecture totalisante d’une vie : tu m’as sauvé et voici que moi, je vois mon fils Tobie. Les contemporains du Christ sont moins clairvoyants. L’énigme que leur pose Jésus ne les fait pas réagir, mais la foule qui était nombreuse, l’écoutait avec plaisir.

matin

Mauritanie.

Je reçois d’un ami : Dans l'ensemble, l'opinion publique a très bien réagi à l'accord de Dakar, hormis quelques faucons de l'entourage de Aziz. D'une part, la majorité des gens veulent éviter au pays le spectre des sanctions et de l'isolement. D'autre part, nous sommes tous persuadés que si l'élection se déroule avec un minimum de transparence, Aziz ne passera pas le premier, surtout que la candidature de son cousin va lui arracher une partie de son électorat. Et si jamais il passe au second tour, il ne bénéficiera d'aucun report de voix, si ce n'est celui de Kane ou de Sghair dont les scores seront ridicules.

Et d’un autre : Je suis votre raisonnement sur l’attitude que pourrait avoir le président Ould cheikh Abdallahi face au compromis de Dakar. Néanmoins il ne tiendra pas la posture que vous décrivez. Puis revenant vers moi, il ajoute : Il est probable que le vote prévu confirme le président Ould Abdel Aziz. Dans cas contraire (un élu issu ou promu au premier tour par l’opposition), la transition qui dure depuis quatre ans aurait matière à se prolonger : vous évoquez le jeu parlementariste de contestation entre autres éléments d’instabilité. Cette transition n’à que trop duré pour tout le monde. Le pouvoir devrait « se poser » dans ce pays. C’est un besoin des politiques locaux, pour qui, il y a besoin de toucher de façon stable l’objet de leur luttes et un besoin de la poignée d’Etats concernés par le pays : Les positions acquises ont à présent besoin de « mauritaniens qui retournent au travail », sans quoi la crise de pouvoir risque de se transformer en une crise politique pour coup ! Et puis « le monde » n’a pas que la Mauritanie comme objet de préoccupation.

Les médiateurs iraient - demain - à Lemden voir le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, mais en quelle qualité ? et pour quoi ? lui faire promettre quoi ? puisque celui-ci ne peut avoir d’interlocuteur constitutionnel que l’éventuel Premier ministre, que lui présenterait – selon l’accord de Dakar – le consensus des partis politiques mauritaniens.
La nomination de ce dernier est à la signature du président élu, l’article 40 de la Constitution ne la donnant pas à l’intérimaire.

ARTICLE 40: En cas de vacance ou d’empêchement déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le Président du Sénat assure l’intérim du Président de la République pour l’expédition des affaires courantes.
Le Premier Ministre et les membres du gouvernement, considérés comme démissionnaires assurent l’expédition des affaires courantes.
Le Président intérimaire ne peut mettre fin à leurs fonctions. Il ne peut saisir le peuple par voie de référendum, ni dissoudre l’Assemblée Nationale.
L’élection du nouveau Président de la République a lieu, sauf cas de force majeure constatée par le Conseil constitutionnel dans les trois (3) mois à partir de la constatation de la vacance ou de l’empêchement définitif. Pendant la période d’intérim, aucune modification constitutionnelle ne peut intervenir ni par voie référendaire, ni par voie parlementaire.

On est évidemment dans un tissu de contradictions, puisque le président du Sénat ne fait l’intérim qu’irrégulièrement, son assemblée n’ayant pas été renouvelée dans la proportion prévue par la Constitution : cela devait se faire en Avril, mais les putschsites pouvaient perdre leur intérimaire de choix, et censément du fait de la démission du général putschiste des fonctions qu’il a usurpées., et non du fait d'un empêchement constaté de l'élu du 25 Mars 2007 Et que faire signer quoi que ce soit au président légitime mais renversé, c’est reconnaître qu’il est encore légitime à la date de sa signature. Tandis que l’anticipation de l’élection présidentielle s’organise déjà sans qu’il ait encore signé sa démission.


après-midi

Je visite les sites mauritaniens. Taqadoumy et For.Mauritania. Le premier est plus intéressant encore par la publication de commentaires à ses articles et dépêches que par le contenu de ceux-ci. Mais – est-ce contre moi, ou s’agit-il de hasards répétés ? – le site s’évanouit quand je m’identifie pour les commentaires que je donne. J’ai dû prendre plusieurs « identités » pour faire remarquer les contradictions multiples tournant autour de la personne et de la fonction du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. La laudation de celui-ci par le président Wade : déplacée hier soir, à la cérémonie de signature à Nouakchott, de l’accord du 3 paraphé à Dakar. Wade a reçu une déclaration en sortant de table chez Sidi, le 15 Mai, il ne l’a pas revu depuis, je lui ai écrit hier matin à quelles conditions son homologue légitime a d’abord pensé pour que sa démission serve à quelque chose : désarmer les militaires, et j’ai exposé la logique d’un intérim précisément exercé par lui qui ne remettrait l’exercice de ses fonctions présidentielles recouvrées non pour quelques secondes mais pour quelques semaines, à l’élu du prochain scrutin. Respect du consensus sur la tenue de ce scrutin, mais relais des manifestations de ces dix mois pour que vraiment les armes principales soient enfin au musée des mauvais souvenirs. Wade sait donc, et pourquoi n’irait-il pas à Lemden lui-même. For-Mauritania enregistre les approbations de partout et m’apprend que l’ambassade de Paris a été occupée quelques heures.

Au total, je crois surtout que rien n’est figé ni prévisible. Mes amis nouakchottois, dans cette ambiance, croient que le putschiste peut être battu, mais il compte sur un autre militaire, celui du putsch précédent. Foule de candidats qui effectivement vont forcer au second tour. Pas d’indice d’un raz-de-marée pour mon cher Ahmed Ould Daddah, pas non plus de mouvement d’admiration et de sympathie pour l’éminent ami – le président légitime mais renversé – que notre correspondance de ces derniers temps, m’a donné. L’imprévisible…

Fidèle à son nouveau visage et à ses nouvelles manières, la France… c’est notre ambassadeur à Dakar, pourtant en disgrâce au début de l’année puisque le président Wade demandait son rappel, et initialement créature de Kouchner, l’académicien Ruffin qui salue l’accord, assure que Nicolas Sarkozy a suivi chaque péripétie de la négociation, et qui se rend à Nouakchott, en tant que facilitateur. Bruguière, seul ambassadeur démissionnaire en Juin 1940 – il était à Budapest – re-démissionne en 1946 quand il apprend par la presse que le président du Gouvernement provisoire, ministre des Affaires étrangères, vient en visite à Bruxelles où il nous représente. Il donne sa démission alors que le mariage de sa fille devait se célébrer dans la semaine et évidemment à l’ambassade. Le nôtre à Nouakchott…

soir

France.

Un ami, journaliste de profession et très relationné dans nos milieux dirigeants de premier et de énbième rang, ce qui donne quelque profondeur de champ à l’instantané, a vêcu – comme moi – assez mal le débat télévisé d’hier soir. Il m’écrit drôlatiquement, car il pourrait être romancier.

J’ai trouvé Bayrou indigne de la hauteur qui devrait seoir à un homme de la nation, surtout face aux banderilles émoussées du trublion bonifié de Nanterre-68, pour lequel j’incline du coup à voter ce dimanche.
C’est aux abois que l’on découvre les qualités du chef de meute, et là nous avons trouvé le Béarnais rétrogradant au niveau des « barreurs de petit temps », jadis dénoncés par la Dume !
C’est assez dommage car le vivier des présidentiables est abonné aux basses eaux. J’y aperçois, tapi sous la roche tarpéienne, le banquier DSK, mais ses innombrables coups de braguette lui joueront des tours dans la campagne ; Juppé, s’il s’emploie à travailler ses réseaux. Et je n’imagine pas Hollande-Hardy ou Stan-Fabius, qui ont leurs qualités, réussir leur retour en grâce dans l’arène nationale. Villepin me paraît trop marginalisé parmi les siens et bien éloigné de l’affection des âmes simples qui composent le corps électoral. La valeureuse Martine Aubry pourra-t-elle se désembourber des guéguerres solfériniennes ? Ou, à Dieu ne plaise, reverra-ton s’affronter le lunatique sortant et l’incontrôlable poitevine ?
A la faveur de la capilotade économique et de la montée des fascismes mondiaux – voilés, enturbannés ou bottés - un (une) Bonaparte républicain (républicaine) est-il (elle) en embuscade !

Il semble bien que la passe d’armes entre François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit – crispée pour le premier et soudainement très haineuse et sous la ceinture pendant trop de secondes et minutes, rieuse et rigolarde mais perversement habile pour l’autre – pourait non seulement peser sur le rang de classement après-demain soir entre les deux listes, mais peut-être même sur l’avenir présidentiel de l’ « omni-opposant », mais le mot est si bon et sert tellement l’ « omni-président » dont les servants n’ont pas su trouver cette réplique, qu’à terme il confirme ce qui avait noué l’incident si révélateur de chacun des combattants : la domesticité proche ou lointaine, les complicités objectives que sécrète le système Sarkozy et le personnage lui-même (que celui-ci le veuille ou non – précaution que je ne dois pas prendre, le président régnant ne vit que dans la confrontation, ni dans le débat, ni dans la recherche du consensus : écraser est la meilleure manière de persuader, persuader n’est qu’un discours, tuer et ficeler, c’est gouverner). Le candidat à la présidentielle de 2007 puis de 2012 ou avant, a certainement eu le tort de considérer l’élection européenne comme une étape en positionnement intérieur, au lieu de s’en tenir à une technicité et à sa conviction européennes, a tout à perdre parce qu’il s’est situé ainsi, le faux pas est encore plus handicapant, tandis que « Dany le rouge » n’a qu’à gagner.

Je lui réponds :
Oui FB a perdu pied devant CB. DSK sera le candidat officiel du PS et perdra pour complicité objective et tutoiement avec NS pendant cinq ans et dans le face à face du second tour. Mais Ségolène sera candidate quoi qu'il arrive.
Le fascisme d'aujourd'hui, bien plus dangereux qu'hier car il ne conduit qu'à l'écrasement du plus grand nombre dans chaque pays, sous le populisme ambiant et les médias adonnées à Roland Garros et au foot, et qu'il n'y a plus d'uniforme. Hier, il y avait la guerre et son dénouement. On n'en prenait que pour cinq ou dix ans, sauf en Italie où il ne fut, je crois, jamais très méchant. Aujourd'hui nous installe dans l'éternité.
Et m’aperçois n’avoir pas réitéré ma conviction. Le fascisme n’est pas pour demain, nous y sommes depuis deux ans et un mois. Concluant son livre – qu’il ne savait pas posthume et avait rédigé en vue de sa candidature présidentielle en 1969 – Georges Pompidou écrivit : Le fascisme n’est pas si improbable, il est même, je crois, plus près de nous que le totalitarisme communiste. [2]

La gouvernante africaine de la vieille amie chez qui je squatte quand je viens à Paris m’apprend deux choses, l’une anedotique et confirmative, l’autre de fond. Se rendant elle-même à Paris, transports en commun, elle a trouvé le sud de la capitale bouclé, les autobus ne circulant plus, les CRS en nombre impressionnant à ne savoir, dit-elle, d’où ils sortent. Le scenario de Strasbourg, de Nancy. Nous évoquons Obama, puisque c’est lui qu’accueille Nicolas Sarkozy : à Orly sans doute, nous n’en sommes pas loin. Un attentat au missile depuis nos fenêtres, les talibans. Mais non, ils ne feront rien, il a dit qu’il aime les Arabes, il en est donc un. Barak Obama à force d’être de toutes les origines, en a-t-il une ? et l’Afrique noire se reconnaît-elle en lui ? je dois donc croire que non… mais alors ? Les discours de Ryad et du Caire ont donc rendu perplexe.

En tout cas, demain, la photo. pour le scrutin européen. Mais Nicolas Sarkozy qui ne vit qu’au présent et n’écrit qu’au présent sans mémoire ni perspective, ce qui n’exclut pas au contraire le calcul pour un futur à déjà organiser – avoue par cela que le projet européen est bien tributaire de l’Amérique, et plus que jamais. Le débat si chaotique hier était, sur le fond, bien plus riche de substance et de convergence qu’en le suivant, on n’en avait la sensation : les élargissements qui sont une difficulté de l’Union depuis « la chute du mur » se sont opérés sur pression américaine, la Turquie évidemment, mais le bouclier anti-missile et anti-Russie a supposé que Pologne et Tchéquie soient amarrés de façon moins « provocante » que par l’OTAN ou au contraire a-t-on voulu, les Etats-Unis ont-ils voulu que ce soit à doubles amarrages.

Ce soir, Nicolas Sarkozy doit essayer d’intéresser l’Américain et ses services – voire de briller – selon l’entretien qu’il a eu avant-hier avec le ministre iranien des Affaires étrangères…



[1] - Tobie XI 5 à 17 ; psaume CXLVI ; évangile selon saint Marc XII 35 à 37
(2) Le nœud gordien – écrit avant le 27 Avril 1969 (paru posthume Mai 1974 . Plon . 205 pages)

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