samedi 30 janvier 2010

Inquiétude & Certitudes - samedi 30 janvier 2010

Samedi 30 Janvier 2010

Prier… [1] Le soir venu, il dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive ». » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus dans la barque, comme il était ; et d’autres barques le suivaient. Survient une violente tempête. Le christianisme n’est pas une religion, une révélation, une philosophie, le plaidoyer pour une idée de Dieu – idéa Deus, Deus est (Descartes) – ou une conception du monde (avec celles de Bouddha et de Socrate). Il est l’attachement au Christ, l’attraction du Christ, ce personnage venu dans notre histoire à une date précise et qui a fait et dit précisément. L’écoûter, le prier sans doute, mais le contempler d’abord et enfin, en recevoir l’envie sans cesse plus grande et déterminante, le suivre tout simplement pour ne pas le perdre de vue. Le Christ, Dieu fait homme, mais au-delà de toute récitation ou certitude dogmatiqus, Lui, tout simplement, aussi nu que sur la croix, Lui qu’on peut emmener au Golgotha ou dans la barque, qui se laisse faire et prendre, calmement. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait d’eau. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Tout l’épisode se fait dans une ambiance de fatigue tout humaine, le prédicateur harrassé, la voix peut-être enrouée, les disciples qui rament et n’en peuvent plus, qui sont dans le concret de la catastrophe qui menace après une journée à écouter ce qui, si souvent, les dépasse puisqu’il faut que Jésus les prenne à part et leur explique… les choses se font aussi à l’inititive du Christ, il a donné le signal du départ, et l’orientation. Réveillé, il interpella le vent avec vivacité et dit à la mer : » Silence, tais-toi ». Le vent tomba et il se fit un grand calme. Pour Jésus, ce n’est qu’une parabole de plus et des moindres. Pour les disciples, la perplexité augmente encore : Qui est-il donc,pour que même le vent et la mer lui obéissent ? Pour nous, pour moi, en ce petit matin où avec tous ceux de cet évangile et tous ceux qui prient à travers le monde, en cette sorte de connaissance de cause qu’est la foi (reçue), la question ne se pose pas ou plus exactement elle se pose d’une autre manière : nous regardons Qui nous savons, mais nous ne finirons jamais ici-bas de vraiment Le voir tel qu’Il est, nous appelle, nous parle, prend soin de nous et attend que nous nous changions, nous consacrions, et – chemin spirituel faisant, chemin tout court (vers Lui) faisant – nous changions ce monde qui y est prêt et qui n’attend que cela. Maître, nous sommes perdus et cela ne ne te fait rien ? David comprend enfin que toute sa vie et d’abord l’assassinat couvrant l’adultère, est une parabole. Cet homme, c’est toi ! Et dramatiquement, le Seigneur frappa l’enfant (un innocent de plus qui va périr… selon la faute humaine) que la femme d’Ourias avait donné à David et il tomba gravement malade. David implora Dieu pour l’enfant : il jeûna strictement, s’enferma chez lui, et il passa la nuit couché sur le sol. Deux quotidiens : La Croix et Ouest France viennent de rapporter que Jean Paul II étant pape couchait (fréquemment ?) à même le carrelage de sa chambre. Le monde, nos péchés, nos affections valent que nous implorions…

début de matinée

Sans regarder les dépêches ni « prendre les nouvelles », je synthétise avec un peu plus de recul le « phénomène Villepin » selon les journées d’hier et d’avant-hier puisqu’en politique la rétrochronologie fait beaucoup voir.

D’abord, ceci. L’affaire Clearstream avait fait événement pour – avec le CPE, les manifestations hostiles et son retrait – polluer complètement la gestion gouvernementale de Dominique de Villepin. Depuis avant-hier et surtout depuis l’appel, prolongeant toute l’affaire et ses échos pour probablement en susciter d’autres à répétition – Jean-Claude Marin justifie son appel en insinuant qu’on peut encore apprendre ! – l’affaire va polluer le reste du quinquennat de Nicolas Sarkozy.Tout simplement parce qu’il y a un défi lancé et que ce défi – parce qu’il est indépendant des partis, des syndicats et des conjonctures éconopmiques, sociales, budégtaires pour lesquelles chacun peut passer à l’autre la patate chaude – est personnel : Sarkozy pouvait éteindre l’affaire en se désistant et en tendant la main, voire un portefeuille (les Affaires Etrangères ?) à son rival. Il ne l’a pas fait, il a donc choisi le thème des deux ans et demi à courir. Le commentaire est un fleuve alors qu’aucune de ses deux communications – le cercle des Français affligés sur TF1 et le discours devant la salle de Davos – n’ont donné lieu qu’à quelques contestations et observations sans plus pour le premier exercice, sans rien pour le second. Un discours – pour retentir et être éventuellement commenté, faire sillage ou pénétrer les esprits – doit être rare, attaché à une circonstance reconnue ou répondre à une attente instante, il doit décider ou prophétiser. Champion toute catégorie : de Gaulle. Nicolas Sarkozy a sapé sa crédibilité avec méthode : trop de présence médiatique, pas de texte et les promesses comme les prévisions se vérifient au lieu de se prêter à commentaire. Nicolas Sarkozy a maintenant son affaire, et elle porte sur le bon thème : sa conception égotiste et sa pratique personnelle et cynique des institutions.

Dominique de Villepin s’il réussissait à entrer à l’Elysée ne le fera certainement pas, comme il le conjecturait tandis qu’il fut à Matignon : par une supériorité en duel médiatique avec Nicolas Sarkozy, je suis beau, j’ai du verbe et de la plume, regardez-le… il n’entrera que s’il a, au préalable, désagrégé le part présidentiel, déboulonné le président régnant et pris sa place à la tête de l’appareil. C’est ainsi que Nicolas Sarkozy s’imposa pour la succession à Jacques Chirac. C’est en gardant de justesse le contrôle du parti que François Mitterrand gagna la bataille présidentielle, c’est faute de l’avoir que Ségolène Royal l’a perdue, et c’est par ce contrôle que Martine Aubry de jour en jour augmente ses chances de devenir président de la République et surtout les chances de la gauche d’être crédible, parce que son principal parti s’unira et de longue date sur sa candidate, qu’enfin l’atout de celle-ci est le même dans le parti et devant les électeurs, elle a un programme, et c’est Nicolas Sarkozy – toujours lui – qui le lui fournit en l’attaquant sans relâche sur les 35 heures. Or, il est évident que le chômage ne sera résorbé que s’il y a égalité devant le travail : le partage du travail dans l’hexagone est le même combat que celui contre les délocalisations ou pour l’augmentation du pouvoir d’achat qu’il vaudrait mieux appeler par son nom : l’augmentation des salaaires, car le tour de passe-passe pour démontrer qu’on dépensera moins mais mieux… etc… est une escroquerie intellectuelle qui ne prend plus.

Donc Dominique de Villepin, une hypothétique première en cas de succès, mais une entreprise qui a des précédents. Celle dont on ne parle pas – singulièrement au fond mais sans que cela étonne tant nos médias sont cloisonnés en documents-mémoire de la compétence des uns, et en commentaire à chaud, genre « café du commerce » de la compétence (au sens de distribution des rôles, mais pas du talent) des autres – crève pourtant les yeux. Il s’agit de Michel Jobert dont la popularité et la notoriété initiales se fondèrent sur une gestion spectaculaire, quoique très sobre d’attitude et de mots, de nos relations extérieures et de notre politique étrangère. Mais il y a deux différences fondamentales entre le fondateur – malheureusement peu écouté et sans postérité actuellement – du Mouvement des démocrates (ne pas confondre avec le Modem, par ailleurs fort respectacle) et Dominique de Villepin. Michel Jobert renvoya systématiquement et avec la plus grande humilité (qui n’a jamais exclu une conscience justifiée de son charisme et de son coup d’œil et de patte) au chef de l’Etat sous lequel il avait exercé et parlé si bien au nom de la France : Georges Pompidou, dont il racheta ainsi en fin de règne, la mémoire. Dominique de Villepin n’a pas rapporté à Jacques Chirac la gloire du discours au Conseil de sécurité défiant les Etats-Unis d’aller en Irak, faute de motif légal. Et seconde différence, Michel Jobert avait bâti un programme et il ne charmait pas seulement sur les ondes ou en public. Je n’ai jamais rencontré un homme aussi pénétrant et vrai en dialogue intime, un maître de vie et pas seulement un homme politique (et de lettres – je fis campagne pour qu’il soit admis à l’Académie française, il ne souhaitait que celle du Goncourt et en carrière professionnelle, nullement un portefeuille, mais la Régie Renault…). Le socle : « politique étrangère » de Dominique de Villepin n’est – paradoxalement – rappelé en ce moment où il se lance décisivement, par personne.

Ce qui est justifié car d’une part Jacques Chirac n’était pas partisan d’un veto aux Nations Unies et le fit savoir quelques heures avant le compte-rendu des inspecteurs et d’El Baradei au Conseil de sécurité, que d’autre part nous n’empêchâmes pas le fait accompli et même nous le reconnûmes assez vite. Enfin, des fautes majeures en tactique furent commises que jamais de Gaulle et son impeccable ministre : Couve de Murville, n’aurait commise. Tout devait se faire dans la discrétion – sans se faire mousser personnellement et san grandiloquence médiatique – entre notre ministre et le secrétaire d’Etat Powell qui affrontait ses faucons et qui cherchait un exutoire. Il pouvait se trouver avec un mandat des Nations Unies à négocier et tenant compte de ce que l’argument des armes de destruction massive ne pouvait plus être invoqué. Enfin, il fallait à tout prix – c’était la priorité que nous avons manquée – éviter la division entre Etats-membres de l’Union.

Dominique de Villepin ne va pas réussir par lui-même mais par la faute, l’accumulation des fautes de Nicolas Sarkozy. Malheureusement – si cela se fait – ce ne sera pas le fruit d’une évaluation négative de la nocivité des politiques suivies et des soi-disant réformes imposées aux Français, ce sera par la débandade d’un électorat reflétant le lâchage – qui ne sera pas plus beau à voir que les prosternation de ces premiers trente mois de règne – de tout un appareil. Les Français n’ont pas à être fiers, le système n’engendre toujours pas, à « droite », de la qualité. Il permet des opportunités. La résurrection ne sera pas le fait d’un homme, et – à mon sens – l’espérance reste à gauche : union, travail, désintéressement des multiples candidatures à la candidature. Ce n’est pas impossible.

Pour convaincre et servir, Dominique de Villepin a immensément à faire, et jusqu’à présent il a peu fait.

Il a cependant le mérite de remettre au « goût du jour » des thèmes oubliés : le sens de l’Etat, c’est-à-dire la conscience qui doit animer et anime – secrètement – même les collaborateurs les plus intimes du prince régnant et certains des ministres qui, déjà, n’étaient pas à l’aise avec la candidature du fils à la présidence de l’EPAD et qui voient comme une faute l’acharnement de maintenant. Et même de rouvrir la référence gaulliste, sans cependant que l’homme du 18 Juin soit nommé – non pour se comparer, mais pour que soit regardé autrement que dans le discours peu informé du Président de la République actuel (discours de Juillet 2007 sur les institutions, discours devant Angela Merkel à Colombey-les-Deux-Eglises) le legs du fondateur de la Cinquième République. Pour l’heure, ce ne sont que des mots, pas même le développement d’un thème.


En revanche, si la responsabilité initiale dans l’affaire me paraît relever de Dominique de Villepin (sur les ordres certainement de Jacques Chirac) qui aurait pu la constater lui-même comme étant « bidon » [2] et donc l’étouffer, la responsabilité de la suite incombe totalement à Nicolas Sarkozy, et – aujourd’hui – ce devient un grave manque à l’image internationale du pays : comment peut-on nous considérer à l’étranger si la justice fonctionne en appel du pouvoir politique ? nous, soi-disant la « patrie des droits de l’homme » et les donneurs de leçons, notamment à l’Afrique (à ceci près que nous sommes couchés devant les Chinois et que le Président de la République a eu le cynisme de dire, en manière de vœux au corps diplomatique dont les ambassadeurs africains…, que le processus mauritanien de légitimation d’un fait accompli était exemplaire).


fin de matinée

Ma femme observe qu’il y a des milliers de gens qui sont victimes de dramatiques – et parfois mortelles – erreurs judiciaires et n’ont aucune couverture médiatique…

Gergorin qui joue sa fin de vie – antipathique ou pas – commence de déballer. La boîte de Pandore… rien n’est donc joué, y compris dans l’innocentement du rival à la prochaine élection présidentielle. On peut d’ailleurs envisager – comme dans un film de série B ou dans un régime totalitaire – une entente entre l’ancien vice-président d’E.A.D.S. et l’actuel Président de la République pour que le déballage soit efficace et apporte du non dit jusqu’à présent. Le mélange de tous les genres va continuer et comme tout le monde – à commencer par les médias – a intérêt à la diversion et à la distraction de qui n’est pas le citoyen, mais le public, nous aurons du mal à « tourner la page » puisque c’est de cela qu’il s’agit, paraît-il.

Distraction par rapport à la situation intérieure nationale certes, mais aussi par rapport aux avancées d’Hillary Clinton à Paris – étranges – sur l’Europe et sentant le « remake » ! leur Kissinger, version 1973, et à propos de l’Iran, vers Pékin.


début de soirée

Confusion sur tous les sujets et où que l’on regarde.

Drame haïtien, soi-disant la mobilisation mondiale, au moins des bonnes volontés et des personnes anonymes, mais rien ne change sur place, on ampute faute de pouvoir soigner, pas de médicaments, pas de locaux, où passent l’argent, les tonnes d’équipements ? et la logistique et les ressources humaines semblent uniquement consacrées à la sécurité des étrangers ? Un ami d’enfance, responsable d’ATD Quart Monde y part : jen saurai davantage, c’est-à-dire que c’est pire que je puis l’imaginer.

Géo-stratégie… Des idées pour le nucléaire iranien, les opposants au régime actuel de Téhéran appellent à manifester pour l’anniversaire de la révolution (thème irrécusable mais la question est la liberté de réunion). Les Etats-Unis en difficulté avec la Chine : toujours la susceptibilité de Pékin au sujet de Taïwan mais comment l’île peut-elle conjecturer de résister par la force quels que soient ses achats d’armes, la question de google, apparemment celle des libertés publiques pour laquelle la Chine n’a pas bonne presse mais en réalité celle de la dominance quasi-absolue (et que tolère l’Europe) des Américains sur la « toile » et ses trafics.

Le forum de Davos… les banquiers contre la régulation dans le monde et contre les plans d’Obama. Sarkozy n’est en rien un sujet de conversation ou de commentaire, aucune de ses apostrophes qui « marchent » censément devant un public français, n’a frappé qui que ce soit chez les gens d’expertise ou de pouvoir… quelle est la compétence – même uniquement pour conjecturer à quelques-uns ou supputer entre quelques autres – de ce forum ? Cela me paraît extensif comme le G 7 ou le G 8 d’antan, démarrant sur le système monétaire international et arrivant à évaluer les élections dans les pays abjurant le communisme. C’est à Davos qu’a circulé la rumeur de rencontres entre Nations Unies et Taliban ou d’offre d’achats des chefs de guerre par Karzaï qui n’a pas d’argent pour organiser des élections, mais en a pour cela. Dans la succession des dépêches de l’AFP rendant compte des conversations ou des thèmes à Davos, pas une qui – en pronostics sur la reprise ou en diagnostic sur ce qui pèche – corrobore la précéente.

Le hasard de la rédaction d’une chronique historique sur la Mauritanie – l’hebdomadaire Le Calame à Nouakchott auquel je collabore depuis trois ans – me fait prendre les Mémoires d’espoir du général de Gaulle. J’y trouve – précisément pour ces jours-ci – la démonstration de ce que sont une autorité morale exceptionnelle, mondiale, et le scrupule à faire ou dire quoi que ce soit dont on ne puisse répondre. Sa relation avec Ferhat Abbas en 1943 à Alger et l’audience que celui-ci lui demande avant de s’envoler pour Le Caire y prendre la tête du F.L.N. A quoi bon cette entrevue en un temps où, détaché de toutes affaires publique, je n’avais en main aucun pouvoir ? La même demande en 1946 d’Ho Chi Minh sachant que l’accord de Fontainebleau sera mort-né. Naguère, pour la même raison, j’avais fait la même réponse…Peut-être, si j’étais resté en place, les événements, en effet, eussent-ils tourné autrement ? Mais à quoi et pourquoi aurais-je fait d’engager la France quand je n’en répondais pas ? Mémoires d’espoir . Plon . Août 1970 ou Janvier 1985 394 pages . p. 127 Qu’ils aient ou non mémoire du général de Gaulle, les Français savent qu’actuellement il n’y a pas parmi nous quelqu’un qui – sans fonction aucune – soit déjà par avance ou encore… la France, le bien commun, la ressource d’avenir, l’arbitrage, l’honneur, la remise en ordre… une personnalité qui incarne autant le discernement que le consensus et les moyens de l’appliquer. Illustration : nos vasouillages dans le « débat sur l’identité nationale », sur la pratique du port du voile et les vasouillages du gouvernement et de son groupe parlementaire pour choisir la forme d’un texte encore plus que la rédaction-même de ce texte.

La plus forte réponse au dégagement de Sarkozy en début de semaine, vous verrez le chômage baisser dans les prochains mois, 77% des Français n’y croient pas. La bonne formule d’un des participants à Davos : reprise économique peut-être, récession humaine sûrement.


[1] - 2ème Samuel XII 1 à 17 ; psaume LI ; évangile selon saint Marc IV 35 à 41

[2] - il n’est pas assez relevé que Cleastream est un organisme technique et que les comptes ne transitent vers le Luxembourg que par le truchement des banques nationales, dont les françaises. Il n’y a donc pas de liste de particuliers, mais que des listes de banques, en flux tendu, chez Clearstream, et c’est dans le flux d’une banque qu’apparaissent des comptes numérotés correspondant aux ordres de personnes physiques ou morales. Un simple questionnement – non de dirigeant de banque, mais de grouillot à la base – apporte en un instant la preuve technique que les « listings » de particuliers ne peuvent être qu’un montage

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