lundi 12 avril 2010

Inquiétude & Certitudes - lundi 12 avril 2010


Lundi 12 Avril 2010

Prier… la joie du quotidien puisque nous nous y sentons si pauvres, si commençants et dans le besoin total d’être épaulés humainement et divinement. Je crois que cette conscience de dénuement est le terreau de l’espérance et que celle-ci ravive la foi : tous, d’un seul cœur, adressèrent à Dieu cette prière… je n’ai apparemment plus les prémisses des apôtres et de leurs contemporains, juifs ou grecs, pour toi qui as fait le ciel, la terre et la mer, et tout ce qu’ils contiennent, la cosmogonie se visite aujourd’hui sans vous mon Dieu, sans être moins admirable, mais pas notre esprit ni notre cœur, votre chef d’œuvre. C’est toi qui par l’Esprit Saint, a mis dans la bouche de notre père David, ton serviteur les paroles que voici… Oui, le créateur de tout se trouve pour notre génération avec plus d’évidence dans la dialectique historique des peuples et des vies de chacun, personnellement. Architecte naguère, Dieu aujourd’hui au tabernacle de chacun : donne à ceux qui te servent d’annoncer ta parole avec une parfaite assurance, étends donc ta main pour guérir les malades… Complétude des Ecritures et des premiers temps chrétiens qui en étaient imprégnés : tous les itinéraires de la foi nous sont déjà donnés. Maître, nous le savons bien, c’est de la part de Dieu que tu es venu nous instruire… voici Nicodème qui vient à Jésus, nous n’avons pas son niveau mais nous pouvons bénéficier de la catéchèse qui lui est proposée, avec une immédiateté de propos vertigineuse. Nicodème a l’attitude de Marie et la logique de celle-ci : comment est-il possible de … ? puisque … ! Ces jours-ci, déjà l’enseignement tranquille et de diverses manières sur l’Esprit Saint. Ce qui est – d’ailleurs – la légitimation de toutes ces intuitions humaines sur les esprits et le chamanisme, en même temps que la confirmation que nos intuitions ne seront jamais que des tâtons si elles ne sont pas complètement réorientées, restructurées en sorte que nous parvenons à la réalité toute différente mais nous correspondant. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit, et depuis la Genèse, nos narines d’argile animées du souffle divin jusqu’à ces rencontres du soir de la Résurrection : il répandit sur eux son souffle et il leur dit… nous sommes nés-renés ainsi. [1] Que je ne sois que prière : comment est-il possible de naître quand on est déjà vieux ?

Pas de mot que celui traduit des vieilles langues qui ont fondé nos esprits, nos institutions et nos civilisations de ce côté-ci du monde… Genèse. Commencement absolu et pourtant gestation, plan, mystérieuse origine antérieure à l’origine : la créativité. Toute humaine et précaire, imparfaite et nette, immanquable, l’art dramatique parce qu’il est d’interprètes vivants, fatigables et dépendant du public : quatre après-midi pour notre fille dans cette Bretagne méridionale qui est apparemment inculte et sans relief ni physique, ni spirituel, ni matériel, qui combine la mer, les étangs, des forêts vagues et peu étendues, clairsemées, mais comme dans ces pays endogamiques – celui du Haut Doubs jurassien en était un autre, je l’ai hanté une dizaine d’années – les associations et les initiatives, à quelques-uns, mais très motivés, très résonnants les uns des autres, éclosent. Donc l’association des Coquecigrues qui organise des spectacles, apparemment pour très petits enfants, les coussins sur lesquels ils s’asseyent, un tapis, les fonds de scène quasi-forains, et les mêmes bancs faisant trois gradins. Nous avons eu le conteur, les paraboles et analogies, les théâtres d’ombre, et d’autres moments encore. Dialogues ensuite avec les artistes, les cours d’art dramatique ou la débrouille, toujours une diction parfait, des trouvailles étonnantes et ce qui est l’esprit français tel que j’en ai éprouvé la persistance en voyageant il y a quatre ou cinq ans avec un groupe ne parlant que beur, puis dont le chef se détacha, une langue d’académicien, c’étaient des musiciens, rap ou autres avec discoggraphie, dialogue sur la lecture de la décolonisation française, sur nos racines et le partage du futur. Le revivre autrement avec notre fille de cinq ans, avec ma femme alsacienne et moi de nulle part et de partout à force d’itinérance diplomatique, et aussi d’origines familiales assez ambulante à nous lire rétrospectivement.

Et voici qu’Arte diffuse pour une seconde soirée – ma femme seule avait regardé la première – l’œuvre de Miyazaki. J’en avais entendu parler, brouillard d’une mémoire de sexagénaire quand il s’agit d’acquisition non située. Je viens d’être époustouflé de fantasmes, de réminiscences, de coktail de cent sources en images, en couleurs, en scenarii, avec une perfection de dessin, des retournements et des évolutions sidérantes, de la fiction et des thèmes wagnériens, et surtout… surtout quelque chose nous tenant en haleine de cinq à soixante-sept ans, nos chiens aussi, le silence enfin de notre coin de bout du monde.

Je continue de baigner dans l’histoire contemporaine d’un pays qui a fait partie de nos rêves, de nos gloires, de notre empire et pas trop de nos péchés, sauf les mensonges et truquages récents sous la signature honteuse, cynique et revendiquée du pouvoir actuel : la Mauritanie refabriquée par la Françafrique, tandis que l’un de ses autocrates, en réalité dans la période encore discussive des militaires novices dans la relève du père-fondateur, bêtement renversé en 1978…

et de vomir le fonctionnement de plus en plus accusé, cynique et inefficace, presque onirique – mais en envoûtement d’un pays entier qui ou bien va se révolter en commençant par on ne sait où ni pour quoi, ou bien s’effondrera en sortant de l’histoire et de la vie. Les nouvelles sont aussi haïssables et honteuses, de suivi que le « foot » et ses matches dont on débat, dont on interroge les vedettes, qui ont leur procès, leur justice, leur déontologie, leur vedette, une science comme il y eut la kremlinologie, un monde totalitaire qui a l’exclusive de l’amorce des nouvelles, tous les quarts d’heure sur ma radio habituelle et routinière d’une vingtaine d’années : France-Infos. Les parleurs se répètent et la perspeicacité est rare : il a fallu quatre jours pour que l’on commence à soupçonner qu’il y a tout de même des alternatives à la « désobéissance » du pilote de l’avion présidentiel polonais, rien que le mot de désobéissance, appelant celui de punition évoque les systèmes totalitaires avec leur prétention à la rigueur mécanique, les erreurs, les solutions correctes, justes… une réunion à laquelle nous nous précipitons, sommet sur la non-prolifération nucléaire à l’initiative des Etats-Unis. Ma seule interrogation : Sarkozy osera-t-il ne pas aller aux obsèques polonaises de samedi ? il s’alignera sur son concurrent détesté, Obama. Le bonhomme a le don de se donner des concurrents détestés, vg. Villepin.

Justement ce soir, Le Monde date de dimanche-lundi. Titre à la une : Juppé, et un intitulé adroit et pas encore lu : mon « offre ». Il dit n’avoir jamais cru à la « rupture », soit ! mais que ne l’a-t-il dit quand on pouvait empêcher celle-ci. Il a fait partie des tolérants, mais il symbolise aussi le système Chirac qui a fait Sarkozy : tous les défauts de Chirac persistent, cynisme, sans-gêne avec l’argent public, mais il s’y est ajouté un culot qui a fait école, jusqu’au moindre responsable des « ressources humaines » de la moindre entreprise qui naguère avait été service public ou analogue. Un culot sur le dos des salariés et des syndicats, on le voit dans le conflit à la S.N.C.F. Bien entendu, aucun remède à aucun de nos maux, pas davantage que sous Chirac. Mais ce que je ressens profondément à la tentative de Juppé à qui j’accorde du poids et de la cervelle, donc des chances réelles de conquête de l’appareil et de l’électorat captés par Sarkozy, bien plus qu’à Villepin qui n’a pas de méthode ni de projet vraiment gouvernemental, c’est que nos ruines sont celles du gaullisme et que l’enterrement de celui-ci date d’Avril 1969, confirmé par la complicité de Chirac pour faire battre Chaban en 1974 et Giscard en 1981. Le fossoyeur – je reprends le titre des décombres de Rebatet puis des essais des Pertinax, lui-même plagié par Servan-Shreiber titrant ainsi ses mémoires (aussi immatures que le premier tome de V.G.E.) – c’est bien Chirac depuis plus de quarante ans.

J’ai bien envie d’essayer – à main levée – une synthèse de cette dégringolade avec ses personnages et ses dates depuis 1969 pour esquisser ensuite comment revenir à nous-mêmes.


[1] - Actes des Apôtres IV 23 à 31 ; psaume II ; évangile selon saint Jean III 1 à 8

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