jeudi 28 octobre 2010

Inquiétude & Certitudes - jeudi 28 octobre 2010


Jeudi 28 Octobre 2010

Paraboles… déplacer la belle lampe de ma mère en sorte qu’au lieu d’abîmer son abat-jour devant une baie vitrée, elle éclaire un rampant et l’escalier. On ne met pas une lampe, etc… importance du lieu, importance de l’abat-jour, la lampe en elle-même n’est rien, mais elle crée l’ambiance, le vrai lieu mental, affectif, spirituel. Le brouillard à mon lever, des silhouettes d’arbres immobiles et hélant l’arrivant, une immense queue de condensation d’un avion, trace d’une comète semble-t-il et la lune pas vrailment diminuée, au zénit. Chemins… Splendor veritatis. Prier…
[1] pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s’entende ; mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle, aux limites du monde. Appel des Apôtres dans l’éloquence d’un silence tout factuel, les événements sont là. Toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi des éléments de la construction pour devenir par l’Esprit Saint la demeure de Dieu. Les multiples intuitions – chacune géniale – de Paul. Lui, plus que tout autre des écrivains et témoins sacrés, le descripteur, le metteur au jour (expressions laides mais comment dire autrement ?) du Corps mystique donc aussi bien de l’Eglise que du mode de notre participation à Dieu. La question de foi est, à tout prendre secondaire, elle est tient à notre liberté, pas à Dieu. Tandis que le fait l’emporte qui est le don de Dieu nous donnant le rôle décisif : la construction, nous ne la faisons pas, nous la sommes, et quelle est cette construction ? l’Ancien Testament promettait une terre – concrète et tangible, toute la question israelo-arabe est là – tandis que le Nouveau Testament nous révèle que la question du pays où Dieu habitera avec nous est dépassée : il est dans son Temple et le Temple, c’est nous. Faut-il ajouter – prier ! – que nous sommes le Temple que cela nous plaise ou pas. C’est un fait. Un donné. Début autrefois, sans cesse réactualisé dans la prière : Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples, en choisit douze et leur donna le nom d’Apôtres. Image enfin du troupeau qu’au petit matin, on rassemble et emmène dans de nouveaux pâturages.

matin

Luc Chatel, ministre de l’Education en même temps que de la Propagande, après le vote d’hier à l’Assemblée nationale : c’est une journée qui fera date dans l’histoire sociale de notre pays. L’entendre selon lui : Sarkozy et Woerth refondant la société française (pour deux ou trois ans ?), ou l’entendre selon une majorité des Français : pour la première fois dans notre histoire républicaine, une loi est votée sans dialogue avec les intéressés et conbtre l’opinion, fondée ou pas, d’une immense majorité de Français, ou encore l’entendre en sociologie : pour la première fois depuis une centaine d’années (Clemenceau, briseur de grèves en 1909…), le droit de grève est contesté dans ses fondements légaux et dans sa pratique.

fin de matinée

En fait, ils ne sont plus d’accord… manqué l’essentiel de la manifestation, au chef-lieu de chez moi, Vannes. A midi et quart, les participants s’étaient déjà dispersés, les fois précédentes, on ne se séparait que vers treize heures parce qu’on avait mis, plus nolmbreux, davabntage de temps pour arriver rasselmblés à l’Hôtel-de-Ville. Ce dire – donc – entre deux manifestants et ce critère pour compter. Les CGTs restés les derniers, j’interoge le porte-parole habituel sur les comparutions à Saint-Nazaire et à Lyn : cinq mois à Lyon pour une poubelle enflammée par une fille, et deux à Saint-Nazaire sans la moindre preuève de quelque méfait que ce soit : on prend les gens à la dispersion de la manifestation. Que ce soit exemplaire, déclare le juge ! Ils avaient regardé France 2 avant-hier, mais pas vraiment retenu la lettre des syndicats allemands, sur laquelle j’interroge mon ancien homologue au Kazakhstan. Pour eux, le droti de grève, déjà brisé par Thatcher et en Allemagne, depuis longtemps ( !?) est défié ces jours-ci en France. Nouveau rendez-vous, le samedi 6 Novembre. Camionnette de la CFDT qui démarre, j’apostrophe la jeune femme au volant : ne lâchons rien. Elle acquiesce avec force. – Je n’ai aps encore entendu ou remarqué un communiqué de François Chérèque remettant les propos dont s’est saisi la majorité parlementaire dans leur séquence complémentaire : il accepte donc l’annexion de fait. Stratégie d’une centrale plutôt que stratégie nationale.

France-Infos. au retour. Présentation : la page législative est tournée, mais la contestation demeure, test aujourd’hui. Mailly (F.O.), la manifestation de toutes façons va laisser des traces. Huit raffineries sur douze produisent de nouveau mais la régularisation de tous les flux et jnotamment des transports routiers va demander des semaines. Un « raffineur » dit sa fierté d’avoir fait grève. Raisons salariales impératives pour reprendre mais on entre dans une aurtre phase : la résistance. A Toulouse, autant sinon plus qu’aux précédentes fois : 120.000 selon les organisateurs.

Je suis déjà mentalement dans la rédaction d’une note de synthèse, faisant série avec celles analysant 1995 puis 2005-2006, mais surtout dans ce livre : Le mouvement social face au pouvoir politique. Il y a une rédaction historique et politique, une recherche si possible à effectuer dans les principaux syndicats pour les documents de chacune des époques (68-95-maintenant) et j’aurai mon illustration personnelle avec mes notes de journal aux diverses époques. Je me demande si je ne vais pas faire une enquête d’opinion parmi mes camarades de classe : Saint-Louis de Gonzague, le collège des Pères Jésuites de 1950 à 1960.


milieu d’après-midi

Les commentaires que je prends selon la présentation par Orange des dépêches de l’AFP ne sont pet-être pas statistiquement fiables, mais je suis frappé d’une part par de vériatbles clivages entre Français, les uns jugent que les grévistes, les contestataires, les socialistes, ec.. sont archaïques, feignants, c’est évidemment très schématiques et ceux-là applaudissent UMP et Sarkozy, lesautres se révoltent et raillent les diorigeants actuels. Il manque à presque tous le sens du relatif et plus encore une certaine compassion pour un pays qui souffre, qui ne se comprend plus lui-même, pour des gens qui souffrent.

Ben Laden… la communication gouvernementale française ! annoncer notre retrait d’Afghanistan à partir de 2011, quarante-huit heures après son message.

La question d’Europe très opportunément de nouveau posée. Assortir de sanctions le respect du pacte de stabilité, pourquoi pas ? mais c’est tellement superficiel, il s’agit d’augmenter la solidarité européenne et de doter l’Union d’une gouvernance dépassant celle des Etats. On ne le fait toujours pas. Personne – parmi les grands acteurs – ne le dit

Obama commence de m’être sympathique, pas parce qu’il va perdre ses élections de mi-mandat mais parce qu’il a été plutôt timide. Certainement en politique militaire et aussi en politique sociale, mais il a laissé se poser les problèmes devant l’opinion. Il a nationalisé, il a posé les questions bancaires devant l’ensemble de ses concitoyens et – s’il avait été imité par ses homologues dans les mesures qu’il essaie de prendre pour les bourses, les banques et les abus financiers – il aurait pu concéder certains des abus américains. Pour la premi-ère fois depuis longtemps, il m’a semblé qu’en économie l’Amérique, grâce à lui, ne se posait plus en référence, forme ultime de l’impérialisme ou de l’hégémonie. Obama affronte, pratiquement seul, la grande nouveauté des relations intgernationales tant stratégiques qu’économiques, commerciales et financières, moéntaires : la puissance désormais majeure de la Chine. Sur aucun sujet, ce président salué comme un messie à son élection, n’est démagogue ni enflé. Le pouvoir ne le révèle pas, ne l’exalte pas. Reste que je suis peu son travail et que je n’ai qu’une vue très partielle des Etats-Unis, n’y ayant que peu séjourné et il y déjà près de vingt ans.

Titre récent du Monde : « l’Elysée va devoir recoller les morceaux d’un dialogue social brisé par le conflit ». C’est sans doute l’appréciation du président régnant, ce n’est pas du tout la réalité. Il n’y a pas, du moins à l’échelon national, de dialogue depuis le début de ce quinquennat. D’emblée, il a été caricaturé puis dénaturé : le premier conflit des retraites, les régimes spéciaux, en Octobre-Novembre 2007. Et peut-il y avoir un dialogue social s’il n’y a pas de dialogue politique ?

soir

Je regarde par hasard sur France 5 une émission littéraire, un François Busnel rencontrant des écrivains américains contemporains. Saldam Rushdie ne m’apprend que sur lui-même, charabia confus sur tout autre chose d’ailleurs que le Coran ou quelque autre livre inspiré, mais une Louise Erdrich (La malédiction des colombes)– mi-Amérindienne mi-Allemande – me subjugue par ses aperçus sur la difficulté des Américains à épouser leur propre histoire tandis que les Européens ne craindraient pas leur mémoire : effectivement Vichy, la shoah, les massacres arméniens, les dictatures méditerranéennes des années soixante encore, les réconciliations après les grandes guerres mondiales… un Jay McInerney (Moi tout craché) spécialiste des descriptions de New-York en fait une étonnante présentation : une ville dangereuse et ethniquement noire dans les années 1990, où soudain Wall Street fait main basse sur Manhattan et qui est bien moins choquée et consciente d’une mutation à accomplir après le 11-Septembre, et qui a presque tout oublié aujourd’hui. Deux évidences : nous sommes de plus en plus obnubilés en France par l’analyse sinon la contemplation de ce qui serait notre échec collectif, et nous devenons, surtout nos soi-disant élites, complètement incultes et isolés de toutes les innovations ou communions intellectuelles, tout en étant incapables de comprendre nos propres modèles, acquis, notre propre génie national. L’autre évidence

E-Télé… projection d’un film, des policiers en civil dans le cortège, arrêtant des gens avant de montrer leur badge, entourés et hués par les manifestants. Alliot-Marie répond que c’est à la demande des centrales syndicales, pour assurer la sécurité ! Ainsi, le film-oirate dénoncé notamment par Mélenchon a son fondement puisque la chose est devenue coûtumière.

Décalage complet entre les compte-rendus ce soir de la réunion de Bruxelles – dans nos télévisions, embrassades et mains dans le dos pour Sarkozy avec Barroso et autres – et les dépêches de l’AFP qui relatent les dialogues publics : Barroso déclare inacceptable une révision des traités (évidemment, car la révision ne sera pas ratifiée dans les Etats, surtout si ce doit être par referendum), Junker lance à Sarkozy qu’il est grave de ne pas rfespecter le pacte de stabilité, mais qu’il l’est plus encore de ne pas respecter les droits de l’homme.

Débats redonnés d’hier ou avant-hier sur les crises de la dette, Attali insiste sur la question de savoir ce que veulent nos prêteurs, mais il n’identifie pas ceux-là et si tout le monde est d’accord pour dire que la crise, la pire, est devant nous, personne ne remarque que les prêteurs et les emprunteurs sont probablement les mêmes si l’on raisonne en Etats ou en économies nationales, et qu’en fait c’est exactement le problème de la confiance inter-bancaire. Il y a cette inconnue que sont les agences de notation que j’assimile aux différentes boîtes d’audit et de conseils, en stratégie ou en bilans divers : là-dedans il y a une majorité, de jeunes sans espérience, en tout cas une quais-totalité de gens n’ayant jamais dirigé une entreprise et en risquant leur argent propre. Le capitalisme avait sa légitimité quand l’investisseur était le chef de l’entreprise et que le failli se suicidait, qu’un patron se ruinait personnellement pour sauver l’emploi ou assurer une fin de mois. – Quelques énoncés cependant, l’inégalité fait l’endettement et non le contraire.

Espagne… libéralisation du marché du travail, diminution des salaires des fonctionnaires… Varsovie, Bruxelles…


[1] - Paul aux Ephésiens II 19 à 22 ; psaume XIX ; évangile selon saint Luc VI 12 à 19

mercredi 27 octobre 2010

Inquiétude & Certitudfes - mercredi 27 octobre 2010


Mercredi 27 Octobre 2010

Prier… [1] Je ne sais pas d’où vous êtes. Carrefour de la foi, parcours personnel ? ? Ne pas trier ni accommoder dans l’Ecriture, il y a la méisoricorde constante et infinie, mais il y a le jugement, la responsabilité, le comportement, autant de manifestations de ma liberté ou plutôt de mes réponses pas tant aux circonstances qu’aux propositions divines. Problème de chaque époque de l’Eglise et de la spiritualité à travers nos âges, nos temps, nos cultures, et les étapes ne sont pas qu’historiques, la géographie en procure. Croire… à quoi, comment ? la seule réponse sûre est à la question : croire à Qui ? du moins pour un chrétien. Car le Christ dans son enseignement est rude. Quelqu’un lui demanda : ‘Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ?’ Jésus leur dit : ‘Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas.’ Le psalimiste souligne : Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit, mais il ajoute : fidèle en tout ce qu’il fait. Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés. Faire et prier, quelle que soit notre condition du moment ou de vie. Paul va très loin : par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres, attentifs, la priorité à l’autre. Vous savez bien que pour eux comme pour vous, il y a un Maître dans le ciel, et qu’il ne fait pas de différence entre les hommes.


matin

Je courrielle aux députés et diffuse au maximum, ce qui suit :

----- Original Message -----
To: "Undisclosed-Recipient:;"@orange.fr
Sent: Wednesday, October 27, 2010 10:03 AM
Subject: de la part de Bertrand Fessard de Foucault - ce qui n'est pas dit mais qui est vêcu


Veuillez trouver ci-joint une analyse toute personnelle mais d'époque des deux crises précédentes pour notre pays : l'automne de 1995 - la déshérence du pouvoir en 2005-2006. Je compte vous proposer - dans le même format d'ici quelques jours - l'analyse de ce que nous vivons ou venons de vivre.

Des ennuis informatiques (précarité des matériels, vulnérabilité au viol intellectuel et donc à la dictature, volatilité des archives confirlmant que nous sommes entrés, très pratiquement, dans une nouvelle époquenous faisant entrer dans une nouvelle époque par rapport à celle ouverte, il y a cinq mille ans ou plus par l'écriture et il y a cinq sièles et plus par l'imprimerie - ce dont nous ne nous inquiétons pas assez : nous diffusons comme jamais ce qui a moins de pérennité que jamais) me font emprunter la messagerie de ma femme.

Comme après le referendum négatif de Mai 2005 - quand un pouvoir désavoué s'accroche - la France est entrée dans une période d'impuissance collective faute que ses dirigeants restent légitimes. La mauvaise gouvernance française est la cause principale de nos lacunes économiques et sociales

Tout est désormais soumis à ratification ou désaveu par la prochaine élection présidentielle, encore distante de dix-huit mois.

Ce temps sera-t-il mis à profit au moins pour réfléchir sur le déni de démocratie et quantité de dénis de légalité dans lesquels nous nous trouvons ?

Réflexions sur ce qu'est gouverner ? alors même que tant de thèmes nationaux, européens et mondiaux nous sollicitent et nous attendent, auxquels il est de coutume multiséculaire que la France contribue. Nous sommes au moins temporairement incapables de ces contributions tant que nous n'aurons retrouvé un mode de gouvernement et de participation autre que celui de la contrainte et de la "pédagogie" (entendue comme répétition autiste et propagande centralisée).

Pour trouver une solution durable et consensuelle à la question du financement des retraites (indépendamment d'une politique nataliste inversant les anticipations démographiques), il eut été si simple - et enfin à l'actif du président régnant - de convier tout le monde à une réflexion et à une négociation d'ensemble, entre tous : gouvernement, tous partis et syndicats, associations diverses, patronat, caisses diverses, experts divers, et de prendre tout son temps. Le gouverbement n'étant que chargé de la votation parlelentaire et de l'exécution, au lieu d'être la référence et la contrainte. Les circonstances et les faits sont assez contraignants pour qu'on n'y rajoute pas par les manières de tout imposer.

Type de recherche par consensus à appliquer aussi à notre endettement et à notre fiscalité.

Conclusion référendaire pour ces deux immenses sujets et pour fonder - par cette manière de préparer les lois en participation de tous - une nouvelle forme, ou au moins une étape de notre démocratie.

*
* *

Ces jours-ci, droit à la fierté pour ceux qui se sont rebellés et continueront de le faire - nous encensons rétrospectivement et légitimons les rebelles du passé, y compris ceux qui furent appelés en leur temps des terroristes (Résistance ou guerre d'Alégrie, pour nous) mais nous sommes incapables de reconnaître les rebelles d'aujourd'hui. Les exercices de solidarité nationale et collective ne sont pas seulement le respect de la loi ou le paiement des impôts, ils sont aussi de comprendre les mouvements de grève et autres blocages quand les gouvernants du moment s'y prennent d'une telle manière qu'aucune contestation autre n'est entendue ni respectée (notamment au Parlement).

Ces jours-ci, droit au cafard et à la tristesse que des journées de salaire, que des élans et des manifestations apparaissent sans débouché. Comme cet été, droit à la honte quand les droits de l'homme sont bafoués chez nous, quand la liberté de la presse est atteinte, quand quatorze ans de suspension des poursuites à raison d'un statut pénal ad hoc du Président de la République aboutissent à un arrangement détestable pour la morale publique, quand un ministre chargé d'une réforme montée en épingle comme le test de gouvernance de tout un mandat présidentiel donne des leçons de vertu et de démocratie alors qu'en tout autre régime il serait démissionnaire pour répondre de toutes accusations fondées ou pas, quand un ministre de l'Intérieur est condamné pour propos racistes.

Droit à la révolte quand des armes de jet blessent - sans doute à vie - un jeune manifestant, quand il faut cinq ans pour que le fait générateur des émeutes urbaines à l'automne de 2005 soit reconnu en justice malgré le ministre de l'Intérieur et le parquet.


Ce qui n'est pas dit :
- l'article 10 de la Constitution ne laisse pas le choix au Président de la République de promulguer ou pas une loi votée par le Parlement, mais elle lui permet de demander au Parlement - dans un délai de quinze jours - une nouvelle lecture

Ce qu'il faut produire et examiner :
- la lettre des syndicats allemands à la CGT (lue en partie par Bernard Thibault, lundi soir dans le débat sur France 2) montrant qu'en Allemagne la loi sur les retraites n'est pas la solution aux problèlmes sociaux et qu'elle aggrave les inégalités, il n'y a pas de référence allemande syndicale pour approuver les dirigeants français et désapprouver les contestataires français
- le jugement en référé du tribunal administratif de Melun annulant l'arrêté de réquisition des employés du dépôt de carburant francilien, et les libellés de tous les arrêtés également de érquisition qui n'ont pas été annulés : se fondent-ils sur les mêmes textes de circonstances exceptionnelles et préjudiciables à la défense nationale et à la sécurité collective. Dans un cas, c'est la confirmation jurisprudentielle d'un droit constitutionnel, dans l'autre c'est son déni

Entendu :
- du Président de la République : "le droit de tel ou tel de s'opposer à notre projet... une minorité" jeudi dernier en Normandie comme si 70% des Français ne soutenaient pas le mouvement social, ne contestaient pas le projet de loi sur les retraites, n'avaient pas confiance en Nicoas Sarkozy, Président de la République
- du Premier Ministre : "la phase de la démocratie politique est terminée"
et de l'ensemble des dirigeants actuels : la grève inutile, l'illégitimité de la prise en otage

Compris :
- selon un amendement à la sauvette au Sénat que tout devra être remis à plat dès 2013
- selon tous les commentaires, y compris dans la majorité parlementaire, que le financement n'esrt assuré par la nouvelle loi que jusqu'en 2018-2020, ce qui était déjà - avant la "réforme" - la perspective, cf. débat du 2 Mai 2007 Royal/Sarkozy

Le dédouanement en cours :
- la reprise économique était là, les grèves l'ont brisée ou retardée
- la négociation pour l'emploi des juniors et des seniors

La falsification et le détournement de propos
- Ségolène Royal accusée de pousser les lycéens à manifester dans la rue à tous risques (découpage abusif de propos tenus à Laurence Ferrari - une ex- de Nicolas Sarkozy - sur TF1 alors que l'ensemble des deux phrases dit le contraire)
- François Chérèque donnant le nouveau souffle et permettant au gouvernement de donner le change, en mettant hors contexte et tonalité de tout le débat sur France 2 avec Laurence Parisot, son souci d'une négociation sur 'lemploi des jeunes et des seniors, à laquelle acquiesce aussitôt la présidente du MEDEF, et ce que reprend immédiatement le Premier ministre (faire de la CFDT un allié du pouvoir)

Ce qui est vêcu :
- les Français n'ont pas le droit d'une grève qui, soit efficace donc gênante pour tout le monde de manière à ce que le gouvernement en porte la responsabilité morale si les grévistes en portent la responsabilité matérielle, et qu'ainsi le gouvernement soit acculé à la négociation, cf. les accords de Grenelle en Mai 1968 (puisqu'on dit depuis l'automne de 2007 "un Grenelle", allons au bout de la référence et appliquons-la)
- les Français ne peuvent s'exprimer par les urnes qu'une fois tous les cinq ans. La situation est doublement bloquée : le Président de la République selon la pratique de Nicolas Sarkozy a l'initiative des lois, l'exclusivité du droit d'amender les projets gouvernementaux et cumule, en sus des siennes, les fonctions de chef du gouvernement, de président des groupes parlementaires de la majorité, de ministre de la Communication et de l'Information (il est vrai que ce n'est aps plus choquant que d'entendre le ministre de l'Education - donc des enfants et des jeunes - être le porte-parole du gouverbement, donc le chargé de propagande élyséenne). Et la majorité parlementaire est rigide : les débats n'ont aucun sens puisqu'aucun discours n'a de chance de déplacer une voix, que toutes les votations sont acquises par avance pour cinq sauf si le charme se rompait entre le Président de la République et les membres de la majorité parlementaire
- le droit constitutionnel de pétition est méconnu : les deux millions de signatures pour un referendum sur le statut de La Poste valant d'ailleurs consultation sur le maintien du service public en France (soi disant acté par le traité de Lisbonne à l'initiative de Nicolas Sarkozy), les trois millions et demi de gens dans la rue contre un projet de loi

Restaurer la démocratie ne se fera pas seulement par une élection présidentielle changeant le titulaire du pouvoir. Il faut le mouvement social. Celui-ci est légitime - en tout cas - quand les dirigeants ne savent plus gouverner. Gouverner n'est pas exploiter une part des institutions de la Cinquième République (la discipline parlementaire) au mépris d'une autre (la sanction de la responsabilité du Président de la République devant le peuple par referendum), ce n'est pas principalement de gérer les choses et les circonstances, ce n'est pas même de réformer (surtout si c'est casser sans rien remplacer), c'est d'abord animer les personnes, les amener à participer. La soi-disant pédagogie est de la propagande et du mépris. Ressasser les soi-dsiant archaïsmes français par référence à une mondialisation ravageuse dans tous les pays, soit qu'ils soient victimes des invasions de produits étrangers et des fuites d'actifs et de patrimoines (nous), soit qu'ils soient esclavagisés par leurs dirigeants pour tenir le dumping social (vg. les Chinois).

Si elle ne suscite pas le mouvement et si elle ne s'appuie pas sur la pression populaire, la gauche renouvellera à partir de 2012 la déception qu'a causée le quinquennat de Lionel Jospin - malgré la totalité intégrité personnelle de celui-ci, qualité rarissime aujourd'hui (cf. Karachi pour Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy, Karachi n'étant qu'un des épisodes du financement de la campagne de 1995, cf. emplois fictifs et financement de fait des moyens pour Jacques Chirac d'arriver à l'Elysée). La droite et toute personne de bonne volonté doivent comprendre que le redressement français doit être un redressement démocratique et que la démocratie est un mouvement et une participation populaires. Des dirigeants qui craignent le peuple - qu'ils soient étquetés à gauche ou à droite - qui ne comprennent pas que els chose ne se font efficacement et durablement que par un consentement vrai du plus grand nombre - sont stériles et détestables.

Politique
Gonneville et la galerie des portraits de nos chefs d'Etat successifs : le Maréchal Pétain incarnation, et son régime avec lui, de la xénophobie... tandis que le discours de Grenoble et les expulsions ciblées de Roms (circulaire du 5 Août) ont l'absolution de Benoît XVI (certes pas explicite, mais l'audience accordée au président français en tient avantageusement lieu et il serait lamentable qu'elle ait constitué un trioc entre cette absolution et une veille sur les projets de loi bio-éthique, aucune fin ne justifiant des moyens) et de Viviane Reding, contrainte de reculer.

Entreprises
Expérience courante que les comités d'entreprise et les syndicats ont une idée plus exacte - que des dirigeants parachutés ou importés - de l'état de l'entreprise et des stratégies financières et commerciales propres à la faire avancer mieux ou à la sauver.
A l'image des moeurs politiques, recel de biens sociaux (sinon du patrimoine national et de ce qu'a financé le contribuable) que ces croissances externes : rachat d'actifs à l'étranger, EDF aux Etats-Unis ou France-Télécom. en Grande-Bretagne tandis que le consommateur est pénalisé sur le marché domestique pour financer ces achats

Grandes orientations, vg. l'environnement
EDF déniant toute politique de l'environnement et du développement durable par la diminution du rachat de l'électricité produite par les particuliers pratiquant le solaire ou l'éolien en même temps que l'Etat, sous prétexte de "raboter" les niches fiscales, réduit à rien les incitations au solaire pour les particuliers
abandon de la taxe carbone

Merci de m'avoir lu, merci d'observer et de contredire. Ce me sera utile aussi pour la note
évoquées en commençant.


Il faudrait que soit mieux diffusé le contre-projet socialiste, datant de Mai 2010 et que celui-ci tienne compte certes du débat parlementaire mais surtout des propositions syndicales depuis le printemps et des diverses initiatives associatives.

fin d’après-midi

Galerie de portraits. Woerth assure que c’est lui qui a fait la réforme, et non Raymond Sioubie. Celui-ci va cumuler une retraite acquise depuis cinq ans selon l’ancienne législation, une situation dans les médias et le spectacle, les gratifications du Conseil économique et social et surtout la retraite attachée à cette assemblée consultative. Woerth s’estime bien placé pour rester ministre du Travail. Sarkozy, crédible aux yeux de l’opinion, pour perdre la prochaine élection présidentielle et donc ne pas s’y présenter. Morano, chargée au gouvernement de la Famille, n’est pas « contre » une extension du congé maternité, alors que la France y sera simplement obligée par une harmonisation européenne l’amenant à l’un des premiers éléments d’une politique nataliste. Philippe Ollier sait qu’il ne sera jamais ministre puisqu’il accompagne Milcèle Alliot-Marie. – Sortie des mémoires de Michel Rocard… un peu comme ceux de Talleyrand, dissertant plus longuement sur la révolution de 1830 et son ambassade à Londres, peut-être parce c’est cela qui plaît le plus à la duchesse de Dino, que sur les années Napoléon… va-t-il expliquer ses propositions à Alain Juppé et à Jacques Chirac pendant les mouvements de l‘automne de 1995 et son acceptation de diverses missions de la part de Nicolas Sarkozy depuis trois ans, plutôt que sa relation avec François Mitterrand, mais à qui (ou à quoi ?) doit-il ses trois ans à Matignon ? Livre que je vais me procurer au plus vite. Première rencontre pendant la campagne de Couve de Murville, devant un « prisunic », mégaphone au poing : je ‘lai interrogé sur le dollar et la contestation que l’ancien Premier ministre du général avait incarnée au Quai et sans doute avant. Avant-dernière, il y a longtemps mais approfondie : à Brasilia, « j’ai un boulevard de légitilmité devant moi », m’asura-t-il à l’appui de la certitude qu’il voulait me donner (à propager si possible) de sa candidature à l’élection de 1988, contre le président sortant : François Mitterrand. La dernière à l’ambassade de Portugal où Mario Soares me parkla plus longuement qu’à lui, le Premier ministre… Jean-Louis Bianco sur lui, à l’usage… en 1989-1990, son étonnement et celui du Président régnant : il a d’autres défauts que ceux que nous croyions et il a des qualités que nous ne pensions pas qu’il avait.

Essoufflement, le qualificatif des spectateurs pour ls acteurs. Mais dans ces constats du dehors – tandis que se prépare les manifestations de demain, apparemment sans objectif que de proclamer le caractère de ceux qui s’y adonnent – il y a une notion-clé qui est bien dite par les « raffineurs » : le pays doit réapprendre la solidarité. Encore sept raffineries à l’arrêt, mais assemblées géénrales vendredi, au résultat prévisible… Une branche d’activité, seule en grève, ne peut protester au nom de tous. Le mouvement social n’a de sens que général, sinon ce n’est qu’une protestation, une expression, nullement une force considérée comme telle (respectée comme telle) par l’auytre force, celle de l’Etat. Définition par Georges Vedel : le monopole de la contrainte organisée. Cela me paraissait trivial à mes dix-sept ans, c’est bien vrai à mes soixante-sept.

Les vols « organisés » d’ordinateurs portables : au Monde et au Point, des enregistrements du maître d‘hôtel des Bettencourt chez Mediapart. Derniers feux du juge Courroye et de ses enquêteurs ?

Pronostic : Sarkozy ne commet pas, finalement, la faute de se séparer de Fillon. Sondages il y a huiit jours qui n’a pas été commenté en audiovisuel : Sarkozy n’a pas plus de voix qu’Aubry au premier tour, dialectique comme je le calcule depuis le printemps : le second tour sera arbitré par le Front national.

Côte d’Ivoire… Niger… Afghanistan… tout ce dont nous nous mêlons, en méconnaissance de cause.


soir

Je prends en cours, après le dernier court-métrage de Claude Chabrol, adaptant un conte de Maupassant. Robert Badinter interrogé… amené à évoquer François Mitterrand. Bousquet, il ne me l’a jamais fait rencontrer, il savait que la mère de mon père, à 79 ans, à la grande émotion de tous les voisins, avait été emmenée dans une rfafle commandée par lui, et qu’elle est morte pendant le trajet vers l’Allemagne. Un très grand homme politique. Quand on me parle de lui, j’ai l’impression qu’on me parle d’un homme qui n’est pas celui que j’ai connu. Un ami incomparable, le cœur, la finesse… quand je pense à lui, je pense à quel point nous nous sommes amusés. – J’écris sur le champ à ce personnage qui a quelques travers mais que j’estime et admire. Une heure chez lui il y a deux ans, inoubliable d’ambiance et de dire. Il reste décisif.
Cher Ami,
deux bravos déférents et chaleureux.
Vos propos – déterminants – pour une saisine du Conseil constitutionnel à propos de la loi sur les retraites – et les conséquences probables de cette saisine.
Ce que vous venez de dire sur la chaîne parlementaire à propos de François Mitterrand. Evidemment, je l’ai bien moins connu que lui, mais – quand on me parle de lui – j’ai la même impression que vous d’un homme qui n’est pas celui qui m’a reçu et échangé tête-à-tête avec moi ou que j’ai accompagné dans ses voyages à l’étranger, ou rencontre en cérémonie dans mes diverses affectations diplomatiques. Très ému rétrospectivement par la mort de votre grand-mère paternelle.
Depuis le Zenit de Nantes en faveur de Ségolène Royal où vous fûtes l’orateur que je ne connaissais pas encore, je suis empoigné par le passage souvent redonné de votre intervention – du texte d’Eschyle à Epidaure – au Vel d’Hiv’, quand le Président fut hué par certains insensés.
A quoi travaillez-vous ?
Pouvez-vous, en présentant mes hommages qu’elle saura sincères à Madame Badinter, lui dire combien ma femme et moi avons apprécié son livre sur la mère et la femme.


[1] - Paul aux Ephésiens VI 1 à 9 ; psaume CXLV ; évangile selon saint Luc XIII 22 à 30

lundi 25 octobre 2010

Inquiétude & Certitudes - kundi 25 octobre 2010

Lundi 25 Octobre 2010

Le plus grave dans la vie, c’est quand on est mort… notre fille quand nous nous embrassons pour la nuit, après la prière. [1] Le chef de la synagogue fut indigné de voir Jésus faire une guérison le jour du sabbat. Exercice ilégal de la médecine, pour une raison de forme ou de calendrier ? Banalisation des miracles, mais les foules sont là et les patients exigeants, quand ce n’est pas le Christ qui vient à eux : il y avait là une femme, possédée par un esprit mauvais qui la rendait infirme depuis dix(-huit ans ; elle était toute courbée et absolument incapable de se redresser. Quand Jéus la vit, il l’interpella : ‘Femme, te voilà délivrée de ton infirmité’. Puis, il lui imposa les mains ; à l’instant même, elle se trouva toute droite, et elle rendait gloire à Dieu. C’est alors que la hiérarchie religieuse s’émeut. L’action de grâce ? le talent de cet homme ? La femme n’a pas eu à demander sa guérison, pas même à dire sa confiance et sa foi. Et Jésus ne lui fait aucune recommandation, n’évoque pas son éventuel péché. Te voilà délivrée de ton infirmité. Constat précédant le fait… vous étiez ténèbres ; maintenant dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière. A ceux qui ne le sont manifestement pas, Jésus explique : quoi de plus naturel que d’avoir guéri cette femme qui souffrait. Ces paroles de Jésus couvraient de honte tous ses adversaires et toute la foule était dans la joie à cause de toutes les actions éclatantes qu’il faisait. Les hiérarchies, les structures reçues et imposées sont « délégitimées » mais pour la foule qui n’en voit pas les conséquences, ce qui compte c’est l’évidence du miracle, du bienfait. Que de transpositions possibles. La prière qui nous dépayse, nous transpose, nous fait voir… la conclusion, longue d’une vie entière : l’action de grâces. Par discernement.

matin

Challenges et les possibles Premiers ministres…

Développer l’évolution de l’information et mes réflexions

soir

A 2 – Effrayante Laurence Parisot : la réforme des retraites fait revenir les Français au réel, elle évite les injustices le plus graves entre générations. Comme si l’immense majorité des Françaiçs n’étaient pas dans le réel de leur vie quotidienne et que dans cela, à souquer, à ramer et à s’appauvrir. Comme si pour faire oublier les fantastiques injustices de 2010, révélées par l’affaire Bettencourt-Woerth, il faut s’attacher aux possibles ou virtuelles injustices de 2050. Chérèque réplique : l’intersyndicale ne s‘est battue que pour une autre réforme des retraites et qui soit négociée. A avoir un gouvernement qui ne négocie pas et à n’avoir qu’un syndicalisme faible, la France. Thibault : vous ne comprenez pas que 70% des Français sont contre cette réforme. La manière de la droite, Laurence Parisot ou d’autres, sur les plateaux de télévision : rééter la mme phrase X fois même si elle est mensongère. Thibault : nous sommes le seul pays européen où le président de la République peut décréter un point et assurer d’avance qu’il n’est pas négociable. Devedjian ou Estrosi, je confonds tous ces cheveux teints, évoquant le dialogue plutôt que la négociation, les médias plutôt que des réunions de travail, débite les « éléments de langage » : des avancées sur la pénibilité, les polyhandicapés Et de citer Strauss-Kahn, pourquoi ne pas faire en France ce que tous les autres pays européens ont accepté. Thuibault sort une lettre du président des syndicats allemands de salariés. Les expériences en Allemagne ont montré que le recul de l’âge de la retraite n’est pas une amélioration des retraites et que la solution est dans le marché du travail.

Le débat est assassin, car il est maintenant répété qu’il y a un rendez-vous en 2018 et admis que rien n’est financé de façon assurée pour au-delà : chef d’œuvre d’Estrosi évoquant de nouveaux débats dès 2013 dans cette perspective. Laurence Parisot rappelle qu’elle a proposé un Grenelle des retaites, soutenu seulement par Chérèque, elle dit regretter que cela n’ait pas eu lieu : c’est avouer qu’il n’y a eu ni débat ni négociation. Car els dialogues dans les médias ne sont que des commentaires pas des participations à la décision.

Tonalité étonnante du débat. Peut-on considérer que le mouvement de contestation va s’éteindre maintenant que la loi etc… ? réponse implicite sur ce plateau : oui. Mais voici qu’on rouvre la boîte de Pandore en évoquant 2013 et 2018. Estrosi parle d’aborder le problème des retraites… Regard de Thibault et de Chérèque sur le sauteur. Les arrêtés de réquisition fonctionnent ; cynisme de ce ministre comme de la plupart des membres de ce gouvernement.. L’article 10 de la Constitution dispose que la loi, une fois votée, est promulguée par le Président de la République dans les quinze jours mais que dans le même délai, celui-ci peut demander une nouvelle lecture, c’est-à-dire rouvrir complètement le débat. Malheureusement, qui connaît la Constitution ?

Bien montré, ce qui ne ressortait pas à ce point ces jours-ci, qu’un amndement (de l’Elysée) introduit à la sauvette au Sénat ou en commission paritaire, a pour conséqsuence qu’on recommence tout en 2013.

Du débat, je retiens la lettre des syndicats allemands donnant tout à fait raison aux nôtres et le regret du MEDF qu’il n’y ait pas eu, sinon négociation, du moins débat. Ce qui veut dire que la France reste un modèle et que la plupart des syndicats euroépens ont souhaité que les Français montrent que le refus est possible, comme ce fut le cas en Mai 2005 pour le projet de Constitution (projet auquel j’étais, quant à moi, favorable parce qu’il aurait permis désormais aux institutions européenens d’être auitonomes, en pouvant se réviser d’elles-mêmes et non selon le bon-vouloir des Etats).

Conviction que la contrainte aura été telle tant sur la thématique de la loi que pour vaincre la grève, au total plutôt courte si elle doti s’arrêter d’ici la fin de la semaine, que els choses vont couver et revenir… Ce n’est pas terminé..


[1] - Paul aux Ephésiens IV 32 à V 8 ; psaume I ; évangile selon saint Luc XIII 10 à 17

dimanche 24 octobre 2010

Inquiétude & Certitudes - dimanche 24 octobre 2010


Dimanche 24 Octobre 2010

Les noces d’or de mes grands parents, il y a plus de cinquante ans,, le dernier adieu d’amants, il y a vingt deux ans, avec qui j’ai aimé et échoué, l’éradication d’un cancer de la prostate, il y a dix ans, et tout cela hier 23 Octobre, le re-mariage d’un ami cher, les chiffres dans une vie : le 23, comme dans la Bible, comme dans les institutions, le rythme des anniversaires, nos formes d’identité par le temps qui ne sont pas que date de naissance et qui en fait sont davantage ce compte à rebours inconnu (et qui doit faire notre tranquillité) de la mort en notre vie, l’attente de l’accomplissement et de l’explication, le regard enfin de la tendresse, du pardon et de la compréhension, le sur-place du souvenir, les grands pas de l’attente, le sacrement du quotidien, cette prière du matin… et cette avancée pour l’action de grâces et l’intercession : ne sommes-nous pas tous prêtres pour les autres et pécheurs vis-à-vis de nous-mêmes, Dieu ne fait pas nos comptes. [1] Il écoute, attentif çà lers cris. Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. Constat du psalmiste, témoignages reçus ou devinés, affirmation de Paul qui est autant missionnaire que retraitant, qui aura écrit et parlé autant en apologétique qu’en cheminement spirituel propre, personnel. Le Seigneur, lui, m’a assisté… le Seigneur me fera encore échapper à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera enter au ciel, dans son Royaume. Ecrivant à son enfant d’adoption et de baptême, Paul a le murmure du très petit, résumant sa journée à père et mère, avouant qu’il se sait en sécurité… vient notre tour d’être appelé, nous suivons le publicain, le raté, le très mal vu, le repoussé. Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même aps lever les yeux vers le ciel, mais il se frappait la poitrine en disant : ‘Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis !’. Le tableau est connu : deux hommess montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien et l’autre, publicain. Tout les sépare, et surtout eux-mêmes, chacun d’instinct va à sa place dans l’édifice et dans la posrture de sa prière. Le comptable n’est pas le percepteur, collecteur d’impôts, c’est celui qui est, selon l’éducation, la société et peut-être la rigueur de sa vie, le plus doté spirituellement. Labellisé saint. Vie labellisée : a réussi, est bien. Il lui faut cependant se justifier et s’énumérer devant Dieu. Et il le fait non par rapport à son Créateur, mais par rapport à lui-même, il usurpe la place de Celui-là seul qui nous connaît, nous sauve, nous soupèse et nous pardonne. Il est autiste, il n’a pas même besoin de l’approbation divine. Il a entièrement raison, le compte y est – comme il est entre salariés et patrons, entre créancier et débiteur – sauf qu’il s’adresse à Dieu et s’est mis à la place de Celui-ci. Il a raté sa vie et ne le sait pas. Le publicain sait qu’il a raté la sienne, il le lit dans le regard des autres, il l’entend dire par certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres… quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre. Juste. Rien que par cet acte en totale ferveur d’une adoration de son Sauveur. La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné. Que Dieu ne leur en tienne pas rigueur. Le Seigneur, lui, m’a assisté. … La prière du pauvre traverse les nuées… Le Seigneur est un juge qui ne fait pas de différence entre les hommes.

soir

Les commentateurs… c’est-à-dire ceux pour qui rien n’est en cause qui les concerne directement. La déontologie, celle du pouvoir politique vis-à-vis des médias, c‘est hors sujet sauf quand il y a une dépêche à transcrire. Depuis vingt-quatre heures – selon moi – une seule question : le préfet territorialement compétent a-t-il repris un arrêté de réquisition des agents ravitaillant l'Ile-de-France et els aéroports de Paris, et cet arrêté est-il de nouveau suspendu d’application en référé. Tout l’enjeu pour la démocratie depuis la révision de 2008 qui a été le paravent consenti par la majorité parlementaire plus Jack Lang… c’est bien la possibilité juridique de faire une grève qui ne soit pas, elle aussi, un paravent, un semblant de droit, mais une réelle perturbation forçant les parrtenaires à se rencontrer et à discuter d’égal à égal, enfin.

Les commentateurs donc…dilution de la contestation puisque els vacances commencent et puisque la réforme a été votée par les deux chambres ? ou bien … ? Pas de commencement de réponse particulièement ce soir, tout simplement parce que les raffineries et dépôts ont fait l’objet des préavis de grève et que celle-ci est reconduite, de blocages et donc d’un jeu avec les forces de l’ordre, tout continue donc. Mardi, jeudi et samedi, manifestations et grèves là où il n’y en pas quotidiennement. C’est cette semaine, commençant demain, qui verra l’abandon ou le raidissement. La fin du mandat présidentiel est en jeu ces jours-ci de plus en plus nettement, : si le mouvement s’arrête ce n’est nullement signe que Sarkozy l’emportera en 2012, quoique juché sur le pavois d’un briseur de grève qui a su… qui a pu… et que … enfin quelqu’un qui « réforme » la France, mais si le mouvement ne s’arrête pas, c’est Sarkozy qui sera arrêté dans l’exercice du pouvoir, exactement comme Jacques Chirac à partir du referendum de Mai 2005. Le quinquennat porte la p… à ceux qui le proposent et à ceux qui en profitent, Georges Pompidou l’expériemnta le premier.

Georges Frèche. Leçon ou modèle ? On peut donc être de parole et de parcours indépendant, bénéficier cependant d’un puissant appui et d’un appareil politique national, s’en émanciper au point d’être sollicité (les régionales). C’est encourageant pour le vote de conscience et le « coefficient personnel » des élus. Je ne sais quel est son bilan comme administrateur d’une grande ville et d’une région, mais de cette liberté qu’a-t-il fait ? une phraséologie à la Le Pen (et à la Sarkozy… donc). Une position personnelle qui n’a pas servi les valeurs françaises, les valeurs humaines, au contraire. Peut-être sa propre communication a-t-elle déformé pensées et propos, mais il y a eu tant de récidives que tout ne peut être lapsus ou transcriptions malveillantes. La leçon est aussi que – en politique comme ailleurs – personne ne sait le jour ni l’heure…


[1] - Ben Sirac XXXV 12 à 18 passim ; psaume XXXIV ; 2ème lettre de Paul à Timothée IV 6 à 18 passim ; évangile selon saint Luc XVIII 9 à 14

vendredi 22 octobre 2010

jeudi 21 octobre 2010

Inquiétude& Certitudes - jeudi 21 octobre 2010

Ce journal sera mis à jour - rétrospectivement selon des notes et schémas pris au jour le jour dans mon carnet de terrain, mais j'ai actuellement de nouveaux ennuis informatiquess.

D'autre part, quels que soient les événements même s'ils sont considérés comme un dénouement, je compte rédiger en fin de selaine prochaine, une synthèse sur le mouvement en cours - qui pourra succéder à celle que j'avais tentée opour la crise de l'automne de 2005, puis celle de 2005-2006. Elle sera largement diffusée, mais également placée sur ce blog.

mercredi 20 octobre 2010

Inquiétyude & Certitudes - mercredi 20 octobre 2010

sera développé jour pour jour pour compter du mardi 12 ...

dominante du jour : qui bloque : Sarkozy ou les opposants

crise de société ou crise de gouvernement


le mal faire des dirigeants en tous domaines fait le mal être - pas du tout fatal - des Français

la France après la Namibie, la Jamaïque, l'Esthonie etc... pour ce qui est de la liberté de la presse

la Commission s'est couchée à propos des Roms

mardi 19 octobre 2010

Inquiétude & Certitudes - mardi 19 octobre 2010



Mardi 19 Octobre 2010



Prier…
[1] j’écoute : que dira le Seigneur ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple ! Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. Pourquoi ? Son salut est proche de ceux qui le craignent. Comment ? La vérité germera de la terre, et du ciel se penchera la justice. Prière pour pour notre pays, pour nous, pour mon cher et vieux pays, était-il dit naguère dans des harangues qui valaient les faits et parfois les changèrent. Il prendra la tenue de service, les fera passer à table et le servira chacun à son tour. Qui donc sert ? le maître qui, à son arrivée, trouvera ses servireurs en train de veiller à l’attendre. Intimité, esprit d’équipe, sollicitude. Il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Comment en rester aux ratiocinations de nos idées personnelles sur le monde, la vie, l’histoire et surtout sur nous-mêmes, et moi sur ce que j’entreprends ou ce que je manque, ce dont j’ai besoin et ce qui m’échappe, quand le salut est là, dans des Ecritures, dans une Parole, dans une proposition de foi, et de prière. Sans cesse. C’est moi qui cesse, certainement pas Dieu. Le Seigneur donnera ses bienfaits et notre terre portera son fruit. La justice marchera devant lui et ses pas traceront le chemin. Le faire, l’avoir et l’être, tout ensemble, nous sont rendus. Donnés.Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau. Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu… et ce fut, et c’est et ce sera. Nous par Lui. Nous… vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu. La vie ne suffit pas à le vivre et à l’espérer, à le vivre. Rappropriements divers après que les chiens, cette nuit, se soient « oubliés », ce qui ne leur arrive guère. Expérience commune, plus de joie à servir, à être à servir, que d’être servis ou de ressentir autrui à servir, sauf si je le sais, éprouver comme moi à la vaisselle ou au jardinage (mais la nature nous donne à mesure que nous la soignons, expérience de maintenant à dix fois l’âge où, déjà, mettant le couvert du dîner en cachette de mes parents, je me sentais adéquat,et par avance prisé d’eux, à goûter leur satisfaction. L’homme est le plaisir de Dieu, son instinct même : la création a été voulue. Je ne sais si si beau titre d’un écrivain si souvent déplaisant par sa concentration sur lui-même (Au plaisir de Dieu) correspond au-dedans d’un livre que je ne suis pas même sûr d’avoir mais qui est archi-célèbre. Jean d'Ormesson n'est-il ce qu'il est que parce qu'il n'a rencontré personne ? Profane et spirituel sont là : quelqu’un qui donne envie de le connaître, premiers pas de l’amour adolescent ou de couple émerveillé d’avoir encore tant à apprendre l’un de l’autre… vous n’aviez pas d’espérance et, dans le monde, vous étiez sans Dieu.
Mort qui n’est pas un deuil, mais le constat d’une vie. Si forte découverte et si tranquille et naturelle qu’elle n’étonne pas : elle se vit. La mort nous rend notre grandeur, grandeur enfin de celui qui est mort, état, et grandeur que nous donne le seul fait d’âme consistant en voir enfin l’autre. Le gisant et l’agenouillée sont vrais, grands, beaux, Dieu les bénisse à travers les siècles qui sont des larmes mais aussi le reflet de la lumière. Ainsi soit-il, ainsi sommes-nous. Grands. Grâce à Dieu, notre créateur.

matin

Donner des leçons de gouvernance, inspirer des politiques « refondatrices » alors que chez soi… parallèle avec de Gaulle n’imposant jamais, respectueux des compétences. Si j’étais préfet, recevoir les lycéens, ne pas parler de conjoncture ni même de perspectives économiques ou sociales et politiques, mais du bien commun et du sens de l’Etat, leçon compréhensible pour des aolescents, façon aussi de leur donner des structures d’analyse et de jugement aussi bien du pouvoir en place que des différents opposants. Je le courielle à l’un des préfets – aux manettes d’un vaste territoire – que je connais.
Cher ami, par les temps qui courent la "jeunesse" autant lycéenne qu'étudiante manque de repères, aussi bien en "fondamentaux" qu'en exemple de comportements.
Si vous en avez l'occasion, essayez de réunir dans la tranquillité de l'un de vos salons une quinzaine ou une vingtaine de jeunes, non pour des recommandations ou même une analyse (propagande ?) de la situation et des enjeux divers, mais...
... pour un témoignage, le vôtre.
Tout simplement, le métier que vous faites, les raisons et le goût de votre vocation, et du coup ce que sont le service de l'Etat, le sens de l'Etat, la continuité psychique et patrimoniale du pays, le bien commun.
Eventuellement questions-réponses venant alors mais dans des fortes structures et établies par votre propre exemple. Et orientées vers les perspectives les plus larges, notre société : son progrès et sa défense et ce que sont débats et consensualité.
Amicale et chaleureuse estime que je vous redis à l'occasion de cette suggestion ; j'y pensais hier en roulant vers Nantes où je travaille fréquemment aux archives diplomatiques mais où aussi j'ai un chien à faire soigner. Que ferai-je si j'étais préfet ? je me suis ainsi répondu.

France-Infos. en grève. Des queues aux pompes faisant même bouchon sur autoroute, voies d’accès.
à insérer notes en écoutant la radio sur la route

minuit

Rétrospective sur France 3 – Saint Tropez. Fraicheur exxtraordinaire, précision de danseuse, pudicité de Brigitte Bardot, entourement des hommes et des talents, simplicité de tous même si les terrains et les propriéts devaient monter de prix. Epoque où l’amour, la chanson, la beauté et la jeunesse étaient les « valeurs » et les envies, des envies pas hors de portée puisque la mode les apportait à beaucoup, des valeurs qui pouvaient se partager. Coincidence avec la solution de nos guerres coloniales et la restauration du pays par de Gaulle, de la jeunesse à revendre, de la détente et de la décontraction. Aujourd’hui, au lieu de la réalité des vies heureuses et gourmandes, c’est le culte du paraître, le repliement sur la cooptation et l’argent, c’est la libido du pouvoir et la confusion des jouissances personnelles avec l’appropriation des pouvoirs publics, des influences médiatiques et des spéculations de toutes sortes. La soi-disant élite d’ailleurs physiquement et mentalement bien plus âge que ceux et celles qui prolongeaient et chantaient leur adolescence – n’ai-je pas en partie vêcu cela dans l’ivresse qui va avec ? – la soi-disant élite d’aujourd’hui est crispée, sur la défense, elle n’est pas conquérante, elle se sait potentiellement assiégée. Les Balkany, les ténors de l’UMP, les chefs de groupes on ne sait plus dire si c’est financier, industriel, de services mais qui contrôlent le pays et font copiner avec eux les politiques et les commentateurs ne sont pas beaux et ils sont spirituellement vides. Cela se mesure à la pauvreté des commentaires sur le mouvement social actuel et à l’autisme de ce que l’on appelle depuis que Sarkozy exerce la présidence de la République à sa manière : l’exécutif. Aucune imagination, aucune mémoire, aucune prospective, crispation sur l’instant tandis que bougent les manifestants. Et les esprits, je crois…

Probabilité – comble du cynisme – d’un double jeu gouvernemental par la question des carburants. Faire croire ces jours derniers qu’il n’y avait pas de pénurie a failli monter la majorité parlementaire contre ces mensonges. La leçon a été reçue. D’une part, on fait maintenant croire le contraire de manière à ce que les Français cessent de soutenir le mouvement social, et d’autre part on va quand même ravitailler, en organisant la chronologie pour que cela coincide avec la désaffection pour les grévistes et un retour de foi dans le gouvernement, on va ravitailler tout bêtement comme la Corse, il y a des jours en tapant les raffineries et les flottes de camion des pays limitrophes. C’est ce qu’on appelle briser une grève. Du coup image – enfin ? – du seul homme qui…

Scenario supposant la lassitude non des salariés, laquelle est certaine puisqu’il y a les fins de mois, mais de la jeunesse. N’étant pas actuellement enseignant comme je le fus si souvent, quoique non universitaire de profession et de carrière, je ne sais le degré de détermination, de colère des étudiants. Quant aux lycéens, rien à perdre en manifestant.

Mais on ne gouverne pas un pays comme cela, sauf à l’abîmer ces semaines-ci plus encore qu’en trois ans et demi de contraintes sur tous les sujets, sans compter les morts en Afghanistan et les turpitudes amnistiées ou non procédurées de ceux qui gouvernent ou ont gouverné.

[1] - Paul aux Ephésiens II 12 à 32 ; psaume LXXXV ; évangile selon saint Luc XII 35 à 38

lundi 18 octobre 2010

Inquiétude & Certitudes - lundi 18 octobre 2010


Lundi 18 Octobre 2010

Prier… la position psychique de dédoublement et d’arrangement inimaginables quand on n’est pas en situation mais qui doit être celui du religieux en concubinage ou ayant cédé aux tentations et à ses penchants pédophiles, ne fut-elle pas celle de l’Eglise pendant la colonisation et devant des abus manifestes à tel moment ou à tel endroit, notamment en Afrique subsaharienne (cf. l’admirable document d’histoire et de discussion diffusé hier soir par France 5) ? et n’est-elle pas encore la sienne, chaque fois qu’elle est « du côté des puissants » (Jacques Gaillot) ? Je le crois, c’est bien parce qu’elle est humaine, qu’elle est nous, qu’elle est historique, mais…
[1] dans toute ville où vous serez accueillis, mangez ce qu’on vous offrira. Là, guérissez les malades et dites aux habitants :’Le règne de Dieu est tout proche de vous’. Les recettes de l’évangélisation ? être totalement pauvre au point d’arriver sans provision, savoir se faire accueillir, tel que l’on est et tels que sont ceux qui m’accueillent, accepter circonstances et accueil, faire tout le bien possible et l’annonce n’est donnée qu’en conclusion : elle consiste à éveiller l’attente, à confirmer la légitimité et le dénouement de cette attente. Rien à dévoiler ni à raconter, faire attendre, éveiller le désir: venant de nous ni initiation, ni rite, ni révélation sinon la prédication d'une proximité. Il est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité. Et Paul, nous faisant connaître à travers les siècles, les noms d’une partie de son équipe, dont Luc aux multiples capacités, celle de l’écriture, de l’historiographie et de l’enquête, juif de culture grecque ? médecin aux approches professionnelles scientifiques… et Paul ayant livres, surtout les parchemins. Ils annonceront aux hommes tes exploits. Voilà. N’emportez ni sac ni argent ni sandales, ne vous attardez pas en salutations sur la route… ne passez pas de maison en maison. Jésus est un homme, un homme précis, mais (aussi) il est le Christ : le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que puisse jusqu’au bout annoncer l’Evangile, la Bonne nouvelle

matin

L’enjeu pour les grévistes comme pour le gouvernement : l’opinion publique, comment l’avoir de son côté. Qui gêne le plus les Français, leurs gouvernants ou les grévistes ? Mais si l’opinion publique prend parti pour les grévistes, contre le gouvernement, comment le savoir ? et qui doit le savoir ? le gouvernement ? ou l’opinion elle-même ? On est aux racines de la démocratie. Aucune manière de savoir l’opinion publique puisqu’il n’est pas question de referendum sur les retraites ou quoi que ce soit, puisque les oppositions dans la rue ou dans l’hémicycle sont daubées et méprisées. Alors ?

Le député-maire de Maisons-Laffite dans son dernier communiqué : la retraite prise en otage… je lui réponds vivement.
Cher député-maire, je ne vous suis pas du tout. Le pays est mal présidé, et par voie de conséquence pas bien gouverné depuis 2007. C'était médiocre avant, mais ce n'était pas méprisant pour les citoyens, pour l'opposition et les opposants. Ce n'était pas autant m'as-tu vu ? et grotesque.
Il est certain que faute d'être tranquillement et ouvertement traitée, la question des retraites est maintenant enrobée pour les grévistes et les manifestants de l'ensemble d'une réprobation dirigée précisément contre Nicolas Sarkozy. "On" n'en peut plus et quant à moi l'addition de mes griefs est lourdissime de la Constitution à l'Afghanistan, à la Françafrique, au discours de Grenoble et à la cécité quant à une véritable mise en commun européenne de l'ensemble des questionnements sociaux, fiscaux, éthiques et économiques.
Donc, le plus vite Sarkozy s'en va, si possible avec anticipation de l'élection présidentielle, le mieux ce sera.
Comment fallait-il faire pour les retraites ? n'avoir de projet a priori que pour le mettre en table-ronde : syndicats, tous partis politiques représentés au Parlement, experts, administration, gouvernement. Sans pression et sans préséance, avancer avec méthode : accord sur les diagnostics et perspectives en finances et budget, accord sur la démographie (avec l'alternative majeure, décisive d'une véritable politique familiale et nataliste) et ensuite ouvrir les alternatives de solution : âges légaux, décote, annuités et autres. Cela sans vouloir jouer, par cette réforme, le bilan d'un quinquennat ou d'une capacité à réforme, tous deux calamiteux et agressifs.
Je suis convaincu que l'on aurait - là - inauguré une méthode non conflictuelle et donc fondatrice. S'il y a d'ailleurs une remise à plat par dénérescence de la situation actuelle et de l'épreuve de force où jusqu'à présent c'est le gouvernement qui bloque et si peu les grévistes et manifestants, c'est cette méthode-là qui devra être mise en oeuvre.
... et bien entendu, Eric Woerth devrait être inéligible pour dix ans. Il est vrai que sa position vis-à-vis de Nicolas Sarkzoy aujourd'hui est exactement celle que ce dernier avait avec Edouard Balladur en campagne présidentielle...
Vous le savez.
Chaleureusement.

milieu d’après-midi

Trois cent lycées bloqués selon le ministère de l’Education nationale, et huit cent selon les syndicats lycéens, lesquels sont admis ce soir à la réunion de l’intersyndicale. Manifestations dans toute la France, de plus en plus ardentes, avec des scènes de guerilla urbaine à Nanterre et à Lyon. Commentaire du ministère de l’Intérieur, deux cent casseurs arrêtés, à peine moins que samedi. Christian Fouchet avait évoqué la pègre dans le dernier de ses discours télévisés en tant que ministre, le mot pesa sur lui mais pas sur les manifestants. Tandis que le gouvernement dément depuis deux jours en boucle qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura pas de pénurie de carburant (« l’Elysée ne veut pas de pénurie »), la profession indique que 20% des pompes à essence sont à sec et je constate des queues de cinquante-cent voitures à chacune des stations que je vois (grande surface ou voies rapides). Les deux raffineries sont à l’arrêt. Trente deux réseaux urvbains en grève demain et la moitié seulement du trafic ferroviaire assuré..

soir

Je reprends chez France-Télécom. un téléphone portable, le mien noyé (la carte SIM priuncipalement) pour avoir voulu rattraper des boules de celluloid qu’avaient joliment lancées notre fille et une de ses amies en descendant à la plage, jolie tableau d’une baie très grande, déserte et des boules de couleur par ciel et mer d’orage, glissant vers l’eau. Deux employés viennent dans la boutique en prendre l’ambiance, l’un pour des accès ADSL – nous n’y sommes toujours pas éligibles, l’autre agent non plus en pays de landes au cœur de la Bretagne, il n’y a plus d’aménagement du territoire depuis trois décennies, sauf dans les intitulés ministériels par éclipses – et l’autre pour voir le débouché des créations de services élaborées sur son propre lieu de travail. C’est avec ce dernier que je parle confirmant la vague de suicides, trois l’an dernier, et la méthode désormais courante dans nos entreprises, le harcèlement en termes d’objectifs et en entretien de justification ou explication de la contre-performance. Ceux qui n’ont de foi que dans le travail sont les plus vulnérables. L’analyse du travail en termes exclusivement financiers pour le salarié ou au bilan, n’est menée que de l’extérieur. La vie et le rendement sont ailleurs, le bien-être ne se chiffre et ne se modélisent pas. Avec les points accumulés et moyennant un réengagement de fidélite pour deux ans, j’ai l’appareil pour quinze centimes. Que je n’ai pas sur moi, je propose à la criée un timbre, le courant, à cinquante-huit centimes, mais le premier des agents, qui se trouve habiter dans mon village et avait entendu parler de moi dans mes campagne électorales d’antan, me donne vingt centimes. Je gagne donc à l’opération cinq centimes, et fais inaugurer l’appareil par notre fille appelant sa femme. Notre fille qui stabilise de la main plaquée contre mon écran « brisé » d’ordinateur, la partie qui était folle, ce qui me donne un peu plus de manoeuvrabilité. Sur le nouveau téléphone portable, elle a déjà inventorié plusieurs jeux : cinq ans et onze mois, mais la méthode semi-globale pour l’apprentissage de la lecture, pratiquée actuellement au lit en alternance par ma femme et moi, est laborieuse, se comprend mal et ne se justifie pas par des résultats rapides d’un soir à l’autre.

Portables… le SMS ne produit ni l’orthographe ni la grammaire, le dialogue recherche ou entretenu est-il narcissime ou début de société ? Internet, la rumeur ? la documentation active ? la démocratie par culture et indépendance de chacun au lieu des solidarités d’antan, les débats en ligne où forcément chacun peut garder la parole sans interruption ou la prendre à son gré, la lecture plus tonique que l’ouïe ? Les générations totalitaires de penchant, et celles démocratiques d’élan et d’ancienne espérance. Il me semble que toutes les technologies nouvelles depuis la radio, la télévision et maintenant le virtuel pour le moment sur écran, ensuite ? sont ambivalentes pour la démocratie, la dignité de l’homme (et de la femme), la solidarité. Cela put basculer d’un côté ou d’un autre, les pays dits développés, le nôtre par exemple, me paraissent plus vulnérables à cette ambiguité, qui permet un vocabulaire glorieux et rassurant, et plus enclines à tomber du mauvais côté. Un pays pauvre matériellement et en dictature, vg. ma chère Mauritanie a au contraire bien plus de penchant pour la démocratie par l’innovation.


[1] - 2ème lettre de Paul à Timothée IV 9 à 17 ; psaume CXLIV ; évangile selon saint Luc X 1 à 9

samedi 16 octobre 2010

Inquiétude & Certitudes - samedi 16 octobre 2010


Samedi 16 Octobre 2010


Prier… [1] nos procès, notre vie entière, vis-à-vis des autres et vis-à-vis de nous-mêmes est un procès en culpabilité, en regrets, en innocentement, au fond en discernement du vrai et du faux, de l’essentiel et de l’accessoire, un procès en responsabilité ou pas. Réponse : l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure même ce qu’il faudra dire. Moins obsessivement que le Coran, mais tout aussi clairement, la Bible, les évangiles surtout (comme si progressant spirituellement, l’humanité à la veille historique de l’Incarnation et du fait de la Rédemption, abordait ce qui est fondamental, la responsabilité humaine. L’Ancien Testament vivait dans la promesse, le Nouveau nous introduit, et le Coran à sa suite, dans la dialectique du choix à opérer, de la foi, notre foi à donner, donc de notre liberté et de notre responsabilité), l’Ecriture nous place devant la conséquence de l’histoire et de nos vies : le jugement (jugement qui est pour le Coran l’un des arguments de la foi en la résurrection, alors que pour le chrétien la résurrection ne se déduit pas, elle est le fait originel, le fait à l’origine de notre foi, résurrection du Christ gage de nos résurrections particulières). Si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné, alors même que celui qui dira une parole contre le Fils de l’homme, celui sera pardonné. Dieu fait homme peut ne pas être reconnu, à preuve la passion et la mort, physiques, historiques. Mais l’Esprit Saint, qui habite en nos cœurs (le cantique de mon enfance), non. : il est notre vie, il est en chacun de nous. Dieu-même. Mais accessible, perceptible selon le Christ. Et aujourd’hui l’Eglise : l’Eglise est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude. Théologie de Paul… nos commentaires en decrescendo vers une apologétique ressassée et peu contagieuse, sauf quelques géants (mais faillibles, Teilhard de Chardin) depuis les Pères de l’Eglise, si sûrs et imaginatifs parce que tellement remplis de l’Esprit Saint et en ayant conscience … place de l’homme : qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un Dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds. Roi et misérable, je suis, mais accroché à ce Christ par l’Esprit Saint. Pauvreté et richesse, par Lui, ne font qu’un.

petit matin

Veillée d’armes. Face à face : grévistes et manifestants d’un côté, le pouvoir de l’autre. Celui-ci est moins homogène : le président, le Premier ministre, la majorité parlementaire. Les liens peuvent aussi s’y rompre. On est déjà dans une configuration sans précédent sous la Cinquième République : le Premier ministre au secours du président, le Premier ministre arbitre puisque le président ne l’est pas. On a eu cette situation, mais en coulisses, pour la révision constitutionnelle. On va l’avoir demain soir avec Fillon sur TF1. La majorité parlementaire est cependant la position décisive et en même temps vulnérable que les opposants doivent enlever : que l’opinion publique soit assez forte et structurée pour faire douter les élus d’être réélus selon l’étiquette et le bilan de Sarkozy. Pour le moment, le pouvoir craint incidents, dérapages, perte de contrôle par les syndicats plus encore que par la police, il craint mais reste au mode éventuel. Pas d’indice qu’à ce stade, il cède.
Au-delà de l’impromptu Sarkozy – ainsi paraîtra ce quinquennat s’il est interrompu et surtout s’il n’est pas reconduit en 2012 – il y a l’ erreur française qui est particulièrement celle de François Mitterrand. Quitte à être européen, il fallait faire que l’Europe soit socialiste. Erreur préalable, l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun et le chèque accordé pour toujours, semble-t-il, à Fontainebleau en 1984. L’Angleterre a créé le précédent des élargissements à des Etats n’ayant pas la capacité ou pas la volonté de pratiquer l’acquis commeunautaire et la suite de notre trajectoire commune. Et c‘est elle qui a inculqué le modèle thatchérien en politique économique : le libéralisme, le mondialisme. L’occasion de faire socialiste ou au moins le modèle français de la seconde moitié du XXème siècle : le service public, la négociation sociale tripartite, la réglementation-cadre, s’est représentée à la victoire du non chez nous et aux Pays-Bas, il fallait porter ce nom et rédiger le traité de Lisbonne tout autrement. La Constitution en projet, rédigé par VGE, n’avait qu’un seul avantage mais décisif, quoiqu’hors sujet : désormais les textes fondamentaux de l’Europe auraient pu se réviser par les propres organes de l’Union, donc au besoin sans les Etats-membres. Lisbonne est un traité aussi mauvais que celui de Nice et nous nous vantons d’en être les inspirateurs les plus importants. Cela pour le cadre économique qui nous a amenés au désastre.

Mais le cadre politique est plus complexe. La gauche est devenu une réplique gouvernementale pour la droite à partir de 1981, mais au lieu de s’appuyer sur le mouvement social qui l’avait historiquement appelée depuis les années 1930 et s’était trouvée en opposition avec elle à la victoire électorale du Front populaire en 1936, elle s’est subtituée à lui et l’a quasiment éteint. Lionel Jospin a inscrit dans le sentiment général la déception : la gauche, une fois au pouvoir, ne tient pas parole ou ne correspond pas aux espoirs, elle a été timide entre 1997 et 2002. Ne sera-t-elle pas « vendue » si elle gagne en 2012 selon tel candidat ? En somme, on attend que la gauche au pouvoir, soit davantage à gauche qu’elle n’a été ces vingt ou trente dernières années, tandis qu’on attendrait de la droite qui sucèderait à l’extrême qu’incarne Sarkozy, qu’elle soit précisément un peu moins de droite.

La semaine qui vient va de toutes façons écrire un nouveau chapitre de notre histoire politique. En revanche, le vote « définitif » de la réforme des retraites au Sénat ou le remaniement ministériel sont à peine des péripéties. La question est la poursuite ou pas du mandat de 2007 tel qu’il a tourné cette année calendaire.

13 heures + Retour de la manifestation à Vannes. L’itinéraire toujours le même, on peut mesurer l’augmentation ou la diminution du nombre de participants au temps mis par la queue du cortège pour rejoindre sur la place de l’hôtel-de-ville – François Goulard en est censément le maître depuis près de dix ans. Les lycéens en tant que tels, des classes représentant le collège ou le lycée tel ou tel, ouvrent le cortège. Innovation cette fois-ci, les chansons, un groupe – personnels de santé semble-t-il – fait chorale avec haut-parleurs : bouteille fixée sur la tête et encollée de ces papiers-dentelles blancs que les pâtissiers glissent sous leurs gâteayux, cela fait coiffe bretonne, Pont-Labé… Il était un petit Sarko qui n’avait ja-ja-jamais écouté ohé ! ohé ! C’est un petit homme qui s’appelait Sarko, rouli-roula, un pas en avant, deux pas en arrière c’est la politique du gouvernement. Moins de conversations que les autres fois, pas de vravité, bonhomie générale, pratiquement pas de police sauf pour barrer aux voitures le trajet que nous faisons à pied. Un quidam a confectionné une pancarte sur les retraites des parlementaires : un mandat, 1548 euros par mois, deux : 3006 et trois : 4644 euros, au maximum : 6192… Débouché pour la seconde partie, les harangues et unissons sur la place, autour de la statue de Du Guesclin (il semble que des réunions de militants suivent à la dispersion). Les lycéens très en vue sur les escaliers. Les slogans : c’est la jeunesse qui g… le plus fort, c’est la vieillesse qui g… le plus fort, chacun choisissant sa série. Carla, on est comme toi ! on s’est tous fait b… par le chef de l’Etat. Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère. Retrait de la réforme ou alors çà va péter. De la première à la deuxième génération de la deuxième à la troisième génération, nous sommes tous mobilisés. Sarkozy, si tu savais… ta réforme où on se la met… au cul… au cul… aucune hésitation !
Le discours donné par une femme, cette fois-ci. Après les retraites, le budget d’austérité, donc amoindrissement du service public, destruction d’emplois. Plus de 60% de ceux qui arrivent à l’âge de la retraite sont au chômage. Les femmes à la retraite perçoivent en moyenne 30% de moins que les hommes : maternité, éducation des enfants. L’argent, il y en a dans les caisses du patronat. Aujourd’hui : dans la rue, demain : on continue.
A part celui du président régnant, pas de nom. La commission Attali dont le rapport sort et qui réclame l’austérité, l’affaire Denis Gautier-Sauvagnac et la découverte des caisses noires de l’UINM, Eric Woerth ne sont pas évoqués. Pas d’analyse non plus du blocage des raffineries et des dépôts de carburant, mais FO colle des papillons : bloquer !
Sensation : ce genre de manifestation n’a aucune prise sur le pouvoir en place. Seuls la grève, les blocages de raffineries, de dépôts de carburant, la paralysie des transports peuvent avoir raison de ceux qui sont à la tête du pays. On voit mal une négociation, ce n’est que manichéen en apparence. Il me semble – mais est-ce pratiquement organisable – que des grèves longues mais partielles seront politiquement moins efficaces que le serait un blocage total et de durée illimitée. En trois-quatre jours, il me semble que ce serait le KO. J’ai répété dans le cortège que la majorité ou le gouvernement sont incapables de mettre dans une rue une manifestation les soutenant. Seul, les gaullistes dans notre histoire contemporaine y sont arrivés : Mai 68 et ainsi sa conclusion.

17 heures 30 + Pas de pénurie de carburants, répète-t-on sur les ondes. Nous ne trouvons une station ouverte qu’après en avoir constaté trois fermées. Pas de rationnement. – France Infos. partiellement en grève : les nouvelles…. Martine Aubry appelle les jeunes à ne pas céder aux provocations. Les douze raffineries françaises en grève, dix d’entre elles arrêtées, réserves de carburant avion à Roissy : jusqu’à lundi. Les ports de Nantes et de Saint-Nazaire en grève jusqu’à lundi. Le gouvernement français, selon Viviane Reding, a envoyé en dix pages sa réponse hier soir à 22 heures 15, à la lettre de la commissaire en date du 29 Septembre. Avoir à transposer plus complètement la directive de 2004 sur les populations migrantes. Etude à la loupe pour diagnostic à débattre en réunion plénière de la Commission mardi. Commentaire : on s’éloigne de la procédure de sanctions de plus en plus improbable. – Je pompe… et parle à mon voisin. Vous croyez à la pénurie ? Non, mais je dois aller à Paris demain. Tout de même le gouvernement a été un peu fort. Oui, mais il faut bien taper sinon le pays va à la déconfiture. Enfin, on suivra le mouvement. J’ai encore vingt ans d’ici la retraite. Profil de l’électeur de Sarkozy, flou et discret vis-à-vis de l’extérieur.

23 heures 45 + Nouvelles télévisées : I-Télé… Eric Woerth, dans les couloirs du Sénat…à croire que l’on repasse la bande son-image de la semaine dernière : les manifestations sont en décroissance, signe que le gouvernement a été compris et que les Français voient bien que sans cette réforme, leurs retraites ne seront plus payées. Il nous faut donc continuer à expliquer, à écouter, à faire évoluer les textes. Donc, blocage. Chérèque demande la négociation et Aubry la suspension de la procédure parlementaire. Chacun disposé à contribuer aux solutions – Présentation lénifiante de l’examen commencé à Bruxelles des réponses de Paris sur les expulsions de Roms.
Débat sur un film à propos de Face-book. Débat sur un livre d’Edwy Pennel à propos de l’affaire Bettencourt, ce dernier a beau jeu de dire que c’est une affaire Sarkozy. Tout le monde le sait et le comprend, il n’y a que les jeux de rôle de la majorité actuelle pour faire semblant du contraire.On revient au scenario de ces six derniers mois : les révélations faisant l’affaire Bettencourt-Woerth sont un complot, le pouvoir avec Woerth et au besoin Sarkozy sont les victimes de ce complôt ourdi par qui ? par les conservateurs que sont les socialistes. Si cette manière de présenter le pur hasard d’une plainte pour abus de confiance devenue affaire d’Etat par des enregistrements clandestins mais validés par la justice, ne convainc pas, on se défend du présent en évoquant un passé de trente ans, donc Mitterrand et les écoûtes (en défense de sa fille). Même en suivant cette défense de la majorité actuelle, il faut distinguer la pratique Mitterrand qui était de protéger un secret familial avec d’ailleurs l’assentiment de toute la profession journalistique, de la pratique Sarkozy qui est de protéger le financement de la campagne de 2007 après celui de la campagne de Balladur en 1995 (Karachi) et après les emplois fictifs de la ville de Paris, financement de fait de l’accession au pouvoir de Jacques Chirac.

[1] - Paul aux Ephésiens I 15 à 23 ; psaume VIII ; évangile selon saint Luc XII 8 à 12

jeudi 14 octobre 2010

Inquiétude & Certitudes - jeudi 14 octobre 2010

le mouvement de Novembre-Décembre 1995 - tel que je l'ai analysé en Janvier 1996

Je compte rédiger d'ici le début de la semaine prochaine une synthèse sur le mouvement social en cours. - Ce que j'avais réfléchi et écrit sur celui de Novembre-Décembre 1995, aussitôt, peut intéresser le lecteur de ce blog. - Voici.


Observations

SUR LA CRISE FRANCAISE ACTUELLE



Décembre 1995 . Janvier 1996



Réflexion laissée sans retouche depuis son écriture
à la suite des grèves et manifestations de Novembre et Décembre 1995 en France



ARGUMENT




Introduction QUAND L'ACTUALITE RECLAME LE LONG TERME (page 1)

A - Tout pays vivant est en crise
B - Les événements de l'automne : risques et chances
C - Pour la première fois depuis une cinquantaine d'années, le pays, une grande majorité de son peuple veulent une RUPTURE



1 - LES MANIFESTATIONS DE L'AUTOMNE 1995 (page 4)

1.1 - Spécificités (notamment par rapport à 1968

1.1.1 - le débat social et la conduite politique
1.1.2 - la France disposait au printemps de 1968 de réserves considérables sur tous les plans (légitimité, monnaie, croissance, natalité)
1.1.3 - le mouvement étudiant fut moteur en 1968, le service public en 1995
1.1.4 - la paralysie du pays, cet automne, a tenu à la grève des transports, mais point à une participation au mouvement de l'industrie et des services du secteur privé de l'économie
1.1.5 - l'absence d'alternative idéologique, politique, économique clairement perçue et débattue au contraire du lyrisme et de la fécondité relative de 1968
1.1.6 - les tempéraments locaux et professionnels sont apparus dans des diversités qu'ils n'avaient pas eues en 1968
1.1.7 - pas de dénouement formel puisque - hors la question des transports collectifs et celle des équipements universitaires, conclues séparément - le "sommet social" traita de tout autres sujets que ceux ayant provoqué les manifestations

1.2 - Inexpression mais évidence du sens de ces mouvements

1.2.1 - les Français souffrent de n'avoir plus de perspective personnelle, collective et nationale qui soit fiable et claire
1.2.2 - certains métiers, et l'ensemble du service public, se sont sentis atteints dans leur fierté et dans la considération dûe à la structure qu'ils pensent incarner de l'Etat républicain, solidariste et égalitaire
1.2.3 - jusqu'à présent, la crise ne met pas en cause directement la légitimité ou la capacité des appareils gouvernementaux, politiques ou syndicaux
1.2.4 - le pouvoir en place a semblé, au plus vif des expressions collectives de la crise, privilégier la solution de conflits ponctuels au lieu d'analyser un ensemble de signes et de messages, ne le mettant pas forcément ni a priori plus en cause que ses prédécesseurs, mais pouvant à terme et par sa généralité, l'ébranler décisivement
1.2.5 - à l'instar du Gouvernement, la plupart des entreprises et des institutions les fédérant ou les analysant, maintiennent une vision plus financière que sociale.

***



2 - GENERALITE ET PROFONDEUR DE LA CRISE FRANCAISE (page 10)


2.1 - La réponse gouvernementale n'a pas été et n'est toujours pas novatrice

2.1.1 - sa présentation demeure cahotique
. les calendriers n'ont pas été et ne sont toujours pas mis en regard les uns avec les autres.
. les grands sujets sont abordés sur la défensive et à l'improviste.
. les réformes ne sont mûries ni en délais suffisants pour un réel débat, ni dans leurs conséquences probables
. l'image gouvernementale garde en permanence les mêmes ombres et, pour ce qui devrait en être la part lumineuse, change trop souvent
2.1.2 - les mûes nécessaires
. pour les gouvernants
. pour les autres acteurs

2.2 - Les dérives de fond

2.2.1 - par l'analyse, trop exclusivement financière, de l'économie de notre pays,
. nous avons perdu le sens du long terme,
. nous nous plaçons en posture d'attente que changent des paramètres sur lesquels nous n'avons pas de prise. . nous ne savons plus qualifier (spéculatifs ou objectifs) les principaux comportements économiques, et encore moins identifier ceux qui sont nouveaux
2.2.2 - nous ne créons plus d'emplois, parce que nous ne créons plus de richesses.
2.2.3 - les avancées technologiques ne provoquent plus un bond qualitatif de l'humanité, et notre pays n'est plus en tête ni de l'invention, ni de la mise en oeuvre
2.2.4 - la conscience de la crise et du déclin n'en fait analyser ni les causes ni les remèdes. Elle n'est pas même un effort de précision de nos maux et de nos lacunes.

***

3 - LES VOIES DE SOLUTION (page 17)


3.1 - la démocratie vivante est, à chaque génération, chaque époque, à réinventer

3.1.1 - une lutte précise et incessante contre le cumul des mandats publics
3.1.2 - les comportements et votes des élus doivent correspondre à leur conviction, et refléter davantage la situation et le sentiment des électeurs
3.1.3 - l'Etat est critiqué davantage par ceux qui ont tant voulu être élus à sa tête ou appelés à son gouvernement, que par les administrés
3.1.4 - garants pratiques du civisme, les medias sont dévoyés et en péril

3.2 - la relation de l'entreprise avec les processus démocratiques doit être ouvertement admise, et l'entreprise doit appuyer ou relayer l'Etat dans des missions de portée collective

3.3 - la relation des personnes politiques avec l'institution d'Etat doit changer.

3.3.1 - rendre au pays l'organe d'arbitrage et de représentation dont le dote en principe l'élection présidentielle au suffrage direct :
. l'actuel Président de la République n'a pas son image propre, et n'est pas assez distant ni distinct du Gouvernement, singulièrement du Premier Ministre.
. l'accès au Président de la République
. la communication proprement présidentielle doit revenir au rythme fort et simple qui fut celui du Général de GAULLE.

3.3.2 - rendre à la vie politique et économique un rythme.
. lois de programmation, plans quadriennaux, vote pluriannuel des dépenses de fonctionnement de l'Etat, budgets pluriannuels pour des investissements de très long terme (les votes annuels n'étant plus que correction ou règlement)
. les rapports, commissions et livres blancs peuvent correspondre à l'extension de la compétence et de la saisine référendaires
. la réflexion, le diagnostic, l'imagination de solutions ne sont pas le monopole des pouvoirs publics

3.4 - les institutions européennes sont, par elles-mêmes, des acteurs de notre mise à jour nationale.

3.4.1 - le Parlement européen n'est toujours pas représentatif
3.4.2 - les compétences de la Commission ne paraissent souvent exorbitantes que faute d'une réelle inspiration européenne (et non pas de simple idéologie "libérale") des décisions, faute de contrôle parlementaire, faute de vigilance des Gouvernements, et surtout faute d'une opinion publique
3.4.3 - la responsabilité et le contrôle de la Commission ne peuvent plus ressortir de sa seule relation avec le Conseil de Ministres ou avec le Parlement européens
3.4.4 - la symbolisation de l'Union par une présidence qui lui soit propre

***
Les conclusions s'imposent d'elles-mêmes (page 24)

- reconnaître les conditions de la nouvelle mentalité collective française, a priori irréversibles
- supprimer le monopole des "politiques" sur l'institution d'Etat et sur la détermination de l'avenir commun
- inverser d'abord dans les esprits la tendance actuellement dominante : le malthusianisme.




Introduction

QUAND L'ACTUALITE RECLAME LE LONG TERME




A
Tout pays vivant est en crise. Latente ou évidente. Notre pays est en crise de dimension et d'identité depuis longtemps. Des institutions et une politique extérieure rompant, à partir de 1958, avec nos lacunes constitutionnelles et diplomatiques du demi-siècle précécent, y ont porté remède assez durablement pour que des mûes brutales de l'environnement économique (les deux chocs pétroliers et la crise boursière) et de la politique intérieure (l'alternance au pouvoir, répétée depuis 1981) ne fassent rien perdre à la France, au contraire. La dimension européenne a conforté ces sécurités, perçues maintenant comme anciennes et considérées comme acquises.

Notre crise a alors changé de nature, elle n'a pas encore trouvé son expression, elle peut sembler moins particulière à la France puisqu'elle serait d'ordre social et économique, caractérisée par le chômage. Notre atavisme, inchangé, en est probablement la cause structurelle, mais les comportements des dirigeants de gouvernements ou d'entreprises, peuvent aussi l'expliquer pour ses aspects et manifestations conjoncturels. Cette crise - ou cette nouvelle phase de crise dans notre développement national - a été masquée, ces dix ans, par la succession rapide d'équipes au pouvoir et palliée par des perspectives électorales rapprochées (un referendum, deux élections présidentielles, trois élections législatives, six gouvernements). Elle s'est manifestée, une première fois, dans toute son originalité mais pas encore dans toute sa profondeur, l'automne dernier. Précisément quand est tombé le masque des successions et des perspectives politiques, quand se sont opposées, dans l'opinion générale, la perspective de longévité politique du nouveau pouvoir et de ses méthodes actuelles d'une part, et l'absence de perspectives satisfaisantes pour les personnes individuelles aux prises avec toutes les précarités (chômage, couverture sociale, fiscalité, retraites), d'autre part.
Le clivage habituel gouvernés/gouvernants, supportable quand le pays est en accord avec lui-même ou sait qu'il existe un prochain exutoire à ses difficultés, devient un danger majeur quand, pour les uns, le temps est un atout et, pour les autres (le grand nombre), un avenir redouté. Nos révolutions se sont faites ainsi.
La politique étant la conduite d'un pays, la responsabilité du bien-être (à tous égards) et de l'avenir d'un peuple, il est clair que la crise actuelle est de la compétence des pouvoirs publics, même si la théorie libérale ou les modèles censés inspirer l'action gouvernementale postulent une moindre implication de ceux-ci. Un discours explicitement volontariste, comme celui du nouveau Président de la République, n'empêche précisément pas - au contraire - que soit mise en cause la légitimité à long terme des gouvernants en France, leurs intentions et leurs capacités en face d'une détresse et d'une impuissance dont le sentiment se généralise. Le pessimisme ambiant n'étonne donc pas.


B

Les événements de l'automne de 1995 en France ne sont pas un conflit social habituel.

Considérer que ce conflit a été traité et résolu par le relevé de ce qui s'est dit au " sommet social " du 21 Décembre 1995, à Matignon, ferait courir plusieurs risques et perdre des chances.

- Risques de croire la méthode employée par le Gouvernement, pendant cette période, comme étant la bonne, et ayant été, par elle-même, la cause de résorption du conflit. Risque donc de faire de cette méthode la manière de gouverner à présent et pour la suite. Méthode qui a consisté à ne pas céder sur l'essentiel ("essentiel" censé être la diminution des déficits publics, à commencer par celui des régimes sociaux généraux) et à concéder sur ce qui passait pour accessoire : les régimes particuliers, notamment aux chemins de fer et aux transports urbains, de manière à faire fonctionner ceux-ci de nouveau avant l'échéance symbolique de Noël. Méthode qui a consisté aussi à éviter certains mots : négociation et à privilégier une présentation des choses suivant laquelle il n'y avait que malentendu entre Gouvernement et partenaires sociaux, malentendu que doit dissiper une explication et une lecture plus attentionnées des propositions du Premier Ministre. Et qu'on a agrémentée de concessions de forme : la rencontre à Matignon, convenant d'un calendrier pour les rencontres suivantes avec les pouvoirs publics ou entre partenaires ; les voeux présidentiels tendant à faire du dialogue social le thème de l'année. Au total, le risque politique est de maintenir un face-à-face latent entre gouvernants et gouvernés, les premiers s'exonérant de toute responsabilité dans l'origine du conflit, les seconds estimant toujours n'avoir pas été entendus.

- Chances de discerner l'étendue et les caractéristiques de ce dont souffre notre pays, de ce dont nous souffrons. Et même, dans la logique du Gouvernement actuel et des débuts du nouveau septennat, de refaire le lien entre l'ambition réformatrice et l'opinion publique. Pour l'opposition, l'enjeu est plus net encore, celui de se trouver une plate-forme correspondant aux réalités du pays et aux attentes du plus grand nombre.

La crise qu'a vêcue la France, cet automne, et qu'ont symptomatisée notamment les différentes journées d'action, ayant mis jusqu'à deux millions de manifestants dans les rues de Paris et surtout des grandes villes de province, ainsi que la paralysie des transports collectifs, n'a pas de précédent chez nous. Elle n'a pas été seulement sociale, ni même politique ; elle a mis en cause la relation des gouvernés, des travailleurs, des chomeurs, des étudiants, de tout groupe sociologiquement repérable - avec une société dont le devenir semble échapper à la volonté collective et aux gouvernants eux-mêmes, une société qui s'est trouvée soudain rassemblée et a pris conscience de son rassemblement ; elle est donc, à l'occasion de décisions et d'éphémérides qui pouvaient être évités dans leur moment et dans leur contenu, une prise de conscience et une vive interpellation de l'avenir national, telles qu'elle eût tôt ou tard éclaté. La sagesse collective a d'ailleurs été telle qu'aucune connotation nationaliste ou raciste, n'a été observable, et qu'au contraire de certains discours publics, mettant en cause explicitement les fonctionnaires, aucun bouc émissaire n'a été désigné par les manifestants. Il a été de la responsabilité des pouvoirs publics, en place depuis la récente élection présidentielle, qu'elle se manifeste de la manière dont cela s'est fait et a été vêcu pendant plus de dix semaines (sans compter la persistance de conflits locaux jusqu'à la mi-Janvier) ; c'est encore de la responsabilité des pouvoirs publics actuels qu'elle devienne l'expérience et le débat collectifs à partir desquels décider et préparer notre avenir pour les vingt ans à venir - ou qu'incomprise, mal saisie, peu conduite, elle dégènère en une grave mise en cause des institutions et de nos performances économiques.




C

Sans que cela soit encore mesurable, ni exprimable en termes de sondage d'une opinion publique qu'il vaudrait mieux pour l'avenir saisir dans sa manifestation concrète,

il est probable que POUR LA PREMIRE FOIS DEPUIS UNE CINQUANTAINE D'ANNEES, le pays, la France, une grande majorité de son peuple, veulent une RUPTURE.

Depuis l'époque où de GAULLE perdit le pouvoir, la politique et les élections ont été menées en Frnce, selon la plus grande prudence et dans la recherche d'un " consensus " mou et " au centre ". Aujourd'hui, les Français ressentent que la manière dont ils sont conduits, quelle que soit la famille politique dominant le moment, les mènent à l'impasse sinon à la catastrophe. Le sentiment était diffus ces dernières années. L'élection présidentielle était, compte tenu des précédentes, de nature à avoir partiellement raison de ce pessimisme. La conduite gouvernementale, sans partage de la délibération et trop dogmatique, l'a au contraire renforcé. La question est maintenant d'opérer cette rupture. L'opinion latente est qu'on ne devrait pas en souffrir davantage qu'on ne souffre déjà de médications en rien prometteuses de redressement.

Rupture : comment ? et par rapport à quoi ? C'est la question posée depuis cet automne.

La France est paradoxalement très attachés aux " acquis ", mais parce qu'elle les sent très menacés, elle est, vis-à-vis de ses gouvernants, très proche du " rien à perdre ", c'est-à-dire qu'elle est très proche, dans ses élites, dans ses entreprises, dans l'inconscient collectif de tout préférer à la poursuite de soi-disant adaptations, lui pesant de plus en plus, sans rien lui apporter à court ou à long terme. Ce n'est pas une crise de confiance du pays en lui-même, c'est l'intuition qu'on ne s'en sortira pas sans une nouvelle donne et des chemins complètement différents.

C'est en fait une proximité de l'âge adulte. Rupture par rapport à la conduite, les comportements et des modes de penser ou de théoriser qui ont mené au point actuel économique et social. Rupture qui doit être politique, sera un phénomène politique, et qui tient à la volonté de plus en plus répandue que le terme de crise a été une facilité, une manière de maintenir du "flou" malgré les discours chiffrés et statistiques. Volonté d'y voir vraiment clair, volonté de participer à l'identification des causes, des maux et surtout des remèdes. On veut sortir de l'abstrait et ne plus être considérés comme des anfants. On est à même de juger l'inefficacité des conduites gouvernementales.



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1 - LES MANIFESTATIONS DE L'AUTOMNE 1995


D'ordinaire en démocratie, les conflits éclatent en fonction d'une situation à laquelle les pouvoirs publics n'ont pas eu assez le souci de remédier ou qu'ils n'ont su ni prévoir ni analyser ; aux conflits répondent alors les gouvernants par des réflexes de maintien de l'ordre, puis de réforme apparente ou réelle. A l'automne de 1995, s'est passé le contraire. Le Gouvernement a imposé une analyse pessimiste de la conjoncture et ce sont les réponses aux problèmes qu'il avait posés à lui-même et à la population, qui ont fait éclater le conflit. Il y a répondu par d'autant moins de préoccupations de l'ordre public, que celui-ci a été fort peu défié, et il continue de s'en tenir aux réformes qu'il avait à l'origine décidées, sans débattre de celles réclamées par les manifestants, et encore moins des débuts de réponses apportés par ceux-ci.


1.1 - SPECIFICITES (NOTAMMENT PAR RAPPORT A 1968)


Sous la Vème République, d'ordinaire aussi, le début d'un septennat est à l'optimisme politique et social, à l'accalmie des conflits habituels ou latents dont la campagne a débattu et l'élection tranché les alternatives d'analyse ; c'est un rebond de légitimité pour les gouvernants et pour les institutions nationales. Le septennat actuel tranche donc par rapport à tous ceux qui l'ont précédé. Trois mois après l'élection du Président de la République et la nomination des nouveaux Premier Ministre et Gouvernement, la cote de popularité de ceux-ci était d'une faiblesse qu'ont seuls connue des Gouvernements à la veille de perdre des élections nationales. Les points auxquels l'opinion est le plus sensible : l'emploi, la pression fiscale, faisaient et continuent de faire l'objet de statistiques ou de prévision les plus sombres. Des sujets, apparemment résolus sous le second septennat de François MITTERRAND, donc, dans la mémoire collective : depuis des années -, ont retrouvé ou acquis soudain une sensibilité déterminante : les essais nucléaires, les lacunes du système et de l'équipement universitaires, le terrorisme.

C'est dans ce contexte - mais sans que les nouveaux pouvoirs publics aient donné l'impression de le prendre en compte, ou au moins d'en avoir la claire conscience - que se sont enchaînés depuis le début de l'automne l'annonce de projets gouvernementaux et la réaction à ces projets. Si la détermination du Gouvernement était prévisible, dès l'origine - le vocabulaire du Rassemblement pour la République depuis sa fondation, devenu le vocabulaire d'Etat et de Gouvernement en témoigne - et si la remise en ordre des divers comptes publics et para-publics était depuis le début de l'été 1995 le thème majeur de la gestion et de la perspective du Premier Ministre, l'ampleur de la réaction ne l'était pas. Elle a surpris le Gouvernement, les observateurs, les appareils syndicaux eux-mêmes, et ce sont cette persistance et cet effet de surprise qui ont permis à certains d'y voir quelque analogie avec les événements de Mai-Juin 1968.

Cette analogie n'est à aucun égard recevable :

1.1.1 - le débat social et la conduite politique à propos de la réforme de la Sécurité sociale se tinrent, pour l'époque, en Mai-Juin 1967, donc une année auparavant avant l'"explosion" de Mai 1968 ; la procédure par ordonnances fut critiquée au sein même de la majorité d'alors (René CAPITANT, M. Edgard PISANI notamment) et n'avait pas la faveur du ministre responsable (M. Jean-Marcel JEANNENEY) ; personne, dans la majorité de maintenant, ne fit, cet automne, nettement entendre, ni ne manifesta par son vote ou son abstention, une appréciation de cet ordre ; les nuances portèrent et continuent de porter sur le calendrier ou la manière de mise en oeuvre du " plan pour le maintien de la sécurité sociale ", elles n'ont rien mis en cause du fond, ni de la procédure ;

1.1.2 - la France disposait au printemps de 1968 de réserves considérables sur tous les plans. Réserves d'autorité et de légitimité des institutions et notamment de celui qui les avait fondées. Réserves de croissance économique et de liquidités en or et devises. Réserves démographiques, puisque la dénatalité française ne commença qu'à la fin de 1967. C'est d'ailleurs ce qui, en partie, fit la violence du choc, puisqu'il y avait du "répondant". Aucune de ces réserves n'existe aujourd'hui, quoique la politique de rigueur macro-économique soit un leit-motiv depuis deux décennies (arrivée de M. Raymond BARRE au pouvoir), et que la majorité actuelle dispose bien davantage que celle de 1968 de l'espace constitutionnel (la majorité absolue, voire des trois-cinquièmes dans chacune des Chambres du Parlement, au lieu des deux ou trois voix d'écart seulement à l'Assemblée Nationale à partir de 1967 et de l'opposition structurelle du Sénat depuis 1962). Alors, une pérennité de dix ans accomplis pouvait avoir lassé. Le septennat d'aujourd'hui, n'avait pas six mois quand la grève des transports s'est confirmée, et l'opposition n'est pas du cinquième dans le Parlement actuel ;

1.1.3 - le mouvement étudiant fut moteur, à l'époque, d'une mobilisation dont la généralité n'apparut que plusieurs semaines après ses premières expressions ; il en fut ensuite la mise en forme la plus littéraire et la plus radicale. Cet automne, les pétitions universitaires furent le fait autant des étudiants, que des enseignants et des élus locaux ; elles furent parallèles à la protestation contre les projets concernant la fonction publique, puis la sécurité sociale, et s'il y eut amalgame dans les défilés, la confusion des calendriers de solutions et de manifestations n'a pas, au plan national, eu lieu. Il n'y a pas eu davantage - au contraire de ce qui devint un détonateur en 1968 - d'occupations durables de locaux publics, non plus qu'un service seulement minimum aux radios et télévisions publiques. Pas de coupure notable de l'électricité. Les mouvements de l'automne, par eux-mêmes, n'ont donc pas attenté à l'ordre public, alors que, localement en Corse, celui-ci est ouvertement, violemment et organiquement défié ;

1.1.4 - la paralysie du pays, cet automne, a tenu à la grève des transports, mais point à une participation au mouvement de l'industrie et des services du secteur privé de l'économie. Cette abstention de fait ne doit pas être prise pour une posibilité de distinguer deux parts dans la population laborieuse, mais au contraire comme la révélation d'une lacune dangereuse : la précarité de l'emploi est telle que, sauf garantie statutaire, les travailleurs, trop précaires, ne peuvent plus manifester, et ne peuvent pas davantage s'associer à l'avenir de l'entreprise. Les employés tendent à devenir des prestataires individuels, dont l'attachement à l'entreprise ne diffère pas de celui des sous-traitants ou des filiales : relation financière qui n'est plus sociale. Dans le même sens, les tentatives de rassembler les usagers contre les grévistes, ont fait long feu, soit parce que c'étaient les mêmes, soit parce que les très rares protestataires qui participèrent aux deux tentatives au Châtelet de Paris, étaient sociologiquement, sinon politiquement, trop marqués ; elles restèrent donc particulières à Paris. Dans son ensemble, l'opinion publique n'a pas condamné les manifestants ; des voix publiques, peu suspectes de sympathie a priori, ont stigmatisé au contraire le caractère provoquant de certaines initiatives gouvernementales : MM. Charles PASQUA et Jean GANDOIS ;

1.1.5 - l'absence d'alternative idéologique, politique, économique clairement perçue et débattue a été et demeure la véritable paralysie du pays, la plus dangereuse, la moins facilement curable. Deux dimensions ont clairement fait défaut : celle des oppositions constituées (les gauches et l'extrême-droite), et celle de l'Europe (le thème et les institutions - quoique la Belgique et l'Italie aient partiellement frémi à l'unisson de certaines professions françaises). Le pays est mentalement atone, dans la rue comme dans la pensée dominante. Nous vivons, pour la première fois depuis des siècles, ou au moins depuis Louis-Philippe, dans une société sans débat, sans club, sans insurrection intellectuelle. Cet automne a été une rébellion instinctive contre cette atonie, cette absence d'imagination collective. Tout le contraire donc du foisonnement de 1968, souvent lyrique, parfois même étonnamment poétique, surréaliste (" sous les pavés, la plage "), mais génératrice d'esquisses et de projets qui inspirèrent longtemps la suite (notamment, la loi d'orientation universitaire défendue par Edgar FAURE en Novembre 1968, ou les projets de décentralisation du Général de GAULLE, en partie consacrés et surtout accentués par Gaston DEFFERRE en 1982. Foisonnement fascinant sur le moment et relative fécondité à terme, qui relayaient tout le mouvement intellectuel qu'avaient engendré le second après-guerre, le succès du communisme et du marxisme, la décolonisation surtout, la modernisation des institutions aussi ; le pays semblait jeune, prêt à risquer beaucoup. Aucun débat ne s'est rouvert en France depuis une dizaine d'années, sinon celui qu'a provoqué avec franchise et talent François MITTERRAND par des fragments biographiques ou qu'aurait pu faire naître le suicide du principal responsable de la mise à jour des politiques économiques de la gauche (Pierre BEREGOVOY). La responsabilité est collective de cette atonie, du Gouvernement tant vanté pour son excellence que ses propositions passèrent, à leur première expression, comme l'absolu de la compétence et de l'adéquation, à tous les relais d'opposition ou de discussion qui n'ont encore fait le tour ni de la disparition du communisme ni de ses résurgences électorales. Cette atonie est dangereuse pour la démocratie ; elle explique en partie le déclin de notre rayonnement. Elle n'est pas un signe de jeunesse. Le thème générateur des manifestations a été la protection des retraites ;

1.1.6 - les tempéraments locaux et professionnels sont apparus dans des diversités qu'ils n'avaient pas eues en 1968. Dans une même corporation : les cheminots, les électriciens, les postiers, les mineurs, on a réagi ou maintenu sa réaction très différemment suivant les régions. Marseille, Limoges, Caen, Grenoble, Rouen, certains centres parisiens n'ont pas suivi la pente nationale. Une étude des conflits locaux, des revendications particulières (certaines étaient spécialement de solidarité entre emplois titulaires et emplois précaires) montrerait probablement des coincidences avec les statistiques électorales, et des possibilités de recouvrir la carte politique du pays par sa carte sociale. Il faut en déduire l'existence de fortes solidarités et organisations sur le terrain-même et des lacunes dans la communication à l'intérieur des centrales syndicales. Les responsables de deux d'entre celles-ci ont d'ailleurs été mis en cause par certaines des fédérations ou unités affiliées : qu'à M. Marc BLONDEL, soit reprochée la reprise de l'unité d'action avec la C.G.T. (rompue depuis le printemps de 1947), et à Mme Nicole NOTAT une appréciation trop vivement favorable des propositions et analyses du Gouvernement, montre que la question n'est pas celle d'une position syndicale du moment, mais bien quant au fond de l'analyse des situations, des événements et des stratégies. Et que ce fond ne met plus en phase les syndiqués et leurs mandants nationaux. A une grande homogénéité de comportement des formations politiques et du Gouvernement a donc répondu une forte diversification des expressions professionnelles, suivant les régions, suivant les métiers, suivant les statuts, ce qui n'en rend que plus impressionnant et digne d'analyse leur rassemblement à certaines dates, et que ces rassemblements aient été si suivis (les participations semblent avoir été, à Paris comme en province, sans précédent depuis 1968, voire depuis 1947). Ces diversités correspondent non seulement à des tempéraments venant de très loin dans notre Histoire, mais aussi à des situations économiques propres : ainsi, la carte du chômage recouvre-t-elle celle des persistances de grèves ou des participations les plus fortes aux mouvements sociaux ;

1.1.7 - les événements de 1968 ont eu deux éléments décisifs de conclusion : - l'acceptation par le Gouvernement d'alors de négocier totalement et sur un ordre du jour qui fut celui des appareils syndicaux, - une manifestation en faveur du Président de la République et, finalement aussi de son Premier Ministre, qui équilibra en nombre et en puissance les manifestations adverses qui avaient précédé. L'engagement alors du Général de GAULLE, ainsi que les fautes de l'opposition qui avait méconnu le cheminement constitutionnel de remplacement du Gouvernement, firent le reste. Aujourd'hui, l'épouvantail communiste (à moins de solliciter à la limite du vraisemblable les élections polonaises ou russes) n'est plus loisible et l'opposition n'a pas même figuré physiquement dans les différents cortèges de manifestants ; ses motions de censure ne pouvaient, faute de frôler la majorité à l'Assemblée Nationale et qu'il existe un groupe-charnière (comme le C.D.M. de Jacques DUHAMEL et de Joseph FONTANET, en 1968), inquiéter le Gouvernement, et encore moins, au contraire de 1968, fournir au Président de la République le prétexte à un changement qu'il aurait souhaité en son for intérieur depuis assez longtemps. La fonction du Premier Ministre était en Mai 1968 aussi en vue et exposée que l'a voulu cet automne son actuel tenant ; mais la différence est considérable car Georges POMPIDOU se battait sur la défensive, voyait sa crédibilité et ses atouts diminuer de jour en jour, sa légitimité même était en question, tandis que l'actuel Premier Ministre a été, tout au long, invoqué comme premier responsable de la levée des boucliers autant que des négociations et solutions à mettre en oeuvre pour les faire baisser. Le pouvoir en place n'a donc été récusé à aucun moment en 1995 ; il le fut totalement en 1968. Il y eut cependant un dénouement provisoire en 1968 : une nouvelle donne économique et sociale par la hausse généralisée des salaires quoique celle-ci ait été ensuite nuancée par une dévaluation, un changement du pouvoir politique en deux étapes et moins d'un an (remplacements de Georges POMPIDOU à Matignon par M. Maurice COUVE de MURVILLE et plus durablement par M. Jacques CHABAN-DELMAS et du Général de GAULLE à l'Elysée, élections générales et élargissement considérable de la majorité statistiquement et idéologiquement). Les événements de 1995 n'ont pas donné lieu à un dénouement formel puisque - hors la question des transports collectifs et celle des équipements universitaires, regardées séparément - le "sommet social", dont l'idée ne fut pas du Gouvernement, mais de l'un des syndicats (la C.F.T.C. aussitôt appuyée par le Ministre des Affaires Sociales), traita de tout autres sujets que ceux ayant provoqué les manifestations. Comme si le dénouement n'avait pas à se faire autrement que par la remise des étudiants en salles de cours et des transports collectifs en marche, donc hors des champs économique et politique. Le remaniement du Gouvernement ayant même eu lieu avant le plus gros des manifestations de l'automne, et non à leur suite. Comme si les mesures récusées par les manifestants avaient été sans lien ni adéquation avec la crise.

Deux facteurs doivent dissuader pour mémoire tout autres rapprochements avec des mouvements politiques et sociaux antérieurs : ceux de l'hiver 1986.1987, et ceux de l'été de 1988, étaient de bien moindre extension ; une réelle distance d'appréciation et de comportement entre l'Elysée et Matignon (entre le Président François MITTERRAND et MM. Jacques CHIRAC et Michel ROCARD, respectivement Premier Ministres) a permis un transfert assez aisé du social au politique, et laissait fonctionner une instance d'arbitrage (moral en 1986 et institutionnel en 1988).


1.2 - INEXPRESSION MAIS EVIDENCE DU SENS DE CES MOUVEMENTS

Le sens du mouvement de protestation, à l'automne, est devenu, avec le temps, très évident, quoique la formalisation n'en ait pas été faite ni sur le champ, ni dans les analyses de ces dernières semaines ; les appareils syndicaux, les membres du Gouvernement et de l'actuelle majorité, l'opposition de gauche elle-même ont été pris au dépourvu par l'ensemble du processus : d'abord une généralisation et une persistance inattendue, ensuite une cessation apparente et soudaine qui a autant étonné. Absence de formalisation qui est d'ailleurs l'une des causes même de la crise et de ses futures reprises de manifestations.

1.2.1 - les Français souffrent de n'avoir plus de perspective personnelle, collective et nationale qui soit fiable et claire.

Non seulement les sorties de crise se font attendre depuis vingt ans, mais les caps et calendriers qu'on avait pu croire intangibles, sont eux aussi reculés, reportés (exécution du traité de Maastricht, monnaie unique). Il n'y aurait plus que le fétiche de l'an 2.000...
Les points fixes, ce sont les difficultés. Le fait que le chômage persiste, et même augmente, qu'il frappe toutes les catégories professionnelles, toutes les générations ; c'est le fait aussi d'un discours public qui est de gestion et d'adaptation, voire de référence à des modèles ou à des autorités extérieurs, lesquels ne sont prometteurs de rien, et au contraire culpabilisent et minorent les Français. Les premières manifestations ont été surtout une protestation contre l'avenir, puisque celui-ci est apparu, dans le discours gouvernemental, et dans la prolongation de ce discours (supposée ou reconstituée mentalement de façon erronnée, mal informée) comme une contrainte, sans que s'y soumettre résolve quoi que ce soit. A ce stade de la prise de conscience, valant lecture de toutes les actions gouvernementales, de quelque bord politique et idéologique que ce soit, depuis quinze ou vingt ans, le pouvoir et l'opposition politiques n'étaient ni interpellés ni vraiment en accusation. Un pays, un peuple clamait sa bonne volonté, sa capacité de sacrifice mais aussi une soif d'intelligence de ce qui était proposé et de ce à quoi les "propositions" gouvernementales devaient aboutir.
Il n'y a pas eu de réponse, malgré deux mois de si forte expression d'une crise d'abord psychologique ; pas de réponse à cette angoisse, à ce besoin de comprendre et d'espérer. Comme si la pause dans cette expression collective dispensait d'une analyse censée n'avoir à porter que sur le passé. Or, cette analyse doit porter sur l'avenir, et la protestation s'est fondée sur l'esquisse proposée et expérimentée d'un certain avenir.
L'interrogation collective s'adresse donc, pour le moment encore, à ceux qui ont pour fonction, sinon pour profession, d'expliquer, d'organiser, de proposer : c'est-à-dire le Gouvernement, les pouvoirs publics dans leur ensemble, les partis, les syndicats, les églises, le système éducatif. La campagne d'explication du " plan Juppé " par publicité de presse payée a été tardive, simpliste et trop à chaud.

1.2.2 - certains métiers, et l'ensemble du service public, se sont sentis atteints dans leur fierté et dans la considération dûe à la structure qu'ils pensent incarner de l'Etat républicain, solidariste et égalitaire.
C'est un fait majeur que, depuis le début des manifestations de défense du service public (fonction publique, transports collectifs notamment), la popularité de celui-ci est demeurée inchangée et considérable dans l'opinion de l'ensemble de la population française. La conjugaison de cette appréciation très positive de ce qui continue d'être ressenti comme constitutif de la France, et la crainte - dans le secteur privé - d'être mis à pied pour absentéisme ou faits de grève, ont très vite placé ces métiers et le service public dans leur ensemble en situation, admise par la très grande majorité des Français, de les représenter dans leur inquiétude d'abord, puis à mesure dans leurs revendications.
On ne comprendrait rien à ce qui a été vêcu, notamment au niveau de l'entr'aide générale pour les déplacements quotidiens dans les grandes agglomérations, si l'on croyait que les Français se sont divisés en deux bords, et notamment entre salariés d'un secteur privilégié, protégé et ceux d'un secteur privé, seul concurrentiel et productif, vache-à-lait du premier. Le mouvement a au contraire, en favorisant une prise de conscience des dérives sociales de la décennie, refait la solidarité entre tous les salariés, quels que soient leurs statuts, leur âge, leur génération. Ce qui a été perçu comme une menace sur les retraites, sur l'épargne au titre des livrets A, sur les défraiements hospitaliers ou médicaux, sur la desserte ferroviaire et à bon marché de l'ensemble du pays, n'a en rien "monté" une partie de la population contre une autre. Bien au contraire, il y a eu durablement une sorte de délégation de mouvement, de manifestation, de lutte - diront d'autres - qu'ont accordée au secteur public, les salariés et retraités dans leur grande majorité.

1.2.3 - jusqu'à présent, la crise ne met pas en cause directement la légitimité ou la capacité des appareils gouvernementaux, politiques ou syndicaux.
La manière personnelle, et personnalisante, du Premier Ministre a été, reste critiquée (puisqu'elle n'a changé ni pendant les événements, ni depuis leur cessation) mais sa fonction, et le fait que ce soit lui qui occupe cette fonction, ne sont pas encore contestés. Quoique les syndicats d'enseignants rivalisent et se soient divisés entre ancienne et nouvelle mouture, quoique la base de la C.F.D.T. ait contesté l'attitude première de sa hiérarchie, ou que la hiérarchie de la C.G.T. ait été forcée de constater les mouvements de la base des cheminots pour modifier sa tactique, quoique les "coordinations" étudiantes aient eu du mal à s'accorder, l'ensemble des institutions politiques et sociales a continué de fonctionner. Ce sont les instances et les formes du dialogue qui se sont d'abord révélées inexistantes, ou depuis longtemps perdues de vue et d'activité, et qu'il a fallu réinventer, improviser à la fin de l'année.

1.2.4 - le pouvoir en place a semblé, au plus vif des expressions collectives de la crise, privilégier la solution de conflits ponctuels au lieu d'analyser un ensemble de signes et de messages, ne le mettant pas forcément ni a priori plus en cause que ses prédécesseurs, mais pouvant à terme et par sa généralité, l'ébranler décisivement.
C'est ainsi qu'a été entendue, et apparemment exaucée ou désarmée, la revendication étudiante, d'abord pour celles des Universités les plus virulentes ou les premières chronologiquement à avoir manifesté (Rouen, puis Metz, et ensuite Toulouse), puis pour l'ensemble de l'enseignement supérieur. C'est ainsi aussi que la S.N.C.F. a fait l'objet des concessions les plus précises et spectaculaires (commission LE VER, médiation MATTEOLI, report de la signature du contrat de plan, garantie d'une certaine pérennité du régime spécial des retraites, démission du Président de la Société nationale, mise en arrière des mêmes commission et médiation).
Cette manière de faire risque de nourrir le reproche de cynisme fait à un Gouvernement qui n'aurait pas considéré, ni surtout fait preuve de considérer a priori et par conviction démocratique, la capacité de ses partenaires et de ses administrés à comprendre, proposer et inventer autant que lui, et qui, sauvegardant à ce prix, l'axe de ses plans et réformes, s'en tiendrait à une vue financière, comptable et monétaire des objets étudiés. Elle a surtout laissé en l'état le principal sujet de manifestations hostiles. Au lieu de faire lui-même partie de l'ensemble d'une société, refusant soudain les voies dont elle a pris conscience qu'on l'y engageait, qu'elle s'y engageait sans débat ni consultation, depuis des années, et, au lieu par conséquent de pouvoir s'en écarter ou de paraître autant en souffrir que les citoyens et travailleurs "ordinaires", le Gouvernement a pris le risque de paraître le champion avoué de ces voies-là. De passer surtout pour un Gouvernement ne portant attention qu'à ce qui entame son propre crédit, et non à ce qui angoisse fondamentalement les manifestants.

1.2.5 - à l'instar du Gouvernement, la plupart des entreprises et des institutions les fédérant ou les analysant, maintiennent une vision plus financière que sociale. Toutes les gestions sont monétaires, alors que la définition et la valeur des monnaies sont si malaisées, donc abstraites dans la compréhension du grand nombre.




C'est l'impuissance du pays, plus intellectuelle que psychologique, qui a donné, sur le moment, aux propositions gouvernementales leur caractère de fatalité. Impuissance à faire porter la critique au-delà des réformes financières, et donc à acculer le Gouvernement à une crise d'identité ou à une meilleure formulation de celle-ci. Mais détermination psychologique des manifestants et des grévistes, de même force que celle du Gouvernement ; cette détermination n'a rien pu ébranler faute de point d'application.
Un pareil dénuement national a été vêcu à deux reprises ces dernières années, mais à propos de sujets éloignés de la vie quotidienne : l'engagement français dans la guerre du Golfe n'a fait l'objet, à son époque, que d'une très rare contestation ; le mouvement d'absorption de la République démocratique allemande par la République fédérale d'Allemagne, redouté par la quasi-unanimité des Français et de leurs dirigeants dans toutes leurs familles politiques, n'a donné lieu à aucune tentative d'hostilité déclarée ou de proposition alternative. Seule, la guerre en Yougoslavie, par ses aspects humanitaires, plutôt que stratégiques ou politiques, a nourri de véritables débats.

Il serait dangereux que cette impuissance - actuelle, mais si peu conforme à la tradition et aux talents français - à discerner, puis structurer les alternatives de l'époque, tourne à une mise en cause de l'entreprise et des options européennes, aussi unanime (et peu éclairé) que le fut pendant quarante-cinq ans, l'engoûment national pour celles-ci. Trouver le bouc émissaire n'est pas analyser la réalité, encore moins travailler à la modifier. C'est pourtant ce que nous sommes en train de vivre depuis quatre ans.

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2 - GENERALITE ET PROFONDEUR DE LA CRISE


La phase actuelle de la crise nationale doit s'observer à deux niveaux. Les dérives de fond. L'inadéquation des comportements gouvernementaux.


2.1 - LA REPONSE GOUVERNEMENTALE N'A PAS ETE ET N'EST TOUJOURS PAS NOVATRICE

2.1.1 - sa présentation demeure cahotique

. les calendriers n'ont pas été et ne sont toujours pas mis en regard les uns avec les autres.
La reprise de nos essais nucléaires n'a pas été suffisamment inscrite dans la logique de sécurité commune décidée à Maastricht et dans la délibération franco-allemande ni assez assortie d'une diplomatie bilatérale auprès des Etats-membres et d'une réelle veille aux Nations-Unies. La restructuration de la S.N.C.F. a trop coincidé avec le blocage, originellement publié, des rémunérations dans la fonction publique, au point de donner à croire que l'ensemble des structures nationales était en cause. La création d'une contribution nouvelle, affectée au remboursement de la dette sociale, est accompagnée d'un projet de réforme de l'ensemble de la fiscalité. Les idées, les démentis, les décisions sur l'abaissement du taux de rémunération des livrets A se sont succédés et contredits en trois mois jusqu'au grotesque, ou à faire croire au mensonge. Les déclarations à l'intérieur du Gouvernement, puis au sein de la majorité débat sur la monnaie européenne ont fâcheusement précédé la décision d'une large vulgarisation des modalités et conséquence de l'"euro" et déteint négativement sur l'opinion allemande. La hausse des prélèvements obligatoires coincide trop avec la publication périodique d'exonérations. Les simplifications entreprises paraissent du coup la tentative orgueilleuse de faire table rase pour substituer aux anciennes complexités des proliférations finalement analogues.
La succession de "plans" sectoriels ou conjoncturels mise en regard de la pétition d'excellence gouvernementale et de discipline majoritaire, a donné au pays la sensation de tournis et d'amateurisme.

. les grandes procédures publiques sont banalisées ou indûment sollicitées.
Les révisions constitutionnelles deviennent des instruments de conjoncture et de conciliation momentanée : institution de la session unique, procédures d'examen des budgets sociaux, place du service public, sans qu'on ait assez envisagé d'autres voies ou d'autres garanties. Acquises ou remises, ces réformes sont un abus de situation dominante au Parlement et n'accordent pas leur contenu avec leur intitulé.

. les grands sujets sont abordés sur la défensive et à l'improviste.
La politique familiale est "proposée" au débat parce que la fiscalisation des allocations familiales provoque un tollé. La réception des mères de familles nombreuses par le Président de la République est aussitôt suivie d'une forte restriction au versement des allocations prénatales. Le passage à un partage de la dissuasion nucléaire a été proposé à l'Allemagne (ce qui était peu la connaître) puis (à défaut) aux Quinze, sans préparation et au plus chaud de la contestation internationale de nos essais dans le Pacifique. La contribution française au désarmement et à la non-prolifération risque de se faire en termes d'excuses, sinon de culpabilité et moyennant des engagements pris hâtivement pour compenser notre initiative. Les modalités de la solidarité nationale et de la continuité territoriale pour les grands équipements ont été abordés par le biais, déjà contesté, des investissements hospitaliers à la charge de l'Etat ou à celle de la sécurité sociale, ou des conditions de rentabilité de la S.N.C.F. La reprise des rythmes financiers pour la cohérence de notre réseau universitaire, en fonctionnement et en investissements, qu'avait engagés le septennat précédent, a été imposée par les mouvements étudiants et enseignants.

. les réformes ne sont mûries ni en délais suffisants pour un réel débat, ni dans leurs conséquences probables. Le financement de la dette sociale par la fiscalité a-t-il ou non un effet favorable sur la croissance ? La baisse des taux ou l'incitation à casser les plans d'épargne sont-elles favorables ou pas à l'investissement ? La sauvegarde du commerce de proximité est-elle plus créatrice d'emplois et incitatrice à la consommation que la prolifération des "grandes surfaces" ? L'encouragement de l'industrie automobile ne contredit-il pas la hantise de la pollution ? Dans l'état de défiance et de stagnation, la reprise de la consommation est-elle suffisante pour relancer l'investissement, seul créateur d'emplois ? pour ne prendre que des exemples.

. l'image gouvernementale garde en permanence les mêmes ombres et, pour ce qui devrait en être la part lumineuse, change trop souvent. Trop de plans et trop de signes de la part du Gouvernement, trop de signatures et de convocations nommément de la part du seul Premier Ministre donnent une sensation de boxe dans le vide et d'isolement par rapport à tous les partenaires. Les "priorités" et prises de conscience - dont chacune est bienvenue - se succèdent et s'annullent. La sobriété sèche d'un style oral, parce que le discours est trop fréquent, devient une pauvreté et de la répétition.

Au total, le régime, dans son fonctionnement actuel, donne la sensation de n'avoir prise ni sur les évolutions important le plus quotidiennement aux Français, ni sur l'environnement international faute de relations adéquates avec nos principaux partenaires. Le risque, déjà couru, est la multiplication des signes, à des fins pouvant paraître à la longue de propagande, au lieu de présenter une action continue, globale et accordée avec le sentiment profond des citoyens et des agents économiques.

Conjecturer qu'à la longue, le public s'accoutumera -parier sur la résignation populaire autant sinon plus que sur le succès des politiques affichées - reporter toute correction de comportement et de politique jusqu'au débat, dans deux ans, des prochaines élections législatives, est dangereux pour le pays comme pour chacun des protagonistes de la scène nationale.

2.1.2 - les mûes nécessaires

Pour les gouvernants actuels, et principalement pour le Président de la République, la situation est analogue à celle que connut, à peu près à la même époque, le premier septennat de François MITTERRAND : être ou non capable de changer complètement et résolument de cap, à l'épreuve peu concluante d'une dizaine de mois d'exercice du pouvoir d'Etat. Le résultat des élections partielles (qu'en 1995.1996 on cherche davantage à éviter qu'en 1982) ou les intentions de vote pour Mars 1998 doivent moins peser que la probabilité d'un échec plus grave et plus immédiat si l'on persévère dans les manières actuelles. Car il existe une différence de nature entre les deux moments politiques de 1982 et de 1996 ; alors, il s'est agi, assez loin de la place publique pour que celle-ci ne perçoive l'inflexion et n'en date l'origine que bien des années ensuite, du contenu de la politique à suivre ; aujourd'hui, il s'agit d'un comportement, d'une manière, peut-être plus encore que du fond. Le pouvoir socialiste avait la même ambition que l'actuel septennat : corriger les écarts et les clivages sociaux. Au risque d'y perdre son identité et aussi son électorat, il engagea la France dans les deux axes qui demeurent encore la règle aujourd'hui : l'Europe et la rigueur. Partiellement à ses dépens, il forgea un consensus national nouveau sur l'entreprise, un certain climat concurrentiel et l'issue européenne. L'actuel septennat ne trouvera de remèdes efficaces aux dérives comptables de notre économie et n'a de chances de retrouver l'identité et l'électorat rencontrés au deuxième tour de la récente élection présidentielle qu'en changeant complètement sa philosophie économique et son comportement public. Le tournant du premier septennat de François MITTERRAND pouvait être économe de réformes politiques (il y fut d'ailleurs contraint par la mauvaise tournure du débat autour de " l'école libre ") et même de changements de personne (M. Pierre MAUROY demeura encore deux ans Premier Ministre). Il sera de plus en plus difficile dans le cours de l'actuel mandat, s'il ne produit pas aussi la mûe du parti victorieux et les contagions de celui-ci sur le vocabulaire et le comportement de l'exécutif.

Pour les autres acteurs, la mûe réclamée par nos circonstances de crise est également difficile : opposition politique et syndicats ont la charge d'exprimer, plus encore que de conduire, le malaise général. Cette expression est le préalable à toute recherche des remèdes. Le libéralisme se heurte à sa propre logique, il n'est plus vêcu qu'en termes de suppression d'emplois, de contractions des marchés, de faiblesse de l'innovation. Passer d'une logique malthusienne à une dialectique de croissance permettant la reprise de tous les paris sur l'avenir, qui fondèrent la prospérité relative des années 1960 et les excédents des années 1970, est d'abord un changement dans les têtes. Le comportement des dirigeants doit changer, mais pour induire la confiance du grand nombre. Expliquer la crise, rendre intelligible l'enchaînement de nos maux, c'est repérer à mesure les points où cela bloque. Faute de quoi, une nouvelle alternance au pouvoir politique sera vouée à l'échec, le découragement montera encore d'un degré. C'est d'abord le pouvoir dans les intelligences qui est à conquérir.


2.2 - LES DERIVES DE FOND


2.2.1 - l'analyse, trop exclusivement financière, de l'économie du pays (quitte à ce que la conscience de devoir en corriger les effets sociaux se manifeste à certains moments : gestion par la gauche, candidature présidentielle de la droite) a trois conséquences.

L'analyse financière et monétariste a été, pour la première fois privilégiée, et donc d'une certaine manière légitimée, par des Gouvernements de gauche (le tournant de politique budgétaire et donc économique de Février 1982) ; elle n'apparaissait cependant pas devoir devenir structurelle et dogmatique ; or, elle l'est devenue à force de durer et surtout de constituer une sorte de référence, de critère de compétence, de modernité, d'adéquation-même aux circonstances - économiques ou pas. Il avait d'abord été entendu que cette analyse, et les corrections en découlant, n'auraient qu'un temps, relativement court, et que le fruit des mises en ordre serait un rebond du progrès social ; c'est aujourd'hui, à nouveau, le discours explicite du Gouvernement, comme ce le fut en 1983, en 1986, en 1992, en 1993. Il n'en a rien été : le bilan des entreprises, l'endettement de l'Etat ne se sont ni durablement ni substantiellement améliorés, alors que c'était le but avoué de ce parti-pris très nouveau chez nous ; la réduction de l'inflation, l'excédent commercial ne sont pas imputables à des politiques françaises spécifiques mais à un entraînement général dont nous avons bénéficié et qui a légitimé ces politiques (notre seul mérite ayant été de ne pas nous en priver, et donc de ne pas nous distinguer sensiblement des politiques menées ailleurs) ; les objectifs n'étant pas atteints, la phase suivante, présumée de récupération sociale, n'a toujours pas lieu. Les écarts de rémunération, de sécurité, de chances continuent de s'aggraver.
C'est cependant cette logique que nous maintenons, menant droit à la désertification physique et intellectuelle, à la dénatalité et donc à une sorte de suicide collectif. Les options stratégiques qui commandent le salut du pays, eurent aux générations précédentes une formulation militaire : le désastre de 1940 fut sévèrement jugé, ceux qui l'avaient prévu n'avaient pas fait recette auparavant, puis politique : la décolonisation ne fait l'unanimité qu'après coup. La formulation aujourd'hui est économique : les responsables du dogmatisme de ces années-ci nous font courir un péril collectif aussi grave et immédiat que les responsables militaires de l'entre-deux-guerres, puis politiques de nos crispations coloniales. Le même ostracisme, le même ridicule pèsent sur les opposants. Le devoir d'unanimité et d'obédience, en économie et finances, n'a pourtant apporté aucun résultat, ni aucun redressement significatifs - même dans le strict champ économique et financier - depuis qu'il est enseigné, et constitue la référence des Gouvernements et des entreprises. Conséquences :

a) - nous avons perdu le sens du long terme, et qui que nous soyons, et en quelque situation que nous nous trouvons, nous le manifestons constamment. Les travailleurs par précarisation de tous les emplois, par abus des mises anticipées à la retraite, par la mise en cause du montant-même des droits acquis à retraite. Les entreprises par souci financier, les conduisant à considérer davantage le coût des endettements que le produit de leurs investissements. Les gouvernants, quand ils préfèrent des relances de l'activité économique par la consommation, et non par l'investissement.
Pourtant l'incitation à réfléchir et à agir à long terme est forte, puisque la plupart des paramètres sont stables . la permanence de la récession et des défis écologiques, . . l'inertie de la consommation par surendettement des ménages et suréquipement des industries et des services par rapport à leurs marchés potentiels et à leur situation financière au jour le jour,
. la saturation des besoins solvables (hors ceux liés directement à la sécurité individuelle) quelles que soient les trouvailles fiscales ou les déréglementations de l'épargne.
La crainte de l'avenir, commune aux particuliers et aux entreprises, est le plus fort appel à retrouver l'appétit des perspectives. Le présent, comme pas depuis longtemps, est économiquement et financièrement tributaire de l'avenir. C'est parce qu'il y a crise de l'avenir, qu'il y a marasme au présent.
En n'articulant plus d'hypothèses, en n'exprimant plus une volonté caractérisées par un plan économique, social et de développement pluri-annuel, les gouvernants se sont privés d'une réelle volonté budgétaire, d'une vraie détermination de solidarité nationale entre couches sociales et régions ; ils privent surtout les agents économiques d'une modalité importante pour prévoir la politique de salaires, d'investissements et de diversification des entreprises. LE GOUVERNEMENT EST DEVENU - EN FRANCE - L'UN DES PRINCIPAUX FACTEURS DE L'IMPREVISIBILITE ET DE L'INCERTITUDE.
Pour l'Etat, comme pour les entreprises, leurs comptabilités sont à peine le gage d'une action (clarification, réorientation, négociation, réorganisation) ; à être devenues le principal souci, le principal "voyant", elles les écartent de l'économie réelle. La dialectique vérifiée est de croissance à l'extérieur, puis de recentrage sur le métier originel.

b) - nous nous plaçons en posture d'attente que changent des paramètres sur lesquels nous n'avons pas de prise. Attente de la reprise américaine, appréhension de la récession allemande, supputation d'une baisse des taux. Nous vivons en économie mentalement assistée et dépendante. L'effort d'analyse et de prévision porte sur les comportements de l'étranger, non sur les nôtres ; il se donne pour objet des abstractions, des spéculations et non pas l'outil de travail français ou européen.

c) - nous ne savons plus qualifier (spéculatifs ou objectifs) les principaux comportements économiques, et encore moins identifier ceux qui sont nouveaux. Toute activité économique étant jugée seconde par rapport à son aspect financier, nous ne pouvons plus discerner (à la racine, et donc les vouloir ou la prévoir) les propensions à consommer, investir, épargner, procréer. Le déclin de la volonté d'Etat, et des commandes et grandes aventures technologiques, qui avaient caractérisé notre histoire industrielle, privent aujourd'hui les entreprises d'une vue qui leur était devenue habituelle : celle des besoins solvables. C'est ailleurs qu'ont été identifiés depuis dix et vingt ans les besoins nouveaux, dont l'émergence n'est pas le fait des Etats, mais des personnes, elles-mêmes façonnées par une évolution culturelle que la France n'a guère su non plus ni analyser, ni maîtriser. En termes de sa propre identité autant qu'en termes de débouchés pour son économie. Le modèle des pays émergents n'a pu se constituer que par une émergence comparable : celle des nouveaux besoins réels et solvables des économies plus anciennes. Ni l'une ni l'autre de ces émergences n'a été pressentie ni maîtrisée par les pouvoirs publics et par les grandes entreprises en France.

2.2.2 - nous ne créons plus d'emplois, parce que nous ne créons plus de richesses.

Depuis une dizaine d'années que se sont accélérés les rachats de nos actifs industriels et de services par l'étranger, et qu'ont commencé les mouvements de privatisations en France, comme dans le reste du monde, l'activité de chef d'entreprise, chez nous, paraît aujourd'hui et davantage consacrée à la diminution des coûts salariaux dans chaque établisement et à l'achat ou à la vente des raisons sociales et des actifs. La fiscalité pénalise la transmission autant nationale que familiale des entreprises. Une part trop grande de la création de richesse (elle-même en sensible diminution) est à destination fiscale. L'économie devient d'autant plus artificielle, sur le sol national, que des paradis fiscaux prospèrent à sa frontière. Le règlement rapide de la crise d'Octobre 1987, grâce notamment à une forte intervention des Etats, a malheureusement empêché que soient négativement jugés les "golden boys", et n'a donc pas même servi de leçon d'économie.

La conduite de l'entreprise est en passe de devenir strictement un jeu de rôles, consistant à mettre à la charge de la nation, de constants surplus de main d'oeuvre puisque les débouchés ne sont plus renouvelés, et que l'outil est de plus en plus sous-employé, et à manipuler les statuts, les organigrammes, les acquisitions de nouveaux métiers ou le délestage vis-à-vis d'artifices comptables (provisions, placements immobiliers, filialisation à l'étranger, délocalisation notamment). On ne crée plus ni produits ni emplois. Ce libéralisme économique, dont les principaux tenants se soutiennent en faisant indemniser leurs risques ou leurs pertes par la collectivité qui recueille déjà leurs employés laissés pour compte, n'est pas un comportement de conquête commerciale ou technologique. Il fragilise, dans la conscience générale, l'hypothèse du fonctionnement par principe bénéfique d'un système économique, sinon même politique, que la chute des régimes communistes, paraissait avoir plébiscité en morale et en efficacité. Tandis que les gouvernants ne savent qu'inventer ou présenter pour faire créer de nouveaux postes de travail, la plupart rémunérés au minimum, à temps précaire et partiel, ce sont des entreprises, des branches d'activités entières qui ferment ou sont moribondes : sidérurgie, extraction minière, transports ferroviaires et aériens, armement. La structure productive française est évaluée depuis une quinzaine d'années, exactement comme les Occidentaux opèrent leurs choix dans les économies d'Etat communiste, et rachètent à la brocante tout ce qui est générateur de devises ou durablement assuré d'un monopole. La libéralisation de notre économie, sauf de rares exceptions dans l'audiovisuel, la communication, l'assurance, le transport aérien, ne donne pas lieu à la création de nouvelles entreprises françaises, mais à des rachats étrangers. Nos capacités agro-alimentaires, nos avances technologiques ne sont pas exploitées industriellement ni commercialement ; elles sont exportées en l'état.
Hors les grands chantiers, surtout parisiens, des deux septennats de François MITTERRAND, les derniers investissements en infrastructure, chez nous, remontent aux années 1960, à la constitution de notre réseau d'autoroutes, aux équipements de télécommunications, au logement social.

2.2.3 - les avancées technologiques ne provoquent plus un bond qualitatif de l'humanité, et notre pays n'est plus en tête ni de l'invention, ni de la mise en oeuvre

Les grandes "causes" sont génératrices d'unité nationale et souvent sociale, de percées technlogiques et économiques. Le réarmement des années 1930, les reconstructions industrielles et immobilières des années 1950 avaient été relayées par la sophistication et le coût des nouveaux équipements militaires et spatiaux, le nucléaire étant au centre de ces mutations. Une volonté d'Etat, quels qu'aient été les régimes et les gouvenements avait, en France, miraculeusement, donné à la nation une fierté collective et à notre économie des avances certaines. Certains biens de grande consommation, comme la téléphonie, ou des équipements de base, comme les autoroutes, ne furent pénalisés qu'une décennie. Il n'en est plus de même, depuis les changements à l'Est, très vite perçus comme favorables au désarmement, à la libre-concurrence dans le monde entier, et donc à la diminution des responsabilités d'Etat. C'est à quoi il est presque partout procédé aujourd'hui, alors même qu'une nouvelle évolution du globe devrait faire percevoir que les logistiques spatiale, maritime et aérienne sont à terme encore plus décisives qu'au temps de la " guerre froide ". Erreur d'analyse et de propective, en triste cohérence avec des politiques n'ayant plus le sens de la durée et du rythme.

La diminution des budgets industriels de l'Etat n'est pas compensée par des efforts équivalents de la puissance publique pour la sauvegarde de l'environnement ou l'éradication des grandes maladies. Celles-ci sont déjà davantage de financements associatifs ou industriels, que publics. Sensible aux Etats-Unis, dont l'économie est cependant bien plus diversifiée et pluri-décisionnelle, ce mouvement de retrait de l'Etat va avoir en France des conséquences dramatiques pour l'innovation et l'emploi : depuis la Seconde guerre mondiale, l'Etat a été, directement ou indirectement, le principal incitateur et employeur des cerveaux en France. On ne voit pas qui, quoi, ou quelle synergie tiendra, après lui, ce rôle. Symptômatiquement, le passage à la simulation des prochaines expérimentations nucléaires place en dépendance des Etats-Unis, un des domaines français qui ne l'avait jamais été. Les conséquences sur la francophonie et sur l'expatriation sont aisées à prévoir.
Pire, beaucoup des groupes qui avaient bénéficié, pendant quatre décennies, de la manne publique ont préféré échanger à l'étranger la réalité et l'unicité de leur technologie contre l'espérance d'outils de production pour la grande consommation (cas de l'imagerie médicale cédée l'été de 1987 contre des capacités en téléviseurs, capacités productives mais amputées des marchés correspondants).


2.2.4 la conscience de la crise et du déclin n'en fait analyser ni les causes ni les remèdes. Elle n'est pas même un effort de précision de nos maux et de nos lacunes. La pensée dominante, précisément parce qu'elle ne s'avoue pas n'être qu'une idéologie (totalitaire), ne peut - maintenant - être contestée que de deux manières, également dangereuses : la réalité de plus en plus rétive ! la formation, à l'étranger et pour l'étranger, de nos futurs cadres.

La pétition libérale, très nouvelle en France à l'échelle historique, est maintenant censée faire l'unanimité ou au moins avoir la compréhension des dirigeants ; cette analogie d'analyse et d'intelligence n'a cependant pas provoqué une synergie des actions d'Etat et des initiatives d'entreprise. Ce qui se vérifie sur les marchés extérieurs ou dans la recomposition et les réorientations du capital français vaut aussi pour l'intelligence dominante ; celle-ci reste fragmentée, clivée comme autrefois ; elle n'a plus même l'arbitrage de quelques cercles ou véritables inspirateurs. L'excessive médiatisation de la vie économique et politique minore les changements sociaux, fige le discours public et ne fait naître aucune figure ni lignes de pensée neuves. Personne, à commencer par les professionnels, n'a encore instrumenté cette médiatisation en vue d'une nouvelle émergence de l'opinion et de la discussion publiques. Les grands partenaires ne se sont donc ni modernisés, ni changés.

La politique et les politiques subissent, au même moment que les dirigeants de grandes entreprises, le discrédit moral d'une certaine pérennisation de la société publique - selon des règles novatrices à l'époque des années 1960 mais que l'évolution de la société privée, familiale, locale, financière a périmées. Cette seconde société, plus difficile à analyser, à connaître, à caractériser parce qu'elle englobe tout un chacun sans pourtant paraître aussitôt un objet de science, sauf pour le sociologue et le publicitaire ou le démarcheur, a été livrée à elle-même. Les deux sociétés ont continué, de plus en plus l'une sans l'autre. La gauche, parce qu'elle était hors du pouvoir politique et économique depuis l'avant-guerre, fut un moment créditée d'une grande capacité de refaire l'union, la coincidence de ces deux sociétés ; elle est effectivement parvenue à réconcilier le monde du travail et la sphère de direction des entreprises, pendant une dizaine d'années, jusqu'aux chroniques publications d'abus de biens sociaux et jusqu'au chômage ressenti maintenant comme une fatalité ; impasse ou pause dans la conciliation, qui peut reconduire le divorce, mais sous des formes nouvelles, donc imprévisibles d'effets et de date.

L'Etat, après s'être bien adapté depuis l'Occupation et la Libération, à la responsabilité de programmer la reconstruction nationale, l'abaissement des frontières intra-européennes, et même à sa propre décentralisation, ne parvient pas à opérer la mûe décisive. Parce que cette mûe est contradictoire en elle-même : ce serait à l'Etat de se dépouiller lui-même, mais de continuer - en tant que tel - à conduire et à encadrer l'économie même si l'objectif est la libéralisation de celle-ci, le changement du statut des entreprises, des échanges et de la monnaie. Amoindrissement du principal outil national, sans qu'apparaissent nettement soit des relais institutionnels, soit des mécanismes incontestés en morale et en efficacité pour, à sa place, garantir une prise en compte minimale de l'intérêt collectif et des solidarités acquises ou à réinventer. A l'Etat de discerner en même temps ses nouvelles missions et ce qui n'est plus de son ressort. Le plus difficile étant que la conduite de cet exercice, dans la politique autant que dans l'entreprise, est le fait, sous la plupart des Gouverements en France depuis vingt ans, de personnalités essentiellement formées à la fonction publique ou par la fonction publique. La tentation du simplisme est grande, donc d'une succession de virages et de corrections, que n'atténue pas la composition de l'actuelle élite des dirigeants d'entreprises, quel que soit le statut de celles-ci, eux aussi issus de la haute fonction publique. Ce défi, présenté comme le défi libéral, serait celui d'une normalisation, d'une adaptation selon des modèles, des thèses empêchées seulement, en ce siècle, par des situations de guerre ou de pénurie ; celles-ci n'auraient légitimé qu'à titre provisoire une certaine conduite de l'économie par l'Etat. Il serait apparemment facile à relever puisque l'environnement international du pays - la conduite des autres Gouvernements - et l'internationalisation des débouchés et des conduites d'entreprises, y inciterait et servirait de modèle, et puisqu'il y aurait - de fait - communauté de langage et de formation intellectuelle entre les dirigeants de l'Etat et ceux des entreprises. Ce n'est cependant pas ce qu'il se passe, car il a manqué au préalable et des habitudes libérales, autant de la part de l'Etat que de l'entreprise, et une résolution publique. La ratification du traité de Maastricht ou la vente d'actifs industriels ou bancaires, précédemment nationalisés, n'a pas prétendu en tenir lieu, et ne l'a pas davantage pu. Le chômage, et le transfert à l'échelon national d'une solidarité que l'entreprise ne sait ni ne veut assumer, a mis le comble à la contradiction.

L'Etat ne sait plus ni se réformer, ni se définir, et l'entreprise, dans une approche plus comptable qu'économique, vivant difficilement la stagnation ou la récession a mis au second plan ses vocations sociale et technologique. La conduite de l'un et de l'autre est en passe de n'être plus qu'un unique et tragique jeu de société, dominé par des soucis individuels de carrière, sinon même par l'appropriation hâtive de biens sociaux ou de prérogatives publiques. La persistance des apparences et des rites d'Etat, y compris électoraux, masque la discussion sur les missions et la perte de prise sur les réalités économiques, et bientôt sociales. L'accès à la décision paraît fonction du couloir ou de la faveur, de l'intéressement. Tout est devenu fragile dans les procédures, alors même que la dominance du court terme avait déjà précarisé les résultats. Les éventuels mécanismes répressifs découragent ceux - bonnes volontés nouvelles - qui seraient tentés d'entrer dans le jeu, mais ne convient qu'à davantage d'ingéniosité les habitués. L'énergie se gaspille plus encore.



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3 - LES VOIES DE SOLUTION



L'atonie, l'impuissance collectives ne seront pas guéries par une phraséologie, même si c'est un discours d'Etat. Les revues d'idées politiques et sociales du début du siècle ou de la période de guerre, les "clubs" du commencement des années 1960 que ne purent ranimer les " événements de Mai " n'ont pas reparu ; mais à gauche, depuis ce qui fit le succès de la synthèse "mitterrandienne" à partir de 1965, et à droite, dans ce qu'induit parfois l'invocation d'un nouveau "pacte républicain", il y a l'intuition de rendre à l'Etat une certaine pensée. Ce qui donnerait leur sens pour l'avenir à des élections de plus en plus nominales, et de moins en moins fondamentales, mais ce qui contredit la pétition d'un Etat, instrument du minimum et du résiduel, dans un contexte de libre entreprise et de libre concurrence, sans qu'y soit première la résonnance sociale. Le scepticisme politique ou la résignation ne sont pas facteurs de tolérance. Il s'agit en fait d'une reconquête de la plupart de nos modalités et institutions. Celles-ci sont toutes en voie de nécrose.


3.1 - La démocratie vivante est, à chaque génération, chaque époque, à réinventer. (expression, on le sait, de M. Michel JOBERT)

Se contenter des formes présentes, c'est périmer celles-ci-mêmes, et c'est figer les formes d'expression d'un contenu et d'une société continuant à évoluer, de plus en plus ailleurs et par ailleurs.
La conscience que les voies et formes du moment se périment du fait qu'elles ont réussi, se sont imposées en pratique et en durée, n'est pas nouvelle. Chaque homme d'Etat quittant le pouvoir le perçoit aussitôt ; chaque politique tentant de faire prévaloir, hors des idées ou des habitudes du moment, une rigueur, une méthode, un plan l'expérimente aussitôt, les relais, puis le temps lui manquent ; rare est l'homme politique, qui dans le moment où il exerce le pouvoir, semble déjà un homme d'Etat ; en ce siècle, hors Raymond POINCARE et le Général de GAULLE, il n'y a pas eu de retour aux affaires, signe, s'il en est, que la France consomme et gaspille beaucoup d'expérience d'Etat sans en constituer un vivier. C'est ce que vient de manifester le mauvais fonctionnement de la procédure, pourtant décisive, de la Cinquième République : l'élection du Président au suffrage universel direct n'a permis en 1995 ni l'exposé, et a fortiori le débat des questiuons qui ont aussitôt accaparé et en fait dévoyé le nouveau mandat présidentiel, ni la candidature des personnalités les plus expérimentées du pays. L'immédiate désaffection des nouveaux tenants du pouvoir politique en est résultée. La victoire de celui qui l'a effectivement remportée, aurait aujourd'hui une autre portée, si ses circonstances avaient été différentes, et plus propices à un débat qu'il faut maintenant mener presqu'hors des champs et des échéances habituels ou éprouvés. A la sensation, qui n'est pas nouvelle en France, que les institutions fonctionnent loin des problèmes, et loin des intéressés, s'est donc ajoutée, pour la première fois depuis trente ans, la conviction que les élections n'avaient pas été efficaces. Il faut donc beaucoup de maturité aux citoyens, ou un dangereux climat de résignation et de désespérance pour que la légitimité des gouvernants se maintienne malgré tout.
Cet acquiescement, faute d'alternative en modèle économique et social, d'alternative en équipe et programme politiques de remplacement prochain, ou faute d'une audace qui mettrait en question l'ensemble des institutions n'est pas suffisant pour l'invention des solutions et pour qu'une généralité du peuple consentent à celles-ci.

Ce n'est pas la gestion de l'Etat qui rebute, mais la manière - redondante - d'être en politique et de gérer la manifestation politique.
L'adhésion nouvelle sera fonction d'une souplesse que nous n'avons plus ; nous ne retrouverons pas notre imagination sans pluralisme ; notre vie publique n'est ni souple ni pluraliste. Elle interdit l'originalité, empêche l'imagination. Elle est convenue, conventionnelle, pesante. Remèdes :
3.1.1 - une lutte précise et incessante contre le cumul des mandats publics, et les féodalités locales qu'il induit, mettant en valeur les équipes locales et forçant au dialogue. L'instauration de la session unique du Parlement suppose la fin de ce cumul, sauf à faire de l'absentéisme son principal effet. Corollaire : prévoir une rémunération suffisante des postes électifs.

3.1.2 - les comportements et votes des élus doivent correspondre à leur conviction, et refléter davantage la situation, l'imagination et le sentiment des électeurs. Une discipline de partis, renforcée par une discipline de coalition entre les partis, est peut-être une bonne méthode pour conquérir le pouvoir ou le conserver, sans réel souci des conjonctures entre deux consultations, ce n'est plus le bon moyen pour attirer et recruter des talents nouveaux. Les gouvernants sont médiocres parce que " la langue de bois " et l'unisson sont manifestement forcés. Leur exhortation, pour que les Français s'adaptent à une époque régie par des modèles qui ne font pas leurs preuves ou reconnaissent l'excellence des gouvernants du moment, semble un concours de récitation. Le système paraît fermé. Les élections présidentielles, notamment, devraient redistribuer les rôles et réagencer les coalitions d'autant plus légitimement que plus aucun parti n'est aujourd'hui de prétention totalitaire, que sur beaucoup de sujets les clivages passent à l'intérieur de chacune des formations, qu'enfin les programmes précis innovent peu les uns par rapport aux autres.

3.1.3 - l'Etat est critiqué davantage par ceux qui ont tant voulu être élu à sa tête ou appelés à son gouvernement, que par les administrés. La critique est pourtant très différente. Les premiers voudraient, dès leur arrivée au pouvoir, changer ce que seuls les décennies sinon les siècles peuvent modifier ; ces ambitions sonnent forcément creux puisque les programmes se ressemblent et que chacun des termes est court. Les seconds ne raisonnent ni ne ressentent en quantité d'Etat ou en compétences étatiques ; ils veulent être considérés, compris, et que l'on se mette à leur place. Un débit de lois et de discours plus lent et moins copieux, des débats plus mûris et informés, une réelle pratique des " livres blancs " gratuits et disponibles en lieux publics. Bien davantage que les élus et les gouvernants, ce sont les fonctionnaires de proximité qui respectent et connaissent les administrés. Si le service public est resté populaire en France, c'est à eux que l'Etat le doit. Ce sont les administrations centrales qu'il convient de rendre plus souples, plus mobiles, et innovantes ; mais ce sont les présences locales de l'Etat qu'il faut maintenir, promouvoir et augmenter : lieux de rencontre, expression de l'intérêt collectif, espace encore d'épanouissement de réelles vocations. Forte intuition de la loi PASQUA.

3.1.4 - garants pratiques du civisme, les medias sont dévoyés et en péril. La fonction d'incitation et de critique n'est plus exercée que par un seul quotidien national dit du soir, un hebdomadaire reconnu satirique et une émission décodée à la télévision... La presse de province est trop centralisée financièrement, alors que sa fonction locale en répercussion de la vie quotidienne et en écoûte est civiquement décisive ; l'Agence France Presse doit demeurer indépendante du pouvoir politique et des groupes financiers (le contraire vient d'être trop conjoncturellement consacré) ; que deux titres, en presse écrite, disparaissent ou changent totalement de structure interne devait avertir. Ainsi que le déclin des grands titres hebdomadaires ou mensuels (Esprit, Témoignage chrétien). L'ensemble de l'information et de la communication doit être réorganisé, repensé, pas seulement en termes financiers ou en fonction de la pression des nouveaux modes de diffusion, donc de la pénétration de l'étranger et de la vogue des nouveaux sujets, mais pour revigorer et nourrir le citoyen. Entre autres pistes :
. se réappuyer sur des supports plus anciens (ressusciter les Actualités au cinéma),
. imposer un quorum de visages nouveaux dans les entretiens télévisés périodiques qui confortent la prime aux personnalités déjà connues, présidentiables, ou en place,
. trouver la manière de doter la presse écrite d'une part devenue statutaire des recettes publicitaires (et éventuellement fiscale) des sociétés de télévision,
. garantir constitutionnellement les conditions d'indépendance et de survie du " quatrième pouvoir " en prévoyant en contre-partie son contrôle déontologique. Aborder ainsi les questions de censure dans les medias et l'édition.

3.2 - la relation de l'entreprise avec les processus démocratiques doit être ouvertement admise, et l'entreprise doit appuyer ou relayer l'Etat dans des missions de portée collective, sans qu'aucune n'acquiert ni monopole ni droits régaliens.

L'idée d'associer davantage l'entreprise au système éducatif ou à la délibération des équipements locaux rst un des fruits principaux du bouillonnement de 1968. L'acculturation croissante, l'aggravation du chômage valorisent cette symbiose, mais devraient en étendre le champ d'application. Ailleurs que chez nous, le libéralisme et la libre concurrence ont su s'assortir de fortes structures mécénales ; culture, santé, formation professionnelle ; nous n'y sommes pas parvenus encore. Au contraire, des abus (sectes ou indélicatesses) trop manifestes font réévaluer une de nos forces et originalités : le mouvement associatif est actuellement sujet à réévaluation des mécanismes permettant le contrôle des finances et des objets juridiques.
La novation doit consister à gommer le clivage entre la responsabilité politique et la responsabilité économique, toutes deux sont d'ordre social et public, et c'est par leur exercice commun ou concerté, selon les domaines, que seront approchées les deux questions qui nous défient à long terme : la cohésion nationale, affaire de culture et d'identité, et le plein-emploi, affaire de croissance chez nous et sur les marchés extérieurs.
Des capacités d'analyse, de discernement des solutions, de critique des procédures, des immobilismes ou des désuétudes existent hors du Gouvernement, dans les entreprises les banques, les universités - de plus en plus nombreux, et performants (parce qu'astreints au rendement et très responsabilisé en matière d'efficacité et de mise en oeuvre de leurs budgets et matériels). Leur utilisation tend déjà à déborder leur stricte affectation, puisque le Gouvernement et l'Etat ne sont plus l'instrument commun de la prévision et de la sécurité de certains paramètres. On peut donc les faire concourir aux réflexions et diagnostics au niveau national, comme c'est souvent déjà le cas au plan local. Participant à une apporéhension neuve de la réalité natiuonale, l'entreprise, la banque, l'association, ni plus ni moins que les administrations seront par construction stimulées pour l'application des remèdes, et pour dégager ou affecter autrement de nouvelles ressources financières ou des emplois.
Pistes :
. rendre plus pratique à mettre en jeu la responsabilité des gouvernants et la responsabilité des chefs de grandes entreprises. La discipline majoritaire, au Parlement, le jeu des assemblées générales et des divers actionnariats sont tels qu'hormis la mise en cause judiciaire, les principaux acteurs décidant la vie nationale, la survie des sites d'emploi et de production ne risquent rien personnellement. Le jeu de rôles, les "dégraissages" d'entreprise, l'improvisation gouvernementale à des fins médiatiques, les maladresses de communication ne sont pas sanctionnés ;
. ériger en professions assermentées les institutions et officines de statistiques économiques et financières, ou d'analyse des entreprises, de manière à ce que les bilans de sociétés ou les principaux paramètres économiques nationaux ne soient pas manipulés par les tenants du pouvoir d'Etat ou de l'entreprise ;
. charger des institutions, des industries, des activités de l'"audit" de grands sujets nationaux à partir de leur expérience ou de leur situation propre ; faire de la consultation préalable des partenaires, non plus la manière de les contraindre à l'acceptation des plans gouvernementaux, mais l'appel sincère (humble) à l'imagination, à l'expérience collectives.



3.3 - la relation des personnes politiques avec l'institution d'Etat doit changer.

On se trompe de cible en ce moment et depuis vingt ans, ce n'est pas l'Etat qui est en question, mais la politique. Les politiques (de droite) ont cru dériver la critique populaire des gestions et des inhumanités, des erreurs et des mépris en désignant l'Etat comme bouc émissaire, et les fonctionnaires : Etat dont il faudrait diminuer l'emprise, et les fonctionnaires dont il faudrait changer le statut et diminuer le coût. Les politiques (de gauche) ont compris cependant qu'il y avait aussi à moderniser l'Etat : les tâches, les possibilités de substitution, les problèmes ont changé ; la concurrence des institutions et le poids de l'environnement internationales comptent plus que par le passé. Mais au total, c'est la conduite de l'Etat, l'usage des prérogatives de l'Etat qui sont critiqués et sont devenus légitimement critiquables : conduite et usage sont de la responsabilité des politiques. Les élections ont pour but théorique la désignation de représentants, et pour but pratique la question de savoir qui disposera de l'Etat. Les citoyens comme les entreprises attendent des politiques, quels que soient leur bord, leur programme, leur idéologie qu'ils fassent fonctionner l'existant ; la réforme n'est souhaitable et acceptable qu'à condition d'améliorer ce fonctionnement. Des politiques qui désorganisent l'Etat, qui mettent la société en ébullition ou qui handicapent l'entreprise sans pour autant pacifier la société, ces politiques-là sont jugés inaptes - oeuvrant à côté de leur mission première ; même si c'est de bonne foi, ils sont jugés aux résultats. C'est ce jugement qui est en train d'être prononcé.

CE SONT DAVANTAGE LES POLITIQUES QU'IL CONVIENT DE REFORMER, QUE L'ETAT. Les politiques, c'est-à-dire les personnes, les comportements, les recrutements, les manières d'analyser, de poser les diagnostics, de décider, d'animer, d'expliquer, d'entendre. L'Etat est de plus en plus empêché de faire ce qu'il est seul par nature à pouvoir faire, et qu'il ne fait plus, par la faute des politiques. Les processus d'analyse et d'exécution sont bloqués par la priorité donnée - à très court terme : le temps d'existence d'un gouvernement, quelle que soit sa pétition d'oeuvrer dans la durée indépendamment de toute contingence électorale - à la décision. Prolifération des décisions, ou des apparences de décision par la nécessité dans laquelle les politiques croient se trouver : donner la sensation, presque physique, de décider et de tout réformer. Mauvaise relation des politiques avec le temps, et qui les dissocie de l'Etat, considéré par eux comme le seul objet sur lesquels ils aient quelque prise, et cette prise ne paraissant jamais autant assurée qu'en travaillant à amoindrir l'Etat.
La décision, par abus du genre, étant dévaluée, sa revalorisation est cherchée dans le contenu : pas plus vaste et noble objectif que celui de la réforme. Or c'est précisément le type de décision qu'il faut mûrir et dont on ne peut abuser, tant elle suppose la connaissance du sujet et l'acquiescement du grand nombre. L'excès de réformes est non seulement indigeste, mais il conduit à oublier la décision quotidienne, consistant à trancher des alternatives.

Dans le moment actuel, et en termes immédiatement politiques, deux lacunes sont à combler :

3.3.1 - rendre au pays l'organe d'arbitrage et de représentation dont le dote en principe l'élection présidentielle au suffrage direct. L'actuel Président de la République n'a pas son image propre, et n'est pas assez distant ni distinct du Gouvernement, singulièrement du Premier Ministre.
- le Président n'a pas encore son image propre.
Celle-ci aurait pu être le prolongement et l'exploitation de celle qui fit la victoire électorale de Jacques CHIRAC en Mai 1995 : générosité, combativité, écoûte, terrain, accueil. En soutenant des politiques et un Premier Ministre différents de cette image et des promesses électorales, en paraissant de surcroît très crispé physiquement et en discours, le Président a effacé cette image qu'il avait eue et maintenue pendant vingt ans. Il n'a pas pour autant trouvé son style propre, tant il emprunte à ses deux prédécesseurs immédiats (alors qu'on eût pu croire que le Général de GAULLE et Georges POMPIDOU sont ses modèles). A M. GISCARD d'ESTAING les affectations de simplicité (suppression du GLAM, allègement du protocole, anglophonie) et des thèmes (la Charte transatlantique souhaitée devant le Congrès américain le 1° Février 1996 a été négociée à partir de 1973 et signée en Août 1974). A François MITTERRAND, les associations de drapeaux, les suites d'hommes d'affaires en voyages présidentiels.
C'est en se distançant du Gouvernement, en évitant l'analogie de vocabulaire, de style, de méthode avec le Premier Ministre, donc en nommant à la tête du Gouvernement une personnalité d'origine politique différente, que le Président actuel peut commencer à apparaître par lui-même. Une sorte d'aînesse, pas seulement de fonction, mais de maturité. Assuré du long terme, comme il aime à le répéter (pétition qui ne doit pas devenir un défi), il faut qu'il se situe et qu'il travaille dans le long terme.

- l'accès au Président de la République ne doit pas être pour la montre, mais réel. Son courrier doit être de substance, et à la manière de très lointains prédécesseurs, certaines de ses réponses à des correspondants de tout venant pourraient être publiées. Directive indirecte pour le Gouvernement et signe que ce sont les citoyens et non les ministres ou les personnalités, qui intéressent principalement le seul élu du peuple tout entier.

- la communication proprement présidentielle doit revenir au rythme fort et simple qui fut celui du Général de GAULLE. Deux grandes conférences de presse, par an seulement, programmées très à l'avance, et constituant un exutoire politique en sus des échéances électorales. Des discours à la nation - rares, exigés et attendus par les circonstances - appris par coeur pour que la forme en soit vraiment belle. C'est un véritable égard pour le téléspectateur, redevenu enfin citoyen quand il voit le Chef de l'Etat. Les entretiens avec des journalistes banalisent la fonction et le texte présidentiel : en principe, à bannir. Ils doivent être rarissimes et avoir peu de portée gouvernementale.
Par cette autre manière de communiquer, redevenue propre à sa fonction, puis à force à sa personne, le Président peut et doit

3.3.2 - rendre à la vie politique et économique un rythme. Réconcilier le politique avec la durée, avec le temps. C'est la communication et la décision publiques en substance et en calendrier.
- les lois de programmation et les plans quadriennaux sont en pratique des textes et des esquisses financières sans prise sur la durée qu'ils prétendaient originellement embrasser. Redonner au plan sa force (en même temps qu'on profitera du cadre ainsi valorisé qu'il représente entre les principaux partenairees économiques et sociaux) fera partie d'un ensemble de novations ou de remise à l'honneur : vote pluriannuel des dépenses de fonctionnement de l'Etat, budgets pluriannuels pour des investissements de très long terme (santé, éducation, travaux publics, armement. Les votes annuels ne seront que des corrections ou des lois de règlement, celles-ci permettant le contrôle d'avancement des budgets pluri-annuels. Deux avantages : la prévisibilité à moyen terme des prélèvements fiscaux et des engagements publics, souhaités par les particuliers, les entrepreneurs et de nature à encourager l'investissement étranger - l'impossibilité pratique des saupoudrages et "déblocages" selon les mouvements sociaux et les pressions de couloir. Beaucoup de démagogie sera structurellement interdite, alors que ce dernier mois le contraste a été total entre l'affirmation de rigueur, les révisions en baisse des principaux engagements publics, et d'autre part les concessions faites coup par coup aux groupes ou secteurs gênés ou remuants.

Retrouver un rythme, un rythme long nous rend la possibilité de la réflexion préalable, de l'analyse conduisant au diagnostic - analyse et réflexion tellement absentes aujourd'hui que des fonctions longtemps présentes dans notre vie publique, celles de maîtres-à-penser ont disparu, ou ne peuvent plus s'exercer, sauf à recourir ou à révérer épisodiquement les quelques grands anciens qui nous restent.
- les rapports et commissions ne sont pas un exutoire. Ils doivent donner lieu à des livres blancs, largement débattus, largement diffusés et qui correspondront au mouvement d'extension de la compétence et de la saisine référendaires.
- la réflexion, le diagnostic, l'imagination de solutions ne sont pas le monopole des pouvoirs publics ; les techniques d'archivage, d'investigation, de sondage et de mémoire, de comparaison aussi mettent bien d'autres agents et cercles en état de faire vivre au pays cette étape préalable à la décision. Susciter la réflexion, l'accueillir est maintenant plus ipportant et plus judicieux, plus informatif même, que de (prétendre tous azimuts) la mener (et souvent la bâcler en une seule réunion, consistant au débit d'un énième discours public).



3.4 - les institutions européennes sont, par elles-mêmes, des acteurs de notre mise à jour nationale.

Nous ne pouvons plus en traiter comme d'un thème, tantôt repoussoir dans nos débats intérieurs, tantôt faire-valoir ou relais supposé de notre politique extérieure. Il ne s'agit plus d'un clivage, mais d'un des éléments de ce qui nous gouverne, donc d'une véritable intégration dans le système de notre démocratie et de notre économie. C'est loin encore d'être le cas ; y parvenir, pour notre propre compte, est aussi la meilleure manière de "relancer" politiquement l'entreprise européenne. Le ravaudage par compromis, ou l'initiative en direction de la seule opinion nationale ne sont plus suffisants. Pour être acceptée, mieux : souhaitée, ambitionnée, comme elle le fut il n'y a pas encore si longtemps, l'identité commune doit représenter un renfort pour l'identité nationale et le bien-être social et économique ;

- le Parlement européen n'est toujours pas représentatif. Il faut qu'il soit élu à la suite d'un débat de même thématique dans toute l'Union, et que l'on se prononce sur les mêmes candidatures. Les listes ne seront plus nationales, mais transnationales, les Etats constituant chacune une circonscription. Les dosages de nationalités se feront automatiquement de manière à ce que chaque liste ait ses chances dans chacune des circonscriptions. Des carrières européennes apparaîtraient en tant que telles, mais tributaires des vouloirs nationaux autant que de la conscience commune : ce ne seraient plus des "débouchés" ou des "chasses gardées". Le recrutement des membres de la Commission pourrait à terme se faire davantage à partir du Parlement européen, dans l'hypothèse où les prérogatives de la Commission ne sont pas réduites, que des fonctions publiques ou des carrières gouvernementales nationales. Ce qui règlerait par prétérition l'inflation du nombre de ses membres à proportion des nouvelles adhésions à l'Union ;

- les compétences de la Commission ne paraissent souvent exorbitantes que faute d'un réelle inspiration européenne (et non pas de simple idéologie "libérale") des décisions, faute de contrôle parlementaire, faute de vigilance des Gouvernements, et surtout faute d'une opinion publique - clairement exprimée, suffisamment informée et organisée et dont les groupes de pression ne sauraient tenir lieu. L'effet des ajustements et réformes proposés plus haut accompagnera la stabilisation en cours de ces compétences : l'Union économique et monétaire donnant un rôle décisif à la future Banque centrale unique d'une part -, la constitution d'une véritable armée européenne, autant que l'exercice, à terme communautaire, des représentations européennes au Conseil de Sécurité, écarteront irréversiblement la Commission de toute compétence pour les vrais sujets de politique extérieure. Si la culture, la justice, la monnaie, l'emploi, l'armée, la diplomatie donnent lieu à des instances, des juridictions et des contrôles ad hoc pour chacun de ces sujets, l'identité européenne ne sera plus du vouloir ou de la lacune de la Commission. Le contrôle des compétences résiduelles et le mode démocratique de son recrutement auront un champ plus restreint, donc plus précis

- la responsabilité et le contrôle de la Commission ne peuvent plus ressortir de sa seule relation avec le Conseil de Ministres, ou avec le Parlement européens ; devenus d'une certaine manière les multiples Chambres "hautes" faisant pendant au Parlement européen, les Parlements nationaux participeraient à ce contrôle et pourraient convoquer la Commission. Les budgets, et certaines décisions ou nominations, pourraient passer devant eux avant d'aller au Parlement de l'Union. On pourrait aussi disposer que les Parlements nationaux forment avec le Parlement européen actuel, et suivant une appellation à trouver, le Congrès de l'Union ;

- la symbolisation de l'Union par une présidence qui lui soit propre réorienterait les opinions nationales, constituerait une instance d'arbitrage et d'éveil dans les crises qui tendent aujourd'hui à devenir communes aux Etats, et non plus particulière à l'un ou l'autre ; cette symbolisation n'existe toujours pas. Le Président de la Commission a tendance à l'usurper, les medias et des abus diplomatiques s'y prêtent. La présidence tournante du Conseil de Ministres est trop rapide pour une réelle personnification, et il est bon qu'elle reste éphèmère, pour qu'aucune oeuvre ne soit vraiment accaparable par un seul Etat. La présidence exécutive de l'Union - forcément tournante si elle demeure l'apanage des Etats-membres, et forcément élective si on la veut moins éphémère - pourrait alors se distinguer de la représentation et de la symbolisation de l'Union. Pour assurer avec assez de temps et assez de lustre ces dernières, une solution héréditaire ou viagère présenterait de grands avantages politiques et affectifs dans une communauté, qui n'a pas de précédents pour s'organiser, qui veut puiser ses racines très loin dans les siècles et dans les âmes, et qui est en déficit d'image actuellement. Au contraire, la solution élective pour un long mandat, peut paraître plus praticable mais posera la question des attributions d'une institution devenant ainsi nouvelle.

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Les conclusions s'imposent d'elles-mêmes. Elles sont d'ordre psychologique et à charge du Gouvernement. Il s'agit de


- RECONNAITRE LES CONDITIONS DE LA NOUVELLE MENTALITE COLLECTIVE FRANCAISE, a priori irréversibles : forcément pluri-culturelle et pluri-nationale (les ethnies immigrés, le particularisme corse, la coexistence difficile en moeurs et en aspiration de plusieurs générations sociologiques et biologiques bien plus différentes qse par le passé), forcément moins dépendante de l'Etat ou de la conviction nationale (à l'heure de la résorption du secteur public et des prérogatives régaliennes et dans la dimension européenne)

- SUPPRIMER LE MONOPOLE DES "POLITIQUES" SUR L'INSTITUTION D'ETAT ET SUR LA DETERMINATION DE L'AVENIR COMMUN. Cette mûe est déjà vêcue par les medias et la justice traitant le " pouvoir politique " sur pied d'égalité ; elle signifierait un retour à la théorie élective du pouvoir en France depuis la Révolution. Elle commence à se vivre dan certaines entreprises industrielles et surtout de services, lesquelles proposent des solutions d'intérêt général, à défaut d'imagination ou d'efficacité gouvernementales. Elle suppose :
. la conscience nouvelle du peu d'emprise du pouvoir d'Etat sur la réalité, les conjonctures, les tempéraments, la psychologie du pays, soit un retour de l'Etat au seul service de l'intérêt général et une nouvelle modestie des personnes constituant ou dirigeant le Gouvernement ;
. la simple ambition gouvernementale de participer à la réflexion et à l'effort de l'ensemble des citoyens et des personnes morales en France, sans prétendre avoir la science infuse ni PAR SOI SEUL innover et régler définitivement ;
. la déspécialisation des responsables : le politique n'ayant plus la tâche d'encadrer ou de suppléer l'économique en matière d'emploi ou de finances, le financier n'étant pas dispensé de la pratique démocratique et du souci social, notamment ;
. la considération et l'écoûte de tous les acteurs de la vie économique, culturelle et sociale du pays pour mettre en oeuvre, de préférence aux études gouvernementales qui les médiatisent, les problématiques et les voies de solutions qu'ils vivent et imahginent quotidiennement. L'apport gouvernemental ne doit plus être que subsidiaire ou arbitral ;

- inverser d'abord dans les esprits la tendance actuellement dominante : le malthusianisme, suppose la priorité totale donnée à la natalité française (dont le très timide début de redressement est encore loin de garantir le simple renouvellement des générations), et, par contagion, aux conditions de reprise d'une réelle créativité nationale en tous domaines./.

(7.II.1996)