samedi 6 novembre 2010

Inquiétude & Certitudes - samedi 6 novembre 2010


Samedi 6 Novembre 2010

La vieillesse et l’espérance, la mort : notre vérité, la vie : notre épreuve, et le bonheur en tout si nous sommes relationnés. Notre unité dépend de notre « politique extérieure », de bonheur, même dans la souffrance et les arrachements que selon notre rapport à nous-mêmes qui ne peut être qu’unité et incohérence. Dieu rend la conscience de nous-mêmes, de nos chances… surtotut « malgré tout ». Le sommeil de l’enfance donne un visage si proche de la mort immobile ou de l’angélisme qui s’envole et devient tout. Notre fille, constamment, nous approfondit. Ce moine et nos heures… sa capacité d’admirer jusqu’à bondir d’étonnement et d’action de grâce, Amédée de Bricquebec, Hallier dans le monde, frère des écoles chrétiennes de Lamennais, puis converti au monachisme pendant son service militaire à Berlin, en 1945. Présence, intercession, communion. – Beauté hier des itinéraires et simplicité d’avoir à raconter que l’on ne soit plus « rien » ou qu’on y soit encore, ce début d’émission sur la situation de Premier ministre, chez nous à Matignon, plaide en général pour la valeur et la bonne volonté de ceux qui nous dirigent. Mais c’est rétrospectif. Dieu aussi est rétrospectif, mais le passé – avec Lui – n’est que force pour le présent, certitude pour la suite. [1] Et si vous n’avez pas été digne de confiance pour des biens étrangers, le vôtre, qui vous le donnera. Etrangeté et paradoxe du propos du Christ, comme pour la plupart de ses enseignements de comportement avec choses et gens. Nous sommes toujours en probation, une justice distributive avantageant les autres mais nous mettant presque toujours en question : qui vous confiera le bien véritable ? Le paradoxe se résoud, la réponse se trouve dans ce « qui » ? ce n’est pas « on », tout le monde, nos semblables, la vox populi… c’est… les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, entendaient tout cela, et ils ricanaisent à son sujet. Il leur dit alors : ‘ Dieu connaît vos cœurs, car ce qui est prestigieux chez les hommes est une chose abominable aux yeux de Dieu ’. La pauvreté ? spirituelle comme matérielle, financière ? mon Dieu subviendra magnifiquement à tous vos besoins selon sa richesse. Paul l’Apôtre « prêtre ouvrier » avant la lettre, travaillait de ses mains (sans doute, faiseur de tentes, entre autres) pour n’être à la charge de personne. Il était du coup souvent hébergé et accueilli, vg. à Philippes, ce site encore aujourd’hui enchanteur et si calme. Etre rassasié et avoir faim, avoir tout ce qu’il me faut et manquer de tout, j’ai appris tout cela de toutes les façons. Portrait par le psalmiste : l’homme de bien a pitié, il partage ; il mène ses affaires avec droiture… Son cœur est confiant, il ne craint pas. A pleines mains, il donne au pauvre… Ainsi soit-il.

matin


Introduction-radio à la huitième journée de manifestations contre la réforme des retraites : commence à s’émousser du fait de l’adoption de la loi, d’autant que l’unité syndicale commence à se fissurer. La C.G.T. veut… d’autres … Une dizaine de porteurs de drapeaux FO roulés et d’une banderole, autour d’une camionnette, devant la préfecture. Il pleut. La manifestation est partie de l’endroit habituel et à l’heure habituelle. Mon fournisseur informatique, à qui je demande s’il manifeste, lui et son personnel ; je le connais bien, sa réponse … qu’il nous f… la paix et que nous puissions travailler. Mon horloger que j’aime beaucoup, une épouse très distinguée, il fait très bien ce que je lui confie, nous nous connaissons depuis quinze ans, magasin hérité de son père, par ailleurs grand sportif. La vitrine est devant la préfecture, la femme du préfet a marchandé un temps démesuré un réveil-matin à dix neuf euros, ce qui a fait la réputation dans Vannes de notre représentant de l’Etat. Réponse… les jours de manifestations, je ne vois plus personne. Si l’on avait eu Ségolène, c’était le chèque en blanc… alors qu’on est si bien en France. Pour chacun, la question des retraites se résume au prix de cession de leur commerce. Avancer que si nous sommes bien, nous méritons d’être mieux gouvernés, n’aboutit pas.


soir

Débat télévisé dont je prends un instant avant « les Simpson »… Jean-Christophe Cambadélis et Benoît Apparut. Ils anticipent tous les deux la réclame que fera Nicolas Sarkozy de son exercice de la présidence du G 20 et du G 8. Cambadélis, mussolinien, et Apparut, gamin des rues qui dégoise sur la démocratisation en Chine du fait de son évolution économique. Est-ce le choix de 2012 pour ce qui est de nos dirigeants ?

nuit


De Gaulle, la fin d’un règne (la chaîne parlementaire, à la télévision, 22 heures). Piano tout le long du film, puis tambour à la fin avec textes blancs sur noir. C’est traité comme du muet et comme des funérailles, c’est traité en rétrospectif, et en figé, en fatal. En résumé. – Je laisse le débat avec l’auteur du documentaire Michel Djian, en compagnie d’Eric Roussel et de Roland Dumas. Seules, les observations et remarques de ce dernier m’intéresseraient, mais je ne veux pas tarder à noter ce que j’ai ressenti pendant cette heure – censée synthétiser un an, pas tant de la vie de la France, celle-ci en a vu et vêcu bien d’autres, et en vivra bien d’autres (on peut prendre la formule du fascxisme italien, et la tourner autrement car l’histoire la vérifie : le peuple a toujours raison), mais de ma propre vie. Je crois n’avoir jamais autant vêcu « politiquement » depuis ces douze mois de Mai 68 à Juin 1969. – Le « documentaire » a choisi la thèse dominante : un homme quitte le pouvoir très volontairement et lucidement en cherchant par une belle sortie à faire oublier qu’il n’était plus à la hauteur quand une crise majeure l’a surpris. Les uns insistent sur la défaillance du génie (en gros Jean Lacouture quoiqu’avec la plus grande considération, et plus insidieusement, Eric Roussel, le journaliste et l’historien), les autres sur la lucidité et l’art du premier rôle : en ce dernier sens, Jean Mauriac est de très loin le plus expressif et le plus cohérent, sans doute parce qu’il n’a pas la distance que le manque d’affection donne à Lacouture et à Roussel, et parce qu’il n’est pas non plus témoin direct, partageant les minutes et les instants du Général autour du 27 Avril comme Flohic et Pierre-Louis Blanc. – Je vois les choses aujourd’hui tout autrement, non parce qu’aujourd’hui me donne plus de recul : j’ai en effet la même opinion aujourd’hui que dès l’été de 1969. il n’y a pas tant eu la trahison pour le referendum et avant le scrutin, dans les campagnes précédentes les soutiens à de Gaulle n’étaient pas meilleurs (d’autant que c’étaient les mêmes) qu’ensuite. Je vois ce départ et ce qu’il se passe à partir du début de Mai comme le combat entre ce qui pouvait orienter notre histoire contemporaine vers la continuité et l’exploitation d’un legs puissant et inespéré dix ans auparavant, et ce qui a triomphé et qui continue, de fil en aiguille plus que par voie de conséquence, tant nous manquons de consistance et donc de force même dans nos erreurs collectives et surtout dans celles de nos dirigeants. Or, précisément aujourd’hui nous payons le départ du Général, nous payons et continuerons encore longtemps encore à payer, jusqu’à un redressement que j’ai toujours cru possible mais que je n’ai pas encore constaté, la prise de pouvoir de tous ceux qui ont survêcu à de Gaulle. Aussi bien Pompidou et son allié si inattendu VGE (puisque c’est Pompidou qui évinça Giscard du gouvernement en Janvier 1966, et non de Gaulle) que ceux qui se succèdent à la télévision en campagne référendaire : MitterrandI, Lecanuet, Poher. Leur opposition ou leur succession à de Gaulle est faible parce qu’elle est haineuse, elle n’a pas d’argument, elle est incantatoire. Aujourd’hui, c’est le pouvoir en place qui est incantatoire et l’opposition qui raisonne, En 1968-1969, ceux qui dévissent de Gaulle ne raisonnent pas : assez attendu ! il a vacillé, allons-y. Je suis donc dans la ligne Malraux : pour que la suite fût gaulliste, il fallait le oui. L’argument de la belle sortie n’est que rétrospectif, même pour de Gaulle. Une sortie aussi belle était possible par une démission à date tenue secrète. La démission ouvrant l’anticipation de l’élection présidentielle, il n’y avait de « passation de service » qu’au président par intérim, précisément le Premier ministre et non plus le président du Sénat, si les textes soumis au referendum étaient devenu loi et Constitution. Pour moi, ce qui est décisif, c’est qu’aucun après de Gaulle n’a vraiment cherché son inspiration dans ce qui avait été fait ou plutôt restauré. La plus grande trahison spirituelle de la Cinquième République par les successeurs a été dans leur conception et leur pratique du referendum. Je soutiens que de Gaulle voulait gagner et qu’il en a été empêché.

Non à la thèse de ceux qui croient servir sa mémoire mais oublient son dessein. La « sortie »-suicide, charger les Français du péché capital, faire de l’homme du 18-Juin quelqu’un de préoccupé de sa propre gloire posthume, de son image historique ne correspond pas aux faits et serait singulièrement diminuant : penser à soi et non au pays et à ce que l’on croit utile, nécessaire de lui faire accomplir. Les textes de toutes ses interventions depuis Mai 1968, en résonnance profonde et testamentaire avec l’ensemble de ses dires depuis 1940, montrent au contraire son engagement. L’aspect « image pour l’Histoire » n’est évoqué que pour soigner le chagrin, la déception, déception non vis-à-vis de soi mais vis-à-vis d’une incompréhension et d’une rupture. Appelé à plusieurs reprises à dire ce qu’il comprend, voit et pense des « événements », il esquive mais en scientifique, en sociologue à qui il manque des données, car la solution politique il la trouve aussi bien le 29 Mai 1968 que le 27 Avril 1969. En regard, les autres sont petits, non seulement hors de l’Histoire (faire carrière sur le cadavre politique du Général !), mais loin des nécessités du pays : François Mitterrand et le péril que courrait la France, Lecanuet se croyant l’opinion générale et surtout VGE ne critiquant le texte que par sa complexité, lui qui aura accouché du projet de Constitution pour l’Europe, si volumineux et complexe… les adversaires du Général non seulement ne l’ont pas regardé mais ne se sont pas regardés eux-mêmes. La thèse de la mise en scène paraît celle des soutiens parce qu’elle insinuerait que le Général ne perd que parce qu’il le veut bien, donc son emprise sur l’Histoire et les événements reste intacte, en réalité elle est celle des détracteurs (Eric Roussel, le propos rapporté du général Lalande: « je triomphe dans tous les cas de figure », aurait dit de Gaulle) parce qu’elle les confirme dans leur présentation d’un homme attaché seulement à lui-même.

Lacunes du film : rien sur l’hésitation à changer de Premier ministre, trop peu sur l’ « affaire Markovic », rien sur la spéculation et la crise financière de l’automne de 1968, or le dénouement de celle-ci rend la main au Général. – Photos… l’excellente de de Gaulle avec Couve de Murville, on sent leur accord. Les photos d’eux deux assis sont fréquentes pendant tout le « règne », tandis qu’avec Debré et Pompidou elles sont debout. De Gaulle en réunion entre Pompidou et Debré, tous assis, semble petit. Pompidou à Rome, presqu’aussi enflé de visage qu’à Reykjavick en Avril-Mai 1973 : je le découvre, ce me paraît décisif. Pompidou est mal en point et donc inquiet sur sa longévité au début de 1969. Je savais le mot du général Lalande, fréquemment dit par Roussel et d’autres mais pas la « confidence » de Pompidou à un conseiller de l’ambassade américaine en Italie, d’ici la fin de l’année, je serai président de la République. En revanche, une justice à rendre à celui-ci : au discours de Malraux condamnant par avance la tentative de continuer à partir du « non » au referendum, Pompidou applaudit et très évidemment, au point que c’est Couve de Murville, presque médusé et le regardant, qui n’applaudit pas

Ce que fait comprendre le film, surtout dans les bout-à-bout des « prestations » du Général et des interventions, même rapportées très brièvement, de ses compétiteurs et futurs successeurs, c’est le décalage d’âge, il est au moins d’une génération. Cela paraît donc un handicap pour de Gaulle dans le moment – qu’accentue un effet de récitation dans la plupart des discours d’alors, soit au pays, soit à Quimper (sauf avec Michel Droit et dans le dernier discours : le regard d’adieu dans le silence soutenu suivant la dernière phrase) – mais qui se retourne ensuite, car ces « jeunes » qu’ont-ils donc fait ? bien moins, y compris si l’on ne s’en tenait comme bilan du gaullisme façon de Gaulle qu’à la dernière année (en bonne partie signée Couve de Murville sans aucune ostentation, cela + la sortie de crise du 30 Mai 1968). Et ces « jeunes » surtout qu’ont-ils compris ?

Je vérifie le programme de télévision dans Le Monde. Serge Moati interrogé dit avoir éprouvé de l’empathie pour de Gaulle en préparant sa fiction, projetée l’autre soir, et cherchant les titres et le parcours de Roussel, je n’ai que son livre (celui sur de Gaulle) en main : une page dég. sur le discours du 16 Septembre.


[1] - Paul aux Philippiens IV 10 à 19 ; psaume CXII ; évangile selon saint Luc XVI 9 à 15

Aucun commentaire: