vendredi 11 février 2011

Inquiétude & Certitudes - vendredi 11 février 2011


Vendredi 11 Février 2011

Prier…[1] Jésus leur recommanda de n’en rien dire à personne ; mais plus il le leur défendait, plus ils le proclamaient. Très vivement frappés, ils disaient : ‘ Tout ce qu’il fait est admirable : il fait entendre les soyrds et parler les muets ’. La clé de la contagion évangélique est là : donnée, Pierre et Jean le disent d’ailleurs au sanhédrin après la Pentecôte : impossible de ne pas… Le détail du texte nous rapportant la guérison du sourd-muet est vif : on le prie de poser la main sur lui. Autrement dit, les intervenants prévoient Jésus ou l’orientent. Que fait le Christ ? Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, prenant de la salive, lui toucha la langue. Un contact précis, deux même. Un dialogue par le toucher puisque le malade n’entend ni ne parle. Dieu parle d’une manière qui nous soit intelligible, tels que nous sommes. Je suis de plus en plus pris par ces scènes d’évangile, si concrètes : on voit et entend ce Christ si mystérieux et si proche. Le sourd-muet, miraculé : ses oreilles s’ouvrirent ; aussitôt sa langue se délia, et il parlait correctement (en passant, adéquation du diagnostic, tout passe et commence par l’oreille). L’homme et son péché : alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus… Ils entendirent le Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du soir. L’homme et la femme allèrent se cacher aux regards du Seigneur Dieu parmi les arbres du jardin. Conscience de soi ? dénuement qui pourrait conduire à une attitude de disponibilité, de communion avec Dieu ? non. Tout devient négatif, peur de Dieu, méconnaissance de soi car la nudité n’est pas par elle-même à voiler. Texte dense certainement et dont le mot à mot appelle explication (certainement faite par l’Eglise mais surtout par les écoles rabbiniques qui y excellent). Je retiens que nos sens restaurés ou éveillés sont ambivalents, y compris le goût : la femme s’aperçut que le fruit de l’arbre était savoureux, qu’il avait un aspect agréable, et qu’il était désirable. La parabole de toute tentation, son objet… et le fond du péché : le discernement de l’homme plutôt que celui de Dieu. Le fruit était désirable puisqu’il donnait l’intelligence : il est vrai qu’homme et femme en paraissent dépourvus puisqu’ils commettent ce qui va les ruiner, et quelle intelligence acquièrent-ils ? la peur et une pudeur ambigûe. Au contraire, le sourd-muet, travaillé par Dieu, parlait correctement. … Et toi, tu as enlevé l’offense de ma faute.

matin

Je résume mes impressions sur hier soir. L’impétrant étant presque toujours content de soi, les neuf participants dans l’ensemble consentants, sauf l’agriculteur, l’exercice ne retenait pas au premier degré. Mais il a fourmillé d’indices et de confirmations d’indices sur le psychisme de l’homme qui nous dirige : la conviction absolue d’être dans son droit quand il parle de tout à tort et à travers, la conception qu’il a de sa fonction, le désordre intellectuel de son fonctionnement mental. On ne peut décider s’il méprise le suffrage universel et ses concitoyens et si, ainsi, son véritable exercice du pouvoir est d’accaparer personnellement ou par réseau le maximum de choses, de prérogatives, de procédures et sans doute de créances, ou s’il a réellement une passion de rectifier et redresser dans le détail et le touche-à-tout ce que son bon sens à lui et une expérience d’élu local puis de jeune ministre, mais pas vraiment le travail, la condition d’autrui, lui inspirent. La facture est toujours aussi médiocre de parler et de raisonnement : c’est de l’économie politique pour classe de huitième, c’est une pédagogie enfantine de donner raison systématiquement à l’interlocuteur pour rebondir tout autrement que dans la question, le sujet posés. La contradiction se sent quand même entre cet effort poour donner à croire que la France, et pas seulement les Français, est familière au président de la République et cette référence – insistante depuis le printemps dernier – celle de l’Allemagne. Ni l’un ni l’autre des deux pays ne sont cependant vraiment décrits et proposés de l’intérieur, dans leur être. Les propos présidentiels d’ailleurs n’ont de perspective quand ils en ont, que de calendriers de mesures à mettre en œuvre. D’une projection de la France, de l’Europe et du monde, il n’est jamais question, c’est-à-dire que « l’action » ne s’inscrit que dans un cadre administratif, législatif alors même que le système se veut le plus « libéral » possible, le plus « économiste » possible. Le culturel est absent aussi bien dans le recrutement des intervenants que dans le propos présidentiel.

Mais à travers cette puérilité passe une série importante d’annonces, données sur le mode le plus anodin et comme des idées à débattre. De nouvelles ressources fiscales se cherchent, le démenti sur la taxation des plus-values à la vente de la résidence principale est évidemment une pêche aux voix. La menace – plus grave encore qu’à propos des retraites – porte sur le financement des régimes sociaux, sous prétexte d’en créer un cinquième. Quant aux projets répressifs, ils sont de plus en plus pressants. Les jeunes sont de plus en plus visés

Je courielle à l’Elysée :
----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Christian Frémont, directeur du cabinet du président de la République
Sent: Friday, February 11, 2011 9:53 AM
Subject:
paroles de Français
Cher ami, cher Préfet,
comme beaucoup sans doute, j'ai écouté et regardé hier soir.
Arme à double tranchant que de donner tant d'éléments et tant de temps, à tout un chacun, pour apprécier la psychologie et la personnalité du Président de la République "en spontanéité" - psychologie, mais aussi fatigue (notamment l'oeil gauche).
Sur le fond,
1° une formation d'imams selon les valeurs françaises (j'intitule mal cela, pardonnez-le moi)... dialogue entre le Président et le jeune étudiant en histoire et en anglais. Dommage que le Président n'ait pas eu à l'esprit un accord passé l'an dernier - dont je n'ai pas la date en mémoire ni les textes l'annonçant - entre le recteur de la Grande Mosquée de Paris et l'Institut catholique de Paris, pour précisément cette formation et ce complément de formation, l'Eglise ne faisant évidemment que prêter des locaux, mais aussi se prêtant je pense à une orientation de connaissance mutuelle et de convergences
Cette mention - conduisant à des remarques consensuelles - aurait évité des remarques qui l'ont été moins sur l'Islam et les musulmans (qui, chez nous, sont bien communautaristes que les Français juifs) : ces remarques risquent de prolonger la détention de nos compatriotes retenus en otages en Afghanistan, au Sahel et au Yemen, et de provoquer d'autres prises d'otage.
2° il est avéré que notre réseau diplomatique - pour quantité de raisons, dont deux principales, la révérence obligé des chefs de mission envers la "ligne" du Département et du Président, l'inhabitude à aller physiquement au peuple et pas seulement aux autorités auprès desquels ils sont accrédités - n'est pas informé sur la réalité du pouvoir dans beaucoup d'Etats, notamment ceux dont on parle parce qu'ils sont en ébullition, et il est avéré aussi que la France, pas plus - hélas ! - qu'aucun autre Etat membre de l'Union européenne n'a la moindre influence sur le cours des événements et les réflexions des responsables dans ces pays... j'ai donc trouvé périlleux que le Président accepte de commenter, en déconnexion de toute information factuelle, ce qu'il se passait en Egypte ... après deux heures de prestation pendant laquelle il ne semble pas que lui aient été communiqués des télégrammes ou des dépêches d'agence.
Interrogé en Septembre 1968 sur les "événements de Mai", de Gaulle avait aussitôt répondu : je me garderai bien de...
Sentiments chaleureux et cordiaux.
P S En Mauritanie, à propos de laquelle je rédige une synthèse en ce moment, la sensation que nous avons été pour beaucoup dans le maintien en place du putschiste de 2008 se double depuis la fin de l'année d'un vif refus d'être notre base et notre piétaille contre l'AQMI ou le terrorisme. Nous avons là-bas, si c'est vraiment une de nos lignes de front, à beaucoup redresser et réorienter. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, contrairement à ce qu'a dit Henri de Raincourt dimanche dernier, ne répond pas de la situation.

soir

Egypte… finalement, Moubarak s’écarte ou est écarté complètement. La demi-mesure d’une délégation de l’exercice de ses fonctions à Omar Suleiman, vice-président nommé dix jours auparavant sans doute pour cette éventualité, avait évidemment déçu les manifestants. La démission aurait été annoncé par Suleiman vers cinq heures et le déchu serait à Charm-el-Cheikh. Elégamment, la Suisse gèle les avoirs de celui qu’on présente maintenant comme un dictateur. Toutes les réactions montrent du soulagement pour ce dénouement, Israël ne considère que Suleïman qu’il pratique depuis longtemps. Le pouvoir serait désormais exercé par un conseil supérieur ou suprême des forces armées. – Juste avant cette annonce sur France-Infos.un commentaire qui me paraît excellent : l’armée n’a pas pris le pouvoir, il lui a été transféré… maturité du peuple égyptien, grande nation de quatre-vingt-cinq millions de personnes, les ministères n’ont jamais cessé de fonctionner, élection prochaine et démocratique, exemplarité et rayonnement pour l’ensemble du monde arabe, lien entre l’armée et le peuple. Il s’agit de Nacer Kamel, l’ambassadeur à Paris. Bien entendu, un excellent français, il ne se prononce pas sur Omar Suleïiman. Je vais lui écrire.

Des paris sur la suite ? le gros morceau pour nous serait que l’Algérie bascule vers autre chose que ce qu’elle est aujourd’hui, apparemment muette ou muselée. Il semble bien que l’information ne circule pas vers nous. Quel mal-être surtout pour les Algériens de France, entre une patrie qui tourne mal, qui reste une dictature, qui ne joue pas ses exceptionnels atouts économiques, et le pays d’accueil, nous, si empêtrés de tout et de nous-mêmes et finalement accueillant personne par personne mais pas officiellement.

France… tout continue à l’identique. Sarkozy et sa bougeotte, aujourd’hui à La Clusaz pour assurer qu’il se battra etc… pour les JO d’hiver à Annecy en 2012. Chirac ne sera pas là à l’ouverture de son procès, malgré les démentis et rumeurs de ces derniers jours, sa fille vient d’épouser le dernier des secrétaires généraux de son père à l’Elysée : tous deux quarante-sept ans. Cvarla enregistre un « album ». – Retombées de l’entretien d’hier : 66% des auditeurrs – ou des Français en général, en tout cas ceux qui répondent au questionnaire de l’AFP – disent n’avoir pas été convaincu. C’est exactement la cote de défiance de ce mois-ci. Les magistrats reconduisent leur mouvement : Sarkozy ne s’est pas nuancé ou renié, les magistrats ne renoncent donc pasrsde trente ans. Pas de réactions des autorités musulmanes en France mais du CRAN : le conseil représentatif des Noirs qui demande au président de s’expliquer sur son diagnostic, l’échec du multiculturalisme.

Couriellé aux députés :
----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Undisclosed-Recipient:;
Sent: Friday, February 11, 2011 5:35 PM
Subject:
quelque chose ne fonctionne plus du tout
Réflexion à la suite du spectacle d'hier.
Remarqué pendant, avec ma femme, que presque tous les interlocuteurs du Président étaient en situation de famille ou de couple complexe. Clé de presque tout chez nous, y compris à l'Elysée ? ou simple marqueur ?
Interrogation angoissée : la fabrique d'élites au sens moral et intellectuel, mais capables de percer et de répondre de la société pour son avenir, n'est-elle pas cassée en France, pour diverses causes ? Sarkozy étant plus la conséquence que la cause ?
2012 - la réélection par défaut ? ou bien l'élection d'un autre pour la même distance vis-à-vis des faits, des personnes et du pays millénaire autant qu'attendu pour le présent et le futur ?
Stéphane Hessel, autre marqueur : notre détresse en manque d'autorité morale et de repères.
Madame - Monsieur le député - quelle est votre angoisse ?

[1] - Genèse III 1 à 8 ; psaume XXXII ; évangile selon saint Marc VII 31 à 37

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