mercredi 15 juin 2011

Inquiétude & Certitudes - mercredi 15 juin 2011

Mercredi 15 Juin 2011

En couple comme en toute société… miséreux et misérables, nous entr’aimer, nous entr’aider, nous regarder avec estime les uns les autres, l’un l’autre dans le dialogue des corps ou des intelligences, et puis nous agenouiller ensemble devant Dieu, notre recours, bondir vers cette unique et lumineuse espérance. Prier… les anniversaires à souhaiter et nos fêtes liturgiques, celles des autres religions, en Dieu, en foi, en morale… Dieu aime celui qui donne joyeusement, et Dieu est assez puissant pour vous donner toute grâce en surabondance, afin que vous ayez en toute chose et toujours tout ce qu’il vous faut, et que vous ayez encore du superflu pour faire toute sorte de bien. Leçon de foi, d’espérance, de charité et plus encore d’économie politique… Il vous enrichira en tout pour que vous soyez généreux. Préceptes de Paul, prêtre-ouvrier avant la lettre (son rappel fréquent de n’avoir été à la charge de personne, sans doute métier de tisseur de tentes), mais rappel du Christ : quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte et prie ton Père qui est présent dans le secret.. quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu comme ceux qui se donnent en spectacle… évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Les sorties de Jésus avant l’aube pour prier, ces retraits en un endroit désert, un homme public si secret. Ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret. [1]

matin

C’est inexorable. D’un côté, la mécanique à laquelle consentent les dirigeants politiques parce qu’ils s’estiment – en corporation – impuissants et subordonnés face à la finance qui s’est autoorganisée à mesure que la politique, c’est-à-dire le domaine unique où jusqu’à présent peut s’exercer l’élection par tous, la démocratie, a reculé par la faute de ceux qui en faisaient métier et carrière. Pour accéder à la politique, les politiciens de ces générations-ci ont accepté de démissionner sur le fond pour régner sur la forme, et encore puisque maintenant c’est à qui se fera traiter par le domaine économique et financier. Cette mécanique décote les dettes souveraines, par voie de conséquence les banques prêteuses, tout simplement parce que la révolte populaire peut empêcher la rentabilité des pays au sens de ceux qui spéculent sur eux. Plus un gouvernement paraît susceptible de reculer devant la foule secouant les grilles du château, plus ses emprunts seront onéreux. Je redis – sans détaille parce que je ne prétends pas en avoir la compétence technique, mais c’est le rôle du politique que de donner instructions aux experts, à eux de trouver les moyens pour atteindre les fins – je redis donc que les dettes publiques doivent se traiter entre Etats, se financer par recours aux emprunts directs auprès des citoyens : on y gagnera même en frais bancaires de placements des papiers d’Etat ou de grandes entreprises, cela peut se placer dans les bureaux de poste et dans les bureaux de tabac comme on achète les timbres-poste et les timbres fiscaux ou amendes. Les agences de notation – qui ont relayé les marchés pour en imposer aux politiques – pourront publier ce qu’elles voudront. Les banques seront nationalisées tant qu’il y aura à assainir l’ensemble des endettements publics et des grandes entreprises.

Les peuples – quels qu’ils soient, cf. les révoltes dont la nouvelle et les étendues malgré les précautions de la dictature communiste chinoise, percent en dehors de l’immense et immoral empire – veulent reprendre le pouvoir, le contrôler. C’est d’ailleurs du simple droit naturel que le contrbuable ait accès aux comptes et en contrôlent l’usage. Où est passé l’argent, puisque ces endettements – au moins en France – étaient négligeables il n’y a pas vingt ans comparé à aujourd’hui ? La réforme des circuits de spéculation monétaires et commerciaux supposent des Etats décidés à s’imposer pas seulement pour que les titulaires à titre précaire et électif du pouvoir dans chacun d’eux, le conservent à peine de révolutions violentes, mais parce que c’est – au bout du compte – la manière la plus adéquate de gérer. Le consentement populaire éclairé, au lieu de la dissimulation et de la contrainte, avec sa variante de démagogie et de « people ».

Application à la France. Il est atterrant que les « politiques » les plus populaires soient Jacques Chirac qui a inauguré en grand et en spectaculaire le système de l’impunité juridictionnelle des politiques, qui a mis sur le trône, moyennant le « couac » de Clearstream, le président le moins structuré mentalement, le moins charismatique, le plus pathologique de tous nos souverains électifs ou héréditaires, mettant l’Etat à la casse et s’appropriant tous les rôles constitutionnels… et un Nicolas Hulot, sans doute bon vulgarisateur de l’écologie – discipline hasardeuse puisqu’on nous a bassiné sur le réchauffement climatique deouis vingt ans et que maintenant nous entrerions dans une période très froide sinon glaciaire car le soleil entreraient en hibernation… comme à la fin du règne du Roi-Soleil – mais évidemment hors de toute carrure pour exercer les prérogatives présidentielles chez nous.

Remèdes ? aucun, si l’ambiance – selon des règles mystérieuses (« Indignez-vous ! ») – ne change pas. A l’évidence, il faut un autre exercice de la politique par ceux qui en « font » et se cooptent sans le suffrage universel, lequel a sa responsabilité puisqu’il continue de privilégier les partis comme caution des candidats : qui voterait pour un sans-étiquette, isolé ? il est vrai que ne pas être capable de s’insérer dans un groupe par soi-même n’est pas un indice favorable pour une représentativité à venir.

Quelques conditions pratiques cependant : le scrutin de liste met en place des gens d’appareil, Benoît Hamon au Parti socialiste l’illustre, pas capable de se faire élire député dans une circonscription même avec son étiquette, il est casé comme député européen et tellement médiatisé qu’il constitue l’un des « courants » de son parti et en est le porte-parole… l’épouse Balkany, balayée aux cantonales, complice et bénéficiaires de tous les sans-gênes du maire de Levallois, va être sénateur à l’automne prochain.

A l’Assemblée nationale, le vote de conscience. D’autant que de plus en plus le législateur et le politique traitent de problèmes sans doute de société, mais relevant davantage du droit naturel que du législateur démagogue ou de circonstances. Il est dangereux que les relations de force ou les familles politiques dans le pays aient leur représentation parlementaire figée pour toute la durée du mandat présidentiel : le pays n’est plus représenté autrement que selon des sondages, forcément critiquables, d’autant plus dangereux que sauf débandade quand le président ne paraît plus la locomotive de la réélection de ses députés (hypothèse qui commence de se vérifier ces semaines-ci), les élus votent sur ordre, que les lois sont anticipées avant même d’être projetées…

Bien sûr, les élus doivent avoir un comportement « irréprochable ». A proportion de la tolérance des Français pour un régime confondant à peu près tous les sujets, l’essentiel et l’accessoire, et faisant subir à tous, collaborateurs, sujets, contribuables le fait du prince, l’immoralité, l’indélicatesse et la corruption se révèlent presque partout. Evidemment, le lamentable reste très exceptionnel, mais l’immaturité et la pauvreté spirituelle, le défaut de réflexion et d’imagination dès que la question cesse d’être ponctuelle et sujette seulement à réaction, semblent caractériser le personnel politique, tandis que les directions d’entreprises, de grandes banques et des groupes qu’on ne sait pas ou plus qualifier, d’autant que les raisons sociales sont – à dessein ? – très fluctuantes, se montrent de plus en plus soucieuses des rémunérations, notoriétés et libidos diverses de leurs chefs et de moins en moins des salariés, et même des actionnaires. On aboutit à des prétentions dogmatiques de compétence et à des erreurs, des aboulies, des concussions dans l’ élaboration et l’exécution des stratégies.

Certainement la possibilité réelle de mettre en cause des politiques et des élus. Le retour devant les électeurs des parlementaires un temps ministre : c’était l’une des réformes les plus décisives pratiquement du général de Gaulle en 1958, c’est un cadeau aux professionnels qu’a fait Sarkozy prévoyant que sa révision constitutionnelle de 2008 passerait d’extrême justesse. Ces temps-ci, des ministres en passe de correctionnelle ont démissionné dans la honte mais se sont rassis comme s’ils étaient élus en connaissancede ce qui avait été révélé d’eux. Aucun scrutin dans aucune instance publique à commencer par les chambres du Parlement, mais aussi en cas de référendum ou d’élections générales ne peut valoir s’il n’y a un minimum de participation. Une assemblée bien trop nombreuse comme la nôtre : 577 députés, vote à trente ou quarante présents des textes importants en pleine nuit. Le droit des sociétés impose un quorum à l’organe délibérant. Il doit en être de même en droit constitutionnel. Et cette participation doit tenir compte du vote blanc – à distinguer du vote nul – car il est volontaire et pour être efficace doit se combiner avec le quorum. Une réforme décisive comme le quinquennat n’a été adoptée que par 20% des électeurs inscrits.

La crise actuelle – mondiale – est un déni de compétence, de compassion et de valeur des élites et des dirigeants. Il en faut certainement le changement. Mais il faut aussi que la succession ne se fasse pas à l’identique. Je crois solidaires le manque d’imagination des grandes alternatives politiques, économiques, financières, diplomatiques et le régime de cooptation et d’intéressement individuel des dirigeants.

Depuis le début des « révoltes arabes » ou de la « révolution de jasmin » qui en fut la première, je compte écrire une note assez étendue, comme j’en rédigeai en 2001 et en 2003 (le 11-Septembre et l’agression en Irak). Il semble qu’un cycle qui pouvait au départ se considérer comme un certain pluralisme de théâtre et de sujets du pourtour méditerranéen à la catastrophe nucléaire au Japon, avec une interrogation : pourquoi la revendication d’une démocratie réelle et non formelle ne gagnerait-elle pas l’Europe ? trouve maintenant à peu près sa formulation. Je compte le relier à l’absence – totale – de médication internationale et, dans le cas français, nationale appliquée à la crise financière révélée par la faillite de Lehman brothers, et l’inscrire dans le défi du début de ce siècle : la liberté de circulation et d’établissement des personnes (elle n’existe pas, elle est férocement combattue, elle est désignée comme la cause de la décadence économique et de la baisse du niveau de vie, notaamment en Europe occidentale, la peur qui en est éprouvée nourrit un racisme aussi général que le fut l’antisémitisme des années 30) et en revanche le crible des échanges de marchandises et des sorties de capitaux aux frontières. L’Europe victime – avec ses proches partenaires et anciens sujets africains et maghrébins – de la mondialisation mais dont l’émergence pourrait rééquilibrer le monde pas seulement stratégiquement mais moralement. Ce qui est l’intérêt des Américains autant que celui des Européens. Emergence supposant – tout se tient – une révolution institutionnelle (un pouvoir présidentiel européen, une démocratie européenne directe).

Je compte aussi faire le point de notre pays maintenant que la campagne présidentielle est engagée. Je l’ai fait périodiquement à partir de Novembre 2006 pour la précédente jusqu’en Novembre 2007, quand il s’est avéré que le mouvement social allait être inopérant pendant tout le mandat de Nicolas Sarkozy ce que la question des retraites pendant le second semestre de 2010 a confirmée. Je pensais tenter un essai sur la relation entre le mouvement social (le peuple de Michelet et de Lénine plus que de Karl Marx, le peuple acteur et conscient) et le pouvoir politique : ils n’ont fait bon ménage qu’à la Libération et probablement sous de Gaulle. La peur du referendum a caractérisé ses successeurs, sauf François Mitterrand, mais ce dernier a été pour l’essentiel (l’élargissement aux libertés publiques du champ d’application du referendum) empêché par ceux-mêmes qui auraient dû le soutenir : les soi-disant gaullistes. Pour n’avoir pas, jusqu’à présent, su accompagner le mouvement social (grève générale plus encore que manifestations de rues et d’avenues), les socialistes, en dépit de leur nom, ont gâché leur quinquennat obtenu par surprise quand l’Assemblée de 1993 fut dissoute un an avant sa date.

Le traiter peut sans doute se faire en même temps qu’une étude de la psychologie régnante en France du fait du président de la République, celui-ci reflet du temps ou acteur principal de ce qui fait une époque ? donc un portrait circonstancié de chacun des six présidents de la Cinquième République. Je vais m’y essayer dans les prochaines semaines. Quinze ans en 1958, je suis contemporain de chacun des règnes, ce qui n’est déjà plus le cas de la majorité des Français. L’absence de culture historique, la caricaturisation des personnes, l’oubli des situations, la perte du sens des proportions et des degrés de gravité des questions à résoudre déforment le jugement et, plus encore, le comportement des générations plus jeunes. Nicolas Sarkozy, né en 1953, le démontre involontairement. Il est né à la politique selon le système du défi au prince régnant et de la maîtrise d’une machine électorale par tous les moyens de thèmes et d’argent : Jacques Chirac en 1974-1977… de tout ce qui précèda et notamment de la dialectique des années 30 à 60 dont est sortie la légitimité française contempraine, il n’a pas la moindre idée vécue. Et – pis – n’e ressent pas même la lacune.

Ambition de ce genre d’écrit : contribuer à l’esprit public. Michelet enfanta sans doute tout le système mental qui fit le redressement moral, et donc politique et économique, de la France après 1870. Taine, Guizot, Thiers l’entouraient ou le précédaient de peu. L’Ecole libre des Sciences politiques, ces minoritaires qu’étaient les protestants à l’instar des républicains, fut une école de cadres civiques autant que les instituteurs remuèrent la base.

Je suis convaincu que mémoire et imagination sont une même et décisive faculté de l’esprit humain, l’aliment d’une volonté. Je suis convaincu que ces deux mouvements mentaux sont la dynamique-même de la liberté intellectuelle. Elles sont latentes dans les jeunes générations que j’ai rencontrées ou rencontre, en diverses occasions. Elles existent chez beaucoup d’adultes et de dirigeants, elles irriguent le journalisme français bien moins défaillant ou critiquable qu’il est dit à l’étranger ou chez nous par le pouvoir qu’il met sur la sellette et en contradiction avec ses propres masques.

Je ne tiens pas pour certain que la prochaine élection présidentielle soit le triomphe de l’abstention ou mette au concours les candidats à qui d’entre eux sera le plus hostile à l’Europe et à l’immigration. Je crois à notre maturité dès maintenant, à notre renouveau possible, la reconstitution du patrimoine français difficile mais pas impossible (après trente ans de dilapidation, d’absence de vigilance et de solidarité, d’erreurs stratégiques), l’émergence européenne bénéfique mais totalement à inventer en objectifs et en moyens. Il y a des signes aussi que la campagne présidentielle des opposants au cours actuel soit positive et fondatrice. Même si le décalage entre deux séries de sondages rend perplexe : le président sortant, depuis les premiers mois de 2008, n’a plus jamais eu une cote de confiance égale ou supérieure à 50%, elle est au mieux entre 35 et 40% et selon les instituts elle est tombée aux alentours de 25% d’une manière tellement irréversible que Nicolas Sarkozy ne serait pas présent au second tour. En regard, seulement 54% des Français souhaitent la victoire de la gauche et cette proportion aurait baissé de deux points de Mai à Juin.

Du lamentable et du honteux au renouveau et au solidaire.


[1] - 2ème lettre de Paul aux Corinthiens IX 6 à 11 ; psaume CXII ; évangile selon saint Matthieu VI 1 à 18 passim

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