mardi 3 juillet 2012

comment je lis la déclaration de politique générale de Jean-Marc Ayrault devant l'Assemblée nationale - 3 Juillet 2012


Je n’ai pas regardé le discours à la télévision sinon à l’épaule d’un co-passager d’autobus parisien le suivant sur un portable. Le front trop baissé pour la lecture, l’image prise en plongée n’avantageait pas l’orateur qui semble n’avoir produit aucun effet de scène, ni non plus provoqué de véritable altercation – ainsi Pierre Bérégovoy sur le financement des partis, ce qui, pour certains investigateurs, le condamna à la mort violente. Donc un texte, dont la préparation a été dite dans des médias informés ad hoc : une contribution de quatre pages par ministère, soi donc quelque chose de cent vingt pages, une réécriture dimanche dernier et une relecture à plusieurs. L’ensemble manque d’élan et d’une idée d’ensemble.

Sans surprise, la relation thématique au président de la République mais d’une façon particulière, pas une dépendance quotidienne et au fil du mandat, mais l’exécution du programme parce qu’il a été très pensé et parce qu’il a été approuvé par les Français en majorité, ce fut l’élection présidentielle. Sans surprise non plus, et pas sur un ton de charge, la description de l’ancien comportement, de l’ancien système à quoi ont répondu des répliques lapidaires plus sur des points du bilan de Sarkozy : l’état des comptes publics, la paternité de la taxe sur les transactions financières, plutôt que sur le comportement du précédent président, et les habituelles grossièretés de la droite parlementaire : quitter l’hémicycle dès que l’orateur n’est plus celui du bon bord.

Quelques accents. La dominante : endettement, puisqu’elle ouvre le discours. La phraséologie des partis socialistes sur la République, l’humanisme et des contre-sens ou de l’inculture sur l’Ancien régime et la monarchie, des banalités sur la justice, sur l’école : L’école est au cœur de la promesse républicaine. C’est l’école qui fait naître parmi les jeunes générations un profond sentiment d’attachement à nos valeurs fondamentales, à la laïcité, au civisme, au respect des autres. C’est l’école qui permet la promotion sociale, la construction et l’affirmation d’une citoyenneté libre, fondée sur les droits et les devoirs. Avec de curieux ralliements aux accents de Sarkozy dans sa dernière semaine de campagne ou pour ses adieux à la Mutualité : le patriotisme, j’aime la France… Le plus saillant comme le changement des politiques de rétention des sans-papiers qui ne toucheront plus les familles ni les enfants, comme le service civique est murmuré, pas détaillé.

Du flou et des lacunes sur l’Europe et l’Alliance atlantique. Manifestement, une réflexion en gestation mais pas vraiment encore des projets. Pas de mûe des institutions de l’Union et pas de retour à notre position hors de l’OTAN. Immobilisme intergouvernemental et fait accompli : il n’y a pas de contrepied. C’est d’ailleurs dit plus encore pour la politique économique : il n’y aura pas de tournant, ni en macro-économie ni en économie réelle. Des mesures seront prises pour lutter contre les plans sociaux abusifs et rechercher des solutions alternatives pérennes… La lutte contre le chômage bénéficiera du retour à une politique économique volontariste… Un plan de lutte contre la pauvreté sera engagé sans retard... Un plan de reconquête industrielle sera prochainement présenté par le Gouvernement, avec pour ambition de repositionner la France au meilleur niveau mondial. Force est de reconnaître que c’est vague. La distinction n’est pas donnée entre des annonces de mesures ponctuelles, de la fiscalité en majeur partie, et des convictions dont se déduisent comportements, actions et décisions pour le long terme dépassant même le quinquennat : Je crois profondément dans l’alliance de l’État et des collectivités locales – j’insiste sur ce point – pour mettre en mouvement l’ensemble des acteurs de la société. Je crois à un État stratège, garant de la cohérence des politiques publiques et de la solidarité entre les citoyens et les territoires.

L’essentiel est dans les annonces de grandes concertations.
1° une grande conférence sociale, qui s’ouvrira dans quelques jours. Les travaux porteront sur sept sujets majeurs : l’emploi et particulièrement l’emploi des jeunes ; la formation, le développement des compétences et la sécurisation des parcours professionnels ; les rémunérations, et notamment les bas salaires ; l’égalité professionnelle entre femmes et hommes et la qualité de vie au travail ; le redressement productif national ; l’avenir de nos retraites et de notre protection sociale ; le rôle enfin de nos services publics et de leurs agents.
2° consultation sur la refondation de l’école, le 5 juillet (elle est en cours et Vincent Peillon a peut-être des maladresses et des hâtes mais on sent quelqu’un de très sérieux et qui connaît ses sujets).
3° des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche prépareront une loi de programmation, qui sera présentée au Parlement au début de l’année 2013
4° la conférence environnementale s’ouvrira dès la rentrée pour préparer le grand chantier de la transition énergétique et de la biodiversité
5° la démocratie locale sera renforcée, au travers d’un nouvel acte de la décentralisation, qui fera l’objet d’une large consultation.
6° au terme d’une large concertation, nous redéfinirons dans l’intérêt des enfants les rythmes scolaires.
7° à l’automne, avec les associations, les collectivités locales, les organismes de protection sociale qui sont au cœur de la lutte contre la pauvreté, une grande conférence pour trouver ensemble les solutions que les Français attendent

Et aussi dans celle de grands projets de loi : la refonte du code minier, l’audiovisuel, la moralisation de la vie publique.

J’en conclus que le changement – s’il y en a un dans le fond des politiques menées, et dans les comportements des dirigeants – sera plus en acte qu’en parole. Le quinquennat qui s’ouvre, sauf sans doute dans l’émotion ou l’inspiration de grands moments et événements, ne sera pas celui de l’art oratoire. Un peu moins que d’autres, le nouveau Premier ministre prétend à la méthode et à la pédagogie. Forme dans laquelle les différents ministres et ministères ne sont pas nommément visés. Résultat de l’entente et du bon positionnement du Premier ministre par rapport au président de la République et aux membres du gouvernement. La force, si elle existe, et j’ai tendance à le croire en considérant certaines individualités comme celles de la garde des Sceaux, du ministre du Travail, du ministre du Budget ou de la ministre de la Fonction publique, ne sera pas en discours. Reste à savoir si « l’action » sera une accumulation de textes accaparant temps et énergie du gouvernement et du Parlement, ou réellement cette concertation avec les députés, les sénateurs et avec tous les Français. Là peut-être la rupture pas seulement avec la manière sarkozyste, mais avec des décennies de séparation de fait entre les administrés, les assujettis et la sphère gouvernementale. 

Il a manqué à ce discours une caractérisation des circonstances nationales et internationales en ce qu’elles pèsent sur les esprits encore plus que sur notre liberté d’imaginer et de décider. Ce gouvernement, du moins le Premier ministre, ne revendique pas le changement. Ce sera aux Français, à l’électeur de le discerner. Cette invite n’est pas formellement faite, je la ressens. Il y a beaucoup d’implicite chez Hollande et chez Ayrault. Il y a peu d’a priori.  

Au total, j’ai retenu les propos suivants, des formules quand même :

tous ces Premiers ministres qui l’ont franchie avant moi, à d’autres périodes, confrontés à d’autres défis. Et je viens devant vous, mesdames et messieurs les députés, chargé d’une mission particulière, celle que m’a confiée le Président de la République, qui a fixé notre cap : conduire le redressement de notre pays dans la justice.
la cohérence en donnant à la gauche une large majorité parlementaire.

Députés de la majorité comme de l’opposition, vous détenez une part égale de la souveraineté nationale.

Que cette situation soit le produit d’erreurs passées signifie aussi que nos difficultés, parce que nous en sommes conscients, peuvent être surmontées.

ces solutions, qui sont les engagements pris par le Président de la République

Dans l’épreuve, trop souvent, la préférence a été donnée à l’habileté, à la mystification, voire à la dérobade.
cette finalité s’apparente aujourd’hui à un combat !

ce n’est pas la concentration, dans les mains de quelques-uns, de notre destin commun. Le génie de la France, c’est d’avoir su justement passer d’un système monarchique ou autoritaire à l’association de tous à la décision.

Le génie de la France, c’est la République ! Et, comme vous, j’aime la France.
Oui, comme vous, j’aime la France, j’aime sa langue, ses paysages, sa culture, son histoire. J’aime les valeurs qui l’ont façonnée ; j’aime son goût pour le débat. J’aime l’idée que la nation française soit fondée sur le désir de lui appartenir plus que sur la naissance.

Au-dessus de l’argent que l’on gagne, il y a ce sentiment plus grand, plus fort, celui que procurent l’estime et la reconnaissance de ses concitoyens.

Le patriotisme, c’est servir son pays, c’est remplir ses devoirs, après avoir reçu tant de droits ; c’est rendre tout simplement à la République ce qu’elle vous a donné. Le patriotisme, ce n’est pas fuir la France pour les paradis fiscaux en laissant le poids de l’histoire à ceux qui restent !

Le patriotisme doit être l’affaire de toutes et de tous, à chaque niveau de la société. La mobilisation doit être générale. Elle ne concerne pas que le sommet de l’édifice : chacun doit y prendre sa part.
Il est fini le temps des sommets spectacles, le temps où la concertation n’était conçue que pour donner l’apparence du dialogue social à la décision d’un seul !

nous ouvrons la porte à une évolution profonde, un bouleversement inédit…

La tentation de tout pouvoir est d’aller vite, d’imposer sa marque dès les premières heures, de tout réaliser en cent jours, comme si plus rien ne devait être possible ensuite. Eh bien, le Président de la République comme moi-même, nous voulons installer le changement dans la durée. Je crois profondément que les Françaises et les Français veulent être traités en adultes. Je crois à la possibilité de fédérer le pays autour d’objectifs et d’un projet commun.

Les Français ne nous ont pas donné un mandat pour gouverner cent jours mais cinq ans !

Je n’ai pas l’obsession de la comparaison avec le gouvernement précédent, mais je demande à chacun de mesurer la différence, qui n’est pas simplement de style, mais de méthode.

La première erreur, c’est de vouloir imposer d’en haut et dans la précipitation.

Être juste, c’est ne pas stigmatiser les chômeurs en leur faisant porter la responsabilité de leur infortune. Être juste, c’est ne pas considérer chaque bénéficiaire du RSA comme un fraudeur potentiel ou un fainéant.

La justice sera tout à la fois notre moyen et notre but.

La justice est également territoriale et doit s’exprimer dans les territoires fragiles, particulièrement dans les quartiers défavorisés, qui sont le lieu de la ségrégation sociale et de la désespérance.

La France sait qu’elle peut s’appuyer sur une fonction publique de qualité, trop souvent humiliée. Je veux assurer tous les fonctionnaires de l’État, de la fonction publique hospitalière et des collectivités territoriales de mon total soutien et je leur adresse un message de respect et de confiance.

Cet audit, que m’a remis hier le Premier président de la Cour des comptes, confirme les analyses faites pendant la campagne présidentielle et valide les mesures et orientations que le Gouvernement s’apprête à présenter au Parlement.

le Gouvernement n’aura pas besoin d’opérer un tournant. Il n’y aura pas de tournant…

Nous savions que le budget 2012 comportait des dépenses sous-évaluées et des estimations de recettes trop optimistes.

La situation est sérieuse, je ne vous le cache pas, mais elle ne constitue pas une surprise pour ceux qui, comme nous, étaient parfaitement lucides.

Le chemin de redressement budgétaire que nous avions indiqué est celui que nous emprunterons. Je revendique le sérieux et la responsabilité budgétaire.

La politique de redressement productif, vous le savez comme moi, ne peut être conduite par la France seule. Notre continent est la première puissance économique mondiale. Mais les divisions, les égoïsmes, les concurrences ouvrent autant de brèches à nos concurrents sur le plan commercial, économique, diplomatique.

L’Europe est une puissance fragmentée. C’est cette solidarité imparfaite qui soumet chacun de nos pays à la cupidité des spéculateurs. Jusqu’ici, l’Europe est intervenue, mais trop peu, et trop tard, donnant le sentiment de n’éteindre que les flammes de la crise, sans étouffer les braises.

C’est parce que l’Europe donne le sentiment de ne pas protéger les peuples avec suffisamment de force que le doute a pénétré jusqu’aux esprits les plus convaincus, et je le comprends.

Le choix initial des dirigeants européens de généraliser l’austérité sans ouvrir de perspective de croissance a renforcé le doute.

L’heure est venue de réorienter le projet européen. Il n’y a pas une Europe qui s’imposerait à tous.
Il faut retrouver l’audace des fondateurs. L’Union a donné la paix à notre continent pendant six décennies. Ce qui a été fait pour la paix doit maintenant être fait pour la prospérité de ses 510 millions d’habitants. Depuis le 6 mai dernier, l’élection du Président de la République en France a fait bouger les lignes.

Les nations ne vont pas disparaître, il n’y aura pas de dilution de notre identité. Mais notre devoir est de dire que dans le contexte de la mondialisation, notre avenir est indissociablement lié à celui de nos voisins avec lesquels nous partageons une culture et un modèle social.

La relation franco-allemande occupe à cet égard une place centrale. Vous connaissez ma conviction personnelle sur cette relation qui demeure le socle de la construction européenne, car l’histoire nous a donné une responsabilité particulière. Ouverts aux autres pays de l’Union, qui demandent légitimement leur part d’initiative dans la décision, nos deux pays permettront à l’Europe de progresser. Ce Conseil l’a prouvé : chaque fois que la solidarité avance, l’intégration politique devient possible.

Le service civique sera développé.

Les lois se sont ajoutées aux lois. Un activisme brouillon a prévalu depuis une dizaine d’années.

Plus aucun enfant ne sera placé en centre de rétention, plus aucune famille !

La France n’est écoutée et respectée que quand elle est fidèle à elle-même. Respect des droits de l’homme, justice, solidarité à l’égard des pays en développement, force de notre conviction européenne, soutien à ceux qui luttent pour la démocratie partout dans le monde : telles sont les pierres angulaires de notre politique étrangère.

Une rupture avec les dérives de la « Françafrique »

Notre détermination sera totale pour empêcher les groupes comme AQMI de constituer au Nord Mali des bastions du terrorisme international, qui menacent la paix et la prospérité de l’ensemble de la région comme notre propre sécurité.

un Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale sera élaboré pour la fin de cette année et présenté à votre Assemblée au début de l’année 2013. Une loi de programmation militaire suivra.

Et nous nous engagerons résolument en faveur de l’Europe de la défense, qui doit prendre une nouvelle dimension.

Quant au retour de notre pays dans le commandement intégré de l’OTAN, nous serons fidèles à nos alliances, mais les conditions dans quelles il s’est réalisé devront être évaluées.

La situation de notre pays, comme celle de l’Europe, est préoccupante, le redressement prendra du temps. Ce sera difficile. Mais nous réussirons, mesdames et messieurs les députés ! Oui, j’ai confiance dans nos atouts.

J’ai confiance dans ce que nous sommes.

La France est un vieux pays, d’un vieux continent, mais c’est aussi un pays neuf, moderne, à la créativité intacte. Tant d’énergies ne demandent qu’à être libérées, tant de talents dans nos villes, dans nos campagnes, dans nos quartiers, dans nos banlieues, tant d’idées qui n’attendent que de s’exprimer ! Voilà ce qui me rend confiant !

Oui, mesdames et messieurs les députés, nous avons reçu la France en héritage.

La France représente plus qu’une histoire, elle est une idée de la condition humaine. C’est une dimension qu’aucun marché ne prendra jamais en compte. Ces valeurs, qui ne sont pas cotées, pour nous n’ont pas de prix. Aucune agence ne notera jamais notre rêve parce qu’il ne relève que de votre confiance et de celle des Françaises et des Français.

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