mardi 11 septembre 2012

dix ans après ... l'an dernier

11 Septembre 2011

Que reste-t-il du 11-Septembre ?


Ce que je crois avoir aussitôt réfléchi et qu’ont confirmé tous les événements depuis dix ans.  Ce qu’ajoutent aujourd’hui les événements de 2011.

Sur le moment et ensuite, il m’a semblé qu’une attitude compassionnelle des amis et des alliés de l’Amérique n’aiderait pas à comprendre les causes de l’attentat, ni à pénétrer ce qui fut une joie revancharde dans beaucoup de pays arabes et/ou musulman, ni à distinguer ce qui est de perpétration terroriste d’une profonde frustration éprouvée par une grande partie des habitants de notre planète et à notre époque face à une hégémonie qui a des aspects certainement pacifiants, mais qui en d’autres belligènes, et qui au total de facilite pas l’organisation du monde contemporain. La France a donné le signal du « compassionnel » puisque Jacques Chirac, à l’époque président de la République, fut le premier à arriver à New-York et eut les honneurs d’un survol de « ground zero » dans l’hélicoptère de George Bush junior.
Il m’est très vite apparu qu’était trouvée ou enfin trouvée la justification du resserrement d’une Alliance que la dissolution du pacte de Varsovie au printemps de 1991 aurait dû frapper d’obsolescence. Le 11-Septembre prouvait l’existence, la véracité, la puissance de cet ennemi de rechange très vite identifié sinon fabriqué (Oussama Ben Laden sinon les talibans eux-mêmes, trouvaille américaine contre l’occupation soviétique en Afghanistan) et la révision de l’article 5 du traité de 1949 assimilant le terrorisme à un acte de guerre contre l’un quelconque des alliés. Non seulement, l’Alliance maintenue, mais son champ et son mode d’emploi étendu comme jamais les négociateurs – laborieux – du traité de Washington ne l’avait jamais imaginé : extension géographique au monde entier par une guerre de l’ombre et des « services », mode d’emploi déjà admis par le traité d’Union européenne à Maastricht et confirmé par la résolution ad hoc des Nations Unies. L’OTAN outil militaire de l’Union euroépenne, ainsi maintenue vassale, outil militaire de l’organisation mondiale donnant donc aux Etats-Unis le commandement de toute opération de « maintien de la paix ». Cette posture déjà obtenue en Corée en 1950, non sollicitée au Vietnam en 1963, demandée et manquée en 2002-2003 à propos de l’Irak.

Conséquences qui ne se prévoyaient pas aussitôt.
Une séparation thématique du monde dans ses relations internationales, une « compartimentation » désastreuse pour une réelle progression vers un ordre équitable et efficace. D’un côté, des systèmes d’intervention militaire : Afghanistan, Irak, Libye avec des exercices adjacents plus ou moins couverts par les Nations Unies ou par la « communauté internationale », les crises du Darfour, de Côte d’Ivoire. Ces systèmes et ces opérations réactualisent le concept et les appellations d’ « Occident », d’ « Occidentaux » – malheureusement, car c’est conflictuel à terme, et c’est très simpliste, donc un empêchement à la réflexion et à la novation stratégique en politique et en diplomatie. De l’autre, l’avancée d’une mondialisation transférant l’économie réelle hors de cet « Occident », soumettant l’économie des pays de ce groupe (Européens et Américains, mais pas le Japon, l’OECE avant l’OCDE) à la « financiarisation » et donc à la spéculation, et « en interne » créant un nouvceau type d’hommes, de carrières et de réussite : l’individualisme de la feuille de paye, la cooptation des parvenus. Cela fait deux mondes, d’un côté en gros les satellites des Etats-Unis dans la guerre froide, augmentés des anciens satellites européens de l’Union soviétique, de l’autre Chine et Russie, exclus pendant une quinzaine d’années d’une réelle participation à la réorganisation du monde après la chute de l’Union Soviétique et le drame de Tien An Men, mais revenus aujourd’hui à la puissance et à une maturité qui communie peu aux valeurs démocratiques.

Le concept de liberté est devenu dramatiquement ambivalent, puisque ses pratiquants nient son application au social et au politique : droit de l’homme, droit à l’emploi et au logement, contrôles démocratiques de l’exécutif, et que ne le développent que dans le domaine économique, les échanges, la licence pas seulement d’entreprendre, mais de frauder et spéculer. L’enjeu démocratique est sans doute de faire participer l’immense masse des exploités et des victimes, seule capable de départager l’antagonisme qui apparaît entre les deux blocs, l’ « Occident » et les « émergents ».

En ce sens, la diabolisation de l’Islam, de l’immigration, de l’autre – résultant thématiquement du 11-septembre – a été efficace à courte vue pour relayer la menace soviétique et donc conserver un manichiésme et surtout une hégémonie et une fascination américaines qui ne se justifiaient plus depuis déjà dix ans, quand les « twin towers » ont été abattues. Elle a contribué à ce qui était – malheureusement – latent : le manque de conscience européenne, probablement par crainte d’une surpuissance allemande à la chute de l’Union soviétique, la tendance de beaucoup en Europe à s’expatrier mentalement vers un modèle américain pourtant en crise. Le thème cultivé, grâce au 11-septembre, a donc aveuglé Américains et Européens, a fait négliger Russie, Chine et ceux qu’on allait ensuite appeler les « émergents », et a donc suscité pour l’avenir de nouveaux foyers conflictuels.
L’année 2011 est probablement fille de 2001 en ce qu’elle est aussi aveugle que celle-ci. L’économie et la finance mondiale sont détraquées, pas du tout par la faillite de quelques Etats perdant toute crédibilité pour rembourser leur endettement public, mais parce que les règles-mêmes de la mondialisation sont spéculatives, tuent l’économie réelle et de proche en proche gangrènent les Etats. L’avertissement de l’automne de 2008 n’a pas été entendu. La monnaie unique (l’euro.), à peu près contemporaine du 11-septembre, n’a pas été gérée. Les principales économies de l’Union européenne n’ont pas respecté le pacte de stabilité dès 2003 – année de l’opération américaine en Irak. 2011 tire le trait de l’addition. 2001 avait permis de camoufler que personne n’ait tiré parti de la fin de la guerre froide et de la chute des systèmes soviétiques. 2011 et 2001 se ressembleent en ce que nous traitons résolument ce qui est hors sujet.

La mondialisation – toujours pas mise en question et qui ne porte que sur les échanges matériels ou financiers, mais pas sur la liberté de circulation des idées ni des personnes et encore moins sur une universalisation vérifiée des droits de l’homme – n’apporte toujours pas une capacité ni d’organiser la planète en commun, ni d’assumer ensemble les grandes circonstances politiques ou dramatiques. Le « printemps arabe », la catastrophe de Fukushima, quelles que soient les réunions et les discours, sont aussi mal assumés pratiquement que la crise boursière et le fiasco des systèmes bancaires.

2011 appelle une mûe : le patriotisme européen, l’organisation démocratique de la planète, le retour partout à une économie concrète et à des solidarités actives entre les personnes et les peuples. 2001 appelle mais ne crée pas : manifestement, les révoltes arabes n’ont pas encore abouti à ce que la décolonisation, en légitimant par le nationalisme des régimes de fait autoritaires, n’a pas fait naître ; manifestement, faillites de banques,  d’Etats et même de l’euro. (outil manqué de la réorganisation monétaire internationale attentue depuis 1971 : dénonciation des accords de Bretton Woods) n’inspirent pas encore une nouvelle construction, ni même un début de nouvelles pratiques.

Le rythme décennal : 1989-1992, l’Europe ; 2001, l’Amérique ; 2011, le monde arabe (printemps divers et exécution sommaire de Ben Laden) et la finance, va-t-il se précipiter ? Déjà, 2011 inaugure la pluralité des urgences. Aucun de ces trois crûs n’a provoqué ni de novation : émergence d’une nouvelle conscience universelle, ni de personnalités charismatiques. A l’ampleur des nécessités ne répond que la médiocrité des dirigeants et des systèmes les secrétant ou les faisant tolérer. Après le patriotisme européen manqué, le nationalisme américain exacerbé, ce qui serait à suivre : implosion financière, explosion sociale ?
                                                                                           BFF . 11 IX 11
Cf. « ennemi indéterminé » - 14.22 Septembre 2001
      « menace asymétrique » - 30 Septembre.22 Décembre 2001 . 6 Janvier 2002

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