dimanche 30 septembre 2012

tentative d'approfondissement - prêcher le combat ou d'exemple ?





Prêcher le combat ? ou l’exemple ?


tentative de synthèse des pétitions qui assaillent et des intuitions qui nous traversent



Sur deux thèmes d’actualité qui peuvent s’exprimer et se dialoguer en de multiples registres politiques, moraux, philosophiques, spirituels, sociaux – certains, se réclamant d’ailleurs du christianisme et plus précisément de leur appartenance à l’Eglise catholique, optent pour le combat. Leur argument est la vérité. Il s’agit de l’Islam vu et entendu comme une supercherie historique et comme un danger mortel pour un Occident émollient, peu vigilant, capitulard. Il s’agit de législations en projets jugés menaçant le début et la fin de la vie humaine ainsi que le couple et la fondation familiale, au point que c’est – aussi – une question de pérennité pour notre civilisation.

Cette option – grandiloquente et insistante, éventuellement proposée en plate-forme à des formations politiques en quête de textes approfondis – présente trois inconvénients. La couvrir du drapeau chrétien sinon de la référence pontificale romaine schématise le magistère de l’Eglise et n’en projette pour l’opinion publique en France et pour les tiers dans le monde qu’une image très réductrice. L’accessoire ou le conséquent est ressassé comme primordial. L’option fait donc oublier ou passer à l’arrière-plan des vérités positives ou des objets de discussion et d’études, aujourd’hui non abouties, auxquelles pourraient d’ailleurs ou participer d’autres que des chrétiens étiquetés ; elle prive donc le combat-même de renfort et d’expressions plus acceptables, aux références plus diversifiées. Enfin, cette option manichéenne suppose que si le mal est en face, le bien est quelque part ailleurs et le militant se targue de l’incarner surtout devant ceux qui prêchent la tierce voie de la tolérance et du dialogue. Les indifférents au combat ou les attentifs à l’adversaire ainsi désigné sont d’ailleurs les véritables ennemis de ces zélateurs de la vérité, du droit naturel, du dogme.

Ces deux thèmes d’actualité sont surtout traités en termes simplistes, sans véritables études quoique les dénonciateurs fondent l’objectivité à laquelle ils prétendent convertir sur des bases scientifiques. Ils importent moins que la distraction et le déplacement de l’attention collective qu’ils opèrent, surtout depuis quelques mois parallèlement à la campagne présidentielle et aux condamnations déjà prononcées contre le nouveau cours politique en France (ou le simple réagencement des rapports de forces politiques).
Je ne reviens pas – ici – sur l’islamophobie sinon pour relever que toute âme priante est avide de communion et d’un salut universels, qu’elle est heureuse de trouver ailleurs que chez ses éventuelles compagnes de confession ou d’enfance dans la foi religieuse, des attitudes, des références et des attentes vis-à-vis de Dieu qu’elle-même vit, parle et dialogue. Elle en est même confortée. Plutôt que discuter vérité, histoire, dogme, texte et contenu, le plus nourrissant est de rencontrer ce qu’il y a de commun, d’humain, d’humble devant les circonstances et la réalité, notamment de notre époque puisque c’est dans la vie et dans l’histoire qui se fait que se rencontrent les hommes et les femmes. Alors s’affinent les différences, divergences et analogies et peuvent se poser les choix de marcher ensemble tout en respectant le jardin secret de l’autre. Cela suppose une sérénité intérieure, et certainement une conscience du vrai et du définitif telle que comprendre l’autre et aller vers lui n’est ni une tolérance, ni du prosélytisme, encore moins du synchrétisme mais la simple affection de cœur, la vraie curiosité d’intelligence, la demande en fait que l’autre se dise davantage, plus profondément et que se découvre donc la vraie racine de toute âme croyante. Peu importent alors l’expression, l’obédience : chacun a les siennes. Ce qui compte, c’est l’échange et le partage de l’expérience spirituelle, du ressenti historique. Dans un monde compartimenté et dans des périodes historiques où la mixité des civilisations n’était accessible qu’à quelques-uns ou du fait des entrelacis politiques et militaires, notamment les grands va-et-vient autour de la Méditerranée, cette recherche de l’échange et du partage est une transmission, et peut constituer un enrichissement mutuel. Cela a été souvent entrepris et réalisé entre chrétiens, musulmans, juifs. Cela a été dramatiquement manqué entre le libéralisme et le communisme – pendant le sicèle dernier – en sorte que chacune des deux dogmatiques économiques a suivi, isolément de l’autre, son chemin, a déterminé des totalitarismes analogues et inhumains. Le système soviétique en est mort le premier, le monde crève de l’autre système – manifestement mortifère aujourd’hui – mais dont la mort n’est pas prévisible car la chute du communisme a coincidé avec un dépérissement de l’Etat tout autre que celui prophétisé par Marx.

L’option de combat empêche donc la connaissance de l’autre et l’amélioration de soi.

Je l’applique ici aux questions de société impliquant un jugement moral, voire des convictions religieuse, qui sont actuellement en débat. Elles le sont parce qu’il est question de légiférer à leur propos, différemment d’antan, alors que les évolutions en profondeur de nos sociétés depuis un demi-siècle au moins qui appellent ces retouches ou ces mûes législatives n’ont guère été débattues et que leurs conséquences psychologiques, voire économiques et politiques semblent découvertes au moment où des législations les consacreraient.
Un préalable dans l’exposé de ma réflexion. La compétence de l’Etat et la nature de la loi. La pénalisation de l’avortement – la loi de 1920 – est une décision de circonstance : après la victoire obtenue miraculeusement et avec la perspective de renforts extérieurs ininterrompus mais que la paix a taris, il est vital pour la France qu’elle se redresse démographiquement. Son déclin, alors qu’elle était la première population d’Europe, Russie comprise, jusqu’aux guerres napoléoniennes, l’a mise en position difficile face à son principal voisin territorial, l’Allemagne. Encore aujourd’hui le rétablissement français est plus en projections d’avenir qu’en acquis statistique. Une loi appelle une autre pour toute modification, « libéralisation » et nous sommes donc de fait dans une reconnaissance de la compétence de l’Etat pour un domaine que d’aucuns pourraient juger exclusivement privé. Aussitôt pour l’avortement comme pour l’euthanasie apparaissent les éléments et les procédures de bon sens mais qui ne peuvent, précisément constituer des normes : aucun cas n’est assimilable à un autre, la loi ne peut régler des situations aussi diverses et un système jurisprudentiel serait certainement plus adapté. Ce n’est pas la tradition française que de régler ainsi des questions par analogie. Nous sommes friands de premiers commencements. Avortement et euthanasie impliquent le respect de la vie d’autrui, naissent de l’impossibilité pour le sujet de s’exprimer, mettent en cause l’entourage et aussi le corps médical. Les solutions devraient se trouver – cas par cas – par la délibération à plusieurs et se fonder sur la compassion pour qui vit, consciemment ou inconsciemment le drame de la souffrance et de l’amoindrissement incurables, irréversibles, le drame de l’immaturité ou du dénuement empêchant d’accueillir l’enfant. Il ne peut s’agir de convenance ni de confort, ni même de convictions mais d’urgence. Accompagnement psychologique, affectif, social pour la mère souhaitant avorter et ne se voyant aucune autre issue, pour le couple possible mais imprévoyant. Délibération éclairée entre médecins et proches d’amitié ou de sang pour répondre à la volonté du mourant explicite ou à ce qu’imposent les circonstances. Rien de cela ne peut se légiférer, c’est la généralisation qui pose l’énigme et le risque des limites mais chaque cas particulier a sa solution que la loi ne doit pas compliquer quand tous les protagonistes sont éclairés et de bonne foi et s’il est certain qu’il faut tout tenter pour éviter le drame, pis la pérennisation du drame.   

L’objection philosophique n’est pas recevable dans le système juridique français depuis Rousseau et sa proposition – triomphante en théorie – que la loi est l’expression de la volonté générale. En sociologie politique, l’axiome est d’application douteuse tant les mécanismes constitutionnels et le fonctionnement des partis aboutissent souvent à une loi votée contre le gré du grand nombre. Mais dire que la destination d’une loi serait de servir le bien commun, suppose la définition de celui-ci. L’histoire contemporaine de la France montre que le consensus n’est possible que lorsqu’il porte évidemment sur l’essentiel et le vital. L’élan de la Résistance et de la Libération a permis les plus grandes réformes économiques et sociales parce qu’il y avait consensus sur notre résurrection. L’artifice et le vide du texte politique aujourd’hui, les clivages et les jeux de rôle discréditant jusqu’au processus électif tiennent à ce que ne sont plus traitées que des questions contingentes de gestion et de circonstances. Le paradoxe étant que rien ne sépare au fond les protagonistes que leur succession et leur pérennité aux gouvernes.

L’outil manque donc et celui pour l’usage duquel les uns combattent et les autres revendiquent, deux minorités tâchant de mobiliser l’opinion publique pour forcer la décision de valeur législative, n’est pas le bon. L’option de combat manque de méthode, se trompe d’outil et n’éclaire pas l’immense tiers-parti ou bien indifférent ou bien totalement démuni quand les questions débattues, soudainement, se posent à lui intimement, du fait simple et absolu de la vie.

La décision ou la lâcheté de l’avortement, je l’ai vécue – aussi seul que celle à qui je les infligeais et celle-ci les a intérinées par urgence nullement par projet de vie. Le péché n’est pas un manquement à de l’enseignement, à un ordre reçu, il est notre détresse ou notre légèreté quand les circonstances nous révèlent à nous-mêmes sans références propres.

La vie n’est la vie que par les vivants. Elle n’est pas une idée à révérer pour elle-même, elle est un fait, elle est nous, elle est l’autre analogue à nous. La foi religieuse et la plupart des spiritualités ajoutent que nous recevons la vie, nous la transmettons selon la nature autant que selon la providence. En ce sens, personne n’en sait plus que les autres, personne ne peut se mettre à la place de l’autre sinon par empathie et amour, ce qui n’est pas automatiquement la certitude du point de vue de l’autre. Et l’autre, analogue à nous, n’est pas non plus forcément éclairé sur son orientation propre. Est-ce la liberté, est-ce l’émergence de la personne ? je n’en sais rien. La conscience de soi est-elle la vie ? la vie dont, sauf exception, nous n’avons d’expérience que dans sa version limitée, contingente fragile en psychisme et en physiologie, sa version terrestre. Mortelle précisément. Car le débat porte sur la mort administrée d’un semblable à l’autre, et pas sur la vie. Le débat sur la vie devrait porter sur l’égalité sociale, le respect de la dignité humaine, le devoir d’exemplarité bien plus que celui d’ingérence ; c’est la compassion qui fait tout imaginer y compris les deux drames de l’avortement et de l’euthanasie. Pas l’application du droit, pas la déduction d’une conviction religieuse.

Notre société – au moins en France – ne se décompose pas du fait des lois, celles qui réglementent le divorce, l’avortement, l’euthanasie, le mariage, l’adoption et les textes à venir quels qu’ils soient n’accélèreront ni ne ralentiront les évolutions. Ils sont d’ailleurs discutés, défendus ou combattus par bien des personnes qui en sont peu dignes dans leur vie personnelle : divorcés, remariés ou plus souvent concubins, ou qui sont directement intéressés à de nouveaux droits civiques : la dépénalisation de l’homosexualité dont on ne s’étonne pas assez, rétrospectivement, qu’elle ait pu être réprimée par des textes jusqu’au 24 Juillet 1882.

La réalité de nos comportements se prête cependant à des études qui pourraient nous éclairer. Ainsi la marchandisation de la procréation médicale assistée et surtout du don d’ovocytes et de l’adoption d’enfants. Ainsi l’impact sur une psychologie en devenir du foyer monoparental ou du couple parental homosexuel ou du couple en mésentente criante. La stérilité, la fécondité sont encore étudiées en statistiques, en accompagnement de la vitalité économique ou du poids politique d’un pays mais fort peu pour ce qu’elles déterminent en équilibre ou en pathologie des individus, hommes autant que femmes, et par conséquent en optimisme ou en dépressivité d’une société entière. Tandis que la France, en bientôt trente ans de dogmatique libérale quel que soit le coloris affiché du gouvernement, a perdu sa substance et ses emplois industriels, ont proliféré les métiers parasites d’aide à la recherche de l’emploi, à la formation tardive, à la conduite de la vie personnelle, à l’accès aux divers paradis que les addictions répertoriées en tant que telles ne procurent pas. L’amateurisme de ceux qui prétendent diriger le pays (leur savoir principal est dans la campagne électorale) et les entreprises (leur science est dans l’invocation du dogme et leur mérite tient à leur cooptation) a trouvé son pendant dans de fausses disciplines pour la connaissance de soi et de l’autre (vénalité de la consolation) : l’une et l’autre improvisation signifient le même manque de repères dépassant mais respectant l’individu, la personne. Le rapport de l’un à tous. Or nous naissons chacun grâce aux autres et nous souhaitons mourir accompagnés jusqu’à l’instant où l’on lâche prise et (peut-être) rend enfin grâce. Le dernier souffle est pour l’extérieur, un prêté pour un rendu. Du cri au soupir.

Aucune modification substantielle de nos dérives mentales, de nos suivismes, de nos recherches de recettes généralisables ne s’opèrera en continuant comme nous avons insensiblement commencé. Les générations qui nous ont précédé dataient aisément les bouleversements qui les avaient transormées par rapport à leurs devancières : les guerres, les grandes découvertes, les endémies. L’historiographie – elle-même à la recherche de ses fins et de beaucoup de ses moyens, aujourd’hui – repèrera sans doute les dates et événements qui nous forment et déforment : Mai 68, pillule et sida, mur de Berlin, 11-Septembre, printemps arabes… peut-être… La mise au pinacle de l’argent accumulé par la spéculation, celle-ci servie par toutes les disciplines de l’ingéniosité, de l’inventivité et des filières de carrière qui se consacraient à autre chose auparavant, est sans doute dénoncée, moralement condamnée mais rien ne se cherche pour l’éradiquer aussi mécaniquement qu’elle est née dans la finance et dans les esprits.

Prendre les questions de bioéthique et de constitution sociale dans ce contexte fait au moins approcher que le matérialisme, le paganisme et l’intégrisme sont aussi réducteurs les uns que les autres. Cela ne les résoud pas en tant que telles mais ouvre un chemin. La source du collectif est en nous. Le relationnel commence en nous et par nous. Et c’est le relationnel qui peut faire décider – non pour autrui – mais pour chacun de nous ce qu’il faut défendre ou conquérir : notre liberté, notre stabilité les plus intimes. L’exemple, pas le prêche, est contagieux. La loi vaut par l’esprit qui l’a inspiré, par ce dont elle est le résultat. Elan ? résignation ? perception d’une dimension nouvelle, multipliante, ouvrante ?

Toutes ensembles, ces questions de foi religieuse, de comportement sexuel, de fondation de quoi que ce soit avec autrui ou à plusieurs, de la famille à l’entreprise, à la société locale ou nationale, signifient que nous arrivons – en ce moment – à maturité, que beaucoup de nos institutions sont décalées, vécues schématiquement et distraitement et que nous en avons conscience. Nos questionnements qui – contrairement à ce que les adeptes du combat et de l’anathème assurent – ne sont pas des peurs mais des éveils.

L’accompagnement mutuel, le partage de l’expérience, de la réflexion – pas des récitations mais une inspiration commune trouvée dans le moment de vie ensemble (la prière de l’Eglise originelle, des journées de consensus dans la vie de certaaines démocraties renaissantes, pas seulement en Europe, des pacifications pour aller à plus difficile mais plus vrai que les premiers énoncés) – supposent tous le respect, l’attente les uns des autres. Nos personnalités sont étouffées à mesure que nous sommes censés « devenir adultes » par la mécanisation et la mutilation de la plupart de nos capacités, de nos souhaits. Contradiction fondamentale entre le prêche économique et social, véhiculé par des politiques qui ne vivent ni l’économique ni le social et font de l’adaptation la loi animale pour l’homme du XXIème siècle,  et le prêche qui n’est pas adverse et tente dans l’espace public résiduel de contraindre tout autant ce qui naguère était l’intimité, l’amour, la foi. En commun, ces deux prêches ont une conception de l’homme objet de réglementation, d’incarcération, de coercition mentales.

La voie d’une perception plus fine des enjeux et de la réalité économique, politique et sociale dont résultent les lois, est certainement une conscience, un comportement, une vitalité, une responsabilité de chacun de nous, non pour lui-même mais parce que nous contribuons tous au devenir du monde, de notre époque, de notre pays dans une mesure que nous ne savons pas s’agissant de nous mais dont nous nous rendons compte dans certaines circonstances face à d’autres – lumineux ou indignes, puérils ou nobles. Rameuter n’est pas responsable, répondre d’exemple tels que nous sommes et tâchons d’être, forts de notre enthousiasme et de nos souhaits à nos débuts ou recommencements de vie, forts de notre expérience et d’un discernement reçu de la vie et de la rencontre d’autrui quand nous vieillissons (j’y suis pour ma part après avoir été longtemps de la première séquence… et avec quelle pétulance qui en agaça beaucoup et me mit au garage là où la vue change plus que l’existence…), répondre par soi-même, sans argument ni accompagnement, nu, limité, accueillant, finalement heureux, c’est cela qui permet d’exiger de notre temps et de nos faiseurs moins de bêtise et plus d’audace.

Il n’y a pas d’appel – sauf pour nos vocations et nos amours quand nous recevons la grâce d’y consentir et de, rétrospectivement, les discerner – il y a des réponses. Nous répondons aux autres et à notre créateur – ce sont eux qui nous appellent. Non à les combattre mais à les accueillir. L’existence des autres est un appel, ce peut être notre nourriture, c’est notre chance. Je le vis. Dans mon passé, ce fut souvent douloureux, décevant autant que je déçus. Aujourd’hui, c’est heureux.

Je crois donc que

1° les appels à respecter l’intimité des décisions d’avortement et d’euthanasie doivent être entendus en terme d’accompagnement, de présence active : responsable au sens littéral du mot réponse ; ils ne sont ni assassins ni mortifères ; ils exigent une mutation sociale pour répondre aux débuts et fin de vie quand la personne isolée semble vaincue ;

2° les pressions pour que la pluralité des orientations ou des circonstances sexuelles soit admise dans l’unisson des recherches et des fondations d’amour, de paternité, de maternité doivent être socialement reçues comme un élément, ayant pu d’abord dérouter, de stabilisation de la cellule promordiale de notre société ; l’air libre pour les mariages homosexuels et les adoptions qui iront avec, éprouvera le fondement du mariage ; les sept jours de la Genèse, correctement lus et priés au besoin, confortent spirituellement pour notre époque les acquis scientifiques en histoire du vivant et de l’évolution, de même l’humain semblable à Dieu parce qu’homme et femme, intimement pluriel d’âmes mais indissolublement liés de chair, peut fort bien exister en masculin et féminin dans une seule apparence sexuelle. Bien plus fort que des penchants ou des « orientations », il y a le sexe de l’âme et l’indifférenciation de Dieu ; l’identité anatomique en dit fort peu ;

3° les nouveaux venus dans la société et les nouveaux adhérents à la nation française relayent, à tous points de vue : façons de voir, façons d’être, façon de pratiquer et enrichir notre langue, ses vocabulaires ses accents, façon de constituer la société quotidienne et le commerce le plus pratique entre nous tous… les lâchages et les émigrations de ceux qui avaient beaucoup pour demeurer nos élites et nous ont trahi. Ces sangs nouveaux ont reçu de notre image ou de notre emprise coloniale ou d’accueils par l’un ou l’autre de nous le goût de nous rejoindre au moment où des nantis et des cooptés commençaient de nous mépriser et voulaient nous convaincre de notre obsolescence collective ;

4° les saints sont nécessaires dans la société et l’histoire humaines. Le vivant nous a été donné par le Créateur ; la dialectique qui nous gouverne n’est pas la mort mais la miséricorde, le rachat, la multiplicité des chances, le retour à tout ; l’expérience de la vieillesse – telle que je la vis – est de retrouver intactes les pulsions et les certitudes de l’adolescence quand les compromis et compromissions de l’âge dit adulte n’avaient pas embrumés la solidité des origines de notre personnalité. Alors l’unité d’une existence, d’un parcours – peu importe sa notoriété ou son poids en numéraire à léguer – saute au visage, tout devient précieux, miraculeux, gratuit, surabondant ; d’autrui le mot, le sourire, la rencontre résulte une sorte de luminescence intérieure qu’on lui doit ; enfin, comme si déjà le « jugement dernier » arrivait après la probation de quelque « jugement particulier », je suis, nous sommes reconnus. Tous saints, potentiellement, le reste nous sera ôtés en bout de route ;

5° la novation des organisations de notre planète humaine est écrite et souhaitée par tous, mais n’est osée, dite par aucun dirigeant. Le lien sera fait plutôt tôt que tard parce que ce qui se souhaite et s’imagine collectivement a toujours été une anticipation de la réalité. Ce qui – malheureusement – ne s’économise ni même se dénombre, ce sont les victimes de nos retards, notre planète en tant que tel comme tout le vivant qu’elle porte et nourrit ;

6° la haine, la peur, la cécité – elles se secrètent l’une l’autre – sont une seule et même entrave à l’intelligence et à la véritable action, celle de la fécondité, en quelque domaine que ce soit.


Bertrand Fessard de Foucault – lundi 24 & dimanche 30 Septembre 2012

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