jeudi 7 février 2013

Tchad... suite

----- Original Message -----
From: F.
Sent: Thursday, February 07, 2013 4:25 PM
Subject: Re: Tchad

Comme je vous l'ai souvent dit et de différentes manières, mon pays, le Tchad, va très mal. Je suis très choqué que malgré l'exportation du pétrole, nous vivons sans électricité, sans eau. Sommes-nous encore au Moyen Âge, à l'état primitif ? J'ai dormi avec des lampes tempêtes car le groupe électrogène fait trop de bruit et il n'est pas bon de le laisser tourner toute la nuit, empêchant ainsi les voisins à dormir. Je n'ai pas d'eau depuis hier. Toute la ville de NDJAMENA est ainsi plongée dans cette pernicieuse vie.

En clair, pour Deby et son clan, le Tchad est un butin de guerre du clan, au service du clan et pour le bonheur du clan. Toutes les richesses sont conservées entre les mains du clan Deby. C'est une politique de la terre brûlée.

Si l'homme fort de NDJAMENA est menacé de perdre le pouvoir, sera-t-il à nouveau soutenu par Paris ? Paris pourra comprendre que le système Deby est une plaie et pourra aider les amis dans ceux qui veulent y mettre un terme. Plaie pour l'Afrique : ses milices ont maté les soulèvements populaires au Togo, sont intervenus en RCA, au Congo Brazzaville et au Soudan pour sauver les dictateurs et les maintenir au pouvoir. Plaie pour la France : Il a combattu aux côtés de KADHAFI donc contre la France qui est intervenue en Libye aux côtés du CNT. Il a brûlé le drapeau français en 2002.

Mes amis politiques ? Personne n'a une vision et une solution à la triste réalité. Personne ne mesure la dimension globale dans laquelle plusieurs hostilités se sont recyclées. Ils ont tous commis des erreurs de lecture et des compréhensions des faits. Ils ont tous une vision circonscrite, une lecture superficielle avec des préférences. Ils ne font que des accusations réprimandes. Ils ont entre 55 et 65 ans. Ils lancent toujours ces propos consolateurs sans donner les vraies solutions "ça va changer" ; "Battez-vous, vous les jeunes, sinon vous serez des esclaves" ; "Nous avons déjà fini notre histoire, c'est à vous de prendre la relève". Ils ont tendance à critiquer Deby mais ils sont les premiers à partir lui quemander de l'argent. Ils sont soumis à Deby. Personne n'ose l'affronter. Les présidents des partis n'animent pas la vie politique par des conférences débats, des activités socio-économiques et des communiqués de presse ou conférences de presse...

Mon village est situé à plus de 787km de NDJAMENA. Comme tous les autres villages du Tchad, mon village est totalement oublié, perdu dans les savanes. Plus de 90% des villages sont encore sous-développés : Pas d'eau potable, pas d'électricité, pas d'école officielle, pas de centre de santé, pas de route bitumée. Tous les habitants vivent des produits de leur dure labeur et sont totalement attachés à la nature si bien que lorsqu'il y a mauvaise pluviométrie ou inondation, récoltes dévastées ou incendiées, la famine les menace. Mais ils vivent heureux, ils vivent le bonheur. Du nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, les misères rongent la population tchadienne. Le minimum du bien-être, ou du mieux-être, n'est guère assuré. La situation nutritionnelle et médicale est très préoccupante : les enfants sont menacés de malnutrition aigüe et sévère si bien que deux enfants sur dix meurent avant un mois.

Ma famille est modeste. Je suis le benjamin d'une famille de quatre enfants. Deux sont morts quand j'étais au sécondaire et à l'université. A l'âge de 3 ans, mes parents ont divorcé. Mon père, un entrepreneur, est mort quand je passais au CE2. C'est ma mère qui m'a élevé grâce à sa couture. Quand je devais soutenir mon mémoire à l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature, elle a rendu l'âme sans avoir profité de mon salaire. Je n'ai pas pu assister aux obsèques de maman comme il n'y avait pas encore de téléphones portables à cette époque-là. La poste était lente : il fallait un mois au moins pour que les lettres parvenaient aux destinataires. Ma grande soeur et moi sommes les seuls à être en vie. Elle est assistante sociale et est en poste à Léré, à l'Est du Tchad.

Mon entrée en politique est décidée par la population des juridictions dans lesquelles j'ai servi. Mes comportements, mes engagements aux côtés des sans voix, mes réactions aux injustices et mes compassions ont poussé la population à me proposer aux élections législatives.

Je ne retrouverai ma respiration et la certitude du long terme que lorsque ... J'aime mon pays, j'aime les tchadiens si bien que quand je voyage, je me plains, j'ai pitié de mes compatriotes. Ils sont réellement malheureux, misérables, bâillonnés. Les Tchadiens sont très éloignés des autres africains alors que le Tchad, très riche, est indépendant avant ces pays. Même les pays qui ont connu les guerres, sont très développés et civilisés.

Je veux un Tchad où il fait bon vivre, où les filles et les fils s'aiment, se respectent, s'unissent, respectent l'autorité de l'Etat, où les droits fondamentaux et individuels sont garantis, où la démocratie est une culture, où l'eau potable et l'électricité sont très accessibles, où les libertés et l'égalité entre homme et femme sont vécues au quotidien, où la justice est indépendante et forte, où le législatif joue pleinement son rôle de contrôle de l'exécutif, où la corruption, la concussion n'existent pas, où l'intérêt général doit primer sur l'intérêt individuel, où chaque tchadien a l'accès au logement, aux soins, à l'instruction et aux formations professionnelles, où les richesses sont équitablement réparties...

La minorité parlementaire n'a aucune possibilité de faire face à cette lourde machine mise en marche par le MPS. Tous les députés MPS ont reçu des instructions fermes de voter. Quoique l'on dise, les députés MPS voteront. Je vous raconte une petite anecdote : "Un député MPS, analphabête, de l'éthnie ZAGHAWA, a voté, suivant la main levée du Président du Groupe parlementaire, un rapport. Arrivé à la maison, il a demandé à son enfant de le lui expliquer. Dès qu'il est éclairé, il a promis voir Deby pour annuler cette loi". C'est ça le Tchad.

Il ya des moyens d'expressions indépendants comme les journaux. Mais le pouvoir a toujours déclaré que "Le chien aboie, la caravane passe" ou "J'ai une carapace dure". Les censures et les condamnations de la presse planent si bien que la presse est obligée d'être souple, pas comme avant.

La presse est obligée de déposer une copie de son journal trois jours avant la parution du numéro.

Les tracts ? C'est très difficile car les auteurs sont souvent recherchés par la police politique "ANS" qui les soumet à des tortures et des sévices corporels extrêmement cruels avec des disparitions. Les responsables des syndicats et des associations des droits de l'homme ont été condamnés pour avoir écrit des tracts. Leur dossier est en appel. Un autre qui a été condamné pour outrage à magistrat en bouffant de rire à la lecture du verdict, est mort en prison.

Merci de vos sacrifices !

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