samedi 2 mars 2013

propositions adressées à Nicolas Sarkozy, à son avènement en 2007



Notes adressées à Nicolas Sarkozy

au moment de son avènement






p. 2 – organisation de l’intelligence économique  11 Mai 2007

p. 6 patrimoine  & influence . actifs et possibilités de la France actuelle 29 Novembre & 1er Décembre 200611 Mai 2007

p. 11 – la question d’Europe . possibilités et stratégie de traitement
                                                                                   15 Mai 2007

p. 16 – le gouvernement démocratique  15 Juin 2007

p. 22 – la question d’Europe . immédiatement et à terme   15 Juin 2007

p. 25 – des ambassadeurs de la France  31 Octobre 2007










Organisation de l’intelligence économique







Note
à l’attention personnelle de Monsieur Nicolas Sarkozy,
Président de la République




Les réflexions qui suivent sont la synthèse d’une enquête ouverte proprio motu à propos d’une meilleure correspondance pour l’intelligence économique entre Bercy et le haut responsable pour l’intelligence économique – actuellement situé au secrétariat général pour la défense nationale, lui-même service du Premier ministre.

Les lectures sur l’intelligence économique se ramènent à quatre rapports depuis 1995 et à deux organisations successives. Une nécessité nationale a été soumise à des manières de voir non continues et elle a pâti de la suppression du Plan. Deux anciens Pemiers ministres, Raymond Barre et Edith Cresson sont de précieux avis. Bernard Esambert qui a animé la première forme est à consulter (ancien de Matignon et de l’Elysée de 1967 à 1974 et inséré dans la finance du groupe Lagardère, il a la double optique qu’il faut), enfin Alain Juillet a la connaissance des entreprises et celles de nos disciplines du renseignement. La conscience du sujet et les expertises ne manquent pas. Mais l’articulation avec le poouvoir politique et l’insertion du dispositif de collecte, d’évaluation et de rediffusion pour décision ou pour contre-attaque fait jusqu’à présent défaut. Ni Matignon ni l’Elysée ne sont impliqués depuis près de deux décennies. La résultat est que les pouvopirs piublics sont pris dfe court par des décisions que nous aurions dû et pu prévoir de la part des dirigeants de grands groupes où la France a des intérêts ou dont les intérêts peuvent concerner la France.

C’est donc une articulation qu’il faut trouver.




L’état des lieux.


Le concept d’intelligence économique n’est toujours pas cerné. Deux acceptions semblent avoir cours qui ne se recoupent pas entièrement et en appelle sans doute une plus vaste.
L’acception sécuritaire : comprendre le monde actuel, ses menaces, veiller à y parer, apprendre à nos ressortissants à y parer, les aider, les accompagner, et – pour le bien commun, c’est-à-dire pour renvoyer l’nformation là où elle serait profitable ou nécessaire – recevoir de tous ces ressortissants, personnes physiques ou entreprises l’expression de leur expérience, la plus précise et factuelle possible, et compiler e exploiter ces renseignements.
L’acception : projection extérieure. A partir d’une même compréhension de la réalité contemporaine et sans négliger ce qui va de soi, la défense de notre patrimoine contre des menaces ou des prédateurs qualifiés ou à identifier, une pratique sensiblement différente, plus négociante et plus optimiste. Trouver les failles et opportunités pour – en compensation ou pas de ce que la mondialisation ou autrui qui nous a pris en défaut, enlève à notre substance et à l’emprise de notre vouloir national – aller chez les autres et y conquérir part de marché et plus encore l’influence qui multipliera tout : en économie, mais aussi en politique et en culture. Ces deux derniers aspects ne sont pas assez sensibles ni dans ni dans l’autre acception, or ils constituent sans doute le « cœur » de l’exceptionnalité française, sans laquelle nous avons peine  conbcevoir et à pratiquer la grandeur et l’avenir de notre pays.
Les deux acceptions se distribuent sur l’organigramme assez aisément : le haut responsable et son attache – probablement critiquable – au SGDN au lieu qu’elle soit directement auprès du Premier ministre, à la manière du Conseil pour les affaires et l’analyse stratégiques ou du SGCI (ou ex-SGCI) serait dans l’optique et l’expression sécuritaires, plutôt sur la défensive – tandis que le Quai d’Orsay et Bercy seraient plutôt de la mouvance offensive et presque optimiste.

Le débat se joue dans l’option européenne. Résolue et positive pour certains. Subie ou presque pour d’autres.

Il résulte probablement d’un défaut d’approfondissement et de précision du concept d’intelligence économique – que les rapports définissent toujours sommairement, n’échappant pas à deux vieilles habitudes, la « veille », le « renseignement ». Mais aussi, ce qui est encore plus dommageable à la veille d’échéances électorales que le quinquennat rend, malheureusement, très répétitives, par une certaine carence de gouvernement au plus haut niveau. Elle s’était observée aussi en 2004-2005.  Même pause en 1997. L’intelligence économique se situe, devrait se situer au plus haut niveau de la perception et de la décision des choses.

La pratique a donné deux organisations.

a) Une organisation dans la plupart des ministères.

A ce que je comprends de celle du Quai d’Orsay, elle est bien reçue dans les services favorisée par le secrétaire général et par le directeur du cabinet, mais elle ne constitue pas une cellule exclusive, n’a peut-être pas le niveau hiérarchique souhaitable. Elle est doublée par l’habituelle et croissante tendance des Affaires étrangères d’embrasser tout l’économique, y compris le contact avec les entreprises sous prétexte de l’interministérialité de ce département et probablement aussi du fait d’une certaine minoration de la DREE ou ex-DREE (la situation est totalement différente de ce qui existait jusqu’au début des années 1990) : cela donne l’idée et la pratique brillantes du club des ambassadeurs, réunion à guichet fermé et exposés « off » d’un ambassadeur pour des députés, d’anciens ministres et chefs d’entreprises, grandes ou très grandes, avec débats. Il semble que ce club qui est zélé par Boissière aussi est le lien dont il dispose en direct avec le réseau diplomatique proprement dit.
Celle de Bercy est plus ancienne. Traditionnellement, le haut fonctionnaire de défense était dans tous les ministères, apparemment désigné fonctionnellement, pour l’intelligence économique : la personnalité de ceux qui ont exercé cette fonction aux Finances a marqué le sujet, provoqué la défiance au moins du Trésor. On ne voit pas pourquoi, à Bercy, l’ensemble de l’intelligence économique ne serait pas de son ressort exclusif. Le coordonnateur actuel dispose d’un correspondant « à lui » dans chacune des 20 trésoreries régionales, et semble investir beaucoup dans leur formation et leur sensibilisation qui sont elles-mêmes à répercuter vers les petites et moyennes entreprises (implicitement, les grandes seraient laissées soit au Quai, club des ambassadeurs, soit à des contacts gouvenementaux personnels).
Dans les autres ministères, rien apparemment de très saillant pour que cela soit commenté par le haut responsable ou à Bercy ou au Quai.
A la Défense, les choses sont tenues dans une optique encore trop « vente d’armes » et sous la responsabilité d’un ancien de Bercy, ayant servi un temps à l’Organisation mondiale du commerce.

b) le haut responsable

Il fonctionne de manière propre et de manière concertée. Alain Juillet a deux expériences, celle du privé  et celle du renseignement, version DGSE. Comme les correspondants qu’il avait à Matignon, il croit aux réseaux et au petit nombre. Méthode et résultats échappant à une analyse extérieure. La manière concertée est un groupe permanent, d’abord hebdomadaire puis bi-mensuel. Il est interministériel et il est périodiquement évalué et orienté par la réunion (GPIE) de douze directeurs de cabinet ministériels. Bercy y envoie le coordonnateur, les douanes et la sous-directrice aux investissements pour la DGTPE.
Alain Juillet juge et veut la chose pérenne, l’accord de tous les mouvements politiques en serait le gage. Ce qui est oublier la manière dont il a été mis fin à l’expérience de 1995 par Lionel Jospin au « profit » du Conseil d’analyse économique, et la manière dont a été « transformée » ou « supprimée » une des institutions qu’on pouvait croire la pièce essentielle du « modèle social français » le Plan. Son équipe n’est pas plus nombreuse (la dizaine d’agents) que celle dont disposera à terme le coordonnateur à Bercy.

Ces deux niveaux d’organisation donnent lieu à évaluations mutuelles. Elles sont amicales mais sévères. Le haut responsable est « jugé » de grande qualité, mais il lui est reproché son attache (SGDN, à laquelle il ne peut rien, quoiqu’il pourrait nbteniur de changer de locaux ce qui changerait l’ambiance dans le sens de ceux qui le critiquent) et son approche sécuritaires. Bien des réunions ne sont pas assez menées et notre travers national est – malheureusement – d’apprécier beaucoup plus la forme que le fond. Celui-ci attend davantage de Bercy qu’il n’en reçoit, et surtout trouve que le réseau de l’ex-DREE n’est pas mobilisé, en tout cas qu’il n’en arrive rien jusqu’à lui, par le truchement ou pas du coordonnateur à Bercy.

Sans que cela soit crié, ces deux niveaux déplorent que le travail ne débouche pas (assez) sur des décisions gouvernementrales, dossier par dossier, ou sur le plan des principes. Le conseil des affaires stratégiques ne donne pas satisfaction selon ce que j’ai entendu, il est déserté en susbtance humaine par les agents de qualité qui avaient maintenu le Plan, les entreprises ne le considèrent pas comme le lieu de rencontre d’antan.



Propositions

1° recréer l’administration du Plan et la rattacher au Premier ministre : lieu de mise en commun des entreprises, des administrations, des banques, des syndicats de salariés, des universités, des collectivités territoriales – insertion du Parlement au niveau de ses commissions permanentes et par un débat de législature, durée-même du Plan (incitatif et instrument de prévision, engagements de l’Etat et des collectivités locales)

2° rattacher l’intelligence économique au secrétaire général de la présidence de la République pour en faire la présence de l’Elysée dans le système du renseignement sous tutelle de la Défense et dans les concertations du Plan – et y faire valoir la continuité et la pluridisciplinarité des responsabilités nationales du président

3° l’entente fonctionnelle et personnelle entre le chef d’état-major particulier du président de la République et le haut responsable pour l’intelligence économique est à organiser : elle sera décisive

4° animer les préfectures et les ambassades pour la prévision des crises tenant aux décisions économiques des acteurs locaux ou étrangers, de quelque nationalité qu’ils soient (les préfectures et leurs entrées dans les comités d’entreprise ; les ambassades et le réseau de nos gens d’affaires et « conseillers du commerce extérieur)

5° dans chaque ministère, à côté du haut fonctionnaire de défense, un correspondant pour l’intelligence économique, les deux agents devant être en bonne entente



BFF  – 11 V 07







Patrimoine & Influence

actifs et possibilités de la France actuelle




Note
à l’attention personnelle de Monsieur Nicolas Sarkozy,
Président de la République




Pour une plus claire définition – et qui soit surtout opérationnelle – de l’intelligence économique, il convient d’identifier la matière nationale (française, pour nous, et par extension dans beaucoup de cas : européenne) à défendre et à projeter.

On résoudra en bonne partie, aussi, le débat - latent entre une optique sécuritaire sinon même militaire, et une optique concurrentielle et donc commerciale, entre deux formations et en fait lusieurs « métiers » - depuis qu’il est convenu de pratiquer l’intelligence économique, au niveau national.

Un exercice préalable, et qui serait à maintenir à jour, consiste à dresser un inventaire de nos actifs chez nous et à l’étranger, et à dessiner la carte virtuelle (et confidentielle) de nos points ou de nos présences par personnes morales (entreprises, associations, organisations non gouvernementales, syndicats de salariés et patronaux, organismes consulaires, institutions publiques électives décentralisées, clergé, réseaux scientifiques, politiques, culturels, médiatiques) ou physiques (grands enseignants et universitaires, écrivains et éditeurs, membres dirigeants ou organisateurs d’institutiuons internationales, y compris sinon surtout celle de l’Union européenne, des Nations unies et de l’Organisation mondiale du commerce, etc…). Des stratégies de conquête, reconquête pour nous-mêmes, des possibilités aussi de mise en commun avec des tiers apparaîtront, ainsi.

Le concept d’actif est à préciser. Les principales administrations centrales de qui elles peuvent – légalement ou intellectuellement – relever en ont des définitions différentes, les entreprises, les personnes physiques et morales plus encore. Il n’y a pas lieu de s’arrêter à cet obstacle qui tient à des habitudes internes ou aux législations nationales ou étrangères à appliquer. Le point directeur est d’identifier ce qui est nous. Ce qui nous constitue, ce qui est notre invention ou notre travail ou notre épargne.

L’opinion publique y est sensible pour deux raisons très fortes. La première est vêcue aussi, mais seulement cas par cas, par les pouvoirs publics : le transfert d’actifs sous direction ou influence de l‘étranger, signifie immanquablement délocalisation ou démantèlement de ce qui est national (puisque le but des croissances externes est d’acheter un carnet de commandes, des réseaux de clients et de détruire l’appareil concurrent avec ceux qui le font agir, les salariés – on fait à tort passer pour économie d’échelle, ce qui est d’abord ambition d’un monopole donc derstruction de « ceux qui sont de trop », cf. Péchiney et Mittalsteel). C’est être complice de l’adversaire que de ressasser que ces fusions-acquisitions sont une chance pour notre technologie et notre emploi. Le sens commun sait que c’est le contraire. Le lien entre emploi et actif national est incrusté dans la mentalité populaire, dans notre origine paysanne à tous : le métayage est une dépendance, un sous-emploi menacé ; toute la doctrine de la souveraineté française, royale ou populaire, son esprit profond et atavique, se sont faits sur la possession concrète d’actifs et un accroissement patient, obstiné et très longtemps heureux de notre patrimoine. Justement, la seconde raison est que les entreprises françaises doivent presque toutes quand elles sont grandes, à l’inventivité et à l’épargne nationales. Céder du patrimoine industriel, technologique, du savoir-faire et des acquis de réseaux et de services semble une atteinte à la propriété collective, ou pour mieux écrire : à la propriété commune, un vértable héritage, le fruit d’une génération, la présente, les autres, celle de demain. Si le Français tient à la propriété individuelle, il est conscient de ce qui appartient à la pluralité des Français – car notre culture et même (sinon surtout) notre civisme se sont fondés sur des conquêtes, des renflouements, des arbitrages pour que s’édifie et perdure des forces nationales. Il y a donc scandale dans l’esprit commun de vendre ce qui appartient aux générations passées et souvent au contribuable encore en vie. Conscience de soi, instinct de propriété, emploi sont substantiellement concernés, et en permanence, par la conquête ou la création de notre patrimoine national, par sa conservation, par sa promotion.

Quoiqu’a priori plus subtil, le concept d’influence est moins discuté. Il s’agit de peser sur les décisions qui nous affectent, nous et nos actifs. Quelle que soit la manière de faire. La certitude est que trois conditions doivent être remplies.
Etre présent d’une manière ou d’une autre mais le plus proche possible en temps et en lieu de la délibération et surtout de la décision conclusive, une présence qui soit la nôtre et non celle d’agents d’origine tierce et que nous aurions su intéresser : les entreprises (et les pouvoirs publics) corrompent et cherchent des appuis au cœur des stratégies concurrentes ou supposées hostiles. Chaque nationalité le fait, mais généralement  avec plus de succès que nous. Nous nous trompons de corruptibles et ceux-ci ne nous sont pas toujours fidèles. D’expérience des réseaux d’expansion économique à l’étranger, je le sais. Sans compter l’art national – de pratique publique récente mais éclatante – de ruiner nos réseaux et nos manières de faire par des procès en corruption mettant en cause nos nationaux faute d’atteindre ceux qu’ils avaient achetés ou nos adversaires : les procès Elf et les déconfitures de Vivendi ou du Crédit Lyonnais à l’étranger sont notre propre liquidation. Il faut choisir entre Machiavel ou l’angélisme, mais ne tenir qu’une ligne et de génération en génération ; les autres le font, le rapport Martre faisait remonter l’intelligence économique en Angleterre et en Allemagne à des traditions nationales, survivant à tous les régimes et gouvernements.

Etre crédible en volonté du moment, en stratégie à terme, en suivi cohérent entre intervenants nationaux et à tous les échelons de décision et d’évaluation.
Etre éveillé. C’était la formulation initiale de l’intelligence économique. La veille n’est pas seulement technologique, elle est psychologique, elle est stratégique, elle ne doit pas être pollué par nos propres certitudes ou nos propres grilles d’analyse a priori. L’occupation des intelligences par la redondance des médias, du commentaire et de la démagogie censés tous trois tenir en respect une opinion publique qu’on ne prévoit ni ne connaît plus parce qu’il n’y a plus d’action nationale qui la structure et qui lui donne des références, obscurcit constamment le ciel que nous scrutons ou produit des réverbérations parasites. Nous ne voyons pas ce qui apparaît, nous sommes obnubilés par ce qui paraît s’être consolidé. Nous sommes constamment en retard, presque toujours distraits, ailleurs. C’est manifeste en bourse.

Cette présence est forcément humaine, elle n’est pas automatique, elle ne tient pas aux organigrammes apparents, elle doit tout aux personnes. Si celles-ci n’ont pas le cœur national et se laissent contaminer par des cultures, en fait des stratégies étrangères sous couvert d’idéologie dominante, leur présence ne fait que renforcer l’adversaire et le cautionner. Il y a une évaluation des ambassadeurs, des conseillers commerciaux, des apporteurs d’affaire, des faiseurs de couloir. Y en a-t-il une pour ceux de nos nationaux (ou assimilés) qui sont en situation d’informer et surtout de peser ?


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Le recensement, la cartographie de nos actifs et de nos possibilités d’influence produiront un instrument de gouvernement et l’orientation de notre intelligence économique.
Ils commenceront certainement par un constat – qu’on peut penser désastreux, mais il doit y avoir quelques gisements sectoriels de bonne surprise. Quoi donc demeure à nous, en tout ou en majorité de gestion ? Quoi donc a été cédé à l’étranger ? depuis vingt ans. La sorte de mesure de rétorsion qu’ont constitué à partir de 1986 les privatisations en symétrie des nationalisations de 1982 (que le gouvernement de la gauche n’eut pas, si c’était vraiment la meilleure façon de tenir ses options pour l’élection présidentielle de 1981, l’inspiration de faire consacrer par referendum) est probablement la date de référence. Par la suite, sans distinction de programme ni d’étiquette, toutes les gestions gouvernementales ont poursuivi ou permis le mouvement des fusions et cessions. L’inventaire en chronologie, en transformation des raisons sociales (sans doute pour camoufler le réagencement du tissu national et son raccordement au tissu mondial) suppose une enquête auprès des bases de données administratives aux échelons centraux, et déconcentrés ; celle-ci permet d’interroger avec précision les réseaux du Quai d’Orsay et de la DGTPE à l’étranger pour ce qui est de nos acquisitions, mais aussi de ce qui se maintient dans le paraître et la réalité du pays pour l’extérieur (enquête orientée autant que d’écoute). Sans doute, une méthode est à convenir, mais plutôt que de viser d’abord une exhausivité, impossible à réaliser totalement et qui nécessiterait trop de temps pour qu’un premier « état des lieux » soit disponible avant les échéances électorales, et constitue donc une référence et un outil pour la suite, il faut s’en tenir aux grands pans de notre économie et aux principales raisons sociales.
La question de nos biens culturels et intellectuels, jusques dans la sauvegarde et la projection de la francophonie, est à modéliser. Les enquêtes fréquentes sur le sujet – davantage, paradoxalement, que dans le domaine strictement économique – n’ont pas depuis plusieurs décennies produit ni une connaissance ni une véritable stratégie.
Il devrait en sortir une nouvelle manière de gouverner, en sus des habituelles, évidentes et nécessaires gestions des problèmes pérennes de l’économie, de la société, de la culture françaises.

Le précédent existe chez nous, qu’ « en catastrophe », on a évoqué à la suite du referendum négatif de 2005 : le modèle social français assorti d’une attitude « positive », le patriotisme économique.

La planification à la française a été longtemps la concertation et la mise en commun de tous les savoirs et de tous les efforts ; elle imposait la participation de l’opinion publique autant que celle de tous les « acteurs » économiques et sociaux ; elle intégrait la vie sociale, le mouvement syndical dans la projection d’une croissance dont les leviers étaient identifiés, donc mobilisables. Elle a été un succès, un exemple, une pépinière. Tout le contraire de cette concertation générale semble la pratique qui débute de conseils d’analyse (analyse économique ayant supplanté en 1997 la première organisation de l’intelligence économique, et qui semble demeurer découplée de celle-ci aujourd’hui – analyse stratégique concluant à partir de 2003 et sans prise de conscience publique ni même de débat parlementaire informé, sauf au Sénat, la dégénérescence du Plan depuis le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, faute d’adaptation et d’imagination, et malgré un sursaut aux débuts du premier de François Mitterrand). Cette planification avait une légitimité historique, la prise de conscience des années 1930, les vœux de la Résistance. Les faits la montrèrent opérante et les étapes de mise en œuvre du Marché commun y encouragèrent même.
Notre influence pratique et spirituelle a été décisive pendant les vingt premières années de la construction européenne, et particulièrement les dix ans de première mise en œuvre, sous le général de Gaulle, du traité de Rome. Nous y avons évidemment gagné en substance. Sans doute la réussite de notre restauration économique, et le prestige – à proportion-même des critiques et controverses – de la « diplomatie gaulliste » (Le Monde n’analysait alors que sous ce vocable notre politique extérieure) y étaient pour beaucoup. Mais il y avait la qualité extrême des ministres et représentants permanents en charge de la négociation constitutive du Marché commun : Maurice Couve de Murville, Edgard Pisani, Jean-Marc Boegner, et des membres français de la Commission : évidemment Raymond Barre et Jean-François Deniau. Depuis, et surtout ces dernières années… La carte de notre influence aux Nations Unies et à Bruxelles est atterrante parce que nous ne remplissons plus les trois conditions qualitatives ci-dessus énumérées. Elle est à préciser : ce qui peut instruire une véritable politique des ressources humaines – là, comme dans d’autres enceintes, le syndicalisme international où nous étions pionniers jusques dans les années 1950, l’Eglise catholique où nous avons triomphé au Concile puis pendant tout le règne de Paul VI, les institutions financières internationales (Fonds monétaire, Banque mondiale, Banque européenne pour la reconstruction et le développement où nous avions plus que nos apparences jusques dans les années 1990 et où il ne nous reste plus guère que la présidence de la Banque centrale européenne).


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Si nous mettons au point en même temps une première enquête et une première cartographie sommaires, et la méthologie pour sa mise à jour et une ambition de quasi-exhaustivité, nous sommes armés pour provoquer une double contagion : la concertation et les mises en commun européennes dans les mêmes termes de patrimoine et d’influence, la proposition de notre manière et de nos objectifs de constitution d’outils à ceux des gouvernements étrangers que nous apprécions comme partenaires de longue route ensemble.

Bien entendu, de même que le concept d’intelligence économique a été une formulation venue de l’expérience des entreprises, celui de cette mise en évidence de ce qu’il y a à défendre,  projeter et des moyens dont nous disposons en réseau ou en mental, serait à retourner vers les entreprises, et à affiner avec elles.

L’enjeu est notre identité. Celle-ci ne tiendra que si, comme par notre passé immémorial, nous sommes malgré notre diminution quantitative et pondéreuse évidente un des facteurs, un des « faiseurs » et inspirateur de la conscience universelle, donc des idéologies et des concepts dominants. Nous ne sommes manifestement plus un de ces créateurs de l’esprit du temps, presque sous un aucun rapport : de la mode à la littérature, de la science juridique aux techniques de pointe. Les secteurs qui demeurent encore globalement et durablement d’influence universelle, sont les rares où public et privé sont restés intimement imbriqués : la défense et la santé, là où l’Etat et le financement par tous restent la référence. Alors, la mondialisation tournera tout autrement. Les gouvenements sont résignés à une adaptation perdante, mais ils ne peuvent, sans dérègler la démocratie, l’imposer à des opinions qui partout la refusent, faute qu’elle se présente de manière positive et tienne ses promesses. 

L’exercice que je suggère est directement contributif à l’exercice de l’intelligence économique ; il peut aider les gouvernants. Connu rétrospectivement dans sa méthode et son résultat, il sera soutenu par presque tous les dirigeants et institutions de l’économie, de la culture et de la société. Les réfractaires a priori s’y rallieront parce que si indépendants de l’Etat français, qu’ils puissent se croire, ils verront un avantage à ce que celui-ci donne à nouveau de repères./.                                                          BFF – 29 XI & 1er XII 06 – 11 V 07





La question d’Europe [1] – Possibilités et stratégie de traitement




Note
à l’attention personnelle de Monsieur Nicolas Sarkozy,
Président de la République


N’étant pas encore au pouvoir, vous avez traité le sujet à deux occasions : devant les Fondation Konrad Adenauer et la Société allemande de politique étrangère, le 16 Février 2006, puis devant les Friends of Europe et la  Fondation Robert Schuman le 8 Septembre 2006.
Vous avez alors proposé un « traité court reprenant certains éléments du traité constitutionnel », dix ou quinze articles, retenant notamment :
. la double majorité,
. la présidence stable du Conseil européen,
. l’extension du champ d’application de la co-décision et de la majorité qualifiée,
. l’institution du ministre des Affaires étrangères de l’Union,
. le contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux,
Evoquant ainsi un « mini-traité » ou une « maxi-réforme » – adoptée par le Parlement européen à élire en 2009.


  Etat des lieux : les impasses = poids sur les psychologies collectives


L’impasse qui se voit, celle des institutions.
Les impasses auxquelles nous sommes habitués, auxquelles nous sommes résignés en France et en Europe – les gouvernants davantage que les peuples – impasses qui font la désaffection des opinions, cf. referendum.

L’impasse des institutions, certes le vote négatif de deux Etats membres rejetant le projet de Constitution européenne, mais surtout le fonctionnement qui reste – sauf l’augmentation régulière des prérogatives du Parlement (l’avis conforme, la co-décision) – celui du traité de Nice (bâclé par votre prédécesseur et Lionel Jospin, Hubert Védrine aussi, en fait par une diplomatie qui n’a plus la valeur des années 50 à 70).
Le texte du projet de la Constitution introduit la procédure de sécession et prévoit les modes de révision, mais ces dispositions ne seraient applicables à l’un quelconque des Etats membres que si le texte était en vigueur. L’Europe est dans la situation de l’été de 1954 quand l’Assemblée nationale française refuse de ratifier le traité instituant la Communauté européenne de défense, déjà ratifié par les cinq autres Etats membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. 

Les impasses de fond. Les objectifs initiaux ne sont pas atteints. L’Europe n’est pas – et de très loin – le troisième « grand » qu’on voulait dans les années 1950 et qu’on crut vers 1970. Dans le seul domaine où elle pourrait peser – l’OMC et les règles du jeu commercial, elle « se fait avoir » : démantèlement de la politique agricole commune, brouille avec ses partenaires africains et avec le Tiers Monde par sa conversion forcée aux accords de libre-échange (au lieu des systèmes de préférences asymétriques, adaptés aux besoins des pays pauvres et conformes aux déclarations des Nations Unies et même à certaines exceptions prévues au GATT). Et elle contraint à l’application d’une idéologie économique et financière qui n’est pas originellement la sienne et qui ne la fait pas pour autant réussir.

Les gouvernants y sont résignés. L’opinion n’est pas suscitée.


  Une proposition pour prendre date devant les opinions et l’Histoire


Elle montrera aux gouvernants que la France – et vous-même – vous n’êtes pas en retard parce que vous bloqueriez la mise en œuvre de la Constitution. Vous êtes au contraire en avance, et vous déplacez la charge de la preuve. Aux autres de répondre à votre défi, ce qui situe au moindre niveau – qui est le véritable – la question immédiate des institutions selon la Constitution, lesquelles sont encore trop complexes pour n’être pas transitoires, elles aussi.

Vous proposez qu’à terme le président du Conseil européen, en fait le président de l’Europe, soit élu au suffrage universel direct par tous les citoyens européens.

Sans rien changer des traités ou de la     Constitution – dans son texte actuel ou selon sa nouvelle version – il a les mêmes prérogatives que le président du Conseil actuellement, sauf à lui donner dans la logique du mode de son élection, la possibilité d’en appeler au referendum européen : la procédure ne peut porter que sur les matières prévues par les traités (ou pour ratifier dans l’ensembe des Etats-membres une révision des traités ou de la Constitution si celle-ci n’est pas encore adoptée – la Constitution est en effet censée se substituer à tous les traités antérieurs et les reprendre).

L’emprise du président de l’Europe sur les opinions lui donne sur les institutions un pouvoir suffisant. Ce qui a été organisé par les traités et maintenant par la Constitution – rôle du Conseil de ministres et contrôle de la subsidiarité par les Parlements nationaux – suffit à garantir que les nations ne seront pas débordées.

Saut qualitatif que cette proposition – même niveau historique que la proposition Schuman de Mai 1950. Elle remet la balle dans le cas de vos partenaires et homologues. Elle met les opinions de votre côté. Elle initie un cheminement – sans doute long – et qui n’offre aucun danger immédiat.

Elle rend à la France son rôle de créatrice d’espérance. Elle situe les négociations de ravaudage immédiat – peu enthousiasmantes et minimales – dans une perspective haute. Elle s’inscrit dans une dialectique éprouvée de l’entreprise européenne, le dépassement d’une impasse par le traitement d’une autre question.  La sortie de crise – quand la C.E.D. s’avéra dans l’impasse – a été trouvée en faisant, toujours à Six, tout autre chose, qui a été bien davantage fondateur : fiasco de la Communauté militaire, accord sur le traité de Rome et pleine réussite – longtemps – de la Communauté économique.

Bien entendu, la France et ses gouvernants n’ont pas à « rougir » du non qui est au contraire un signal salubre.


  Les fausses solutions


Elles consisteraient à s’en tenir aux traités existants, en faisant fonctionner l’Union selon certaines dispositions d’exception pour qu’elle progresse dans des directions différentes de celles d’hier et d’aujourd’hui.

les clauses de coopération renforcée. Selon le traité de Nice (état actuel des institutions de l’Union), huit Etats, dûment autorisés par l’ensemble, réalisent entre eux un des objectifs des traités lorsqu’une action de l’Union dans son ensemble n’apparaît pas réalisable – article 27C du traité de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, article 40A des traités consolidés pour l’espace de liberté, de sécurité et de justice, article 11 des traités consolidés pour les matières communautaires Le traité d’Amsterdam était plus exigeant (la moitié des Etats membres) et le projet de la Constitution aussi (le tiers).
Ce système est déjà appliqué dans certains domaines du militaire, il ne peut couvrir une application de la Constitution à seulement ceux des Etats qui l’ont ratifiée et qui laisseraient les autres – dont nous – dans l’état du traité de Nice. Ce n’est pas une procédure de révision simplifiée, au sens du projet de la Constitution.
C’est un instrument de pression utilisable par ceux des Ertats membres qui veulent « faire quelque chose » sur leurs partenaires réticents., ce n’est pas une panacée ou un mode de fonctionnement habituel.

les coopérations par accord international en dehors des traités. Ainsi des accords de Schengen, à leur origine, mais ils sont maintenant intégrés dans les traités, comme l’avaient proposé leurs premiers signataires. Ainsi, le protocole social, annexé au traité de Maastricht et auquel la Grande-Bretagne ne s’associe pas. Ou le traité de Prüm (27 Mai 2005) organisant entre sept Etats-membres : Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Allemagne, Autriche, France, Espagne, la coopération transfrontalière contre le terrorisme, mais son article 1 dit la proposition des Sept de l’intégrer dans les trois ans dans le cadre juridique de l’Union.

le « noyau dur »  ou « Core Europe » ou « Kerneuropa ». L’idée est émise en 1994 dans un mémoire de la CDU-CSU, Helmut Kohl étant encore chancelier (rapport Schaüble-Lamers) : en fait, c’est un retour à l’Europe des Six, voire des Cinq sans l’Italie : le critère d’alors est le respect des critères de convergence pour la troisième phase de l’Union économique et monétaire. LePremier ministre britannique la récuse aussitôt. Elle fait écho à la dialectique franco-allemande des années 1960.
C’est un penchant rémanent, pas seulement en France : Quermonne au commissariat au Plan, « l’Europe du nombre et l’Europe de la puissance » selon Valéry Giscard d’Estaing, les « cercles concentriques » d’Edouard Balladur ou, selon Mark Eyskens, ancien Premier ministre belge, le « modèle Saturne ». Les socialistes allemands… la démarche de Joshka Fischer à l’Université Humboldt de Berlin (12 Mai 2000) ; d’étapes en étapes, on irait des coopérations renforcées à un centre de gravité, qui se formaliserait en traité-cadre et aboutirait à une structure fédérale, « l’Euro 11 » devenant union politico-économique. Façon d’instituer l’Europe à deux vitesses soit que certains Etats membres refusent l’intégration (la Grande-Bretagne) soit que d’autres n’en soient pas capables (les nouveaux venus en 2004). Jacques Delors avait dénoncé devant le Sénat français (colloque du 29 Mars au 7 Avril 1994) « le mythe de l’élargissement unificateur ». Jacques Chirac (au Reichstag, 27 Juin 2000) évoque un « groupe pionnier » pour des coopérations renforcées, qui se doterait d’un secrétariat, distinct de la Commission ou du secrétariat général du Conseil. Enfin, Guy Verhofstadt, actuel Premier ministre belge, relance un Manifeste pour les Etats-Unis d’Europe.

Chacune de ces manières
1° n’a pas de chance de recueillir l’unanimité requise pour toute novation des institutions existantes par un nouveau texte,
2° désespère de l’avancée nécessaire pour que les Européens sortent de l’impasse de fond dans laquelle se trouve l’entreprise depuis des décennies.
3° ne répond pas à la question de savoir que faire d’un texte ratifié par une majorité des Etats membes (18), refusé par d’autres (2), pas encore soumis à délibération par un troisième groupe devenu attentiste.



  Sortir provisoirement de l’impasse à propos de la Constitution


L’Allemagne veut illustrer sa présidence, elle consentira à beaucoup, mais il y a très peu de temps à courir encore.

Nous sommes-nous concertés avec les Pays-Bas ?

Quelle est la position des Anglais qui étaient prêts au referendum avant que nous ayons dit non : ils avaient déjà traité par referendum en Juin 1975 et positivement.

Le « mini-traité », s’il est celui des seules institutions à l’exclusion des politiques, ne peut être un simple tri de la première partie du projet. D’autant que l’article 1er présage déjà les politiques détaillées dans la partie III. Celle-ci, selon les politiques à mettre en oeuvre, contient presque autant de dispositions institutionnelles, que la partie I.

Votre proposition pourrait être :

1° la création d’une ambiance tonique par la perspective donnée en 2° (le suffrage direct pour le président de l’Union et pour la décision dans le domaine communautaie). C’est cette ambiance qui fera « passer » l’abandon d’un texte déjà ratifié par la majorité de nos partenaires, et leur sauvera la face ;

2° le choix dans le projet actuel de toutes les dispositions qui satisfont de façon minimale l’unanimité des Etats membres ;

3° la réécriture de ces dispositions pour une autre articulation et pour leur inscription dans une référence de transition politique, appelant éventuellement le 1° voire établissant un calendrier (méthode du traité de Rome) ;

4° une ratification en deux temps : par chacun des Parlements nationaux selon les Constitutions nationales, par le premier referendum européen (même question, même texte, même jour, circonscription unique = le territoire de l’Union et les citoyens européens à travers le monde).

Les politiques de la partie III donneront lieu à des lois européennes, cadre ou pas (les règlements dans les traités actuels). La partie II consacrée à la Charte des droits fondamentaux peut faire partie de la consultation référendaire, sans réécriture sinon l’affirmation que la Convention européenne des droits de l’homme, et donc la Cour de Strasbourg, font partie du droit de l’Union (même si elles ont ouvertes à bien davantage d’Etats signataires que les Etats membres).

Traiter ainsi le provisoire, écrire nos nécessités et nos convictions (lesquelles ont abouti au vote négatif de Mai 2005), roder une procédure qui formera l’opinion publique européenne (et non plus la juxtaposition des opinions nationales), appeler l’avenir.

Notre referendum nous a donné la minorité de blocage. Il nous faut aussi la carte de l’anticipation. Les deux dans votre main vous donnent la quasi-dictée du traité constitutionnel de transition.



BFF . 15 V 07


Note à l’attention du Président de la République


Objet : le gouvernement démocratique

1° le Président de la République

Le fonctionnement démocratique du pouvoir est affaire de personnes, nonobstant la lettre des institutions et les procédures. C’est ainsi que la responsabilité populaire du Président de la République – seul fondement en logique et en légitimité – de ses si considérables prérogatives, tient à la mise en jeu par le chef de l’Etat de son mandat dans chaque scrutin national : la sanction étant la démission en cas de referendum négatif ou de dissolution n’amenant pas une majorité parlementaire dans le sens demandé. Aussi bien Témoignage que le livre de l’actuel Premier ministre ont noté cette lacune – décisive – de Jacques Chirac dans l’exercice de ses fonctions.

La question d’Europe – objet de la note jointe à celle-ci – ne peut se trancher, pour l’immédiat des institutions à faire progresser, par le seul Parlement. Le traité de Maastricht sur l’Union européenne et le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, ont été soumis au referendum. Il est entendu que toute nouvelle adhésion le sera aussi, celle de la Grande-Bretagne l’avait été par Georges Pompidou.

Un referendum est toujours risqué, mais une adhésion à l’ensemble de la politique voulue par le Président de la République et à un point particulier de celle-ci qui serait d’ailleurs un succès diplomatique français, ne peut seulement se supposer par les sondages. La loi doit être l’expression de la volonté générale, surtout quand elle est à l’initiative de l’exécutif.

Présider et gouverner – pendant cinq ans, comme c’est possible « sur le papier » et selon le calendrier constitutionnel – serait du despotisme éclairé. Le bien de la politique conduite étant tel, intyrinsèquement, que ses bénéficiaires ne feraient pas douter le pouvoir de sa popularité et de sa légitimité. C’est hasardeux et peu mobilisateur, si les choses demandent une participation et un consentement actifs sur certains sujets difficiles ou peu plaisants.

Une animation helvétique et parfois britannique : le « livre blanc », quasi-gratuit en lieux publics, donnant pour de grands projets gouvernementaux ou des positions de politique extérieure les avantages et inconvénients. Et appelant au débat dans le pays.



2° le Parlement

Le débat majorité/opposition n’est possible que si les rapports de force – dans l’hémicycle et dans le pays – sont assez équilibrés pour que la considération d’autrui soit vraie. Et non pour l’édification de partisans déjà acquis, à condition soucieux que quelques formes soient mises à un exercice sans partage du pouvoir. Ces cas de figure sous la Cinquième République ont été rares.

Un statut de l’opposition n’a pas de sens, sauf dispositions du type de celles mises en place et en œuvre par Valéry Giscard d’Estaing (l’ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel à des parlementaires en nombre pas difficile à atteindre). Depuis, rien n’a été fait. La répartition des présidences n’est pas gage de débat. 

Nous ne savons pas débattre (propos étendus et illustrés de Paul Ricoeur) contrairement à la plupart des pays de vieille démocratie.

Le plus pratique et qui ne dépend que du gouvernement – s’il y est poussé par le Président de la République – est d’instaurer et de vouloir un débat constant à l’intérieur de la majorité parlementaire. Prises et temps de parole possibles et étendus pour les opposants ou les critiques d’un projet gouvernemental. Pas de la grogne ou des coups de g… mais la certitude d’être entendu. Qualité générale des rapports parlementaires très supérieure aux exposés des motifs gouvernementaux. Retenue du gouvernement – pas tant pour l’usage du 49-3 – que dans le fonctionnement du groupe parlementaire. L’habitude prise là – à huis clos – pourra s’étendre sur certains sujets, puis pour tout ce qui deviendrait de nouvelles mœurs, au fonctionnement des commissions parlementaires.

S’il faut permettre à l’opposition de participer au débat et parfois à la décision, des commissions ad hoc pourraient être instituées suivant les sujets et d’évidentes expertises ou de grands parcours d’expérience seraient appelés à déterminer la « co-décision » Parlement/gouvernement.
Des consultations – pas pour la montre – mais pour inventer des pratiques nouvelles devraient être productives si elles sont menées sincèrement avec des membres de la majorité autant qu’avec d’autres de l’opposition. Bien entendu, sans pensée de débauchage et dans le respect des clivages de fond.


3° le Conseil des ministres

L’organe est constitutionnel, il n’est plus que formel semble-t-il. Il doit devenir ou redevenir délibératif. La responsabilité est commune en cas de censure parlementaire, elle est intellectuelle puisque la consultation sur les dossiers et sur les nominations appelle une connaissance partagée par tous les ministres.

Que le ministre ne soit plus occupé uniquement de son département et de ce qui remonte de ses services, ni de son sort personnel, mais exprime sa vue d’ensemble de la gestion du pays et de l’animation présidentielle : au lieu que ce soit rentré ou dit en confidence supposée à de petits cercles pour l’intimité de chacun.

Regard du Président de la République sur les gestions ministérielles à commencer par celle du Premier ministre qui en débat à huis clos et tête-à-tête avec lui, mais regard mutuel des ministres sur chacun des domaines et sur chacune des pratiques.

L’examen des affaires y gagnerait, des sujets et manières pourraient surgir en « dynamique de groupe », au lieu que « l’esprit d’équipe » (démenti chroniquement par la page 2 du Canard enchaîné) ne soit qu’une pétition pour l’extérieur. Surtout le débat serait possible – entre personnalités ayant par situation des points communs et un langage commun, ce qui n’est pas le cas dans les autres enceintes de droit constitutionnel – et le système trouverait un peu de souplesse : être ministre ne serait pas être le porte-parole de ses services, mais accéder à plusieurs à une vue d’ensemble des décisions et des gestions. Les services et les ministères se décloisonneraient parce que l’impulsion gouvernementale serait collégiale et d’ensemble, au lieu d’être sectorielle et individuelle./.

BFF – 15 VI 07

Note à l’attention du Président de la République


Objet : le gouvernement démocratique

1° le Président de la République

Le fonctionnement démocratique du pouvoir est affaire de personnes, nonobstant la lettre des institutions et les procédures. C’est ainsi que la responsabilité populaire du Président de la République – seul fondement en logique et en légitimité – de ses si considérables prérogatives, tient à la mise en jeu par le chef de l’Etat de son mandat dans chaque scrutin national : la sanction étant la démission en cas de referendum négatif ou de dissolution n’amenant pas une majorité parlementaire dans le sens demandé. Aussi bien Témoignage que le livre de l’actuel Premier ministre ont noté cette lacune – décisive – de Jacques Chirac dans l’exercice de ses fonctions.

La question d’Europe – objet de la note jointe à celle-ci – ne peut se trancher, pour l’immédiat des institutions à faire progresser, par le seul Parlement. Le traité de Maastricht sur l’Union européenne et le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, ont été soumis au referendum. Il est entendu que toute nouvelle adhésion le sera aussi, celle de la Grande-Bretagne l’avait été par Georges Pompidou.

Un referendum est toujours risqué, mais une adhésion à l’ensemble de la politique voulue par le Président de la République et à un point particulier de celle-ci qui serait d’ailleurs un succès diplomatique français, ne peut seulement se supposer par les sondages. La loi doit être l’expression de la volonté générale, surtout quand elle est à l’initiative de l’exécutif.

Présider et gouverner – pendant cinq ans, comme c’est possible « sur le papier » et selon le calendrier constitutionnel – serait du despotisme éclairé. Le bien de la politique conduite étant tel, intyrinsèquement, que ses bénéficiaires ne feraient pas douter le pouvoir de sa popularité et de sa légitimité. C’est hasardeux et peu mobilisateur, si les choses demandent une participation et un consentement actifs sur certains sujets difficiles ou peu plaisants.

Une animation helvétique et parfois britannique : le « livre blanc », quasi-gratuit en lieux publics, donnant pour de grands projets gouvernementaux ou des positions de politique extérieure les avantages et inconvénients. Et appelant au débat dans le pays.



2° le Parlement

Le débat majorité/opposition n’est possible que si les rapports de force – dans l’hémicycle et dans le pays – sont assez équilibrés pour que la considération d’autrui soit vraie. Et non pour l’édification de partisans déjà acquis, à condition soucieux que quelques formes soient mises à un exercice sans partage du pouvoir. Ces cas de figure sous la Cinquième République ont été rares.

Un statut de l’opposition n’a pas de sens, sauf dispositions du type de celles mises en place et en œuvre par Valéry Giscard d’Estaing (l’ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel à des parlementaires en nombre pas difficile à atteindre). Depuis, rien n’a été fait. La répartition des présidences n’est pas gage de débat. 

Nous ne savons pas débattre (propos étendus et illustrés de Paul Ricoeur) contrairement à la plupart des pays de vieille démocratie.

Le plus pratique et qui ne dépend que du gouvernement – s’il y est poussé par le Président de la République – est d’instaurer et de vouloir un débat constant à l’intérieur de la majorité parlementaire. Prises et temps de parole possibles et étendus pour les opposants ou les critiques d’un projet gouvernemental. Pas de la grogne ou des coups de g… mais la certitude d’être entendu. Qualité générale des rapports parlementaires très supérieure aux exposés des motifs gouvernementaux. Retenue du gouvernement – pas tant pour l’usage du 49-3 – que dans le fonctionnement du groupe parlementaire. L’habitude prise là – à huis clos – pourra s’étendre sur certains sujets, puis pour tout ce qui deviendrait de nouvelles mœurs, au fonctionnement des commissions parlementaires.

S’il faut permettre à l’opposition de participer au débat et parfois à la décision, des commissions ad hoc pourraient être instituées suivant les sujets et d’évidentes expertises ou de grands parcours d’expérience seraient appelés à déterminer la « co-décision » Parlement/gouvernement.
Des consultations – pas pour la montre – mais pour inventer des pratiques nouvelles devraient être productives si elles sont menées sincèrement avec des membres de la majorité autant qu’avec d’autres de l’opposition. Bien entendu, sans pensée de débauchage et dans le respect des clivages de fond.


3° le Conseil des ministres

L’organe est constitutionnel, il n’est plus que formel semble-t-il. Il doit devenir ou redevenir délibératif. La responsabilité est commune en cas de censure parlementaire, elle est intellectuelle puisque la consultation sur les dossiers et sur les nominations appelle une connaissance partagée par tous les ministres.

Que le ministre ne soit plus occupé uniquement de son département et de ce qui remonte de ses services, ni de son sort personnel, mais exprime sa vue d’ensemble de la gestion du pays et de l’animation présidentielle : au lieu que ce soit rentré ou dit en confidence supposée à de petits cercles pour l’intimité de chacun.

Regard du Président de la République sur les gestions ministérielles à commencer par celle du Premier ministre qui en débat à huis clos et tête-à-tête avec lui, mais regard mutuel des ministres sur chacun des domaines et sur chacune des pratiques.

L’examen des affaires y gagnerait, des sujets et manières pourraient surgir en « dynamique de groupe », au lieu que « l’esprit d’équipe » (démenti chroniquement par la page 2 du Canard enchaîné) ne soit qu’une pétition pour l’extérieur. Surtout le débat serait possible – entre personnalités ayant par situation des points communs et un langage commun, ce qui n’est pas le cas dans les autres enceintes de droit constitutionnel – et le système trouverait un peu de souplesse : être ministre ne serait pas être le porte-parole de ses services, mais accéder à plusieurs à une vue d’ensemble des décisions et des gestions. Les services et les ministères se décloisonneraient parce que l’impulsion gouvernementale serait collégiale et d’ensemble, au lieu d’être sectorielle et individuelle./.

BFF – 15 VI 07



Note à l’attention du Président de la République


Objet : la question d’Europe – immédiatement et à terme

Pistes
plutôt que paquet tout fait – ou qu’une indication selon un examen des dossiers ouverts ou à ouvrir dans le détail, auxquels l’accès reste réservé aux parlementaires européens et aux administrations.

1° immédiatement – discrètement vis-à-vis de quelques gouvernants

Apparemment, c’est d’impasse dans les textes et les procédures de ratification qu’il s’agit. Dans la réalité, c’est d’un mode de décision au service d’une ambition qu’il s’agit.

Le passage du projet de la Convention peu substantiellement amendé en conférence intergouvernementale, à un « mini-traité » ou à un « traité simplifié » est malaisé parce que le texte de 2003-2004 a déjà été ratifié déjà par 18 de nos partenaires. Les tractations vont donc durer.

Plutôt que de s’épuiser pour obtenir ce qui, de toutes manières, ne sera pas satisfaisant et lassera l’opinion publique (n’apparaîtront finalement qu’une présidence du Conseil européen un peu plus durable et un ministre des Affaires étrangères, sans plus de « résultats » à attendre), nous pourrions nous atteler à une tâche remise depuis trente ans : « faire » une Europe politique, c’est-à-dire qu’à quelques-uns émerge une volonté sur chacun des grands sujets, qu’il sera ensuite nécessaire et temps de donner à partager aux autres. Sans institutions, informellement. Ce n’est pas affaire de taille des participants à l’affaire, mais d’une concertation entre ceux qui veulent aller de l’avant et qui ont quelques capacités pour entreprendre ce qui commencerait d’être décidé. Cela fonctionne depuis quinze ans à propos du militaire.

Ce ne seraient pas les « coopérations renforcées » prévues par l’article 43 des traités depuis Amsterdam en 1997, mais une façon de délibérer intimement à quelques-uns. Ce ne sera acceptable par les autres que si rien n’est exécutoire sans eux et que s’ils sont entendus quand ils le veulent à raison de leur apport positif. Rien à inventer ou à ajouter, pour le moment, aux institutions, ni aux actuelles, ni à celles à établir en remplacement du traité de Nice, 2000.
Les choses « s’emmancheraient » à l’occasion des consultations à propos du futur traité de remplacement ou de modification du projet de Constitution. La possibilité de fonctionner informellement ainsi pour vraiment traiter le fond de l’ambition européenne importe plus que le ravaudage énième des institutions qui en quarante ans n’ont pas fait bouger la Communauté, puis l’Union. Si vous y parveniez – et le minimum à réunir avec nous serait la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie (celle-ci plus à raison de Romano Prodi que d’elle-même) – la question des élargissements futurs de l’Union prendrait une autre tournure. Soit les nouveaux membres resteraient du second cercle, soit l’adhésion dans ces conditions précisément de n’appartenir qu’au second cercle serait moins attractive, étant entendu que les avantages du grand marché et la participation aux plus gratifiants des propgrammes communautaires seraient encore plus partagés qu’ils le sont déjà.

A la limite, cette manière de faire serait constatée par ceux avec qui vous la pratiqueriez, elle ne serait jamais dite ni théorisée, jusqu’à ce que ses effets soient patents et que tout le monde, du premier ou du second cercle, l’accepte, au vu des résultats.



2° à terme – en suscitant une opinion publique européenne positive et en appuyant la France sur elle

L’entreprise européenne, si elle n’est que la gestion du modèle actuel, ne répond qu’à peu d’intérêts, hors ceux des pays tiers bénéficiant de notre intégration et accédant, selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce, au grand marché. Les fusions-absorptions se font au bénéfice de centres de décision extérieurs à l’Union. L’hétérogénéité actuelle de l’Union ne peut se résorber – en sorte qu’apparaissent une opinion européenne et un vouloir commun émerge, sans doute plus sous la poussée des opinions ubliques nationales que dans la conscience des gouvernants – que si sont dites des perspectives. Elles sont forcément l’indépendance du Vieux Monde. Qui est l’intérêt du monde et l’intérêt des citoyens européens. Chacun le sait.

Vouloir notre chemin propre chez nous et pour ce qui nous concerne – en économie, en société, en culture et en défense – est un but en soi, peu importe selon quelles institutions, à défaut de circonstances qui ne nous y ont guère forcé que pendant les quelques années fondatrices de l’après-guerre.

Montrer que c’est votre objectif – ces cinq ans – mettrait en perspective aussi bien le ravaudage du traité constitutionnel que surtout ces concertations et ententes à quelques-uns : loin de restreindre ou de diminuer l’Europe, vous la « relancez ».

L’opinion européenne – dépassant les gouvernants, de plus en plus accaparés par le court terme chez eux – ne peut apparaître, à défaut de circonstances dramatiques à ne pas souhaiter et qui très probablement diviseraient l’Europe plus qu’elles ne la viseraient solidairement, que dans deux cas : une personnalité forte occupant des fonctions fortes (on n’y est pas encore), une référence thématique attrayante : un but. Vous pouvez donner ce but et en faire la référence, la pétition générales.

Alors, l’ « idéal » des institutions apparaîtrait de lui-même : la relation enfin entre une incarnation non éphémère de l’Union européenne et les peuples européens (élection au suffrage direct du président de l’Union, referendum européen sur initiative citoyenne ou sur initiative des institutions ou sur celle du président lui-même, dans le respect des traités, les extensions de compétences et donc l’application du principe de subsidiarité restant du domaine de la conférence intergouvernementale)./.

BFF – 15 VI 07



des ambassadeurs de la France

réflexions d’expérience à la haute attention du Président de la République

copie :
Monsieur le Premier ministre
Monsieur le ministre des Affaires étrangères et européennes                            31 X 07

Une réponse efficace aux crises de toute nature suppose aussi que le ministère des Affaires étrangères et européennes se dote d'une capacité de gestion des crises lui permettant de remplir pleinement son rôle de coordination de l'action extérieure. Vous nous proposerez un dispositif conciliant les exigences d'une veille permanente et les nécessités d'une réaction immédiate en cas de crise.  (Lettre de mission adressée au ministre des Affaitres étrangères et européennes – 27 Août 2007)

… que les fonctionnaires assument le risque de leur engagement politique (5 Avril 2006 – convention pour la France d’après)

Je veux que les nominations aux fonctions les plus importantes de l’Etat se fassent sur des critères de compétence et de hauteur de vue (Avril 2007 – tract pour l’élection présidentielle « Mon projet – Ensemble tout devient possible »)

La France a la chance de disposer d'un corps diplomatique de très grande qualité.
Je vous demande de  vous engager pleinement dans votre mission.
(Conférence des ambassadeurs – 27 Août 2007)

Le président de la République souhaite des ambassadeurs de courage et d’initiative.

Pour être ainsi, les ambassadeurs qui en ont généralement la capacité, doivent être des héros. Sans compter leur ignorance des orientations gouvernementales ou l’observance obligée d’une relation entre les deux pays à un niveau qui lui échappe. Situation psychologique qui n’est pas exceptionnelle.

Pourquoi, d’ordinaire, la ressource humaine qui existe – pleinement – ne peut, dans des conditions qui ne sont pas nouvelles mais qui persistent, montrer ces deux qualités ?

L’expérience permet de répondre et aussi de suggérer quelques améliorations et ajustements. Cette expérience n’ayant – par force – pas été mise à jour depuis douze ans révolus, est peut-être dépassée. Ce qu’il vient de se passer au Tchad – ou le sourire de notre précédent représentant permanent aux Nations Unies rendant compte pour nos médias des décisions du Conseil de sécurité concernant le Liban bombardé par Israël il y a quinze mois – donnent à penser qu’elle n’est malheureusement pas encore périmée.
Remarques et remèdes.

N B La « corporation » souvent évoquée n’est pas de médiocre qualité ni professionnelle ni humaine, au contraire. C’est son comportement non transparent et difficilement saisissable qui est contreproductif. Elle tend à s’imposer au ministre [i], celui-ci est tenté en réponse de frapper des coups par des nominations non concertées ou se résignant à travailler sans ses services et au mieux en cabinet. Elle fait et défait les carrières, des réseaux et liens occultes, existent, n’ayant rien à voir avec le service. – Remarque qui n’est pas d’actualité, mais d’observation pendant des décennies. La symbiose ministre/services est rare. La relation ministre/président n’est exemplaire et confiante qu’exceptionnellement. Rencontrer les deux fait l’efficacité de notre diplomatie et produit des ambassadeurs qui sont de bons outils pour le gouvernement.
La corporation est menée selon des « leaders » et des ambiances qui changent, les meneurs peuvent devenir victimes. Elle tient essentiellement à deux faits : ceux qui déterminent nominations des personnes et orientations de notre action, sont plus écoutés par les gouvernants que par les chefs de mission au front ; ces derniers risquent constamment crédit et carrière sans possibilité de se justifier ni de se mettre à jour des cheminements du gouvernement ou des services.



L’ambassadeur est choisi par un système corporatiste, il n’est – dans la grande majorité des cas – que formellement nommé par le président de la République et le ministre.  S’il n’est pas de la carrière diplomatique strictement entendu, il est rejeté immédiatement ou à terme.
Remède.
Pour l’établir vis-à-vis de l’administration centrale et pour le poser prestigieusement auprès des autorités et de l’opinion publique du pays de son affectation, il faut que le ministre puis le président de la République le reçoive – chacun – en tête-à-tête quelques minutes avant son départ.
Il serait très intéressant qu’avant d’être proposé aux autorités du pays d’affectation, il ait été auditionné par la commission compétente au Parlement pour les hautes nominations.
L’ambassadeur doit – vraiment – représenter dans son pays d’affectation et vis-à-vis des services au Département le président de la République et le ministre, tout le temps qu’il exerce ses fonctions. C’est aujourd’hui fictif.
S’il tente de se comporter ainsi, il se « met à dos » les services.

L’ambassadeur n’a pas la liberté pratique de rendre compte à Paris, de reprendre contact avec la France et ses intérêts, au contraire de certains de ses collaborateurs – comme le conseiller économique et commercial – et a fortiori comme les représentants de nos grandes affaires dans son pays d’affectation. Il est très rarement appelé par ordre, qu’il le sollicite ou non. Même pour la conférence annuelle des ambassadeurs, il n’est présent qu’à ses frais et selon ses droits à congé. Il est ainsi le moins visible dans les administrations centrales et au siège de nos intérêts économiques ou culturels que les représentants du privé.
Remède.
Un financement pour les déplacements à Paris. L’audience possible du ministre, voire du président de la République à cette occasion.


Des sources de renseignement – autres que lui – sont privilégiées à son détriment.
Représentants d’affaires. Journalistes ou universitaires spécialistes du pays de son affectation.
Remède.
Le mettre réellement à la tête de ceux/celles que consultent le Département, le ministre et le président de la République. En tout cas, les lui faire rencontrer.



La connaissance du pays d’affectation et les relations qu’apportent à la France un chef de mission ne sont pas transmises, ni même souhaitées par ses successeurs. Un capital est dissipé à chaque changement de personne.
La participation – intellectuelle et physique – de l’ambassadeur partant à la remise des instructions de l’ambassadeur prenant ses nouvelles fonctions paraît formelle. Surtout en cas de disgrâce du premier.
Remède.
Constitution virtuelle de la réunion – convocable physiquement à tous moments par le ministre et les services – des anciens ambassadeurs, opinant en permanence et collégialement sur la suite des événements, et pas seulement par l’archivage de leur rapport de fin de mission. A ce collège de soutien et de débat peuvent être adjoints les contacts d’affaires, de journalistes et d’universitaires, évoqués en 3°.
Avantages. Promotion pratique des ambassadeurs même quand ils sont sans affectation ou à la retraite – exploitation de la ressource humaine et de l’acquis d’expérience, sans limite d’âge et sans considération des époques de politique intérieure des nominations et missions antérieures.
Invitation des anciens aux manifestations bilatérales ayant lieu en France.


Sécurisation de carrière des ambassadeurs.
Aussi bien vis-à-vis des gouvernants du moment que des services et de la corporation. Voire des autorités du pays d’affectation.
Les « placardisés » sont nombreux, se taisent dans l’espérance du changement de fortune.
Remède.
Concertation des rappels et de leurs conditions pratiques.
Motivation et discussion des motifs de disgrâce.
Appel possible au ministre.
Application à la haute fonction publique du droit du travail en entreprises. Indemnités de licenciement. Compétence des prudhommes en contentieux. Mon expérience personnelle est qu’une décision en Conseil d’Etat (Novembre 1997) révolutionnant la matière des décisions d’emploi « à la discrétion » du gouvernement, ne rétablit ni juridiquement ni matériellement son bénéficiaire.



Moindre préparation que les représentants d’autres grands Etats.
En immersion dans la langue du pays d’affectation, en connaissance des affaires en cours, et en rencontre des milieux et intérêts nationaux concernés, l’ambassadeur de France n’a pas les délais de préavis de ses homologues.
Remèdes.
Un temps plus long pour pressentir les nominations et mutations. Existence du collège des prédécesseurs, cf. 4°
Nécessité pour le point suivant.
Mise en place d’un circuit de préparation professionnelle et pratique.


Choix de l’équipe rapprochée.
L’ambassadeur ne l’a pas. Ses collaborateurs – malgré le décret de principe pris par Raymond Barre – lui sont imposés. Il ne peut non plus les faire rappeler. Il est isolé. Beaucoup sont syndiqués ou disposent de réseaux de soutien. Lui-même ne peut, dans l’exercice de ses fonctions, avoir cette sécurité.
Remède.
L’ambassadeur propose au Département – et aux ministères ayant la ressource des conseillers spécialisés –, des noms de collaborateurs, y compris du premier d’entre eux  et son personnel de secrétariat. Ses demandes sont appréciées avec lui par les autorités de nomination de ces agents. Objectif : aboutir à un consensus entre l’ambassadeur et les services sur ces nominations. Et sur la gestion de la carrière de ces collaborateurs pendant le temps que ceux-ci travaillent avec lui.




Le cœur est-il possible dans un climat où la prudence tient lieu de sécurité pour l’ambassadeur.
La compassion pour les gens et choses du pays d’affectation, une intelligence libre de tout a priori (et de toutes instructions quand il y en a…) conditionnent un supplément de regard – au-delà des dossiers ou des acquis. C’est ce supplément qui fait la valeur d’une ambassade dans le pays d’affectation et devrait le faire à Paris. Un point de vue, pas parmi d’autres… En regard, notre cécité sur des théâtres décisifs [ii].



L’initiative est difficile car les instructions de départ sont tardives – en pays nouveau ou en succession précipitée de chefs de mission – et les demandes d’instructions ponctuelles en cours d’exercice ne reçoivent pas toujours réponse. Ou elles sont soit dilatoires, soit castrantes.
Remèdes
L’osmose avec les gouvernants par la certitude de les représenter personnellement et directement.
Délibération des instructions de départ, puis du point d’applicabvilité de celles au bout du semestre de rigueur – autre que formelle, mais vraiment en travail à plusieurs et accompagné-validé par le collège, cf. 4°
10°

Le courage vient naturellement s’il est non seulement un trait de caractère, mais est salué par les gouvernants – sans que l’ostentation soit nécessaire.
« Je n’ai fait que mon devoir » - alors que les ambassadeurs sont trop souvent acculés à «  Je n’ai fait qu’obéir ». Or, souvent ils n’avaient pas même d’ordres à exécuter.



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La énième réforme du Département – appelée par la lettre de mission au ministre (27 Août) – peut innover si elle fait le lien entre les orientations traditionnelles ou nouvelles de notre diplomatie et la ressource humaine, comme il a été fait en conférence des ambassadeurs.

Elle doit être documentée et débattue – sans crible – avec l’ensemble des intervenants – agents en service ou à la retraite, usagers de tous ordres. Les souhaits, les expériences – et aussi ce qui est su, sur le terrain et par les agents et usagers, des pratiques de nos grands partenaires – doivent être sollicités ouvertement et sans a priori. Faute de quoi ils ne s’exprimeront que partiellement ou selon les habitudes et réseaux qui actuellement nous entravent.

Notre diplomatie – enfin – doit être très concrètement interministérielle, en ce sens que l’ambassadeur doit avoir accès personnel et direct auprès de tous les membres du gouvernement, sans le crible des services au Département, mais en rendant, évidemment, compte à ceux-ci.
Le Premier ministre doit pouvoir – lui aussi – être son correspondant, en tant que tel./.

Bertrand Fessard de Foucault
Ambassadeur d’ouverture du poste et des relations au Kazakhstan 1992-1995





[1] - l’expression est d’Etienne Burin des Roziers, secrétaire général de l’Elysée de 1962 à 1967 et notre représentant permanent à Bruxelles de 1969 à 1974

[2] - Illustrations – Caillaux détruit en 1911 par le Quai, l’affaire des frégates et Roland Dumas, - A l’inverse, Vergennes et Couve de Murville, non en tant que ministres, mais ambassadeurs, leurs équipes respectives de Constantinople et de Washington à leur cabinet quand ils sont au pouvoir : la perfection de leur relation de gouvernement avec le roi, Louis XVI, de Gaulle.

[3]  - Iran 1978 – Côte d’Ivoire depuis 1995 (ou avant) notamment – actualité.

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