mardi 2 avril 2013

si la classe politique, dans son ensemble, avouait enfin ?

 
----- Original Message -----
Sent: Tuesday, April 02, 2013 10:41 PM
Subject: compassion et lucidité - la vertu manquante en politique

Cher Monsieur le Secrétaire général,
 
je ne crois pas que les Français jugent la "classe" politique - mot affreux qui n'est pas ancien et qui dit bien le vrai discernement d'une majorité de Français - selon la morale. Celle-ci n'est pas seulement ou principalement offensée par un mensonge caractérisé, ou par ces multiples mensonges - formant, autre mot affreux mais témoignant d'autant de lucidité : la langue de bois - elle l'est par tout ce qui semble indigne de quelqu'un à qui l'on a fait confiance. Le mal n'est pas perpétré aujourd'hui par les aveux d'un ministre chargé précisément de chiffrer les sacrifices à demander à ses compatriotes et de traquer les tricheurs, il est fait depuis une ou deux décennies, depuis qu'il n'y a plus à voir en politique que des scandales faute de grandes actions, de prises à bras le corps et en conscience forte des réalités nationales et européennes. Tout est pardonnable ou oublié quand il s'agit de dires personnels. Ce qui ne l'est pas, c'est quand l'ensemble d'une politique n'opère pas, quand des promesses explicites, écrites, répétées ne sont pas tenues, quand d'un mandat présidentiel à l'autre, il n'y a qu'inversion des rôles mais pas des moyens, à croire que les fins sont les mêmes. Alors quand les élus, quand les gens de la politique ne font pas ce pour quoi ils ont été élus, évidemment l'opinion, la conscience civique sont sensibles à ce que font ces gens, et si leur discours est mensonge, cela ressort bien plus vivement que dans un contexte de politique réussie pour un peuple heureux et fier de ses dirigeants.
 
Jérôme Cahuzac, lui, et au moins, avoue. Ni Jacques Chirac, ni Eric Woerth, ni Nicolas Sarkozy - pour ne citer que les plus voyants d'en face - n'ont avoué ou n'avouent : d'ailleurs personne ne les y pousse vraiment et la justice, comme à propos des emplois fictifs de la ville de Paris, sera bientôt prié de se taire, elle surtout. Le ministre du Budget, l'ancien ministre du Budget vit la solitude affreuse. Son remord porte-t-il sur l'ensemble de sa carrière, sur sa propre âme qu'il découvre parce qu'il est découvert ? Cette solitude n'est-elle pas celle de bien plus de mensonges, auquel depuis des années les Français ont été habitués jusq'au dégoût... par exemple le désastre conjugal de la plupart des personnages politiques. En version masculine, l'endogamie avec le monde des médias, les femmes plus discrètes se satisfaisant davantage de cultiver leur ambition : trois femmes pour la seule mairie de Paris, toute une génération sans passé que la politique, avec un bagage surtout héréditaire ou le sésame démagogique des parités ou des discriminations positives. Puisque si peu est vocation et presque tout place et carrière, le mensonge, la dissimulation, la fabrication de l'image sont l'ambiance obligée. Hors reportage ou séance d'assemblée, la connivence est forcée par l'analogie. des politiques pratiquants. Comment croire au discernement pour la généralité du pays chez ceux qui ne savent pas conduire leur vie ? Comment croire à de véritables alternatives de programmes et de comportements politiques quand le métier roule dans la même routine les anciens et les nouveaux ministres, les jeunes et les moins jeunes dans la vie publique.
 
La mauvaise santé de notre pays n'est pas d'abord économique. Elle est morale, elle est intime, elle est mentale. Cela dépasse les faits divers des mises en examen, des recels, des abus, des mensonges. Cela a une influence directe sur l'art politique. Les rapports, les voyages, les communiqués s'accumulentn foisonnent et ne produisent aucune pensée structurée, structurante, dicible. Etre simplement, mains nues, à plat sur la table de travail, pendant une demi-journée, insensible à l'heure qui passe, l'homme de gouvernement qui réfléchit. Ce sont les Français qui - en ne croyant plus à la politique, à l'Etat totalement démembré, à la morale publique plastronnée ou aux valeurs de la République jamais précisées - commencent à faire de la pédagogie pour leurs dirigeants. En se détournant d'eux, en estimant que ceux-ci ne sont plus à révérer, non qu'ils soient tous méprisables, bien au contraire, mais simplement parce que ces dirigeants, ces élus n'ont plus le pouvoir, ne réfléchissent plus même aux voies et moyens de rendre le pouvoir au peuple, à la démocratie élective, à l'Etat... ce sont les Français - je le crois - qui disent par leur silence bien pis et beaucoup plus vrai qu'entre eux ce soir disent les politiques professionnels sur l'un d'eux : tombé.
 
La décadence de l'esprit public n'est pas dans le peuple. Les scandales ne font pas le "lit" des extrêmes. Le scepticisme, le retrait des Français - combien ce soir se sentent concernés par les mensonges d'un ministre ?  - accusent : le salut du pays n'est pas l'obsession des dirigeants. Ceux-ci pensent maintien ou revanche. Leur chorus contre le déchu dit mieux la lacune collective de leur "classe" que chacun de leurs péchés personnels. Loin de les désolidariser dans l'opinion publique d'un si visible mouton noir, en attendant le suivant ou que revienne le précédent, il les assimile à celui-ci.
 
Ce n'est pas triste pour la politique, ce l'est pour notre pays.  
 
Je me suis permis de réfléchir ainsi ce soir, devant vous ou avec vous. J'ai conscience d'avoir été long, tout simplement parce que notre maladie est profonde, que nous ne savons plus secréter des élites et quand il nous en reste encore, nous ne savons décidément pas les porter à notre tête. Et les y maintenir. Sans jeu de mots, n'y aurait plus que des autorités immorales, n'y aurait-il plus d'exemple ? Ne devons-nous pas nous arrêter à ces questions-là ? 
 
En confiance.

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