lundi 10 juin 2013

résister - rafle ordinaire ? à Barbès



Une rafle ordinaire ? 



----- Original Message -----
From:
To: "REZO REZO"
Sent: Monday, June 10, 2013 11:44 PM
Subject: [Resistons rezo] témoignage complet sur la rafle à Barbès

Le texte publié sur le blog de médiapart a tronqué le texte de certaines
de ses analyses (plus directement politiques), voici la version d'origine

Jeudi après-midi, une rafle comme on n'en voyait plus depuis la guerre
d'Algérie ou depuis les grandes vagues d'expulsions de squatts au début
des années 80, a eu lieu à Barbès. Pendant presque 2 heures tout un
quartier a été bouclé, les gens ne pouvant plus ni entrer ni sortir
bloqués par des centaines de flics de toute sorte arrivés à bord de
dizaines de véhicules quadrillant la zone jusqu 'à gare du nord, la
chappelle, château rouge et Anvers.
A l'intérieur du périmètre qui comprenait la rue de la goutte d'or, la
rue des islettes et une autre rue parallèle à la rue des islettes, les
flics se déploient. A l'extérieur du périmètre ils sont apparemment
aussi extrêmement nombreux. Divers contrôles sont effectués : papiers et
ventes à la sauvette, hygiène dans les établissements (d'après ce que
disent certains commerçants mais ça je n'ai pas vu). Des gens commencent
à s'entasser aux différents check points. Protestations molles entre
résignation et agacement. Très vite, à l'intérieur du quartier bouclé,
beaucoup moins de "vrais gens" que d'habitude et une multitude
patrouilles de robocop qui interpellent au faciès. Comme souvent, délit
d'extranéité et de classe sociale sont de mise, à savoir que les cibles
principales du contrôle sont les Africains qui ressemblent à des mecs
qui viennent d'arriver du bled. A chaque fois qu'ils en capturent les
bleus appellent victorieusement leur central avec leur talkie pour
annoncer combien ils en ont attrapé. Puis ils les ramènent vers des bus
d'embarquements sur le boulevard barbès. Apparemment tout un staff
tecnique et bureaucratique était installé dans les bus.

Après, quelqu'un m'a raconté qu'à un moment, une vieille dame juive a
attrapé un jeune sans papier qui était capturé et elle a dit que c'était
son fils. Les flics voulaient quand même l'emmener car évidemment ils ne
la croyaient pas mais elle criait et s'accrochait au jeune homme et ils
ont finalement du le lâcher.

Quand les flics bouclent un quartier ils sont plus ou moins de relacher
les barrages qui empêchent de sortir et entrer dans le quartier pour la
sortie de l'école. Du coup ils ont ouvert les barrages à 16h25
Mais attention, info à faire circuler autour de vous, ouvrir les
barrages et laisser les gens circuler dans le quartier ne signifie pas
que les controles vont s'arrêter... Au contraire, et de fait plein de
gens se sont fait attraper comme ça. Voyant que certains flics en
uniforme partaient et que les camionettes de crs qui barraient les rues
se poussaient, pas mal de personnes sans doute réfugiées dans des halls
sont sorties de leurs cachettes... Mais c'était sans compter sur des
groupes de civils qui par 4 ou 5 ou 6 sillonaient le quartier, pour
certains avec des camouflages assez réussis (le rasta, le gars qui
ressemble à un sans pap, la fille déguisée en jeune de quartier), et
controlaient et arrêtaient les gens. Les personnes arrêtées étaient
alors conduites menottées dans des bus stationnés à ce moment là sous le
métro au carrefour barbès.

Le dernier bus rempli est parti vers 16h30 je pense.
En tout cas, même à 4 ou 5 ça vaut le coup de commencer à gueuler. Dans
cette apathie déprimante où on a l'impression que les gens sont menés à
l'abattoir dans la passivité la plus totale si ce n'est quelques
ronchonnements individuels (mais on est prisonniers dans notre quartier)
ou désabusés (Ah ici c'est comme ça ils cherchent les cigarettes, les
sans papiers, pff) ça finit toujours par entrainer des personnes qui
n'osaient pas se lancer pour protester et se transformer en petit
rassemblement, ça permet de discuter de ce qu'il se passe. Ca met un
rapport de solidarité minimal mais essentiel avec les gens arrêtés et
les autres qui y ont échappé. A une époque où, de plus en plus, chacun/e
pointe mutuellement l' « Autre » comme responsable de ses petits tracas
et des malheurs du monde (les Rroms, les vendeurs à l sauvette, les sans
papiers, les jeunes...) ça permet de rappeler que la cible de l'Etat
qu'il soit estampillé de droite ou socialiste c'est toujours les pauvres.
Même seul/e, et bien pareil on peut toujours discuter (et donc de ne pas
rester seul/e) et même parfois donner des petits coups de main à des
gens pour essayer de leur éviter d'être controlés. Et puis ça permrt
toujours d'essayer d'analyser comment cela se passe et raconter.
Plus tard, au rassemblement pour l'assassinat de Clément Méric nous
avons appris qu'une partie des gens emmenés dans les bus avaient été
conduits au commissariat de la rue de Clignancourt. Cela avait un vrai
sens par rapport à l'assassinat de Clément Méric et à ses engagements de
lier les 2 événements. C'est en tout cas ainsi que plusieurs d'entre
nous l'ont ressenti. On ne peut pas laisser des Manuel Valls affirmer
vouloir « éradiquer la violence d’extrême droite » le matin et faire
rafler 150 sans-papiers à Barbès l’après-midi. On ne peut pas ignorer
que les politiques de tous bords depuis des années instrumentalisent la
montée de l'extrême droite pour leurs objectifs électoraux tout en
faisant son terreau en favorisant le nationalisme et en désignant des
bouc-émissaires (les « clandestins », les Rroms, les vendeurs à la
sauvette...) à la misère sociale dont ils sont les gestionnaires. Cela a
d'ailleurs été rappelé aux socialistes tels Anne Hidalgo qui sont venus
au rassemblement mais qui ont du très vite le quitter sous les cris de «
les fascistes assassinent à saint lazare ; le PS rafle à barbès »

Un appel à se rendre au commissariat de la rue de Clignancourt pour
20h30 a donc circulé. La rue était bloquée à la circulation par
plusieurs camionettes et un bus de la police qui sert à transporter les
gens arrêtés dans les manifs. Les premières personnes arrivées ont
constaté que dans ce bus posté juste devant le commissariat étaient
parqués plusieurs sans-papiers. Quelques autres sortaient libres. Ils
nous ont dit que dans le commissariat ils avaient été triés : certains
comme eux pouvaient sortir et d'autres qui allaient être conduits au
centre de rétention de Vincennes étaient montés dans le bus. Ils
pensaient que les gens emmenés à Vincennes étaient ceux qui avaient déjà
un « quitte » (oqtf). Cela faisait plusieurs heures que ces derniers
étaient enfermés là sous une chaleur écrasante, sans pouvoir boire ;
manger, aller aux toilettes. Sans attendre l'heure du rassemblement, des
slogans ont commencé à fuser « Liberté », « solidarité avec les
sans-papiers » auxquels les dizaines de personnes emprisonnées dans le
bus ont répondu chaleureusement en criant eux aussi et en tapant sur les
vitres. Très vite les flics ont violemment repoussé les quelques
personnes présentes en bas de la rue à grand renfort de coups de tonfas,
coups de pieds, insultes, … Très vite, alors qu'en bas de la rue
quelques autres personnes commençaient à arriver, le bus a commencé à
partir, protégé par un grand renfort de flics dont certains étaient
flashball à la main. Nous n'avons pu qu'unir nos slogans à ceux de ceux
qui étaient enfermés à l'intérieur.

Le lendemain nous avons su qu'une quarantaine de personnes étaient
enfermés au centre de rétention de Vincennes. D'autres sont peut être
dans d'autres centres de rétention. Les gens arrêtés devraient passer
devant un JLD mardi ou mercredi si ils ne sont pas expulsés d'ici là.

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