dimanche 16 février 2014

archives pour le vécu de notre histoire immédiate - 2 Décembre 2006



Election présidentielle 2007

observations & réflexions

III



     Les candidatures

Il y aurait 39 candidatures à l’élection présidentielle prochaine. Elles ont toutes le même caractère inédit, avoir l’aval statutaire d’un parti politique. Comme si les partis, concourant à l’expression du suffrage populaire selon la Constitution, étaient propriétaires de quelque chose qui ne devrait être que celle des électeurs. Une exception peut-être, la candidature du Premier ministre en place qui ne pourra être celle de l’U.M.P. sauf circonstances actuellement imprévisibles. Rétrospectivement, il est sidérant que le président sortant ait laissé s’imposer au parti qu’il a lui-même fondé un candidat que manifestement il n’apprécie ni humainement ni au point de vue du programme, qu’il l’ait rappelé au gouvernement, qu’il l’y garde. Cela seul dément toute intention – malgré des rumeurs très artificielles – qu’il se représente lui-même. La candidature du Premier ministre ne serait possible que si Nicolas Sarkozy était discuté dans l’électorat de la majorité sortante ou s’il apparaissait qu’il conduit celle-ci à un échec certain. Ce n’est pas le cas. Dominique de Villepin aurait cependant un profil très conforme à l’esprit de l’élection présidentielle qui est d’émanciper les candidats de leur formation d’origine, tant en campagne – Ségolène Royal l’a amplement démontré bien avant son invesiture et sans déplaire, au contraire, aux militants socialistes – que dans l’exercice du pouvoir suprême. Il aurait comme présentation un certain retour aux sources gaullistes, qui ne sont invoquées que très occasionnellement depuis trente ans et jamais pratiquées. Il serait étonnant que cela suffise.
Les élections précédentes, y compris le retour-même du général de Gaulle « aux affaires » en 1958, montrent qu’attendre peut servir, qu’en tout cas des tentatives infructueuses n’éliminent pas à terme.
La question de fond de cette élection a été posée en 2002 et elle a une jurisprudence de près de quatre-vingt ans en France. Peut-on exclure du processus électoral et des systèmes d’alliances un ou des partis, « diabolisés » pour des raisons qu’une époque juge péremptoire ? – car Jean-Marie Le Pen a perdu au second tour parce qu’il était interdit d’alliances et donc de tout désistement. Ce fut le cas à plusieurs reprises pour le parti communiste français : sans doute, n’est-il pas d’abord exclu du système puisque les socialistes le prennent pour allié de 1924 à 1947, mais le pacte germano-soviétique de 1939, ce qui parut une tentative d’insurrection en 1947, les répressions soviétiques de 1953 et de 1956 en Europe orientale, firent l’exclusive. Il était entendu que les voix communistes ne « comptaient » pas pour une majorité à l’Assemblée nationale de la Quatrième République. François Mitterrand eut l’audace et le génie de rompre l’enchantement, ce qui d’ailleurs – plus encore que l’implosion soviétique de 1990 – fit la banalisation du parti et sa réduction à des scores, au moins pour l’élection présidentielle, inférieurs à ceux de l’extrême gauche.
Un point n’a pas encore été décisivement étudié. Le parti communiste et le quart, puis le cinquième de l’électorat qu’il entrainait, était-il un parti protestataire ou la machine d’une utopie collective ? Lui disparu, sauf au Parlement, selon une sociologie électorale également à étudier, le Front national a a-t-il « mathématiquement » bénéficié de ce statut de parti d’opposition globale à un système scandalisant beaucoup de Français ? Auquel cas, pour le réduire, il faut lui faire exercer des responsabilités : au plan municipal, l’essai est concluant, le Front ne s’implante pas. Mais la nuisance du Front national et de ceux qui votent pour Jean-Marie Le Pen n’est pas principalement là. Elle consiste – on l’a vu en 2002 et il serait annéantissant pour notre démocratie que cela se reproduise en 2007 – à rendre illusoire le second tour de l’élection présidentielle. Le premier ou le second au premier tour (au cas où Jean-Marie Le Pen serait en tête, ce qui paraissait dans les sondages d’Avril dernier et ce qui reste possible selon ceux de la fin de Novembre), est automatiquement élu puisque le Front national n’engrange pas une voix de plus au second tour . C’est donc un vote forcé puisqu’il n’existe – toujours pas – chez nous une légalisation du vote blanc et un minimum de suffrages exprimés pour qu’un scrutin soit valable.
Une réforme – dangereuse – sous Valéry Giscard d’Estaing a été grosse de cette impasse. Celle qui a consisté non seulement à augmenter de 100 à 500 le nombre constitutionnel des signatures de parrainage à réunir, mais surtout à les faire publier (intégralement, s’il n’y en a que cinq cent, par tirage au sort jusqu’à concurrence de cinq cents, s’il y en a davantage). Il n’y a pas que l’hypothèse d’une dictature en cours de s’instaurer qui terrorise ceux qui ont la qualité de parrain : c’est la crainte des électeurs apprenant comment se « conduit » leur maire ou leur parlementaire, c’est le chantage aux subventions pour les collectivités locales. Belle pratique de la démocratie. Autrement légitime, une candidature royaliste – sans jeu de mots – serait très difficile, la République paraissant l’exclure alors même que ne figurent plus dans la Constitution la clause d’inéligibilité des membres des familles ayant régné sur la France.
 J’ai soutenu en 2002 que l’élection présidentielle de Jean-Marie Le Pen aurait été inopérante et seulement une période de cohabitation de plus. Le Front national, sauf système de représentation proportionnelle et pas avant longtemps, n’est pas capable de former une majorité parlementaire.
La logique des comportements et des programmes milite pour que cesse l’exclusive contre Jean-Marie Le Pen par une entente entre Nicolas Sarkozy et lui. Charles Pasqua y avait intensément travaillé entre les deux tours de 1988. Naturellement, une telle alliance fera battre dans un premier temps celui que – dans la droite parlementaire – s’y risquera. Mais à terme, ce sera une droite totale qui si elle arrive au gouvernement, suscitera une gauche totale, lesquelles provoqueront soit une alternance apaisée comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne, sans grandiloquence, soit l’invention de ce qui nous manque et que je viens de dire : le vote blanc, le minimum de participation pour qu’un scrutin soit valable. Procédés qui feraient valoir ceux qui contestent l’ensemble de ce qui se fait ; la protestation ne serait plus celle d’un parti réputé extrême et voué pour une génération aux gémonies, mais de citoyens forçant les partis à de véritables alernatives (ce que l’alternance n’a pas encore produit chez nous).
Une réflexion sur une nouvelle formulation de notre régime constitutiuonnel serait alors praticable. Hors cette circonstance, elle n’est que destructive de nos institutions comme le montrent l’irresponsabilité présidentielle malgré les désaveux populaires et la réforme-même qu’est le quinquennat.
        Les procédés

Clearstream à droite, une cassette à gauche. Tous les coups sont permis à l’intérieur de chaque camp. Autrefois, c’était d’un bord à l’autre que l’on se frappait ou que l’on se piégeait. Ce qui donne la réalité des solidarités de partis ou de gouvernement. Longtemps, ce n’avait été que propagande entre familles politiques : « l’homme de tous les passés », « le pouvoir personnel », « l’ambulance ». Depuis 1995, le déballage venant de la famille dont on est issu ou dont on se sépare du fait d’être candidat. On passe de la campagne à la haine, des thèmes aux personnes. Les candidats et le pays y perdent.
Internet a permis la circulation des sondages interdits, il alimentera les bobards et les rumeurs. Il ne fera pas la campagne.
Le plus pâle de nos ministres des Affaires étrangères depuis des décennies, pratiquement adonné à l’accueil d’otages de retour aux aéroports internationaux ou à donner des non-nouvelles d’Ingrid Bétancourt, s’illustre en accrochant la candidate socialiste. Augurons une campagne indirecte où des leçons de gouvernement et de conduite en tous genres seront données par ceux qui n’auront en commun que cet emploi.



        Les absences

Jacques Chirac ne se représente pas, parce qu’il est constamment désavoué par les électeurs depuis qu’il a été élu en 1995. Dès l’automne de cette année-là, le « plan Juppé » qu’il soutint et dont il expliqua qu’il était la seule médication possible pour la fracture sociale – difficile exercice dialectique pour passer de la générosité promise à la rigueur imposée – le fit chuter. L’élection de 2002 n’en a pas été une. Le désaveu tient au mécontentement, mais l’absence d’électorat tient au manque de bilan, donc à l’impossibilité d’une prospective attachée à sa nouvelle candidature.
Absent de la compétition, Jacques Chirac l’est aussi des professions de foi. Alors que de Gaulle et François Mitterrand, trente-sept ans après, onze ans après, y figurent.
Cela ne confère cependant  aucune vertu novatrice à la discussion électorale qui a commencé. Le débat reste ou abstrait ou de l’ordre de la police municipale : le maintien de l’ordre. Il n’est plus même, pour le moment, question des impôts. La recherche d’une « stature internationale » - je l’ai déjà écrit – est une pantalonnade. Une stature est évidente, elle n’est pas fonction des billets d’avion ou des images d’audience à l’étranger. Que peut dire, dans les affaires internationales, pour y peser – sauf s’il est fin journaliste ou s’il dispose déjà d’une grande autorité morale – quelqu’un qui n’a pas le pouvoir ?
Rien encore sur la reprise de la construction européenne, et sur l’évident préalable que l’Union ait des institutions visibles, un mode de décision populaire clair, une incarnation unique. Rien sur la reprise d’une croissance économique qui ne soit pas seulement statistique et de l’ordre du point ou du point et demi, mais qui se sente, qui à travers tout un pays répande fondations d’entreprises, grands travaux, embauche par milliers : nous vivons depuis des décennies la chronique quotidienne des « plans sociaux » qu’il serait plus franc d’appeler anti-sociaux. Rien sur l’exercice concret de la démocratie, à commencer par le fonctionnement des médias en pleine mutation. Aucun inventaire des actifs français sur notre sol et à l’étranger, ni de nos moyens d’influencer le cours mondial des choses. Pas de jugement affiné sur celui-ci, pas de stratégie pour l’infléchir, seul ? avec d’autres ?

Douze ans d’exercice – creux – du pouvoir, engendrent-ils une succession creuse ?

Dans notre République, c’est le chef de l’Etat qui répond de l’intérêt supérieur et permanent de la France, de la stabilité des institutiuons, de la continuité dans la conduite des affaires publiques. Sa fonction et son action sont donc à grande portée et dépassent la conjoncture. Aussi st-il élu par le peuple pour sept ans. Aussi, est-il rééligible.
De Gaulle, en conférence de presse (la dernière), le 9 Septembre 1968.



BFF – 2 XII 06

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