jeudi 13 février 2014

écrire au président de la République - laissé en plan - repris autrement et plus court




Si la France mentait…


Monsieur le Président de la République,



permettez-moi une nouvelle fois de solliciter votre attention. Je garde confiance en vous quoiqu’en rien, ni dans le fond ni dans la forme, vous n’exercez les hautes fonctions qu’une majorité de Français, et moi avec eux, vous ont conférées il y a vngt mois, ni n’animez la politique nécessaire à notre pays, et quoiqu’aussi – mais c’est secondaire – vous n’avez pas accepté de m’accorder les quelques minutes bimensuelles que je vous demande depuis votre investiture par le Parti socialiste.

Je garde confiance pour deux raisons. L’une tient à vous. Je persiste à vous croire honnête intellectuellement, capable de travail libre et personnel et donc d’un sursaut quand vous aurez pris conscience de nos nécessités. L’autre tient à vos fonctions. Tant que vous l’exercez, vous avez tous les moyens de faire de votre sursaut personnel le sursaut du pays.

La France est à plat.

Depuis la radicale alternance de 1981-1986, elle a, pan par pan, perdu l’essentiel de son patrimoine industriel (textile, métallurgique, bientôt l’automobile) et des entreprises ou services de rayonnement mondial (le Lyonnais, Elf-Aquitaine, Vivendi) et ce qu’il lui reste est trop isolé (Areva qui n’a pas su faire part à deux avec Siemens) ou exposé à des logiques qui ne sont plus ni nationales ni européennes (Airbus et EADS). La politique agricole commune est à sa fin. L’économie française n’est que de consommation de produits étrangers et d’aide à la personne naissante ou mourante.

On lui a fait renoncer aux institutions d’économie mixte et aux systèmes sociaux qui faisaient sa force depuis trois quarts de siècle : les entreprises publiques à caractère industriel et commercial et les grands services publics ce qui a mis à la dérive nos chemins de fer, la poste. On a laissé se mélanger l’assurance et la banque. On a perdu l’outil de dialogue, de mise en commun et de prévision qu’était la « planification souple à la française ». Tout est entreprise à but lucratif de l’hôpital aux moyens de communication, les routes principales sont payantes.

On a réduit l’entreprise européenne à deux éléments détestables : une gestion bureaucratique et une impuissante gouvernance à près de trente. L’Europe n’est ni une solidarité, ni une garantie d’indépendance pour l’ensemble que forment les Etats-membres, ni une entité mondiale équilibrant des nations géantes mais hégémoniques ou sous dictatures.

Nous ne sommes plus en démocratie nationale puisque l’Etat – seule institution dont les directions soient électives – est réduit à ses compétences régaliennes : le fisc, la justice, la police. Toutes nos orientations les plus vitales, nos régimes sociaux, nos solidarités interrégionales, sont soit en voie de privatisation (la sécurité sociale et AXA) soit étranglées par des contraintes budgétaires. Celles-ci sont acceptées sans que soient analysées leur fondement ni choisies leurs perspectives.

La dernière élection présidentielle – la vôtre – qui était pensée par vos électeurs et par les Français qui ne l’étaient pas comme un retour aux sources et à nos expériences ataviques : nationalisations ad hoc, étatisation du crédit et retour des banques au financement de l’économie, supériorité du bien commun sur les intérêts particuliers et légitimité de l’Etat supérieure à celle des entreprises, s’est transformée en la nomination d’un directeur du budget dont ces jours-ci il est démontré que, même chez lui, il est soumis à la censure de ses propres magistrats, la Cour des comptes, dût la signature de la France en pâtir sur les marchés spéculatifs.

Nous sommes sans doute à la veille d’une faillite analogue à celle de la Grèce, le choix d’une réduction de la dépense publique et d’une augmentation de l’impôt ne réduit pas les déficits et la croissance qui ne serait plus attendue que de l’international est moindre chez nous qu’ailleurs. En presque tout, y compris l’intellectuel, le culturel, voire le respect des droits de l’homme nous sommes parmi les derniers en Europe.

Vous n’avez pas renversé la table truquée des casinos actuels. Vous n’avez pas convaincu nos grands analogues d’un moratoire des dettes souveraines. Vous n’appelez pas à une démocratie européenne seule capable de faire accepter la solidarité et de nous faire entendre internationalement : l’élection du président de l’Union au suffrage direct. Nos interventions en Afrique, humainement nécessaires, ne sont pas appréciées, soutenues, partagées par nos partenaires européens.

Nos institutions dévoyées particulièrement par votre prédécesseur immédiat mais faussées par le passage du septennat au quinquennat et par la non-démission du perdant de la dissolution de 1997 et du referendum de 2005, n’ont pas été remises dans leur axe de responsabilité populaire du président de la République. En peu de mois, malgré la qualité personnelle du Premier ministre, et celle des relations entre vous deux, vous avez pris les compétences de ce dernier : le pacte de responsabilité qu’on le juge naïf eu égard au partenaire patronal ou qu’on y voit le commencement d’une autre relation tripartite : Etat, syndicats, entreprises, devait être l’invention, l’annonce et l’affaire du Premier ministre. Mais en exerçant les fonctions de celui-ci, vous abandonnez de fait les vôtres. Votre communication – ponctuellement mauvaise, l’affaire Léonarda, et excessive autant que celle de votre prédécsseur – est sans recul possible.

Enfin, vous avez mis à mal votre propre autorité. Retirer un projet de loi à la suite d’une manifestation de rue après que vous ayez calé devant Peugeot pour Aulnay et Mittal pour Florange, au lieu de laisser les députés de la majorité en imposer à l’opposition parlementaire, et le Parlement en imposer à la rue, au lieu de laisser les syndicats en découdre avec les constructeurs automobiles et avec Mittal, gorgés de subventions depuis des décennies. Je me suis permis de vous écrire à propos de votre vie privée. Les Français font la différence entre vos deux vies, mais ils ont eu la révélation de mensonges ou d’indécisions mettant un jour déplorable sur votre personnalité, qui pourtant ne le mérite pas.

Résultat ? l’esprit public n’est plus suscité, les médias ne sont plus appelés à débattre et faire débattre de ce qui est d’intérêt public. Plus de repères, plus de limites. Il n’y a pas besoin de sondages comme celui que présente Valeurs actuelles – d’une manière prétendûment plus franche et plus exhaustive que le reste de la presse – pour vivre une crédulité, surtout de nos soi-disant élites, sans précédent en temps de paix. Des procès d’intentions en éducation nationale, en bio-éthique mobilisent des manifestants de bonne foi et organisent des rumeurs, formalisent des souhaits absolument fous de dictature, d’apartheid. Les Français deviennent pires que la caricature habituelle de leur esprit de clocher ou de la morgue de leurs dirigeants. Les partis politiques n’existent plus, ceux dits de gouvernement ne sont plus crédibles ni en gouvernement au jour le jour ni en promesses ni en capacités d’analyse, et ceux considérés comme extrêmes ne parviennent évidemment pas à avoir la ressource humaine qu’implique des scrutins à vocation gestionnaire, ainsi que nos prochaines municipales.

Vous avez une part de responsabilité – grande – dans ces perversions mentales caractérisant maintenant notre pays, mais elle se limite en ce que vous n’avez posé aucun diagnostic et n’avez choisi aucun des remèdes radicaux (ceux qu’en toute modestie parce qu’ils tombent sous le sens et son banaux) qui nous remettraient en marche et dans la bonne direction. Notre mal vient de loin.

L’entreprise européenne que nous n’avons plus menée – et nous sommes les seuls à pouvoir l’inspirer dans tous ses éléments et toutes ses dimensions, ni l’Allemagne, ni l’Angleterre ne le peuvent, chacun le sait et d’abord les Allemands et les Anglais eux-mêmes qu ne se sont jamais proposés pour ce faire – et la démocratie française que nous n’avons pas su discerner au départ que nous avons forcé, du général de Gaulle.

Trop profus et trop long.
Laissé en plan, avant la partie positive.

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