jeudi 27 février 2014

lettre à Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge des droits fondamentaux, de la justice et de la citoyenneté



nous avons déjà correspondu à plusieurs reprises à propos des populations Rroms et de la manière dont celles-ci sont traitées, notamment depuis 2010 et encore aujourd'hui, par les autorités de mon pays. J'avais alors voulu vous soutenir publiquement dans les remarques et les évocations - sévères et douloureuses - que vous aviez faites.

Les grandes échéances de renouvellement du Parlement et de la Commission pour notre Union eurropéenne, approchent et je tiens à vous confier ce qui me tient à coeur :

1° l'identité européenne dans le monde et vis-à-vis de ses ressortissants ne peut fondamentalement être ni la puissance économique, commerciale ou financière quoique cette puissance soit nécessaire pour notre monde et pour nos concitoyens européens, ni même les exceptionnelles richesses immatérielles que sont notamament nos diversités, nos patrimoines culturels, linguistiques et spirituels. Elle est essentiellement la démocratie et le respect des droits de l'homme. C'est ce qui fait notre bien commun et notre exceptionnalité. On en voit bien l'application en Ukraine.

C'est le domaine dont vous avez eu la charge au sein de la Commission et que beaucoup de vos interventions et des orientations ou décisions que vous avez recommandées et prises, ont illustré.

A ce titre, votre désignation à la présidence-même de la Commission serait un gage décisif pour cette identité. Je souhaite donc que vous soyez notre prochaine présidente, et si je puis d'une manière ou d'une autre y contribuer, et ensuite vous accompagner dans ce grand mandat, combien j'en serais heureux et honoré !

Ce me semble avoir des conséquences immédiates.

la démocratie est imparfaite et surtout peu éloquente dans le fonctionnement de l'Union européenne. Je souhaite que fait et cause soient pris par vous pour que le prochain Parlement ait mandat, implicite ou explicite, de rédiger et adopter un nouveau traité qu'il vaudra mieux appeler Loi fondamentale que Constitution et qui, tout en prévoyant ce que l'actualité rend évidemment nécessaire : une protection douanière comme ce fut la version initiale de notre union à Six pour rétablir dans les relations commerciales internationales bon sens et loyauté, l'aménagement d'un droit de sécession avec une possibilité cependant de retour, établirait l'essentiel.

L'élection au suffrage direct du président de l'Union européenne par tous les citoyens européens. Avec compétence d'en appeler au referendum européen dans les matières prévues par la future Loi fondamentale. Dans l'instant même de cette élection, l'Europe trouvera unité, volonté, solidarité. Elle est aujourd'hui humiliée, sans expression et avec fort peu de solidarité, les uns, notamment à l'Est bénéficiant indûment de leurs bas coûts humains de production, d'autres chancelant sous le poids de leurs endettements, d'autres enfin jouant de rentes de situation notamment en intermédiaires commerciaux avec les pays dits émergents. Tout changera. L'Europe pourra enfin être politique, indépendante et vouloir sa défense en propre. 

démocratie et droits de l'homme devraient nous faire inventer, aussi bien pour les Rroms que pour toute population migrante et transnationale de fait, une citoyenneté européenne et des organisations indépendantes de l'appartenance à un Etat national. Cette citoyenneté directe donnerait lieu à des représentations dans les divers organes et assemblés de l'Union, à égalité de droits et de devoirs avec les Etats membres, sauf la rédaction des traités et la sécssion qui ne serait d'ailleurs évidemment pas de l'intérêt de ces populations. Ce serait peut-être aussi un chemin de solution pour des peuples territorialemnt stables mais ne se reconnaissant pas dans la nationalité de l'Etat que leur position géographique leur impose. Je préfère ne pas donner d'exemples, mais vous avez ces situations à l'esprit.



nos associations et partenariats avec des pays et peuples que l'Histoire a attachés à certains des Etats-membres - les pays A.C.P. d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique - sont censés promouvoir pas seulement des aides et des solidarités économiques et financières, mais des valeurs communes dont le non-respect par une quelconque des parties au traité de Cotonou entraine des examens, des probations et des sanctions.

Une lacune criante se trouve à l'expérience dans les fonctionnements électoraux de certains de nos partenaires. L'Union a l'expérience de ces contrôles, en s'associant ou pas avec d'autres ensembles comme l'Union africaine ou l'Organisation internationale de la francophonie. Mais ce ne peut s'entreprendre qu'à la demande de l'Etat concerné. L'expérience que j'ai de la Mauritanie, dont je vous ai fait part ainsi qu'au directeur général du Développement qu'a été Stefano Manservisi, est décisive. En 2006-2007, élections municipales, parlementaires et présidentielles préparées et contrôlées de la confection des listes électorales à la transmission des résultats bureau par bureau pendant plus d'un an avec des dizaines d'experts internationaux, un matériel informatique prêté considérable et un parc de voitures ad hoc. Une élection pluraliste avec deux tours, a inauguré un gouvernement démocratique incontestaablement. Dans les quinze mois, un putsch que la France - encore elle, très malheureusement - a très vite contribué à légitimer en s'en portant fort auprès de l'Union africaine, malgré la persistance de manifestations de rue pendant un an contre les putschistes. L'élection anticipée en Juillet 2009 par abnégation du président légitime qui a choisi d'abdiquer, n'a pas été contrôlée, le président de la commission électorale a même démissionné le soir du scrutin, constatant trop d'irrégularités pour que rien ne soit acceptable. Des élections parlementaires et municipales viennent de se tenir, sans contrôle aucun et ont évidemment conforté le pouvoir en place, celui du putschiste qui pendant la courte période démocratique dirigeait l'état-major particulier du président et une garde prétorienne, organisée selon ce qu'il avait appris chez Sadam Hussein et dont en vingt-cinq ans, il n'a quitté jusqu'à ce jour le commandement direct que pendant le temps de stages au Maroc dans les années 1990. L'élection présidentielle se prépare dans la même absence de contrôle. Quoique le gouvernement français actuel le déplore, il n'est pas jusqu'à présent possible de convaincre l'homme fort de son intérêt d'une réélection incontestable, donc contrôlée, notamment par nous.

Il conviendrait donc que Cotonou soit rectifié en sorte qu'un Etat ne puisse se dérober à l'automaticité du contrôle de ses élections, et plus généralement de son respect de l'Etat de droit et de la dignité humaine. Ce sera la stricte application de nos valeurs et l'illustration de notre identité et un soutien décisif aux démocrates ainsi qu’à la jeunesse, notamment en Afrique. Ce pourrait figurer dans notre Loi fondamentale européenne à venir.

Pardonnez-moi d'être ainsi long, et veuillez agréer l'expression et de mes hommages très sincères et de mes voeux ardents pour votre présidence de notre Union européenne.

Cette lettre vous est d’abord parvenue par courrier électronique.






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