lundi 31 mars 2014

archives pour le vécu de notre histoire immédiate - 2.3 0ctobre 2011




Election présidentielle 2012

observations & réflexions

I



2 . 3 Octobre 2011

crise du dehors ou crise du dedans ? l’élection sous-dimensionnée


La politique est affaire de sentiment – Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères 1958-1968

Ces réflexions commencent une série en vue de l’élection présidentielle prochaine, mais s'inscrivent à la suite d’une précédente, rédigée de Novembre 2006 à Novembre 2007 avec leurs épilogues en 2008 et 2009. Même façon pour rédiger à main levée : l’air du temps, les dires de concitoyens de rencontre, une méditation sur le moment de la France et en quoi le monde, l’Europe sont en attente mutuelle avec elle, mais aussi la mémoire d’une observation de notre vie politique depuis mon adolescence – plus de cinquante ans – marquée par Dien Bien Phu, Suez et le retour du général de Gaulle au pouvoir, puis dans les années 70 et 80, par une collaboration (pigiste « extérieur ») au journal Le Monde que j’ai commencé d’archiver à mon entrée à Sciences-Po. : Septembre 1960.

Comme tout journal personnel, ces notes sont subjectives. Elles ne bénéficieront – a priori – d’aucune information particulière. Pas davantage qu’en 2006-2007 je ne suis encarté et je ne participe à aucune équipe locale ou nationale. J’incline à désigner Ségolène Royal en primaire socialiste, à donner ma voix au premier tour à Nicolas Dupont-Aignan quoique je sois en opposition radicale avec lui, notamment sur l’Europe que je souhaite désormais fédérale et gouvernée en démocratie référendaire, alors qu’il milite pour un retour à la « souveraineté » nationale, notamment en termes de monnaie : le distinguant, je veux mettre en avant d’une part l’effort d’un gaulliste pour se sortir de l’engrenage disciplinaire (un camarade de promotion à l’ENA, député-maire de Saint-Malo se mettant au printemps dernier en congé de l’U.M.P. évoquait même une prison idéologique dans cette droite sarkozienne : René Couanau, imbattable chez lui), et d’autre part l’honnêteté personnelle autant vis-à-vis de l’argent que d’un amour conjugal et d’une vie familiale. C’est devenu rarissime aujourd’hui, plus encore en politique ou en nomenklatura financière et économique, qu’en moyenne nationale. Une grande part de la déliquescence française tient certainement au délitement des structures conjugales et familiales : comment appeler la nouvelle génération, surtout dans ce que l’on appelle « les quartiers » quand les nantis recomposent familles et couple à satiété et se financent par détournement ou accapparement… En ce sens, Christine Boutin ne me laisse pas indifférent. Tant qu’une personnalité est au pouvoir, elle garde l’initiative. Nicolas Sarkozy peut se convertir au bien commun, je le lui ai proposé dès le printemps et viens de le lui récrire : anticiper l’élection présidentielle ce qui lui fait perdre la possession d’état mais lui donne la crédibilité d’être à armes égales avec ses compétiteurs : gage de démocratie, ou bien faire former par les partis un gouvernement d’union nationale qui prendrait les mesures d’urgence, lancerait l’appel à une intégration européenne, qualitiativement aussi révolutionnaire que le fut la déclaration Schuman, l’élection de 2012 devenant alors seconde et un simple processus de consensus. Ce serait cela la rupture : l’urgence d’une perspective, dépassant tous les acteurs politiques.

La prochaine élection présidentielle est sans précédent parce que 1° le président sortant est donné généralement pour battu et donc dubitatif sur sa propre candidature ; 2°  les interrogations ne portent pas sur des alternatives de programme mais sur des interrogations de fond sur le devenir national et le devenir européen, pas en termes d’institutions ou de décisions demeurant de notre ressort, au contraire en question de savoir si nous sommes encore maîtres de notre destin ; 3°  les périls paraissent à court terme, y compris en paix sociale mais les remèdes en œuvre et les engagements à contracter entre Français et entre Européens embrassent une ou plusieurs décennies.

La prochaine élection coincide avec un débat qu’elle peut sanctionner, mais qu’elle n’a pas provoquée. La mise en cause de Nicolas Sarkozy en exercice de la fonction présidentielle et en décisions de puissance publique s’attachant à sa psychologie propre, à son système de réseaux et de confusion des pouvoirs, aux « affaires » de corruption ou d’intimidation le concernant directement ou par ses proches, n’est pas nouvelle. Son impopularité date du neuvième mois de son élection, elle pose l’énigme – également sans précédent dans l’histoire de nos trois Républiques contemporaines – d’un gouvernement imposant des réformes pour la plupart institutionnelle, repoussée par une grande majorité des assujettis et contre lesquelles aucune manifestation n’a pu se faire. Ce qui pose la question de la vérité démocratique de notre régime, tel qu’il est devenu, tel que sa lettre constitutionnelle l’a permis.

D’ici le printemps de 2012, la plupart des paramètres et des acteurs peuvent avoir changé.

Aujourd’hui, la candidature du président sortant n’est plus assurée, l’investiture socialiste n’est pas accordée, le précédent favori a été spectaculairement éliminé et l’un des partenaires de la majorité actuelle vient de se retirer de la course (faire-valoir ou vrai concurrent ?).

Au Fonds monétaire international, puisque Christine Lagarde peut passer devant la Cour de justice de la République française, la succession à Dominique Strauss-Kahan n’est pas définitive. A la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet passe la main à un Italien sans doute d’exception, doublant l’expérience d’un gouverneur de banque centrale avec celle de la banque Goldman & Sachs, mais que sera-t-il ? tandis que le président du Conseil européen, jusqu’ici effacé, et celui de la Commission européenne, jusques-là secondaire dans la crise de l’euro. commencent d’exister. Aux Etats-Unis et en Allemagne, le chef du gouvernement sera en campagne de réélection, aussi difficile que celle du président sortant en France. Plus aucune décision, sauf un scenario à la Johnson [1], ne pourra être prise chez les « Occidentaux » tandis que Wladimir Poutine se réinstallera pour dix ans sans doute au Kremlin, sans opposition légale.

Institutions, procédures et même des évolutions, regardées comme décisives, sont également volatiles. Malgré le Fonds d’intervention et de soutien dans la zone euro, la monnaie unique risque de ne plus exister qu’en apparence. Or, elle est depuis l’Acte unique européen, la seule avancée dans une construction européenne qui n’a pas se doter d’un véritable gouvernement économique imposant aux Etats-membres les disciplines pourtant contractées avec le « pacte de stabilité ». La solvabilité des banques françaises et la notation la meilleure dont le gouvernement français se targue de l’avoir maintenue sont en question, la réponse n’attendra pas huit mois. Le « printemps arabe » dont il fut un moment conjecturé qu’il mettrait également en cause ce qu’il y a de formel, sinon de factice, dans les démocraties européennes, a remplacé les dictatures par une généralisation de l’inconnu à la seule exception de l’existence d’Israël, par la force et selon la dogmatique d’un processus de paix qui n’a pas même engendré la reconnaissance d’un Etat palestinien depuis vingt ans qu’il en est question. Les retraits programmés d’Afghanistan et d’Irak, les formes d’engagement en Libye et peut-être en Syrie, maintiennent les Etats européens hors du sujet principal – la substitution de la « mondialisation » par un autre ordre économique et financier – et en vassalité vis-à-vis des Etats-Unis alors que cette puissance jusques-là capable de réguler le monde entier, est devenue vulnérable à proportion de l’énormité de sa dette et de la faible dispersion de ses créanciers.

Tout est belligène sauf la scène intérieure nationale qui ne connaît toujours pas les émeutes à la britannique et les protestations à la grecque, à la portugaise, à l’espagnole. La fragilité politique française semble ne tenir qu’à l’émergence, à jets continus depuis dix-huit mois, d’ « affaires » mettant en cause le président régnant et – précisément – les processus électoraux précédents selon des financements illégaux. Comme ces scandales sont portés à la connaissance de la justice et de l’opinion par des hasards en cascade presque tous dûs à des conflits entre personnes : mère et fille Bettencourt… époux Woerth, Gaubert, Hortefeux, et que les prête-noms et intermédiaires prennent la parole pour accuser ou pour se défendre, l’ambiance importe plus que les procédures, elles forment un tout alors que les emplois fictifs de la ville de Paris ou les listes de Clearstream ne faisaient pas tache d’huile. En 1934, la réaction avait été populaire. Sera-t-elle seulement électorale, c’est-à-dire grossira-t-elle le vote pour le Front national et la fille de son père qui l’incarne ?   

Le début de la campagne présidentielle – ouverte en deux temps contrastés pour l’opposition de gauche : arrestation de son champion présumé le 15 Mai, élection de son candidat à la présidence du Sénat le 1er Octobre – est donc marqué par trois inconnues. Et la crise qui en constitue l’ambiance et peut la dramatiser, en modifier de semaine en semaine, le rythme et les thèmes, n’a pas été analysée encore ni par le pouvoir en place, celui du président sortant, Nicolas Sarkozy, ni par les opposants, ni par une quelconque autorité morale. Est-elle une crise domestique comme dans les années 30 ou, du fait de la guerre d’Algérie, à la fin de la Quatrième République ? est-elle une crise mondiale absolvant et désarmant les dirigeants nationaux, et minorant par conséquent l’élection à venir ?


*
*    *



I – Une élection à tant d’inconnues, qu’elle n’a pas de précédent


1° – Quel débat ?

Depuis 1965 et la candidature du général de Gaulle à l’inauguration d’un mode de scrutin qui avait permis en peu d’années l’instauration plébiscitaire d’un régime d’autorité : le Second Empire en prolongement de l’élection le 10 Décembre 1848 de Louis-Napoléon Bonaparte, les campagnes n’ont pas été à thèmes mais selon la concurrence de candidats très marqués. Sans doute Georges Pompidou incarne-t-il en 1969 la continuité d’une Cinquième République dont sont adversaires des oppositions de droite autant que de gauche, et François Mitterrand en 1974 et en 1981, plus encore, est-il le candidat du changement, quoique les épigones du Général voient davantage leur défaite dans la victoire de Valéry Giscard d’Estaing contestataire malgré son appartenance à la majorité présidentielle – concept qui apparaît alors. Les élections de 1988, de 1995, de 2002 ont chacune été des rivalités – très fortes – entre personnes, elles ne l’ont pas été entre programmes. Le second mandat que sollicite le vainqueur de 1981 dont le gouvernement a été défait en 1986 par une droite, jusques là dirigiste et s’improvisant libérale et bientôt mondialiste, est une pétition – très bien comprise et reçue – d’apaisement. La concurrence soudaine entre Edouard Balladur jusques là mentor de Jacques Chirac, en commune référence à Georges Pompidou, ne fait apparence de divergence thématique qu’en formules : celle du vainqueur, réduire la fracture sociale, n’appelle pas une gestion différente de celle du Premier ministre sortant, du moins pendant la campagne, car c’est à la suite de cette élection que pour la première fois depuis 1958, l’attention de l’opinion est appelée sur l’état calamiteux de nos comptes publics. Le débat n’est donc pas entre opposition et majorité, mais à l’intérieur de la majorité de droite, divisée à l’élection présidentielle de 1974 (Valéry Giscard d’Estaing contre Jacques Chaban-Delmas), de 1981 (Jacques Chirac contre Valéry Giscard d’Estaing), de 1988 (Jacques Chirac et Raymon Barre), de 1995 (Edouard Balladur et Jacques Chirac). Depuis 2002, il tend à s’inscrire dans une nouvelle dialectique, l’ensemble des partis représentés au Parlement contesté par un extrêmisme, jusqu’à présent pestiféré en tant que formation politique, le Front national, à l’instar du Parti communiste jusqu’en 1936 puis de 1947 à 1965, mais pas en tant qu’expression d’un malaise ou d’un simplisme répandus : c’est la novation du quinquennat de Nicolas Sarkozy que d’avoir repris à son compte explicitement (notamment depuis le discours de Grenoble du 30 Juillet 2010) cette expression et de mettre en avant à la députation ou au gouvernement ceux qui relaient ce discours avec le plus véhémence sinon de provocation.

Une première ligne de débat peut donc consister dans la validation ou pas et de l’expression de la France actuelle par les thèses du Front national telles que le pouvoir en place les saluent et les met en vigueur dans le droit positif et dans l’action répressive de l’exécutif. Elle se trace malaisément pour l’opposition de gauche puisqu’elle traduirait selon la droite le souci, légitime, de sécurité et d’identité des Français.

La crise économique – le désarmement du marché français, le déficit du commerce extérieur faute de tissu industriel, la très faible croissance réelle conduisant autant que le progrès technologique à diminuer l’emploi salarié – et la crise financière – l’origine spéculative de la rentabilité de nos banques, leur exposition à des risques qu’on estimait maîtrisé dans la zone euro – imposent ensemble des remèdes. Le clivage n’est pas droite/gauche et entre le président sortant et l’opposition socialiste, il traverse surtout la gauche. Jusqu’en 2002, notamment en conclusion du quinquennat législatif de Lionel Jospin, la timidité de la gauche face au libéralisme, au mondialisme et son respect des normes existantes, étaient plus tactiques que doctrinaux : conviction que l’élection présidentielle se gagnerait au centre et que la crédibilité d’un futur président de la République réside dans son art de garder les mains libres pour son gouvernement. Le débat économique et financier, absent de la campagne pour 2007, devrait reprendre celui de 1988 et François Hollande, s’il est le candidat du parti socialiste, défendra pour 2012 une ligne pragmatique de simple amendement de l’existant. Une tactique d’accompagnement ou une stratégie de changement ? [2]La discussion est donc celle de la primaire socialiste, elle n’est pas celle du programme commun de la gauche en 1972 puisqu’il n’existe plus, à côté du Parti socialiste, de force équivalente ou presque avec laquelle il serait à celui-ci de négocier comme François Mitterrand devait le vivre avec Georges Marchais. La discussion sur l’autorisation administrative de licencier quand l’entreprise est en riche posture boursière ou sur l’entrée d’office de l’Etat aux conseils d’administration des grandes banques et des grandes entreprises n’est qu’apparemment un retour aux querelles passées. La conjoncture a fait prendre au Japon depuis près de vingt ans, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne depuis 2008, en Allemagne dans certains domaines, des décisions du genre honni par la droite française. Le paradoxe d’une médication imposée à la Grèce – les privatisations pour rétablir la trésorerie publique – qui prive l’Etat national de tout levier industriel et financier, n’est pas encore relevé.

Endémique depuis les émeutes de banlieues – principalement celles de Novembre 2005, qui donnèrent lieu à un discours du président d’alors, Jacques Chirac, à la mesure de l’évènement – le débat sur la cohésion sociale a été faussé par la ligne électorale choisie pour 2007. Identité nationale et répression, donc culture des apparences tandis que l’outil éducatif continuait de perdre ses moyens, tiennent lieu actuellement d’une réflexion qu’un ministère de la Ville évanescent de Bernard Tapie… à Fadela Amara, aurait pu conduire interdisciplinairement, de l’urbanisme aux adaptations de toutes les administrations à vocation éducative, culturelle et protectrice. Ce débat se fausse davantage encore quand il porte principalement sur l’immigration sans prise de conscience de deux contradictions contemporaines. La mondialisation porte sur les flux de marchandises et de capitaux mais elle prohibe les mouvements de personnes qu’au contraire l’époque coloniale ou chacun des après-guerre avaient favorisés. Les relations nord-sud, les politiques de voisinage de l’Union européenne, les ambitions méditerranéennes de la France et la culture françafricaine postulent une confiance mutuelle pas principalement au niveau des dirigeants – les « printemps arabes » en ont montré la complaisance ou le péril, rétrospectivement – mais dans la relation entre personnes. Contraste entre les entraides spontanées (et efficaces) développées en France pour les « sans-papiers » à proportion de leur mise au pilori ou de leur traque, et des politiques inefficaces d’immigration choisie.

Une dernière ligne de débat porterait sur les institutions considérées dans l’ensemble de celles qui orientent les dépenses publiques et les vies quotidiennes. Ce qui amène à considérer l’aménagement du territoire, totalement perdu de vue depuis plusieurs décennies et à revoir sous cet angle aussi bien la réforme bâclée des élections « territoriales » que la répartition des établissements militaires, judiciaires, hospitaliers, scolaires. Ce qui ferait réfléchir sur le fonctionnement de nos institutions nationales, sur une décentralisation qui ne soit pas une défausse budgétaire de l’Etat, sur la relation démocratique des citoyens européens avec le décisionnel et le délibératif bruxellois et, compte tenu des éphémérides du quinquennat qui se termine…, de l’indépendance de la justice

Présentées en forme d’écoûte plus que de « propositions » ou de « pistes » qui sont le vocabulaire de contrainte du pouvoir acuel, presque tous ces sujets se prêtent à des consensus, dégageant les alternatives pour seulement des points d’application précis. Paul Ricoeur que je visitais, plusieurs fois, quelques mois puis semaines avant sa mort, me faisait remarquer que nous ne savons pas – Français – débattre.


2° – Quel candidat ?

Depuis son élection en Mai 2007, Nicolas Sarkozy a parlé publiquement et probablement dans chacune des instances de son parti, en fait de sa machine, tenues à domicile – l’Elysée – comme s’il était en campagne électorale permanente. Son parti a pourtant perdu chacune des élections locales, ce qui a d’ailleurs produit paradoxalement l’élément de langage pour l’élection sénatoriale ; pas une défaite, puisqu’elle était mathématiquement induite par les précédentes de moindre niveau … De Gaulle avait voulut l’élection au suffrage direct de ses successeurs pour que ceux, par la participation de tous les Français au scrutin, soient hors de pair, dans la vie nationale et les institutions constitutionnelles comme lui-même l’était mais du fait de l’Histoire. Il vivait chacun scrutins nationaux comme un referendum, un choix pour le maintien du régime et pour la poursuite ou non de sa tâche. Or l’élection présidentielle, telle qu’elle s’est déroulée depuis son second mandat jusqu’à celle de Nicolas Sarkozy, a eu un effet différent. Elle n’a pas été vécue par l’élu comme une obligation de pratiquer dans un certain sens les insitutions mais comme l’acquisition d’une invulnérabilité, d’une inamovibilité. Exception ambiguë, Georges Pompidou, recourant au referendum puis envisageant une anticipation de sa réélection (la proposition de quinquennat en Octobre 1973), pour retrouver une légitimité que lui contestait l’évidence des progrès et de l’unification des oppositions de gauche. Valéry Giscard d’Estaing était prêt – son discours sur le bon choix de 1978 – à ne pas résigner ses fonctions présidentielles si la gauche l’avait emporté au renouvellement de l’Assemblée nationale, quitte à n’influer en rien sur la politique de celle-ci. François Mitterrand et, plus encore Jacques Chirac parce que ce renouvellement avait eu lieu sur dissolution, sont restés à l’Elysée. Au contraire, Nicolas Sarkozy a eu de sa fonction une conception plus proche de celle du général de Gaulle qu’aucun des successeurs de celui-ci : une responsabilité vis-à-vis des Français permanente et générale. Son erreur a été de confondre, sans hiérarchie, le décisif avec le quotidien et la décision personnelle avec l’orientation par concertation et délégation ministérielles, selon la Constitution. Nicolas sarkozy se représentera pour exercer le pouvoir, comme il l’a déjà exercé. Contrairement à de Gaulle, le consentement des Français, à vérifier éventuellement, et le contenu de la politique menée grâce à la prérogative présidentielle, sont pour lui accessoires. Il se représentera non pas pour « défendre un bilan » ou continuer ce qui a été entrepris ou décidé, mais pour rester président de la République tel qu’il l’aura été pendant cinq ans. Avec la contradiction qui pose une énigme : pourquoi avoir disposé en Juillet 2008 que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » ? que fera l’impétrant, en 2017, encore jeune… et qui présente un inconvénient dont l’évidence frappera dès le soir de la réélection, s’il y a lieu : la brigue immédiate pour une succession forcément ouverte. Un système à la Poutine n’a certainement pas été envisagé.

A défaut du président sortant, décidant de ne pas se représenter, ce qui ne sera énoncé qu’au dernier moment, dans la conception qu’a Nicolas Sarkozy de l’exercice du pouvoir, les candidats ne manquent pas. Ceux qui se sont déclarés dans la majorité sortante ont jusqu’à présent semblé des réserves de voix pour Nicolas Sarkozy au second tour. Jean-Louis Borloo pèserait-il davantage s’il y a forfait ? Je ne le crois pas. Le maire de Valenciennes avait affiché sa disponibilité envers Lionel Jospin peu avant le premier de 2002, il n’a été ministre de l’Environnement que par double défaut, celui d’Alain Juppé battu à la députation de 2007 et son propre échec en quelques semaines rue de Bercy. Parmi les autres « centristes », Hervé Morin est trop neuf et François Bayrou, dont il présida le groupe parlementaire jusqu’en 2007, ne reconstituera pas ce qu’il y a cinq ans, les circonstances lui avaient permis de réunir, circonstances et réunion qui n’ont pas été étudiées. Dominique de Villepin, fondant un mouvement après avoir persisté dans son appartenance à l’U.M.P., vient de le quitter pour afficher sa disponibilité envers l’U.M.P. Sauf à devenir le candidat de la majorité sortante, il n’a pas de poids propre et la télégénie qu’il se croit – mais que je trouve discutable, une voix sacacadé, un visage compliqué, un ton et des mimiques véhéments – n’en tiendra pas lieu. Il n’a pas su s’organiser, il n’a pas fidélisé ni attiré. Les deux Premiers ministres de Jacques Chirac ont été chacun une erreur : pas de cohésion gouvernementale, pas de successeur éventuel. Le principal de l’échec présidentiel d’un acteur majeur de notre scène politique pendant si longtemps n’aura pas été la « droitisation » du « gaullisme », mais un manque de jugement sur les hommes et les femmes. Jacques Chirac – bête électorale – n’a pas pu être un homme d’Etat par manque de structures personnelles, le mettant constamment en demande de mentor, de conseiller jusqu’au moment où, affaibli dès la deuxième année de son premier mandat, par la rudesse d’Alain Juppé, puis dès la troisième année de son second mandat par le manque d’autorité de Jean-Pierre Raffarin, il s’est trouvé un adversaire dont il n’a pas su avoir raison, dès l’apparition de celui-ci.

Jusqu’à présent, seul de Gaulle a pu peser sur sa succession, même s’il est probable qu’à côté de Georges Pompidou, le Général souhaita que Maurice Couve de Murville, son ultime Premier ministre, eût plus qu’une chance. Ni François Mitterrand ni Jacques Chirac n’ont déterminé leur succession. Au contraire, Nicolas Sarkozy est en mesure de départager – sauf organisation improbable d’une primaire à l’U.M.P. – François Fillon et Alain Juppé. Le premier, longtemps moins impopulaire que le Président et, jusqu’il y a peu, plus mesuré que celui-ci et que les ministres en vue dans l’épousaille verbale avec le Front national, peut se voir reprocher par l’opposition d’avoir, par fonction de Premier ministre, signé ou contre-signé, exécuté en tous cas toutes les décisions du président sortant, être donc son clône. Le second a été appelé au gouvernement en 2007 comme en 2011 pour faire pièce au premier et surtout pour n’être candidat éventuel qu’en cas de défaut présidentiel, alors que le maire de Bordeaux aurait pu travailler directement le parti présidentiel. Deux habiletés entourent donc le président sortant et ont plus intérêt à son abdication qu’à sa défaite : 2017 est loin. Ils sont chacun préférés par l’électorat U.M.P. au président sortant.

A gauche, Jean-Luc Mélenchon n’aura pas la capacité d’amoindrir le candidat socialiste qu’eurent Arlette Laguillier et Jean-Pierre Chevènement. Très probablement, Daniel Cohen-Bendit aurait apporté aux écologistes, quelle que soit leur étiquette, le maximum de voix par une équation personnelle pouvant – à mon sens – doubler le vote potentiellement « vert » : l’insolent de Mai 1968 a fait la remarque, jusqu’à présent la plus intelligente de la campagne pour 2012. Une candidature écologique est-elle nécessaire ? sans doute plus, puisque ce corps de pétitions, de propositions et de mises en demeure des autres candidats a diffusé à travers tout l’échiquier politique. De même que les simplismes, les racismes du Front national ont diffusé dans toute l’U.M.P. et même chez certains socialistes : le défunt président de la région Languedoc le démontrait sans fard. Les centristes, selon leurs têtes d’affiche actuelles, ne sont pas assez crédibles pour faire identifier l’U.M.P. comme un décalque du Front national, le populisme en moins, populisme et anti-parlementarisme qui feront l’électorat résiduel de la famille Le Pen, bien plus que les thèses nationalistes et racistes d’origine.

Ce sont les Français eux-mêmes qui vont désigner le candidat socialiste et celui-ci – à tort – se croira aussitôt en passe d’entrer à l’Elysée. Tout en observant continuellement les ordres de classement pour le premier tour et en calculant aussi, depuis l’élection sénatoriale, les probabilités ou pas d’un retrait de Nicolas Sarkozy, François Hollande est pressé par les médias comme le fut Dominique Strauss-Kahn avant cette fin de matinée d’un samedi au Sofitel de New-York. Au point que l’on présente maintenant le président sortant comme son « challenger » et non le contraire. François Mitterrand pour 1981 et Martine Aubry pour 2012 prétendent incarner le programme d’un parti, mais il manque à la seconde le charisme du premier qui fut tel que la personnalité importait autant que le programme et qu’ainsi les deux versants d’une même candidature convenaient aux uns et aux autres selon une analyse et un regard dépendant de l’électeur et non de la présentation du candidat par lui-même. Ségolène Royal, par la cohérence de son propos, incarne bien plus que ses deux rivaux, dont elle n’atteint cependant pas et de loin les intentions de vote, une rupture avec le cours actuel. Devant elle, les deux précédents Premiers secrétaires du P.S. raisonnent en possession putative de l’Elysée ; elle distingue au contraire la campagne qui est de souhait et de proposition, de l’exercice des fonctions présidentielles qui ne sera pas un compromis avec une réalité hostile et des adversaires acharnés, dans son parti et dans l’opposition, mais un compromis entre le possible et le souhaitable. Les deux autres ont placé le souhaitable sous la barre du possible, elle le place au contraire au-dessus du possible. Elle m’est sympathique, sans compter deux arguments pas accessoires. Elle incarnerait avec classe et élégance une France réconciliée avec Marianne et faisant coincider pour la première fois l’effigie nationale avec le portrait officiel du chef de l’Etat : rien que cette image vaudra à l’étranger un avantage qu’a apporté Margaret Thatcher à la Grande-Bretagne mais guère Angela Merkel à l’Allemagne. Minoritaire dans le Parti socialiste, dont elle n’a pu prendre la tête en tant que Premier secrétaire, elle ne pourra exercer le pouvoir qu’en équipe, collégialement, s’économisant sur certains points seulement qu’elle a cultivés depuis 2006 avec originalité et persévérance : la consultation référendaire, la démocratie sociale et participative. Ce n’est pas un gage de politique économique ou financière, c’en est un pour une mûe de la pratique institutionnelle. De même, son expérience et son succès à la tête d’une région, seule de tous les candidats de gauche comme de droite, lui donne une incomparable crédibilité pour que l’aménagement du territoire, la décentralisation soient l’orientation décidant de beaucoup dans le prochain quinquennat.

L’originalité de la gauche vient de se marquer par les deux débats télévisés entre ses six candidats à l’investiture. Le vote les 9 et 16 Octobre est une première. L’étape médiatique a manifesté la possibilité d’une démocratie interne dans un parti et la possibilité aussi d’un exercice semi-collégial du pouvoir, pas seulement d’un dosage de portefeuilles et de compromis entre les personnages. L’étape électorale est la première de la démocratie participative. Groupuscules, candidatures ne pouvant pas même espérer les 5% de suffrages exprimés au premier tour, président sortant et acteurs centristes, chacun a son champion autoproclamé ; au contraire, le Parti socialiste, déjà premier à faire élire son Premier secrétaire par l’ensemble des militants, il y a plus de quinze ans, offre aujourd’hui bien au-delà de ses encartés, à tous les Français qui le souhaitent – moyennant peu : un euro. pour les frais et une adhésion à un rappel de valeurs partagées – de participation à la présentation de son candidat..

Si 56% seulement des Français souhaitent la victoire de la gauche – sondage de la mi-Septembre – tandis que 61% des Français ne croient pas que Nicolas Sarkozy puisse gagner [3]– sondage publié le 2 Octobre – l’espace paraît encore très libre, mais comment l’occuper ? Jean-Louis Borloo décide de ne pas se présenter, François Bayrou y gagne-t-il ? Première illustration des retournements et des ralliements : Stéphane Richard, directeur du cabinet de Christine Lagarde rue de Bercy, décoré avec ostentation à l’Elysée par Nicolas Sarkozy enviant publiquement sa jeunesse, son argent, ses talents, propulsé à une succession politiquement périlleuse, celle de France-Télécom. et de ses trente ou trente-cinq suicidés, se déclare aujourd’hui en faveur de François Hollande.

Je me souviens avoir rencontré Gaston Defferre, sous le porche du Palais-Bourbon, en 1974 : il était Premier ministre putatif et m’a assuré : tout cela, ne sera qu’un reclassement. En 1981, presqu’au même endroit, doublant la statue qui fait centre place du Palais-Bourbon, je croisais Pierre Mauroy, le saluais : il resta silencieux. C’était le futur Premier ministre. Ce fut chaque fois à la tombée du jour.



3° – Quelle enceinte et quelle scène : temps, lieux et partenaires ?

Depuis 2002, la durée constitutionnelle du mandat présidentiel est la même que celle d’une législature. Ce qui parut habile et logique, la proposition co-signée de Raymond Barre et de Michel Rocard de faire coincider, au moins en 2002, les législatives avec la présidentielle – ce fut présenté comme la nécessité que le renouvellement de l’Assemblée nationale élu à la dissolution de 1997 suive l’élection du président de la République, au lieu d’être tenue selon la Constitution en Mars donc en pleine campagne présidentielle – est sans doute la révision de fait la plus importante de nos institutions depuis 1962, car elle donne un autre sens à l’abrègement du mandat présidentiel. Sauf discordance, politiquement peu probable, entre la majorité élisant le président de la République et celle, élisant les députés, juste quelques semaines après, la France se trouve pour cinq ans dans un agencement des pouvoirs publics homogène mais figé. Seule, une dissolution en cours de mandat, redonnerait à nos institutions leur souplesse d’antan c’est-à-dire la possibilité que soit mis en cause en cours de mandat le gouvernement formé par le président de la République, et, selon la jurisprudence créée par Nicolas Sarkozy d’une « hyper-présidence », le chef de l’Etat lui-même.

Mais cette rigidité présente un avantage qui n’est exploité par personne, alors qu’au moins la gauche ou ce qu’il reste d’expérience des débuts de la Cinquième République, devrait en faire un outil majeur, correspondant aussi à l’alternative institutionnelle que présentait Pierre Mendès France face à la proposition référendaire de l’élection directe du président de la République. Le gouvernement de législature et la remise à l’œuvre d’une planification « à la française ». Soit que le plan quadriennal soit débattu au Parlement et dans le pays pendant la première année du mandat présidentiel, soit que l’élection présidentielle porte sur un projet de plan précis et des propositions de lois repoussées lors du mandat échu, l’ensemble donnant un corps écrit prêt à être voté dès les premières semaines de la nouvelle législature pour former un plan quinquennal, la France aurait un outil de prévision et de cohérence débattu démocratiquement, quitte à ce que les catastrophes – telles la crise actuelle, ou les « chocs pétroliers » - donnent lieu à des ajustements. Au lieu d’engagements comme aujourd’hui, censément sur cinq ou vingt ans, dont les signataires ne seront plus au pouvoir pour en suivre ou pérenniser l’application, la gestion gouvernementale aurait un cadre précis d’entrée de jeu.

Les débats développés depuis l’automne de 2008 ont rappelé aux Français sinon à leurs dirigeants les deux dimensions de toute politique nationale maintenant : le moyen et long terme (l’écologie, la sûreté nucléaire mais aussi les équilibres budgétaires et l’apurement des dettes, tout programme d’infrastructures) d’une part, la concertation avec nos partenaires européens (pas seulement l’Allemagne) et la complémentarité avec eux. Ce qui excède le champ d’une campagne présidentielle en durées envisagées et en interlocuteurs pour toutes décisions.

Comment le concours des candidats et les alternatives de programme peuvent-ils contribuer à mettre le pays au rythme beaucoup plus ample : les décennies à venir, et dans un champ aux acteurs bien plus diversifiés que ceux de la classe politique nationale : nos partrenaires européens avec chacun leur histoire, leur configuration sociale, leur inconscient collectif, leurs références propres et leurs hantises?



*
*    *




II – Une crise dont les éphémérides nationaux et internationaux sont difficiles à lier


1° - manque de dialectique : la crise, cause ou effet ?

Pour le pouvoir à renouveler ou à démettre, la crise économique et financière n’est que le fait de circonstances. Il est oiseux de les analyser, ce sont des éphémérides, mais elle est dangereuse, il faut y répondre ou paraître y répondre. Nicolas Sarkozy raisonne et s’exprime en termes de refondation ou de novation, mais pas de susbtitution. S’adapter, adapter le système régnant, corriger des abus qui sont affaire de personnes (la Société générale), mais pas de doctrine ambiante. Avant que la crise ne fasse sentir, comme depuis le début de cet été, qu’un effondrement du système bancaire, déjà envisageable à l’automne de 2008, la dialectique était simple : les Français ne savaient à quoi appliquer leur effort, si même ils étaient capables par eux-mêmes d’un effort. Mais le discours était déjà celui de s’adapter à l’ambiance et non pas de s’interroger sur les composantes de celle-ci, ni sur la modification des paramètres. Paradoxe des volontarismes de la droite : celle de Jacques Chirac, de Dominique de Villepin et de Nicolas Sarkozy. Ils n’aboutissent qu’à faire pression sur les assujettis pour qu’ils consentent à ce qui les fait souffrir ou à ce qui les empêche. Et c’est ce manque d’effort et d’adaptabilité qui fait le retard français, voire la cécité nationale face à des nécessités et à des recettes dogmatiques que d’autres pays saisissent mieux : l’obsession américaine de Nicolas Sarkozy en début de son mandat, la comparaison allemande le plus souvent mal informée (les retraites, les composantes du commerce extérieur, la nature du consens social s’il y existe encore). La crise, au fond, conséquence des Français inférieurs et jusqu’en 2007 mal gouvernés. Culpabilisation nationale commencée par Jacques Chirac en lecture des responsabilités de la shoah, et ressassée comme cause principale de la faiblesse de notre économie.

Pour d’autres – dont je suis – la crise est la conséquence de deux évolutions déjà anciennes. Un système fondé sur le profit et donc sur la recherche des moindres coûts : en gros, l’innovation technique et la conquête des marchés sont plus difficiles et onéreux, aléatoires surtout, que le « dégraissage » et le transfert des charges sociales et de ‘lensemble du salariat sur la collectivité dont l’Etat a la charge de lui faire pallier l’apparente défaillance de l’économie spéculative. Défaillance au regard des objectifs et des devoirs sociaux, qui demeurent inscrits – à juste titre – dans la conscience du grand nombre, mais pas au regard de ce qu’un prix Nobel d’économie (Stieglitz) et maintenant les « indignés » de Waall Street soutenus par Georges Soros), a identifié comme la cupidité des dirigeants. La pétition de libre-échange entre pays développés, inaugurée dès 1958 par les Anglo-Saxons à la mise en œuvre du Marché commun des Six sur le continent européen, a abouti à sa plus grande extension, la mondialisation, et à ses pleins effets : la délocalisation et la financiarisation. Les banques elles-mêmes ayant obéi à cette logique ont livré les entreprises, et maintenant les Etats, à la seule spéculation, l’argent ayant poussé à l’individualisme et confirmé la passivité d’un grand nombre perdant le sens des classes, des relations d’exploitation, des réponses syndicales voire de révoltes jusqu’à obtention d’une part de justice. Dans un régime où l’Etat existe et fortement, la revendication sociale est satisfaite ou par la concertation – la planification à la française de 1945 aux environs de 1980 – ou par la révolte, même si les causes initiales ne sont pas forcément une exigence sociale et salariale : les événements de Mai et les accords de Grenelle, qui ne mirent pas du tout l’économie à bas, malhré deux mois de gtrèves ou de perturbations, la diminution du temps de travail, la mensualisation et l’augmentation de 30% du salaire minimum.

La crise est la conséquence d’une évolution commencée il y a quarante ans et à laquelle l’Union européenne a décisivement cédé (offerte et plus seulement ouverte – expression de Laurent Fabius) et d’une perversion des élites, surtout du système de leur recrutement et de leur formation. Le gouffre est moins entre riches et pauvres en France, qu’entre deux jeunesses, celle qui s’expatrie pour ses études et qui n’a plus de lecture dialectique de la société et de l’histoire, et celle qui, banlieues, immigration ou plus généralement désespoir de vivre par manque d’issue et d’accueil, n’est pas prise en charge ni par l’Etat ni par des mouvements sociaux capables d’imposer le changement.

D’un côté, une invite insidieuse ou impérative à la confiance dans les systèmes et les dirigeants du moment : la passivité du grand nombre, une absorption à l’infini des sacrifices et diminutions, chacune encadrées par des législations répressives, les co,ncessions ne sont qu’en parole et l’avenir qu’en promesses octroyées. De l’autre, l’amorce pas encore assumée politiquement d’une réflexion globale sur les causes de l’actualité, et, par déduction de ces causes, sur les assises d’une économie et donc d’une société plus fiables et sereines. Tout mouvement social est une démonstration que le remède universel est la démocratie, non que celle-ci soit omnisciente mais parce qu’elle seule peut faire consensus.


2° - rôles erronés : la crise d’un gouvernement ou celle de la démocratie ?

Le système pratiqué par Nicolas Sarkozy dès son avènement s’est marqué par deux confusions qui n’étaient pas irrépressibles. Une conduite directe et personnelle des élus parlementaires, de leurs travaux comme de leur expression publique. Une minoration publique, à défaut d’une extinction constitutionnellement impossible sans révision ex)licite, des fonctions du Premier ministre. Il n’a pas immédiatement choqué parce qu’il faisait suite d’une part à plusieurs périodes de cohabitation droite-gauche ou gauche-droite et d’autre part à un exrecice incertain du pouvoir soit par le prédécesseur de Nicolas Sarkozy qui fut plutôt son anti-modèle : Jacques Chirac, soit par le dernier des Premiers ministres de celui-ci, Dominique de Villepin, n’ayant pas davantage que Jean-Pierre Raffarin, mais pour desraisons différentes, d’autorité sur les ministres.

La confusion des pouvoirs et l’interventionnisme dans tous les domaines de la vie nationale ont été facilités par la propension des médias à distinguer de moins en moins la décision de son souhait, l’événement du discours, et à maintenir l’apparence d’un dialogue entre le président et l’opinion sous forme unilatérale d’une supposée expression de celle-ci par celui-là. Nicolas Sarkozy a pu prétendre pendant la première moitié de son mandat exprimer le vœu de ses concitoyens face à des administrations, à des circonstances, à des dérives procédurales, et faire ainsi le socle populiste de réformes – concourant accessoirement à des économies budgétaires – démantelant l’outil étatique, pour ensuite consacrer toutes les apparences à sa réponse aux éphémérides successifs de crises internationales coincidant opportunément avec sa présidence annuelle ou semestrielle de l’Union européenne, des G 8 et G 20.

La réalité a été une correspondance qu’il était tentant d’exploiter entre la nouvelle manière de croître des grands groupes économiques français, la façon de les diriger selon des critères très éloignés de l’objet social ou des circonstances fondatrices, et une modernisation du pouvoir puisque « les hommes ont la démangeaison d’entendre des nouveaités ». La croissance externe et l’extension indéfinie des domaines d’activités générant des « centres de profit » à partir d’un métier ou d’un actif initial donnant assez de ressources pour qu’ils déployent à des dirigeants, ont permis une pratique solitaire du pouvoir pourvu que l’actionnariat en soit gratifié. Le cotoiement d’un parvenu en politique avec des parvenus ou des héritiers en finances et en économie, a produit ce qu’un patronat familial et une culture du service public n’avaient pas secrété aux pires moments de dévoiement du pouvoir politique sous les Républiques précédentes : la connivence n’avait jamais excédé que les moments précis des élections ou l’ocroi de certains marchés publics, elle n’était que corruption mais pas une alliance permanente. Non seulement la séparation des pouvoirs publics constitutionnels resta impossible en temps de paix et se maintint même pendant la Grande Guerre, mais la distinction entre le domaine industriel et financier d’une part, et celui de la gestion politique et sociale d’autre part restait atavique parce qu’elle permettait la paix intérieure et fit faire au pays d’importantes mises à jour, sociales de la fin des années 1920 à 1940, industrielles et technologiques des années 1950 au début des années 1980. La réplique d’une droite en mal de programme propre aux nationalisations opérées par la gauche en 1982 a inauguré le jeu des nominations dans les groupes privatisés et créé l’ambiance dans laquelle s’est édifié une génération et une thématique toute nouvelle de grandes fortunes françaises, au moment où celles qui pendant cent cinquante ans avaient créé puis développé l’industrie nationale déclinaient faute d’alliances et de stratégies. Tandis que Péchiney et Thomson mouraient, que le textile, la chimie, la sidérurgie et le charbon fermaient, les groupes à multiples vocations et peu distrubuteurs d’emploi apparaissaient. L’alliance des nouveaux venus à la nororiété et au pouvoir, la finance n’ayant guère qu’une quinzaine d’années d’avance sur le cadet d’un immigrant, était tentante, Balzac et Zola y auraient retrouvé leur matière mais n’avaient pas osé aller jusqu’à la tête de l’Etat, il est vrai héréditaire au temps du premier et peu attrayante pour le second, pourfendeur de la Républiquequi condamnait Dreyfus.



3° - discernement sans objet : la crise de la volonté nationale ou la crise des consciences

Discerner la nature de la crise, les moyens d’y remédier me paraît second par rapport à la prise de conscience non pas d’une situation matérielle, descriptible statistiquement : natalité, budget, patrimoine, taux des diverses évolutions, inventaires divers, mais de ce que nous sommes. Les Français sont les premiers remèdes à la crise française, et notre pays est l’un des composants importants pour mettre en œuvre des innovations ou des réancrages, au moins en Europe – par tradition et objectivement puisqu’il est en situation moyenne à beaucoup d’égards et qu’il est devenu très ductile du fait de l’immigration plus allogène qu’auparavant et aussi de sa désindustrialisation.

Nous vivons manifestement une rupture avec nos antécédents politiques, même récents – les éléments fondateurs et consensuels de la Cinquième République, très fille de la Quatrième pour ses options sociales (planification, cogestion paritaire), nucléaires, africaines, européennes – et avec nos équilibres longtemps maintenus entre ruralité et urbanisation, fonction publique et professions libérales. Autant que notre territoire métropolitain, notre société était diverse, propre à la solidarité et à la tolérance pourvu que l’Etat – généralement consenti comme une chose n’appartenant à aucun parti ou clan ou tribu – le codifie et répartisse la plus-value de l’économie nationale avec volonté. Nous ne sommes plus à cette époque.

Le flou de nos racines, le doute sur nos outils coincident avec une profonde hésitation sur l’identification de ce que nous devenons. La France a changé et la France change. 

Elle a changé parce que l’immigration de ces trente dernières années, voulue au début semble-t-il par manque de main d’œuvre au moment de notre mûe industrielle, pose question à tous en termes d’identité ce qui n’avait jamais été le cas des précédentes vagues soit que celles-ci aient été moins nombreuses encore qu’appréciables après la Grande Guerre, soit qu’elles aient été principalement européennes. Elles étaient de motivation : fuir un pays avec lequel l’arrivant n’était plus d’accord politiquement, alors qu’aujourd’hui l’analyse politique est plus floue, il s’agit d’ambiance et de travail que n’offre pas le pays d’origine. Pourtant cette immigration enrichit notre pays démographiquement et elle cultive pour l’essentiel ce qui a toujours fait l’identité de notre pays vis-à-vis de nous-même et l’image de la France dans le monde. Mais ce n’est plus « notre vieux pays » qu’invoque Dominique de Villepin, plagiant de Gaulle. Elément fondamental – et fondateur du nouveau cours, dont beaucoup pourra se déduire, et sans doute consensuellement si c’est mené et exprimé, voulu avec intelligence.

La France est nouvelle parce qu’elle s’est ethniquement métisssée autant que la Gaule s’est romanisée, et que ses structures mentales se sont enrichies, non plus d’une sorte d’acquiescement universel à la philosophie des lumières, à la révolution française et au droit des gens (1789 à 1919) mais de l’adhésion des immigrants, pour la plupart ses anciens sujets coloniaux. Ce que nous avons perdu en souveraineté territoriale, nous fait prendre conscience de la vérité, plus grande que jamais, de l’affirmation de Renan : la langue (c’est-à-dire l’esprit et la structure mentale) et le projet d’avenir commun.

La France est donc plus française que jamais en tant que système de vie collective, la crise la réveille et la ramène aux grands choix de la Libération, eux-mêmes fruits d’une singulière maturation du Front populaire et des aspects sociaux de Vichy : le sens de l’Etat, la participation, la planification, le service public, l’aménagement du territoire.

Notre pays est neuf, les ingrédients ont changé mais pas le moule. Le moule, ce sont notre géographie et notre histoire productrice d’un esprit qui reste fécond et attrayant. L’éducation civique, ce n’est pas l’explication des institutions ou l’exhortation au savoir-vivre ou à la tolérance des différences, ce sont l’histoire et la géographie françaises données de façon neuve et totale, c’est-à-dire en y intégrant cette « plus grande France », sans sens territorial et tout en acception spirituelle. Ce fait est décisif pour toute manière et pour tout projet d’administration des Français et d’appel à l’âme nationale. Cette immigration d’ailleurs n’a pas pris l’initiative du communautarisme, au contraire celui-ci vient de Français d’ascendance millénaire dont certains se sont découvert depuis l’exploitation thématique de la shoah puis d’excessives sollictations électorales, voire de réseaux, une sorte de seconde nationalité, notamment en faveur de l’Etat d’Israël. Il faut cependant reconnaître que ce communautarisme-là n’en agresse pas d’autres quand il s’en forme, mais il impose de plus en plus un regard forcé sur notre histoire contemporaine (le discours de Jacques Chirac sur les responsabilités françaises pour la shoah) au détriment d’autres investigations et mises en valeur : il n’est pas unificateur et toute mémoire culpabilisante n’est pas dynamique pour notre avenir, d’autant que d’autres Français ne peuvent en rien s’y reconnaître. Les manipulations depuis quinze ans de notre Code de la nationalité, les débats inopinés sur une appréciation rétrospective de la colonisation sont à contresens d’une intégration spirituelle – méritoire de la part des nouveaux arrivants plus encore que de la nôtre. Toute distinction religieuse ou ethnique complique d’ailleurs la base légale et le contexte psychologique d’une administration des gens. En ce sens, le pouvoir en place depuis 2007 n’est pas constructif, surtout il ne sait pas discerner un élan qui nous sécurise à terme bien plus que des mesures de sauvegarde ponctuelles.

La France change maintenant parce que – je crois, pour la première fois dans notre histoire – nous avons pris conscience du décalage entre notre image et la satisfaction que depuis deux siècles elle nous procure, sans forcément avoir toujours l’aval de l’étranger, d’une part et des politiques répressives menées depuis quelques années. Décalage aussi avec ce qui se révèle de mœurs financiers de la classe politique. Les libertés publiques et la morale publique, l’honnêteté et le souci de légalité n’étaient pas une demande de l’opinion publique, longtemps demeurée dans la simple caricature de l’anti-parlementarisme classique. La cassette Méry, la question des souss-marins de Karachi, l’Angolagate, les frégates de Taïwan, l’affaire Bettencourt, les propos de Robert Bourgi donnent une force tout autre que celle des scandales passés, notamment dans les années 1930 ou de temps à autre sous la Cinquième République (la Garantie Foncière, l’affaire Aranda, celle du Carrefour du développement) à la réprobation des camps de rétention, des expulsions de Roms : déjà les « charters » d’Edith Cresson avaient enclanché sa décote parmi ses amis notamment. Un même pouvoir serait corrompu et attentatoire aux droits de l’homme. Je n’apprécie ici ni le discours de Grenoble ni la circulaire ad hoc qui le suivit, ni l’implication ou pas de ceux (le Président compris) dont le nom est évoqué dans ces « affaires ». J’y reviens plus loin mais d’un autre point de vue. Je remarque ici la prise de conscience par l’opinion – choquée – de ce que nous coincidons plus avec notre idéal et ce que nous cherchons à faire valoir dans le monde. Notre intervention en Libye ou notre mise en demeure des Nations Unies à propos de la Syrie, paraissent et de peu de cohérence avec notre diplomatie bilatérale antérieure. L’attitude du Président vis-à-vis du Dalaï Lama et ses égards pour la Chine parait pire qu’incohérente : pas courageuse.

La France a changé de composition mais pas de nature. La France change parce qu’une partie de ses citoyens a souci de notre qualité nationale, face à ce que le pouvoir croit la crainte de beaucoup : la dissolution de notre identité. Deux analyses de l’esprit public et deux conceptions de gouvernement (court terme/long terme) s’opposent et les gouvernants depuis 2007 semblent avoir choisi le camp de la peur, celui des petits blancs » que fait apparaître toute action discriminant selon la race ou l’origine. Alors que la maturité de l’esprit public doit être confortée, notamment si – dans un registre différent – l’identité et la pérennité françaises doivent contribuer décisivement au patriotisme européen et à des institutions et des fonctionnements faisant de l’Union européenne une fédération fortement unitaire.



*
*    *



Les conclusions s’imposent d’elles-mêmes si l’on regarde la consultation selon l’habitude acquise en organisation, en scenario, en pluralité telle qu’elle s’est imposée dès sa première fois, malgré la participation du général de Gaulle ou à cause de celle-ci. Mais elles se dérobent s’il s’agit de mesurer la capacité du pays à se décider.

Malgré les apparences, la campagne présidentielle n’a pas commencé puisque ni les principaux candidats ni les thèmes à débattre ne sont connus. L’investiture socialiste restera d’expression déséquilibrée tant que ne seront pas acquis le retrait de la course ou la candidature du président sortant : Février, précise la rumeur. Les thèmes ont été successivement les réformes, la rigueur budgétaire, la sécurité, ils sont devenus la relation de l’Etat avec les banques, un supplément fédéraliste au fonctionnement européen, ils peuvent au printemps prochain être la gestion d’une zone mark ou le maintien de l’ordre ou la mise en accusation d’un président convaincu personnellement de mensonge et de corruption. Ce peut être un changement de Constitution pour que les contrôles empêchent le bon plaisir et les effets de réseaux, un essai de représentation propotionnelle à l’Assemblée nationale. Ce peut devenir un débat uniquement écologique fait des interrogations nucléaires, d’une réindustrialisation de la France par la production nationale de biens et services totalement innovants ou encore d’une ambition de rééquiper tout notre territoire, de refaire nos villes selon des modèles nouveaux : réflexion introduisant le planétaire, le très long terme et l’éthique sociale dans le plus concret des investissements publics et des incitations fiscales à organiser, bâtir, remplacer. Créativité, diversité et mutualisation des cultures pourraient s’en déduire. La somme des débats et alternatives sectoriels ne fera cependant pas un débat national, encore moins un élan, cela produira au mieux des priorités et quelques échéances.

L’élection présidentielle – selon qu’elle élimine ou restaure Nicolas Sarkozy – devrait décider de l’exceptionnalité sans suite ou de la fondation jurisprudentielle d’une nouvelle forme non écrite de nos institutions jusques là constitutionnelles : forme constituée par la pratique du mandat reçu en 2007. Un mode de gouvernement par lequel une seule personne subjuguant toutes les autorités et subordonnant tous les rôles, absorbe toutes les compétences étatiques ou au contraire l’appel à un système collégial. En dehors de toute considération de légalité, l’évidence est qu’aujourd’hui le despotisme ne peut s’éclaircir par le seul recrutement de quelques conseillers et qu’une action publique ne se réduit pas à la rencontre de quelques homologues étrangers ou à quelques déplacements escortés en province. Mais le gouvernement à plusieurs dans le respect mutuel des compétences et des individualités ne va pas de soi : la mise sincère au débat parlementaire ou référendaire, le pluralisme favorisé des partis au pouvoir et dans l’opposition, l’amenuisement voulu des conflits dogmatiques et l’abandon de toute prétention au monopole du savoir et du bien commun sont à inventer, comme si la restauration de l’Etat en 1958, les émancipations de la France vis-à-vis de ses entraves atlantiques ou coloniales, les intuitions participatives jusqu’en 1969 n’avaient été que préludes oubliés par une lutte droite/gauche accaparant l’attention des médias, appelant les paris de carrière mais lassant l’attention civique et laissant le champ libre à une économie qui n’est plus d’entreprises mais de groupes au personnel dirigeant davantage à apte à gagner de l’argent qu’à voir les stratégies gagnantes pour une activité nationale en France et dans le monde. Cette invention sera difficile car elle doit être multigénérationnelle, pluridisciplinaire et nourrie – non de comparaisons avec l’étranger, boîte à idées et gisement de « bonnes pratiques – mais de solidarité avec nos frères eurropéens. Manifestement, ce n’est pas le tour d’esprit de nos politiques en campagne, et nous n’avons plus le grand patronat, sans doute à la recherche de vassaux dans les gestions publiques, mais qui était resté national sans que cela empêche un goût pour l’unification européenne.

Pourtant, l’élection prochaine revêt un sens différent des précédentes, car elle porte davantage sur la capacité du pays à se vouloir que sur le choix d’un candidat ou la reconduction du président sortant. Si l’on considère cette élection comme étant de même nature que les précédentes : une dévolution du pouvoir à la française pour la neuvièle fois, elle est banale même si la crise européenne, la crise financière internationale, la déliquescence du pays la rendent importante. Jamais, l’élection ne s’est déroulée en un tel temps de crise : celle envisagée par François Mitterrand en Mai 1968 n’eut pas lieu et l’élection de celui-ci provoqua une crise, mais n’en était pas la conséquence.

Je considère autrement cette élection. Le système capitaliste tel qu’il a évolué et s’est durci depuis vingt ans parce qu’il a su changer d’adversaire : non plus telle ou telle classe puisque la conscience de classe a disparu et que le secteur secondaire en France pèse bien moins que celui des services ou que la ruralité, mais bien l’Etat en tant que tel. Ce que la lutte des classes pendant un siècle pouvait enlever au capitalisme ou empêcher qu’il l’obtienne, l’Etat est encore en puissance de tenir un rôle limitant d’effet analogue. Les électeurs auront-ils le choix, c’est-à-dire y aura-t-il un candidat non de rupture dans la manière de gouverner – ce que fut Nicolas Sarkozy en 2007 – mais de rupture idéologique ?

 Les ruptures peuvent s’affirmer quand s’éprouve le point sensible de l’adversaire : le dalaï-lama est le seul champion que redoute Pékin pour que l’Afrique du sud lui refuse de célébrer avec Desmond Tutu bien plus qu’un anniversaire personnel. La minorité au Congrès américain qui entreprend de limiter les importations de Chine a compris que la créance chinoise n’en est pas une stratégiquement puisque les placements aux Etats-Unis n’ont plus de rechange en Europe, donc nulle part. La politique étrangère, l’histoire des muttes coloniales offrent des exemples certains : évaluer l’adversaire, le prendre à son propre système pour ensuite ne compromettre qu’en fin du processus d’émancipation, mais jamais à son début. Ni en 1981 ni en 2005 – alors qu’elle manifestait un choix fort et sincère, que les autres peuples européens pouvait faire leur malgré leurs dirigeants, en sorte de changer tous d’idéologie et de procédures déjà dominantes – la France n’a su exprimer l’équation simple du changement : de décision nationale sans doute, il ne peut s’accomplir qu’en nombre, elel a été isolée, puis « ramenée à la raison »… [4] 2012 ne laissera pas la France à mi-chemin de ce que décideront les électeurs.  Suivant qu’elle montrera ou pas l’exemple de la rupture – en économie et en finances, bien au-delà donc du débat sur la démocratie formelle et son dévoiement par l’élu de 2007 – elle sera cette fois mécaniquement soutenue par la défaillance-même du système que nous aurons rejetée, ou broyée par ce qu’elle n’aura pas su refuser. Qui, au vrai, dirigeants ou victimes, « indignés » ou repus, ne cherchent l’alternative au présent cours ? Mais qui, parmi les dirigeants de la chose publique ou des initiatives privées, sait aujourd’hui imaginer ? Une élection présidentielle peut-elle contribuer à une mûe économique et à une stabilisation sociale que tout appelle chez nous et autour de nous ? De Gaulle et Mitterrand, chacun, y ont cru.

Imagination et consentement sont affaires collectives. Trouver et appliquer des remèdes dans le pays, les concerter avec partenaires de l’Union européenne sont affaires d’équipe. Pour moi, le meilleur candidat sera celui qui – au long de cette campagne pour l’élection présidentielle – me paraîtra, plus intuitivement qu’en discours, apte à travailler et à faire travailler en équipe, à plusieurs, dans l’écoûte mutuelle. Apte ou obligé à nous présider ainsi, à nous représenter ainsi. Les infaillibilités, les supériorités ne sont plus efficaces et l’enjeu est si décisif : tout se passe ces années-ci, ces mois-ci comme si l’Europe et, nous-mêmes par rapport aux possibilités que nous n’exerçons plus et dont bientôt nous ne disposerons plus du tout, étaient les véritables perdants dans un monde qui était promis à nos valeurs et à notre organisation, il y a une ou deux décennies.

Changement de manière pour que d’une dogmatique qui a échoué, sorte une souplesse respectueuse des hommes et pas trop en contradiction avec nos rêves./.  


[1] - au printemps de 1968, le président des Etats-Unis en exercice depuis l’assassinat de John Kennedy en Novembre 1963, Lyndon Johnson, annonce qu’il ne se représentera pas, de manière à se consacrer à la négociation pour mettre fin à la guerre du Vietnam
[2] - le remarquable discernement du… Figaro sur les positionnements à gauche, en ligne depuis le 30 Septembre 2011 à 21 :34
[3] - Le Monde daté des dimanche 3 et lundi 4 Octobre 2011, titre : « Comment Nicolas Sarkozy est déjà en campagne sans être encore candidat. Très actif sur la scène de la crise, le président soigne sa populartité auprès de cibles choisies. Discours, remises de médaielles : il laboure systématiquement l’électorat de droite »
[4] - j’étais partisan en 1983 de sortir du « serpent monétaire européen » et avais souhaité publiquement que les nationalisations se fassent par referedum, tandis qu’en 2005, j’estimais que le projet de Constitution européenne contenu en lui-même la mécanique de son amélioration puisque pour la première fois les institutions pourraient se réviser par elles-mêmes sans conférence intergouverementale. Mais le non l’ayant emporté, deux splendides opportunités se présentaient : le président de l’époque devait s’en aller à la de Gaulle, laissant, imprévisiblement, la marque d’un grand démocrate et d’un grand Européen déçu de n’avoir pas été suivi, et la France pouvait faire valoir auprès de sess partenaires que les textes devaient être totalement repris. Ce ne fut pas.

Aucun commentaire: