dimanche 9 mars 2014

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Observation & réflexions

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Vendredi 25 Mai 2007

Crise au Monde, ambiguité du Figaro publiant deux points de vue constitutionnels, chacun hostile à « l’hyperprésidentialisation » et faisant écho à l’affaire du compte japonais de l’ancien président. La presse magazine aussi précipitée que les éditeurs, le « système Sarkozy » (Le Point) déjà sous enquête en pas dix jours d’existence, « une famille d’aujourd’hui à l’Elysée » selon Match, vrai si aujourd’hui elles sont toutes « recomposées ».

65% des Français satisfaits de Nicolas Sarkozy, président de la République, et 62% de François Fillon, Premier ministre. Sans que ni l’un ni l’autre n’ait fait quoi que ce soit que de s’installer et se faire photographier (le chef de l’Etat sur fond de bibliothèque ancienne comme trois de ses prédécesseutrs mais avec, à hauteur de sa tête, l’exceptionnalité d’un plat de reliure, la seule présentée ainsi : les armes de France !). Signification ? les Français n’ont pas peur d’eux-mêmes et sont contents du choix, fait par une moindre majorité d’entre eux.


Le nouveau pouvoir vient de l’élection. Celle-ci n’a pas été forcée ni par les circonstances ni par le passé exceptionnel ou la position acquise d’un des candidats. Elle place un homme qui reconnaît avoir souhaité la fonction toute sa vie, l’opinion approuve cette pétition : Nicolas Sarkozy justifie tous ceux (et celles) qui sont ambitieux, et veulent parvenir. La démocratie et l’ « ascenseur social » ont bien fonctionné.

Ce pouvoir est nouveau, sans doute le plus nouveau depuis 1958, puisque le nouveau président de la République est élu pour sa liberté de jugement et ses expressions sans précaution : rupture de manière, alors que celle de 1981, fruit de l’habileté d’un homme, certes, était de programme. Les relations internationales de la France, la politique intérieure appelée à devenir un exercice de gouvernement et non plus un jeu de rôles et d’affiches, sont du coup dépendantes d’orientations personnelles, dont on ne connaît que des aspects ou des points ayant fait la fortune électorale de Nicolas Sarkozy, mais pas la cohérence ni l’ensemble. Il est probable que cohérence et mise en perspective seront à déduire, et ne seront pas exposés comme tels. L’élu du 6 mai et ancien ministre de l’Intérieur ou des Finances n’a que le charisme du terrain, surtout miné (parfois par lui-même), il n’est homme ni du verbe ni de la plume. Caractère sans prestance, mais impressionnante réputation de volonté et de liberté.

Inconnu d’une personnalité ainsi mûe par le désir du pouvoir suprême, inconnu surtout de la réaction que va produire la rencontre de cette personnalité avec les faits, et sur la durée avec l’opinion publique française, et avec des partenaires internationaux dont beaucoup changent d’ici peu. Le plus stable est la Chancelère allemande ; heureusement.
     Quelques « grilles de lecture »

De l’enfance de la Troisième République – incertaine dans la forme – à la chute de la Quatrième, les Français ont voté selon des idées, leurs idées, le vote était idéologique. Sous la Cinquième, même sous de Gaulle – « normalisé » par son élection de Décembre 1965, après ballottage – le vote a commencé d’être intéressé, d’abord à droite (les agriculteurs contre ceux-là même qui leur apportaient la politique agricole commune), tandis que vote idéologique a subsisté à gauche jusqu’il y a peu, peut-être jusqu’au 21 Avril 2007. le lendemain, on a voté utile, pas seulement par discrimination des candidats ayant une chance de s’imposer ou pas, mais selon la gestion et les produits matériels qu’allait déterminer, produire une arrivée au pouvoir. Ce type de vote est nouveau, il n’est pas certain qu’il soit pérenne. Sans doute, les Français – comme tout le genre humain – sont intéressés et ont des intérêts, mais leurs idées ne sont pas uniquement fonction des résultats attendus d’une gestion.

Si l’on croit à la fin du vote idéologique et que l’on profite d’un vote pratique pour initier une méthode de gouvernement, que je crois être une délégation totale pour cinq ans – ce qui ne s’est jamais vu chez nous – on s’inscrit dans une logique autoritaire. La consultation n’est utile qu’en termes d’ordre public, elle ne l’est pas pour éclairer une décision encore moins pour décider. Ce qui compte c’est le contenu objectif de la décision, et ce qui emporte l’adhésion, c’est le résultat obtenu. Thème de Nicolas Sarkozy : la culture de résultats qui signifie autant la rétribution du travail, là même où les résultats ne peuvent être mesurés (par exemple, l’activité conceptuelle d’un haut fonctionnaire proposant au gouvernement informations et éléments alternatifs de décision, ou celle d’un ambassadeur dont les télégrammes ou les démarches, quantifiables, ne reflètent évidemment pas la qualité de sa représentation de notre pays et de nos intérêts), que la suspension de tout jugement sur le gouvernement tant qu’il n’a pas été vu à l’œuvre. Dans l’immédiat, les Français adhèrent à ce système : on attend de voir. Ce qui est tout différent de la confiance. Evidemment, ce n’est pas un régime de participation. Dans la réalité, on est dans une idéologie qui ne fut à l’époque moderne avouée qu’une fois : un régime d’autorité. Les élections, dont on ne peut se passer originellement, se cumulent ; on se gardera de provoquer d’autres scrutins pendant toute la durée du mandat qui a commencé ; on veut absolument une majorité écrasante dans la prochaine Assemblée Nationale. Accessoirement, ce régime est personnel : Premier ministre, gouvernement, Parlement s’effacent, et s’il y a précision de la relation entre le président et le Parlement – contrairement à la Constitution qui n’en organise aucune (seul le gouvernement est responsable devant la représentation nationale et le président de la République n’a pas droit d’entrée dans les hémicycles) – elle sera octroyée par le nouveau chef de l’Etat. 

L’image que donne la gauche est – en regard de l’idéologie autoritaire acceptée, sous réserve des résultats à venir – évidemment détestable. C’est la culture du débat et du débat d’idées, même s’il y a rivalités des personnes, entre partis et mouvements, entre courants et individualités, au Parti socialiste et entre tous les cercles, mouvances et mouvements. Cela paraît actuellement inutile : la République sous l’Empire. Ségolène Royal a poussé cette culture très loin, puisqu’elle a voulu en campagne la proposer à l’ensemble des électeurs bien au-delà des militants : « les débats participatifs », davantage daubés d’ailleurs par ses compétiteurs à l’intérieur du parti socialiste, qui y ont vu amateurisme, spontanéité, démagogie et incompétence [1]. C’est l’échec de la démocratie participative. La candidate allait loin puisqu’elle s’exposait dans les six premiers mois du mandat qu’elle aurait reçu, à un referendum. C’est le contraire qui a gagné. Il n’y avait pas eu de délibération à l’U.M.P. ni pour choisir le candidat ni pour définir une stratégie électorale, que l’aval donné au président du parti, comme sous Jacques Chirac au R.P.R. Il va continuer d’y en avoir au P.S. : débat de programme, débat de stratégie, débat pour le contrôle de l’appareil. Et autour du P.S., débat au sein des autres mouvements et entre eux. Pour former une majorité autre que celle de Nicolas Sarkozy, il faudra apparemment concilier l’impossible union du centre et de l’extrême-gauche autour du parti socialiste. Débat et parcours politique qui – s’il est gagné par Ségolène Royal après qu’elle ait réalisé un score inespéré puisqu’il suivait deux défaites à l’élection présidentielle et une défaite aux élections législatives – la placera dans la situation de François Mitterrand, chef de l’opposition. Pour quelque temps, ce débat et ce parcours seront la seule animation politique de la scène française, puisque par nature l’action du nouveau président de la République ne sera que factuelle : résultats ou échecs de l’exercice d’un pouvoir totalement consenti par les Français à son origine. Les élections législatives tournant davantage au plébiscite qu’à l’alternative soit de donner les moyens de légiférer au gouvernement, soit de le contrôler plus étroitement que par le passé.


     Le pouvoir personnel ou « l’homme d’une nation » ?

C’est un choix de vie, un don de soi, je me suis préparé à ce rendez-vous. Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal, le mercredi 2 Mai 2007
Depuis qu’a commencé à se créer entre les Français et moi ce lien profond qui s’établit dans une campagne présidentielle entre le peuple et celui qui aspire à devenir l’homme d’une nation, la France a cessé pour moi de n’être qu’une idée pour devenir presqu’une personne qui souffre, qui espère, qui a des valeurs, qui a une identité. Nicolas Sarkozy, à Montpellier, le 4 Mai 2007, en sa dernière réunion publique de campagne

Le Parti communiste ressassa sous de Gaulle l’accusation de « pouvoir personnel », Valéry Giscard d’Estaing stigmatisa dès son éviction du gouvernement (qui n’était pourtant que le fait du Premier ministre reconduit, Georges Pompidou) « l’exercice solitaire du pouvoir ». Rien n’est dit du nouveau pouvoir.

Sans doute, la pétition affichée électoralement est de « construire ensemble »… «ensemble tout devient possible ». « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu agir » [2], « je me suis engagé dès mon plus jeune âge dans l’exercice des responsabilités et dans la conquête de ce que l’on appelle de façon vague le pouvoir », « je veux juste raconter une vie où l’ambition de faire joue un grand rôle » [3]. Action, politique, ambition sont synonimes pour le candidat à la première place de la République, « la dernière marche ». Elle fait la part des « gens » : « la politique a sur toute autre forme d’action et d’engagement cet avantge immense, cet intérêt unique et tellement exigeant, de se faire avec le peuple, pas contre lui, ni sans lui », « la politique n’a pour moi aucun sens si elle ne se fixe pas pour but de donner un espoir à des millions de gens » », « tant de gens ont renoncé ». S’il n’y avait l’ambition et si l’époque avait été autre, encore celle des idéologies, le communisme ou le fascisme, le dévouement auraient été l’exutoire pour le prétendant ? Personne, à l’époque contemporaine en France, n‘a, avant Nicolas Sarkozy, exprimé ainsi son ambition ; une ambition politique, certes, mais non écrite, seulement sous-jacente et explicative d’un comportement – celle du général de Gaulle devant être considérée très à part, puisque jusqu’à l’expérience de Juin 1940 et d’une forme de prise du pouvoir par défaut, cette ambition ne vise pas de point d’application. Nicolas Sarkozy entend marquer son accession au pouvoir suprême en France comme un résultat : une légitime ambition personnelle, comme il est recommandé d’en avoir. Dans son cas, sans référence de quelque initiateur, parain ou maître [4] – alors que la parenté avec Jacques Chirac, moins la précocité et l’intensité, sont évidentes dans l’appétit du pouvoir et la phraséologie de l’action. Ambition de naissance et non d’occasion ou de prise de conscience de soi selon des circonstances précises : « ma vérité » [5]. D’autres avant lui ont saisi l’occasion du pouvoir, Nicolas Sarkozy l’a créée en analysant les faiblesses de conception et d’action du président régnant. Avec un autre – Edouard Balladur, qu’il accompagnait en 1995 – comment s’y serait-il pris ?

Le quinquennat qui a commencé sera-t-il celui de l’ambition assouvie ou de l’action ? sa clé psychologique est là. L’action et ses résultats feront supporter une ambition – partagée seulement en équipe très restreinte – et pourront, s’ils sont éclatants (par exemple le plein emploi avant 2012, dont les signes ne pourront tarder) faire oublier le manque de participation des « gens ». Le rapport avec ceux-ci sera probablement moindre que celui du pouvoir avec le temps. Une sorte de course à livrer entre l’obtention de résultats et l’impatience qui naîtra forcément d’être consulté si les résultats n’arrivent pas ou si les remèdes sont trop contraignants et pas assez liés aux résultats. Rigidité de cette confrontation dans l’esprit des Français, puisque le Parlement ne devrait pas compter, sauf permission.

La pente peut devenir une simple défense de la position tant désirée et enfin acquise. 

La Quatrième République, après la Troisième, avait fait du gouvernement une commission parlementaire. Nicolas Sarkozy fait-il du gouvernement un organe hiérarchiquement intégré à la présidence de la République ? étant posé que l’Assemblée Nationale n’a de poids que putativement : au moment de la campagne pour en élire les membres ?


     La sécurité (du pouvoir)

Il est bien trop tôt pour enquêter ou réfléchir sur une manière de gouverner, sur un « système » comme titre déjà Le Point, sur une « méthode » (ainsi celle qu’on prêtait à Lionel Jospin, Premier ministre, ce qu’il refusait), mais en dix jours d’installation au pouvoir, quelques traits apparaissent – qui ajoutent à ceux du candidat en campagne depuis la place Beauvau (le mot provocant à dessein pour, peut-on admettre, faire réfléchir et casser les « tabous »,  l’œcuménisme des références de préférence pour signifier à l’adversaire qu’il n’en a pas la propriété, le cap fixé sans débat ainsi la candidature avalisée par l’U.M.P. ou la stratégie électorale de s’assurer par avance les voix de Jean-Marie Le Pen).

Les faits de ces dix jours :

1° la constitution d’un gouvernement et son ambiance. L’ouverture à gauche peut être présentée – plus positivement qu’une tentative de débauchage (le fait qu’Hubert Vaédrine ait été d’abord pressenti pour la Justice avant le Quai d’Orsay…) – comme la recherche des expertises, sans souci d’appartenance partisane : Bernard Kouchner, Claude Allègre, Jacques Attali. Elle n’est pas la recherche du consensus que proposait François Bayrou ; celui-ci supposerait un autre mode de scrutin ou à défaut la possibilité donnée aux oppositions d’exister à l’Assemblée nationale. L’ambition du nouveau président et du Premier ministre qu’il a nommé est d’obtenir une majorité écrasante – probablement sans précédent depuis Juin 1968. La pratique de ne présenter aucun U.M.P. contre des candidats se présentant en indépendants aurait pu faire siéger des personnalités libres pendant cinq ans au palais-Bourbon. Les ministres « de gauche » sont révocables ad nutum. Le projet de revenir sur l’une des réformes les plus fondamentales de la Cinquième République en permettant aux ministres de réoccuper – sans revenir devant les électeurs – leur siège de parlementaire quand ils quittent le gouvernement, est confirmé par l’affirmation du Premier ministre, que les membres du gouvernement doivent être des parlementaires, donc des personnalités principalement intéressées à la suite de leur carrière politique. Rupture du langage politique d’un côté, professionnalisation accentuée du métier, de l’autre.

  la nomination en réseau a été faite par deux hommes seulement, Nicolas Sarkozy et Claude Guéant. Sous François Mitterrand et Jacques Chirac, les directeurs de cabinet étaient parfois conseillés aux ministres (Jean-Pierre Raffarin dut même se séparer assez vite de son premier collaborateur), ils le sont tous à l’orée du nouveau mandat. La police a été pourvue de la même façon, avant que Michèle Alliot-Marie ait la connaissance de son nouveau domaine et de ses professionnels. Aucune de ces nominations, très pratiques, n’est d’ « ouverture ». Elles sont toutes de sécurité (Pierre Mutz, préfet de police supposé chiraquien, remplacé Michel Gaudin, directeur général de la police nationale au moment des émeutes de l’automne de 2005). Quand va s’appliquer la pratique promise par le candidat de nominations soumises à une procédure d’aval parlementaire ? et à quels postes ou emplois ?

  la France – pour son malheur – a toujours été un pays où l’esprit de cour est pratiqué sans honte. Ce n’est pas la déviance psychologique des servilités extatiques exigées par les régimes totalitaires du premier tiers du siècle passé, c’est pire parce que c’est cynique et conscient : il s’agit d’arriver et de se maintenir. Et cela marche. Il s’exerçait jusqu’il y a peu seulement dans l’Etat et dans l’entreprise, de préférence à dans l’entourage de leurs sommets respectifs. Il est devenu patent dans la presse, l’audiovisuel serait plus rétif que l’écrit. TF1 et Match ont rejoint Le Figaro : mais le quotidien de Pierre Brisson et de Raymond Aron, qui avait tenu tête à de Gaulle, de façon souvent habile, est plus attaché à un mode d’exercice du pouvoir qu’à son titulaire [6], tandis que les deux premiers servent carrément le nouvel arrivant. Les exemples d’auto-censure ou de punition des audaces continuent de se produire. Il est significatif que des essais très offensifs aient été produits contre Ségolène Royal, mais jusqu’à présent aucun contre Nicolas Sarkozy. La candidate de gauche fait l’objet de « révélations factuelles » alors qu’au pis le successeur de Jacques Chirac a droit à une étude de sa psychologie : procédé qui n’avait pas nui, précisément, à Jacques Chirac tant qu’il ne fut pas président de la République.

  hors le président, deux hommes paraissent décisifs, sans qu’il s’agisse pour eux d’avenir, mais seulement d’un présent quotidien appelé à durer, peut-être, aussi longtemps que Nicolas Sarkozy sera au pouvoir : Claude Guéant et Jean-Pierre Jouyet. Ils ont été personnellement remarqués par le candidat, jaugés, évalués, essayés. Au premier, tout le spectre de la politique intérieure et en fait les questions de personnes. Secrétaire général de l’Elysée, Dominique de Villepin écartait mais ne recrutait pas. Celui qui a maintenant sa place ne sera ni un inspirateur, ni une plume, ni – mais je ne l’écris que d’intuition – l’homme d’un dessein pour le président, il est l’homme à tout faire (c’est lui qui refusait ou donnait physiquement l’entrée aux réunions de stratégie électorale à ceux des ministres soutenant le candidat) et il partage la conception du pouvoir de son maître : l’action, ou plutôt son préalable, s’assurer absolument du monopole de l’action et de sa publicité. Jean-Pierre Jouyet, qui a été conseiller de Lionel Jospin et aurait été intime de François Hollande [7] , est en charge des affaires européennes, en fait des relations extérieures dans ce qu’elles ont de pratique et de contraignant : Bruxelles et sa mécanique, le reste étant à l’incantation du ministre et pour l’image du président de la République, ce qui n’est pas nouveau pour le reste, mais ce qui promet d’être sérieux pour ce qui doit l’être. Claude Guéant et les personnes, Jean-Pierre Jouyet et la technique. Les autres ne dureront pas, agaceront ou ne pourront tenir, renvoyés ou démissionnaires : les ministres à commencer par Alain Juppé. Si la psychologie du nouveau président a été souvent analysée, celle de ses deux proches n’est pas publiquement connue. Elle orientera certainement le cours du mandat.


     Le concret, le terrain, les urgences : qu’est-ce à dire et à faire ?

Je veux passionnément agir. Faire en France les changements que d’autres ont fait chez eux. La crise morale française est celle du travail. Tous ont le droit de travailler, je ne crois pas au nivellement, je crois à la récompense, et au travail. Tout ce que j’ai dit, je le ferai. Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal, le mercredi 2 Mai 2007

Le chômage avait eu son traitement économique, comme il est le plus naturel : relancer la croissance selon divers moyens et selon les moyens dont dispose l’Etat en France (en contradiction forcément avec les pétititions de diminuer l’Etat et avec des problèmes d’articulation de la politique nationale avec la politique de nos partenaires européens et avec les compétences déléguées à l’Union européenne). Il a eu son traitement social (les aides à l’embauche, les aides à la réinsertion, les susbsides aux chômeurs). Le gouvernement précédent avait inauguré du nouveau : le traitement juridique, en changeant les textes on change tout, à comlmencer par l’ambiance et la supputation de l’avenir. Plus on est libre de licencier à terme non défini, plus on embauchera… Il semblerait que la méthode soit étendue à l’ensemble de ce que le nouveau gouvernement se donne à traiter. «  Réformer au pas de charge », déclare le Premier ministre, censé « vouloir tout changer » (le Parisien daté du  jeudi 24 mai 2007).

Sans doute, le premier souci marqué – l’avenir d’Airbus – et en concertation apparente avec le gouvernement allemand est-il de bon augure. Mais l’axe Berlin-Paris est-il encore efficace face aux actionnaires: la bourse de New-York a pu racheter, malgré lui et malgré le vœu naturel de la bourse de Francfort, la gestion de l’ensemble constitué par celles de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Madrid ; elle vient de s’emparer des bourses nordiques.

Continuer de s’exprimer sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne n’a pas de sens, puisque d’une part les négociations sont commencées selon les orientations du Conseil européen en Décembre 2005, et que d’autre part leur éventuel dénouement n’aura lieu qu’après 2012. En revanche, la question constitutionnelle ne se dénouera pas par la proposition unilatérale d’un mini-traité [8] (et si cela était, il sera difficile au président d’éviter la mise au referendum) et la suite de la politique agricole commune – qui peut déterminer l’élection présidentielle de 2012 puisque le moratoire obtenu par Jacques Chirac et Hervé Gaymard (tous deux victimes du nouveau tenant du pouvoir) expire en 2013 – doit être imaginée dès maintenant.

Voter le « bouclier fiscal » dès cet été est d’une part anticiper le renouvellement de l’Assemblée Nationale  – cyniquement  – et d’autre part ne considérer que les plus fortunés des Français : est-ce de bonne inauguration ? refaire l’impôt sur les successions en sorte que le veuvage ou l’orphelinat n’entraîne pas systématiquement la liquidation des biens immeubles de la plupart des Français, ou soutenir les naissances dès la première manifesteraient une priorité à la famille qui a été un des points de consensus de la campagne présidentielle et qu’est censée incarner au gouvernement Christine Boutin./.


BFF – 25 V 07




disponibles par courriel sur demande :

15 notes sur la campagne et l’élection présidentielles,
rédigées du 12Novembre 2006 au 8 Mai 2007

journal réfléchi

14.20 Mai 2007
Le point de départ
Les commencements
Les contradictions inévitables
Les lacunes institutionnelles


[1] - Eric Besson, Qui connaît Madame Royal ? (Grasset . Mars 2007 2ème tirage . 165 pages)  & Claude Allègre, in Libération, 26 Mai 2007

[2] - Nicolas Sarkozy, Témoignage (XO Editions . Juillet 2006 . 281 pages) – première phrase à rapprocher de la première des Mémoires de guerre du général de Gaulle : Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France.

[3] - ibid. pp. 7 & 11

[4] - pour passer d’un extrême à l’autre ou d’une période révolue à l’actuelle, de Gaulle avoue le maréchal Pétain et Paul Reynaud d’emblée, Jean-Pierre Raffarin  René Monory et Valéry Giscard d’Estaing

[5] - Nicolas Sarkozy, Ensemble (XO Editions . Avril 2007 . 159 pages)  - titre du premier chapitre, à rapprocher de François Mitterrand, Ma part de vérité (Fayard . Juin 1969 . 203 pages), premier livre publié à la suite de l’élection présidentielle de Décembre 1965 et des événements de Mai 1968, donc comme un nouveau départ (l’auteur pousse la modestie d’expression à indiquer qu’il entend seulement « expliquer l’évolution, parfois les contradictions et d’une façon générale la continuité de mon engagement politique »), et de Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité (Flammarion . Juin 1982 . 296 pages), celle de ses relations avec de Gaulle, à qui il avait sans doute voulu succéder avec trop de hâte et Le nœud gordien (Plon . Mai 1974 . 205 pages) « petit ouvrage consacré à mon pays » qui devait préfacer l’entrée à l’Elysée : « pour ou contre le régime en place, je m’étais forgé une certaine conception du pouvoir, de son exercice et de son objet, en même temps que du présent et de l’avenir français. Premier ministre du général de Gaulle durant plus de six années, je me suis trouvé plongé dans l’action directe et quotidienne, chargé d’appliquer, au travers des difficultésincessamment renouvelées qui sont le lot des gouvernements, une politique définie dans ses modalités essentielles comme dans ses objectifs fondamentaux par le Président de la République. J’ai cherché à bien le faire en y mettant toute la foi dont je suis capable et en tâchant d’éviter les maladresses dans l’exécution, qui si facilement font douter de la valeur de la conception. Durant ces années, j’ai agi plus que médité, sans oublier pourtant la phrase de Valéry : Tout ce qui est de la politique pratique est nécessairement superficiel. Mais au contact du général de Gaulle, au long des mois, au travers et parfois à la faveur des crises, un certain nombre de principes généraux se sont progressivement affirmés ou réaffirmés en moi. Tout succès remporté, tout échec subi, comporte des leçons. La crise de Mai 1968, en me jetant dans le combat, en m’imposant de prendre davantage de responsabilités et de plus graves que dans la vie gouvernementale habituelle, a achevé de me marquer. Personne n’est le même avant et après l’épreuve. Mais il y a plus. L’aspect absurde, parfois enfantin, de cette tragédie manquée ne m’en a pas dissimulé les ressorts profonds. Bien au contraire, j’ai eu l’intuition immédiate et comme aveuglante que nul le pouvait désormais imaginer de gouverner la France sans procéder à une sorte d’examen de conscience politique ni sans se redéfinir clairement à soi-même, non pas un programme – tout le monde a des programmes et l’on sait ce qu’il en advient – non pâs une tactique en vue de parvenir ou de se maintenir au pouvoir, mais une conception et je dirai une morale de l’action. C’est encore Valéry qui écrit : Toute politique implique quelque idée de l’homme.
[6] - encore en ce moment, ainsi la publication – n° daté du mercredi 23 Mai 2007 – de deux points de vue de constitutionnalistes hostiles, certes avec nuances, à l’ « hyperprésidentialisation » : Guy Carcassonne, socialiste, et Dominique Rousseau

[7] - Raphaëlle Bacqué & Ariane Chemin, La femme fatale (Albin Michel . Mai 2007 . 230 pages) livre qui se dévalue de soi-même en paraissant si vite (après la défaite de Ségolène Royal), en donnant deux p à chanter a capella et à Jean-Maurice Ripert, fils d’un commissaire au Plan et ambassadeur, en datant de 1974 l’alternance quinquennale des majorités à l’Assemblée nationale et, bien entendu, en introduisant dans la vie de François Hollande (dès la p. 14) « une journaliste, belle, blonde et vive, chargée par son journal de suivre le PS »

[8] - discours du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, devant les Fondation Konrad Adenauer et Société allemande de politique étrangère, le 16 Février 2006, puis devant les Friends of Europe et la  Fondation Robert Schuman le 8 Septembre 2006

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