dimanche 23 mars 2014

archives pour le vécu de notre histoire immédiate - 4.16 Décembre 2007



Observation & réflexions

014

Lundi 2 au mercredi 4 Décembre, à Paris VIII (délocalisation de l’université « expérimentale » implantée en Août 1968 par Edgar Faure dans le bois de Vincennes), j’assiste aux différentes « A.G. » et à une conférence-débat réunissant présidents d’université, vice-présidente de l’UNEF, secrétaire général du SNESup. ; j’y comprends que la « loi Pécresse » et les « souhaits » d’une « démocratie irréprochable » sont de même inspiration
Gala : « la première dame idéale pour Nicolas Sarkozy »… Point de vue : entretien avec la mère du président de la République (« il n’a pas besoin de se remarier »)
Mardi 4 Décembre, les premiers votes pour la « refonte » du Code du travail, ne peuvent intervenir à l’Assemblée nationale faute qu’il y ait assez de députés présents
Mercredi 5 Décembre, Jack Lang à Matignon, on le croit, pour la énième fois, entrer au gouvernement
Jeudi 6 Décembre, pas 10.000 étudiants dans la rue
Vendredi 7 Décembre, terminant de lire les propositions du « comité Balladur », je constate que la limitation à deux mandats de l’exercice des fonctions présidentielles n’y figure pas ; lisant la lettre adressée par Nicolas Sarkozy à François Fillon, l’un président de la République, l’autre Premier ministre, je n’y vois pas la moindre marque de la relation intime produite par du travail ensemble et des rencontres plusieurs fois par semaine ; y figurent le rétablissement du vœu présidentiel initial de la limitation à deux mandats et la renonciation à toute réécriture des articles 5, 20 et 21 définissant les fonctions du président de la République et du Premier ministre
Samedi 8 . dimanche 9 Décembre, absents ensemble du territoire métropolitain
Lundi 10, la CGT retire son mot d’ordre de grève à la RATP. 
Lundi 10, journée des droits de l’homme : arrivée du colonel Khadafi à Paris ; Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, prétexte une réunion à Bruxelles pour ne pas dîner à l’Elysée et Jean-François Copé indique qu’il ne pourra – le lendemain - être dans l’hémicyle du Palais-Bourbon quand le Guide y entrera parce qu’il préside la réunion hebdomadaire du groupe parlementaire dans une autre salle ; Rama Yade est félicitée par Ségolène Royal pour ne pas se taire, elle est ensuite reçue par le président de la République pour avoir à se taire ; Bernard Laporte, secrétaire d’Etat aux Sports  (sans la Jeunesse) préconise un service civique obligatoire.
Le président de la République additionne publiquement les milliards d’euros en contrats signés à l’occasion de ses voyages au Maroc, en Chine, en Algérie, et de la visite officielle de Khadafi en France ; compte-t-il les ventes d’Airbus en convertissant les dollars et les considère-t-il comme une exclusivité française ? les syndicats d’Alcan et d’EADS en France s’inquiètent des projets de délocalisation par leurs entreprises respectives
Mardi 11, la CGT retire son mot d’ordre de grève  la SNCF
Dimanche 16, Nicolas Sarkozy à la « une » en compagnie de Carla Bruni  

Subjectifs  ?
indices de mise en place d’une « dictature »  ? tandis que le fond des choses n’est pas traité
Il y a plus d’intuition et de véritable ténacité chez les Français que chez leurs dirigeants.

Chez les premiers, l’angoisse du présent et la prévoyance de l’avenir. L’exigence du pouvoir d’achat – auparavant on disait plus nettement : niveau de vie et crûment il s’agit des salaires – qui peut faire l’union d’ensemble des Français jusques dans la rue, sans qu’il soit alors possible aux gouvernants de dénoncer le corporatisme des uns ou la paresse des autres devant des propositions de réforme. Maître du calendrier et des échéances jusques là, qu’il a ponctués de coups de théâtre, de lettres de mission et d’installation de comité de proposition à un rythme tel et dans tant de directions qu’on n’a guère que la sensation d’une « omni-présence » très commentée par les professionnels, Nicolas Sarkozy a été davantage pris au dépourvu par cette prise de conscience de Français que par les aléas de la mobilisation contre la réforme des régimes spéciaux de retraite et contre la loi censée augmenter les libertés et les responsabilités des uiversités (loi Pécresse). S’il a pu dire à la cantonade son souhait d’une croissance de 3%, le nouveau président de la République – peu édifiant pour le fond de son discours devant le MEDEF en « université d’été » - est encore moins à l’aise à propos du pouvoir d’achat. Or, les Français en constatant que celui-ci baisse et que le niveau (autant que le coût) de leurs retraites est également en question, énoncent avec simplicité la cause première de la baisse de la consommation nationale. Paradoxalement, cette baisse pourrait atténuer le déficit désormais structurel de notre commerce extérieur, mais le cycle serait – est déjà – morbide. Nous ne tenons plus que par les ventes d’Airbus, ce qui confirme qu’un pays n’est exportateur que s’il a chez lui un outil de production et un savoir-faire tel qu’on ne peut lui voler ni marchés ni sites. Or, l’obsession angoissée de cette vente des derniers grands bien d’équipement que la France produit encore (aéronautique et nucléaire) nous amène à d’évidentes contradictions en relations internationales et induit les prochaines délocalisations : Renault augmentera selon le marché russe, à la manière dont elle évait récupéré par le rachat de Nissan, un certain équilibre et une certaine taille, EADS va se situer en Chine, autant à cause du dollar que comme contrepartie exigée par une Chine qui attend surtout les transferts de savoir-faire car au point où elle est, ce n’est pas l’emploi des siens qui la hante.

Face à cette lucidité des Français et dans l’engrenage où est la France sans outil de production et sans propension à la croissance économique,  la classe dirigeante a l’esprit tout à fait ailleurs et le manifeste. Les ministres qui ne sont pas candidats aux prochaines élections municipales font exception : où sont les lancinants affichages contre le cumul ? Le patronat s’acharne à obtenir du gouvernement une force de travail qu’il est regrettable de salarier mais possible de désarmer complètement, en droits et en organisation syndicale : où peuvent se trouver les consommateurs s’il n’y a plus de sécurité et de progression des salaires ? Les médias sont l’objet de rachats ou de crises stratégiques : Le Monde en question après que ses rédacteurs aient basculé un directeur au pari industriel et financier perdu, et un président de conseil de surveillance aux multiples rentes de situation, les deux quotidiens économiques changeant de mains pour être davantage encore situés, la névralgique Agence France presse menacée de privatisation, l’audo-visuel public sans investissements et en énième réorganisation. Parade, le « people ». Après six mois d’une « fascination » imposée pour la famille « recomposée » qui est entrée à l’Elysée – avec deux personnages-titre, la « première dame de France » dont on n’a appris que rétrospectivement qu’elle avait toujours déclaré forfait, un fils amateur de théâtre et sans gène en accident de la circulation – commence un autre feuilleton, celui d’Ingrid Bétencourt, dans lequel, avec le script des infirmières bulgares, Nicolas Sarkozy s’est introduit tellement en force qu’il lui faut une doublure, le Premier ministre l’assure par des voyages et des entretiens en Amérique latine qui auraient pu avoir d’autres thèmes et une utilité. Il est probable que notre demi-compatriote y gagne sa libération et mais pas certain qu’elle donne le rebond dans les sondages qu’en attend le pouvoir : Jacques Chirac et Charles Pasqua avaient cru pouvoir gagner l’élection présidentielle de 1988 grâce aux otages « libanais ». Et cette nouvelle saga, devenue incertaine de dénouement, a aussitôt son substitut avec ce qui ne peut être qu’une grande science des coincidences de dates. La liaison du président de la République avec une vedette met fin brusquement aux commentaires de la visite-choc du premier libyen, de même que l’annonce du divorce avait pris le devant d’une scène que la première phase de la contestation des réformes aurait dû avoir. La rétrospective remet tout en place, la journée de grève du 15 Octobre a été une des plus fortes mobilisations que le pays ait connu depuis des décennies dans le service public et les amours du chef de l’Etat passent et se succèdent, demeurent seuls un type de femme au visage lisse et glacé comme une belle cire et un rapport avec le « beau sexe » qui a une application politique puisque les personnages-clés du règne : la Garde des Sceaux, la ministre de l’Economie, la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, la secrétaire d’Etat à la ville, la secrétaire d’Etat à l’écologie, la secrétaire d’Etat aux solidarités, toutes des commençantes mais de grande présence médiatique et de bel appétit pour cumuler les places et les fonctions, sont des femmes. François Fillon et Jean-Louis Borloo paraissent des figurants.

La mise en scène – ludique et égotique – est pourtant celle d’un texte difficile. Mais elle accapare le commentaire et détourne du fond des questions posées au pays. Nous en restons donc au préalable de savoir nous conduire.

C’est dans ce contexte d’urgences nombreuses – et dont beaucoup de nous jugent qu’elles sont désespérées – que s’essaye et tente de se constitutionnaliser une nouvelle manière de gouverner. Paradoxalement hors la loi, car cette manière est – entre autres – une multiplication des textes. Une nouvelle manière de négocier, faisant école : celle de la carte forcée, second paradoxe. Le troisième, sans doute peu souhaité ni par le pouvoir ni par les figurants politiques et même syndicaux (tant patronaux que salariés), est qu’une réaction se discerne, encore très faible d’expression mais qui considère – presque sur la table rase – les manières de nous conduire et de débattre collectivement. Il se peut qu’il en surgisse des rapports des force – puisque le terme et le thème sont à la mode – inattendus, et que de là résultent quelques propositions de politique économique et sociale dont le système français n’a plus été capable depuis une vingtaine d’années. Période d’inaction et d’absence d’imagination qu’a fortement qualifiée le nouveau président de la République pendant sa longue campagne électorale et depuis sa prise de fonctions, qu’il vaut mieux appeler prise du pouvoir. Les Français, pour le moment, continuent de « coller » à sa son analyse et à ses médications. Je crois que les lacunes et les inadéquations des autres vont changer cette adhésion en critique, d’autant que Nicolas Sarzkoy revendique fortement en être l’auteur et le responsable.

Les « choses » vont donc bientôt commencer.
 

I – Outil-type d’analyse : la visite officielle de Khadafi en France


Leçon d’une semaine qui a peu de précédent dans l’histoire diplomatique récente. Elle permet la première auscultation, en détail, de notre nouveau régime.

Ce qui est défectueux dans notre vie et notre action nationales – actuellement – n’est pas imputable qu’au président de la République. Tout y concourt. Et d’abord l’absence de cohérence et de mémoire chez tous les protagonistes, Nicolas Sarkozy ayant l’avantage scénique de ne se connaître aucun précédent ni prédécesseur et justifiant toute initiative par son utilité pratique.

Revendiquer le rééquilibrage de la balance commerciale française et comptabiliser en emplois industriels les contrats signés en coincidence de ses voyages à l’étranger ou de la venue du premier libyen, est un affichage. François Mitterrand, sans être dupe ni le revendiquer, l’a inauguré : remplissage des avions, délégations pléthoriques, problèmes de protocole y compris pour la sécurité que George Bush senior raconte avec ironie. Claude Chirac en a rajouté pour son père et y a gagné son actuelle situation de repli. Nicolas Sarkozy en fait le lien dialectique entre la demande nationale de pouvoir d’achat et de maintien de l’emploi et une politique étrangère en harmonie avec celle des Etats-Unis. Il revendique non seulement les signatures (ou les promesses et évocations) de contrat s’échangeant en coincidence (sollicitée) de dates avec ses propres éphémérides, mais l’addition est plus précise encore que les montants engrangés, on compte les emplois. Khadafi en France, c’est 30.000 emplois pour cinq ans… Guère possible d’aller plus loin dans la prestidigitation.

Sur le fond : notre balance commerciale est structurellement déficitaire parce que nous n’avons plus d’outil de production. Les « fabuleux contrats » sauvent les apparences pour un exercice, le flux constant ne peut être qu’un effet de grand nombre : nous ne l’avons plus et toute relance qu’elle soit des investissements industriels ou de la consommation des ménages (y compris leur équipement) augmente nos importations. La plupart de nos partenaires de l’Union européenne exportent sans spectacle politique, et le travail de couloir, voire divers chantages sont menés par les Américains dans la discrétion. Nous faisons exception et ne compensons pas pour autant notre retard statistique. Pour des idéologues de la liberté de l’entreprise et du découplage entre l’Etat et les choix des grands acteurs économiques, le système de Nicolas Sarkozy est paradoxal, à moins que les relations de personne à personne servent à établir un nouveau système politique, bien plus qu’à rendre cohérente notre manière de conduire collectivement l’économie.

La critique de « l’euro. fort » n’est recevable que venant d’E.A.D.S. ou de l’Allemagne – qui exportent, pas de nous, qui ne savons plus nous y prendre. La moindre expérience des échanges extérieurs fait savoir qu’un contrat d’importance ne se signe qu’au bout d’un long processus. Il est probable que même les contrats libyens ont plus d’ancienneté que le début de l’actuel mandat présidentiel, c’est certain pour tous les autres. La France pâtit de la perte de ses entreprises et de ses sites industriels, elle n’a su conserver aucun de ses avantages, aucune de ses avances : erreurs stratégiques des gouvernants depuis qu’en 1986 la droite s’est vengée des nationalisations de la gauche, erreurs ou intéressement personne des dirigeants d’entreprises préférant la « croissance externe », le jeu des fusions-absorptions, plutôt que la conquête de nouvelles technologies et de nouveaux marchés. Nicolas Sarkozy n’a pas posé ce diagnostic,  ne traite pas notre mal à cette racine, ne joue pas le redressement par la concertation européenne. Exception Airbus mais l’avionneur se délocalise hors d’Europe, c’est sans doute une des clauses des contrats chinois et les recapitalisations et coopérations, qui commençaient de s’esquisser avec un partenaire décisif : la Russie, vont se faire vers les acheteurs arabes et donc accentuer notre vulnérabilité vis-à-vis de Boeing. Je gage qu’avant dix ans, les deux avionneurs se seront entendus au détriment de l’indépendance européenne. La privatisation a été faite par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn. Et EADS publie carrément une logique de moindre solidarité avec son avionneur et de croissance externe – penchant et faute qui sont devenus la psychologie courante de nos dirigeants d’entreprise.

Le nucléaire civil autour de la Méditerranée sur propositions de la France. Le nucléaire militaire – acquis en d’autres temps par Israël puis par le Pakistan, devenu ensuite très proliférant (Iran et Corée du nord, selon l’aveu du « père » de la bombe pakistanaise) – a été fourni officiellement ou secrètement par la France. L’Afrique du sud, au temps de l’apartheid, a été également notre bénéficiaire. Logique des contrats qui n’est donc pas nouvelle. Mais alors comment prétendre sanctionner l’Iran, surtout si les services de renseignements américains et l’Agence internationale pour l’énergie atomique s’accordent pour assurer que la République islamique, même si elle en la possibilité technologique, ne poursuit pas actuellement ses programmes militaires ? nés des technologies civiles. Je demande depuis longtemps au nom de quoi l’arme atomique est légitime aux mains de certains Etats et pas d’autres. La pétition d’irresponsabilité ou d’agressivité des candidats à cette arme n’est plus recevable depuis que la première puissance nucléaire militaire du monde est manifestement agressive : Irak… La logique d’indépendance qui, dès avant le général de Gaulle, fit choisir à la France de posséder, elle aussi, l’arme censément suprême, a sa légitimité partout sauf à revenir à une autre – soviétique ou coloniale – selon laquelle il y a des Etats et des peuples moindres… des souverainetés limitées, voire abdiquées.
Nicolas Sarkozy ne dit donc pas toutes les conséquences de ses choix et les retombées de ceux-ci sont politiquement avérées, mais moins liées économiquement qu’il ne le prétend.

Les critiques ne lui sont pas supérieurs en logique, en mémoire et en cohérence.

Ségolène Royal oublie son propre voyage en Chine et ses observations aventurées sur la justice de ce pays. Il semble qu’elle ait traité, aussi, des contrats guignés par AREVA. Féliciter Rama Yade pour un entretien de presse et quelques fortes expressions, puis la presser de démissionner en conséquence, c’est oublier le « trouble » affiché par Laurent Fabius, Premier ministre, quand François Mitterrand reçut, sans beaucoup de consultations préalables, le général Jaruzelski. Approche utile qui permit aussi bien à Jean Sauvagnargues qu’à Roland Dumas d’établir nos relations avec Yasser Arafat, malgré une opinion publique à l’époque très prévenue contre le Palestinien : de Gaulle lui avait pourtant écrit en Octobre 1969 que son combat lui rappelait le sien, depuis Londres en 1940… Bernard Kouchner et Jean-François Copé ne sont évidemment pas glorieux, mais au total cette « cacophonie » dans le gouvernement et dans la majorité parlementaire – que dénonce facilement l’opposition –  sert le président de la République qui ne se formalise pas de ces dédouanements : le pluralisme, la liberté d’expression sont ainsi manifestés, sans frais. Ce sont les démissions – seules – qui le gêneraient et le désavouerait. Ni la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme ni la secrétaire d’Etat à la ville ne songent à quitter le gouvernement et quelques imprécations – rituelles – sur la gauche (qui… et que…) font tout pardonner. Le rôle est tellement convenu, la secrétaire d’Etat a tellement répété le sketche, au risque du comique de situation, qu’il y a donc des fonctions gouvernementales d’affichage au recrutement et de mises en scène quand le jeu – qui devient celui de la France – demande à être bivalent.

Cela donne – très malheureusement – un style vraiment nouveau aux réceptions officielles en France. Voilà qu’à l’arrivée de l’hôte officiel, ce n’est pas l’échange des bienvenues qu’on entend, mais un plaidoyer du président de la République directement devant l’opinion pour fonder le choix d’accueillir celui-ci. Voilà que les deux partenaires au lieu de s’enfermer dans le huis clos, seul productif d’une connaissance mutuelle (dont pourtant avait auguré l’enlèvement des infirmières bulgares en Juillet), donnent à leurs opinions respectives le spectacle d’un dialogue dissonnant. Voilà que pendant le séjour chez nous d’un chef d’Etat étranger, le pays, la classe politique entrent en ébulltion, sondages et manifestations, que les choses sont ajustées heure par heure part de nouveaux communiqués, par de nouvelles entrées en scène et par des audiences ou des séances de l’un et de l’autre complétant ou contredisant pour la scène nationale de chacun ce qui se dit entre les deux partenaires, au point que ce dialogue-là paraît ce qu’il est sans doute : sans contenu ni portée. Comme si ce n’était pas assez dégradant, la pièce est jouée avec un premier rôle qui – pour une fois – n’est pas Nicolas Sarkozy, totalement surclassé par un homme dont le patibulaire donne le change. L’homme de Syrte est d’une dialectique supérieure, d’un sang-froid total et maîtrise les médias comme la plupart des personnalités « occidentales » pourraient l’envier. Car le problème de cette visite du colonel Khadafi chez nous ne tient pas à la personnalité reçue mais à celle qui invite, l’actuel président de la République. Nicolas Sarkozy, en effet, a été élu dans une ambiance (ou malgré une ambiance) le suspectant – précisément – à propos des droits de l’homme. Ministre de l’Intérieur, il n’a pas donné la preuve que c’était son premier souci. La France de cette décennie, tous gouvernements confondus, est mal placée pour donner des leçons d’égards envers les personnes et envers les nécessiteux : la scandaleuse série, inaugurée plus en parole à l’époque qu’en acte par Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur de la première « cohabitation », a vraiment commencé avec les « charters » d’Edith Cresson, Premier ministre… La question des « sans-papiers » est récurrente, à laquelle ajoute les formalités nouvelles – le plus souvent ridiculisantes pour nous – qui sont imposées à ceux qui, de l’étranger et parfaitement en règle, doivent justifier de leur francophonie (cas grotesque d’une jeune québécoise) ou subir une journée d’éducation civique (cas d’une jeune urguayenne sortie dans les premiers de Sciences-Po. Paris…) : la France est pandore. Le succès d’estrade de Mouammar Khadafi,  chez nous et devant un public africain, était à prévoir. Notre hôte ne s’en est pas privé. Parler des droits de l’homme – si tant est ce que ce soit sujet alors qu’il est tout, et uniquement, de pratique vérifiable – suppose que l’interrogateur soit absolument sans reproche. La France de Nicolas Sarkozy ne l’est évidemment pas. Les extraditions d’anciens brigadistes italiens nous parjurent, la parole donnée par François Mitterrand fut pour la première fois transgressée quand Nicolas Sarkozy arriva place Beauvau [1] et c’est pendant le séjour du Libyen que s’est joué le sort de Marina Petrelli.

Les seuls conséquents – dans l’affaire libyenne, considérée dans le long terme – sont les avocats des familles éprouvées par l’attentat perpétré contre le courrier UTA, naguère : justice n’est toujours pas faite, des mandats d’arrêt ne sont pas exécutés. Bien entouré en cela mais avec des résultats très sélectifs, le président de la République l’a compris et y a aussitôt remédié par du spectacle : on en est à se féliciter à l’Elysée quand les propositions d’audience (familles de Villiers-le-Bel) ne sont pas refusées. Conséquents aussi, les négociateurs européens qui étaient près d’aboutir à la libération des infirmières bulgares : les contreparties (qu’il est vrai on ne connaît pas) n’auraient en tout cas pas été celles concédées par la France, qui lui coûtent en termes d’honneur et qui sont les seules à importer au dictateur de Syrte : la respectabilité. Sans se déjuger, l’Union européenne – par le processus de Barcelone (que court-circuite sans aucun ménagement la « proposition » d’Union méditerranéenne) – travaillait à cette réinsertion libyenne mais avec un autre objectif : couvrir toute l’aire méditerrannéenne et traiter toutes les questions, y compris celle de Palestine, avec Israël à la même table. Le discours de Tanger et sa redite à Constantine ne tiennent pas compte d’une expérience européenne de dix ans. Mouammar Khadafi ne l’envoit pas dire qui ne considèrera le projet français que si Israël en est exclu.

En revanche, Nicolas Sarkozy ne fait pas le lien – pourtant décisif – entre la relation libyenne et l’évolution de l’Union africaine, celle aussi du panafricanisme. Khadafi, après le mauritanien Moktar Ould Daddah, est l’un de ceux qui ont réuni les deux parts du continent : la noire et la blanche, la musulmane et l’autre. La Mauritanie a su, dans les années 1970, associer les monarchies pétrolières au développement de l’Afrique sub-saharienne. La Libye, à elle seule, fait contrepoids à l’Afrique du sud et au Nigéria. Les francophones – nous, donc – principaux au début du processus panafricain sont maintenant en arrière de la main. Une relation avec la Libye et avec l’Afrique du sud peut rééquilibrer les influences, la montée en puissance de la Chine nous y incite. La question du Darfour a peut-être ses solutions entre Pékin et Tripoli.

La France du 6 Mai commet deux fautes. La première est morale : monnayer son désintéressement à l’égard de nos compatriotes de l’arche de Zoé, détenus à N’Djamena contre les permissions d’intervenir au Darfour sollicitées d’un chef d’Etat tchadien qui ne tient que par l’armée française mais monte cependant sa population contre nous. Realpolitik odieuse de part et d’autre. Rama Yade sur place y a contribué, qui, sur le moment et sans examen, adopta la thèse du pouvoir tchadien et la légitima donc. Les infirmières bulgares et Ingrid Bétancourt mobilisent Nicolas Sarkozy, pas eux. L’autre faute est de ne regarder la Libye qu’en termes économiques ou des droits de l’homme : Georges Pompidou naguère et les commissaires européens depuis longtemps ont fait l’option stratégique, qui n’appelle que des contre-parties stratégiques et aucun dialogue pour la montre entre des conceptions et des pratiques antagonistes, option qui devance toute supposition sur les centres d’intérêt. Le plus ridicule est que les fameux contrats – l’ambiance de la visite ayant été ce qu’elle a été – ont de bonnes chances de n’être honorés qu’au minimum, la partie libyenne n’ayant pas pu ne pas ressentir combien elle était finalement rejetée par une opinion française jusques là peu manifestée faute d’occasion. Le plus méprisé n’aura pas été celui qu’on croyait. Et nous sommes battus de près de deux milliards en montant de contrats par l’Espagne…

Au lieu de stimuler – chez nous – un débat susceptible d’aboutir, la manière dont Nicolas Sarkozy traite avec Mouammar Khadafi depuis six mois, démobilise et réduit à la pantomime nos gouvernants et nos opposants. L’Allemagne nous démontre que le contraire est possible : représentative de son opinion nationale et conséquente avec un passé inoubliable, même s’il tend à devenir lointain, Angela Merkel a dénoncé Guantanamo et Mugabe, elle a caractérisé – avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – les élections à la Douma russe.



II – L’enjeu des « réformes » n’est plus économique, pas même politique : il est idéologique


Entreprise par Alain Juppé qui – douze ans avant François Fillon – avait jugé calamiteuse notre situation financière, la réforme des comptes sociaux, à commencer par ceux des régimes de retraite, avait comme objectif avoué et sincère le retour à l’équilibre. Le malheur du Premier ministre de l’époque fut que cet objectif ne « collait » pas du tout avec la campagne électorale selon laquelle Jacques Chirac était parvenu – contre beaucoup de pronostics – à se distinguer assez d’Edouard Balladur pour le distancer décisivement. Deux conséquences. A court terme, le discours de soutien du nouveau président de la République à la politique de rigueur réclamée et incarnée par le Premier ministre, sembla une trahison à beaucoup. La posture des salariés du secteur public et des fonctionnaires ne parut donc pas en 1995, corporatiste, au contraire de cet automne où le pouvoir est parvenu à le faire accroire à l’opinion générale. Il est vrai que la pétition sur le « pouvoir d’achat » est de nature à refaire le front commun entre affiliés au régime général et affiliés aux régimes spéciaux quand auront été transcrites en termes de lois et décrets, les « initiatives » présidentielles d’il y a quinze jours, et qu’elles n’auront pas produit d’effets. Quand il apparaîtra surtout qu’aucune des réformes de 2003 et de 2004, et celles de maintenant, ne suffisent et qu’il faut consentir à 41 et probablement 42 annuités pour financer une retraite à taux plein. Alors, la population fera bloc. Les négociations de cet automne – sectorielles et concernant peu de monde – anticipaient du côté gouvernemental cette coalition générale, et du côté syndical, il a mieux valu se réserver pour l’échéance la plus nationale et la plus mobilisatrice.

Les élections municipales auront probablement le même sens de désaveu que le renouvellement anticipé en 1997 de l’Assemblée nationale – mais ne produiront pas de sanction, autre que morale. Ce qui ne pèsera pas sur l’exercice du pouvoir. Car celui-ci s’appuie sur une deuxième conséquence de la volte-face de Jacques Chirac au début de son premier mandat : les promesses électorales doivent être tenues, la victoire de Nicolas Sarkozy vaut – pour cinq ans – referendum positif sur les « réformes ». Celles-ci ayant été énumérées par l’élu personnellement, le mandat impératif lui donne le pouvoir de prendre tous les moyens pour aboutir, et donc de pratiquer et d’interpréter les institutions et tous les usages nationaux à sa guise. Jacques Chirac – contre-exemple permanent pour Nicolas Sarkozy en termes d’exercice du pouvoir – a non seulement permis sa prise de contrôle de l’appareil politique et de l’électorat, il a fondé dialectiquement le raisonnement qui nous est répété depuis le 6 Mai.

La réforme des régimes spéciaux, telle qu’elle a dérivé depuis les grèves du 18 Octobre et de la mi-Novembre, réduira peu les déficits. De fait, les régimes vont demeurer spéciaux. Sur le fond, le gouvernement et les entreprises publiques qu’il contrôle, ont reculé. Il a été également démontré que la grève reste un instrument privilégié pour que les salariés soient pris en considération, dans le secteur public. Les propositions des quatre entreprises – E.D.F., G.D.F. S.N.C.F. et R.A.T.P. – n’ont été avancées puis publiquement communiquées que sous la menace. Il est probable que les préavis du 12 et le mouvement du 13 – retirés ou effectifs – auront au dénouement pesé plus dans les négociations que la seule habileté dialectique des uns et des autres.

Les déficits publics ne sont pas principalement sociaux. La balance entre les frais généraux de la France et la fiscalité des Français ne peut être exposée qu’à deux conditions. Une ambiance politique telle que le civisme paraisse à chacun la loi pour tous, donc l’égalité et la solidarité. Ce consensus – dans les mots : la réforme des régimes spéciaux est une équité – n’existe pas dans les faits quand des actes symboliques ont été posés : le « bouclier » fiscal, schématisé par les « quinze milliards donnés aux riches », le système des retraites-chapeaux et des stocks-options réglementé mais pas limité en sorte qu’il a trouvé, à la sauvette cet été, une légitimation, l’augmentation proprio motu des émoluments personnels du président de la République. L’autre condition est de placer les comptes en perspective : les contribuables en ont besoin, nos partenaires du traité de Maastricht et de la monnaie unique l’exigent. Nous ne le faisons pas. Le quinquennat, qui pourrait être aussi la période d’exécution d’un Plan économique et social débattu en campagne présidentielle, voté par le Parlement et appliqué pendant tout le mandat. Le remède est évidemment la croissance économique. Celle-ci est inférieure aux prévisions les plus pessimistes du gouvernement, démenties par tous les observateurs dont l’O.C.D.E. L’attendre de la réforme du « marché du travail » et de nouvelles facilitations au licenciement économique est l’erreur constante de tout notre personnel politique quand il croit être dans son domaine en proposant des lois au patronat. Les propositions sont des vide-corbeilles, ne pouvant former un ensemble comme le furent les plans d’ajustement dans les vingt premières années de la Cinquième République. Les deux discours là-dessus de Nicolas Sarkozy – devant l’université d’été du MEDEF et en dialogue avec Patrick Poivre d’Arvor et Arlette Chabot – sont éloquents par des professions de foi et par des reprises de quelques législations et règlements très ponctuels, faisant l’unanimité tant elles sont anodines et attendues ; ils ne constituent pas une politique économique. L’U.M.P. et le Parti socialiste sont figés, l’une dans le soutien à « l’homme fort » depuis que Jacques Chirac avait commencé de laisser faire, l’autre dans la course au premier secrétariat et – déjà – à l’investiture du candidat à l’élection présidentielle suivante. De l’immédiat d’un côté, de la perte de vue de l’autre. La commission Attali est en l’air, au contraire de ce que seraient celles organisées et suivies par un ministère et un commissaire au Plan, au contraire de ce que fut le comité d’experts qui, dans le quasi-secret, prépara pendant l’été de 1958 la mise en œuvre – à la date promise et contre toute attente – du traité de Rome.

La France n’a donc plus son propre modèle : le plan et la gestion tripartite des problèmes et des comptes sociaux, quoique la pétition de ce modèle, au soir du referendum négatif de 2005, n’avait aucune définition. Elle ne s’invente pas davantage : comment expliquer que le pays dont la propension à épargner était telle avant 1914 qu’elle put être la banquière de son vainqueur après 1870, et qu’après la Grande Guerre son emprise en Europe centrale et orientale était davantage fondée en finances qu’en dispositifs militaires, ne soit pas capable aujourd’hui de mettre en œuvre, à l’occasion de sa réforme des régimes de retraite ces fonds d’investissements alimentés par les fameux fonds de pension qui permettent aux Américains et aux Néerlandais de contrôler nos propres entreprises, en tout cas de peser sur leur gestion ? Type d’erreur : l’annonce par le président de la République de la vente d’une partie d’E.D.F., au lieu de se transcrire par une mise en bourse dès le lendemain matin et d’ouvrir au grand public la souscription – ce qui eût été un referendum pour la politique économique et sociale exposée la veille – n’a été mise en œuvre que le lundi suivant (manque à gagner de près de 40%) et avec pour seuls partenaires, les « investisseurs institutionnels », donc le huis-clos.

Car nous n’avons pas davantage un modèle étranger. L’Allemagne subit les mêmes interrogations et crises que nous, tout en restant performante. Débat sur l’instauration du salaire minimum, grève des chemins de fer, soupçons de corruption chez des dirigeants de très grandes entreprises, critique nouvelle de l’euro. fort : elle nous ressemble, mais son gouvernement est de coalition et veille à ses actifs industriels. Le débat sur les alternatives budgétaires et de politique générale est ouvert, la succession des congrès des deux principaux partis politiques l’atteste. La « flexi-sécurité » des Scandinaves, en matière sociale, avait été découverte par le dernier gouvernement de Jacques Chirac, celui de Dominique de Villepin. Elle est de nouveau ignorée, aujourd’hui.  Les Etats-Unis sont – eux – invoqués mais la connaissance qu’en ont nos dirigeants et particulièrement le président de la République est superficielle, au mieux incantatoire. 

La loi sur les libertés et les responsabilités des universités dite « loi Pécresse » convainc de cette ignorance, et – sur un sujet apparemment distinct de la trame politique qui nous devient habituelle depuis l’élection du 6-Mai – confirme le modèle qui s’essaye. Le dédain pour les domaines à faible débouché professionnel et donc peu susceptibles de dotation privée si le mode de financement devait devenir celui-là : lettres et sciences humaines, n’est pas américain. Certes, le système outre-atlantique est concurrentiel, la sélection réelle. Mais quelle que soit la place d’une institution ou d’un cursus sur l’échelle symbolique, toutes elles défendent les mêmes principes : l’ « academic freedom ». La liberté universitaire est d’expression, d’investigation et d’expérimentation. C’est un principe constitutionnel – l’esprit de contestation est sanctuarisé comme le premier amendement. Les « liberal arts » – ce qui serait nos sciences humaines et qui a fondé la Renaissance européenne (tout ensemble à l’époque la théologie, la grammaire et l’astronomie) – restent à l’honneur. Sociologie, anthropologie, langues, civilisations sont des formations de premier cycle, la culture générale plrudisciplinaire est le socle et les étudiants appréciés en tant que tels. Les Etats subviennent à ce que ne finance pas le privé. Enfin, les institutions sont démocratiques, comme l’était l’université du modèle Edgar Faure et Alain Savary. La « loi Pécresse » - à la lecture aussi difficile que le nouveau traité européen, censément traité simplifié, car elle est modificative des textes précédents et non pas écrite comme un tout – présidentialise ce qui ne l’était pas dans la gestion et la direction des universités. Les pouvoirs du président ne sont apparemment pas augmentés, ils sont déjà considérables, mais son mode d’élection et le fonctionnement des conseils sont changés. Exemple parmi d’autres – mais qui m’est familier selon mon actuelle profession de substitution [2] - : les réformes sont de contenu difficile à apprécier si l’on n’est pas directement concernés et si on ne les juge pas d’expérience et de l’intérieur, elles ont toutes une parenté. Et elles visent le même effet. Parenté dans le bouleversement opéré des acquis, des traditions nous faisant perdre ce qui fonctionne et ne nous apportant pas les remèdes à ce qui paraît à la quasi-unanimité défectueux. Effet de désintégration de ce qu’il reste en France d’institutions politiques et sociales collectives : partis, syndicats, associations ne sont pas encouragés mais montrés, un par un, domaine par domaine, dans une inefficacité provoquée. La « refondation sociale » ambitionnée par le MEDEF est paradoxalement prise en charge par un Etat qu’il était de doctrine partagée par le vainqueur de la campagne présidentielle et le patronat, de diminuer.

Si les réformes avaient un objectif économique, elles ne sont pas adéquates.
« Pouvoir d’achat » … alors que l’inflation est revenue, faible encore pour ceux qui ont la mémoire (perdue) des années 1970, mais forte selon le jugement courant qui la date de l’euro… alors que quelques symboles sont mis en place – par culot – tels que les exemptions de redevance télé. (concédées par Nicolas Sarkozy, de passage aux Finances) remplacées par une demi-cotisation et Gaz de France veut augmenter de 5 à 6% ses tarifs aux particuliers. Les simulations à Bercy étonnent. Celle de la ministre de l’Economie et de l’Emploi assurant d’un treizième mois la plupart des Français puisque la grande distribution aura été réformée à temps, que les baisses de prix y seront certaines notamment pour ceux qu’on dit fonction du pétrole ou des céréales, que les heures supplémentaires en réserve seront payées à raison d’une dizaine. Celle du ministre des Comptes stupéfie. Alors que nos officines se sont trompées sur toutes les estimations pour 2007, que le Premier ministre en est à se réjouir que la réalité ne soit pas trop éloignée de la « fourchette basse de nos prévisions », il assure que nous aurons une croissance de 2,25% en 2008 : or, l’Union européenne, le Fonds monétaire internationale, l’O.C.D.E., le président de l’eurogroupe estiment que nous entrons – la France autant que quiconque et probablement plus encore – en récession. Que la crise financière mondiale est là, l’impuissance ces jours-ci des banques centrales principales, même coalisées étant patente. Les diminutions de prestations publiques – la carte judiciaire et la carte hospitalière, les dessertes de fret ferroviaire – font économiser ou rentabiliser, mais dans le détail, il apparaît – notamment pour l’organisation de la justice – que des investissements récents auront été faits en pure perte et que les « redéploiements » (équivalant des « restructurations » dans l’économie des entreprises, pour dire dans les deux cas : rétrécissements) vont coûter un demi-milliard. Les rattrapages et rallonges financières pour « faire passer » la loi universitaire, la nouvelle carte judiciaire, la réforme des régimes spéciaux (et non plus leur abolition) additionnent soit des coûts imprévus dans une situation budgétaire tendue, soit des réserves organisées à l’avance et qu’il était cynique de ne pas avoir dispensées dès avant les conflits.

Si les réformes avaient un objectif politique, elles le manqueraient. Leur mise en œuvre ne se fait plus – malgré des préparatifs en période estivale – selon un calendrier maîtrisé par le gouvernement. Les unes montent les élus locaux quelle que soit leur appartenance politique contre le gouvernement à la veille d’élections locales s’il en est : les suppressions de service public ne sont pas « vendables » aux électeurs. Les autres prennent de court une clientèle de base : l’entreprise et le patronat. L’intervention présidentielle en conclusion de la crise sociale de Novembre a ouvert un chantier et installé une méthode qui n’étaient pas prévus par ces soutiens. L’Etat au centre du dialogue social – ce n’est pas le souhait du MEDEF… – et sur les sujets les plus sensibles, qui – au contraire des régimes spéciaux de retraite et de la réforme universitaire – ne sont pas corporatistes et intéressent tous les Français : pouvoir d’achat, droit et marché du travail. La réorganisation du Code du travail – exactement comme la réécriture de la Constitution européenne dans son condensé signé à Lisbonne – complique au lieu de simplifier : l’instrument attendu n’est pas fourni et le point difficile qu’est le futur contrat d’embauche est mis en exergue alors que la stratégie était de le placer dans un ensemble rénové. Les réformes aliènent, une à une, les clientèles, les soutiens ; elles restent souhaitées, pour elles-mêmes, par la généralité de l’opinion publique, mais la manière dont elles sont conduites et déjà leurs auteurs sont perçus de moins en moins ave faveur. Les autorités morales sont elles aussi défiées : ainsi l’Eglise de France à propos des tests A.D.N. et de l’ensemble des politiques régissant l’immigration, ou la loi Pécresse peu appréciée de la Ligue des droits de l’homme.

En fait, Nicolas Sarkozy n’a de politique économique que celle qu’il a apprise et pratiquée rue de Bercy pendant les six mois qu’il y a passés [3]. Retour du déficit budgétaire en dessous de 3% du produit intérieur brut, réforme du statut d’E.D.F., relance de la politique industrielle avec notamment la recapitalisation d’Alstom et l’intervention du gouvernement dans la fusion Sanofi-Aventis, accords avec la grande distribution et avec les banques de dépôts pour la réduction de leurs prix et de leurs tarifs. Les sept premiers mois du quinquennat sont le calque des mesures et initiatives prises il y a quatre ans, aux noms de sociétés près. Rien de moins, à peine plus : la critique de l’euro. « fort ». Mais le nouveau président de la République a un dessein. Qui est de forme : gouverner autrement.

Il s’agit donc de bien autre chose que de politique ou d’économie ou de diplomatie. Un non-dit.



III – La synthèse dite et non-dite : un nouveau régime s’essaye

A chaque fois que se commet une grande faute dans notre histoire nationale, la classe politique est quasiment unanime pour ne pas la dénoncer, si même elle la voit. Les lucides sont rares et – c’est le système – empêchés d’exprimer ce qui est en train de se perpétrer. Qualifier la manière dont le nouveau président exerce le pouvoir serait transgresser un tabou. Son « hyper-activité » ou son « omni-présence » y compris au journal télévisé est daubée, commentée mais sans que rien en soit déduit.

Il y a les faits, il y a leur projection.

Le fonctionnement des institutions n’est plus que formel.
Sans doute, la Cinquième République n’a-t-elle vu à l’Assemblée nationale que des majorités d’un monolithisme et d’une discipline de vote la faisant paraître peu sensible aux mouvements du pays, à peine élue. Exceptions : la première législature, dominée par la guerre d’Algérie, celle de 1967-1968 où le gouvernement ne disposait que d’une voix d’avance sur une éventuelle coalition des oppositions de la gauche et du centre, celles que, de 1974 à 1980, le R.P.R. dominait en sorte que Valéry Giscard d’Estaing, quoique président de la République, et Raymond Barre quoiqu’assurément gaulliste, ne purent gouverner que sous la contrainte et la critique internes ; exceptions aussi, la cohabitation. Depuis l’été, les votes ne sont pas ceux du for intérieur ou qu’attend l’opinion. Candidat déclaré à la présidence du Sénat
On dira que cet abaissement de l’Assemblée nationale tient au « fait majoritaire » et que la contestation a son cours en groupe parlementaire et en commissions, que les distanciations du Sénat, dominant paradoxalement l’assemblée élue au suffrage direct, avaient déjà cours au temps de la gauche, jamais en force au palais du Luxembourg, mais la prétention du président de la République à intervenir désormais dans les débats parlementaires va amenuiser encore la prérogative essentielle des députés : la mise en cause possible de l’existence du gouvernement. De celle-ci le chef de l’Etat répondra directement, un dialogue nouveau va s’instaurer puisque les projets de révision constitutionnelle vont permettre les résolutions du Parlement en réponse aux discours présidentiels dont rien ne limitera la périodicité, rien ne précisera l’époque ou le thème.
Pour le moment, c’est l’exécutif qui fonctionne autrement. L’entourage présidentiel n’avait jusqu’ici pas d’existence politique car il n’a pas de personnalitéjuridique, il est nommé selon la procédure la moins solennelle du droit public : par arrêté (le préfet, le maire ne peuvent prendre que de tels actes). Seul, le président s’exprime et signe. Sans doute, y a-t-il eu toujours un service de presse, mais la communication présidentielle était soit celle du président de la République en personne, soit celle d’un des ministres pour compte de l’Elysée. Le secrétaire général n’apparaissait que pour la lecture de la liste des membres du gouvernement ; exceptionnellement, Michel Jobert, pour Georges Pompidou, avait annoncé la dévaluation du 8 Août 1969 et avait, dans le secret, négocié l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun en 1970-1971. Claude Guéant est une des deux variantes de la conception qu’a Nicolas Sarkozy du Premier ministre – conception non dite mais pratiquée et qu’a signifiée le terme de collaborateur, récusé par François Fillon, principal intéressé… C’est le secrétaire général de la présidence de la République qui a instrumenté, de fait, la candidature et la campagne électorale du vainqueur du 6-Mai. C’est lui qui a veillé sur toute l’ « affaire des infirmières bulgares » et surtout dans les deux phases délicates : le déplacement en Libye de l’épouse du chef de l’Etat, la conclusion en commission d’enquête parlementaire. C’est lui qui a théorisé, à l’avantage du pouvoir, les dissonnances gouvernementales pendant la visite-retour du Libyen. Il paraît dans les médias écrits et audio-visuels. Il est question de rattacher à lui le domaine entier du renseignement sécuritaire et de l’intelligence économique, s’il ne l’a pas déjà en pratique. Et il y aurait – à côté – un conseiller en idéologie et un metteur en page, autorisé à se mettre et à se maintenir en vue.
La relation avec le Premier ministre et les ministres est telle que la présence médiatique de ceux-ci semble subordonnée en thème, en moment, en débit. Elle est parfois ridiculisée. Les exposés des motifs, les dispositifs de lois – toutes d’urgence et souvent de circonstances : le pouvoir d’achat – sont textuellement les dires du président de la République en entretien radiotélévisé. Le rythme attendu des effets – davantage dans la réponse de l’opinion publique que dans celle de l’économie générale du pays – impose même une anticipation du vote et de la promulgation des textes. Il n’y a plus la distance et les étapes – ménagés par toute organisation des pouvoirrs publics dans un Etat de droit. Le souhait présidentiel – à défaut de devenir relède opérant ou réalité objective – est aussitôt traduit selon le seul outil dont dispose discrétionnairement le pouvoir politique en France : le texte de loi. Les sujets sensibles – la nationalité, l’immigration mais aussi la fiscalité – sont depuis vingt ans l’objet d’une succession à rythme accéléré des textes et de leurs ajustements, signe qu’ils sont chacun bâclés. A prétendre conclure ces cycles sur les grandes questions de politique intérieure, le pouvoir n’est nouveau que par son ambition du définitif,  pas par sa méthode.

Le commentaire de l’opposition et celui des médias est ailleurs. C’est d’ailleurs l’une des habiletés du nouveau président que de faire porter l’attention sur des points accrocheurs mais non essentiels.

Les médias sont d’un ton et dans une situation tels que les coincidences sont vraiment nombreuses. Toutes allant dans le même sens, précarisation des titres, menaces sur l’emploi, nouveaux dirigeants. Assèchement des budgets pour les ondes publiques et disgrâces à France Télévision. Rumeurs de privatisation de l’Agence France Presse, rachat par une des fortunes françaises de la couverture nationale d’Associated Press. Les Echos et La Tribune changent de patronat et de liberté, encore plus insérés dans une stratégie de fortune personnelle : certes la tendance n’est pas que française, la presse économique d’influence mondiale tombe dans le giron de Murdoch, mais il semble que l’Elysée ait été mis en mesure ou se soit mis en mesure de suivre le processus. Le Monde est en difficulté manifeste et le paradoxe de la bonne volonté du Figaro à raison des espérances de vente du Rafale qui pourraient ne pas se concrétiser, ferait de ce quotidien le dernier refuge de la dissonnance. Hormis Marianne – qui n’est pas encore de fondation – et Le Nouvel Observateur qui l’est et – ironie ou danse de la mort – peut s’offrir un entretien sur la liberté de la presse avec celui qui pourrait être l’ordonnateur de tout ce domaine de la vie publique et civique, les hebdomadaires et magazines français n’ont plus une ligne éditoriale indépendante et surtout continue : ils sont des supports, ils continuent d’être composés avec talent mais ils n’ont plus rien à voir avec les titres qu’ils portent encore et qui naguère caractérisaient et stabilisaient – à l’instar des partis dans le paysage politique et des syndicats dans le mouvement social – le commentaire en grandes tendances et familles d’esprit, correspondant assez bien avec les grandes strates de l’opinion publique. Exactement comme à propos des syndicats et des partis, l’évolution de notre société – ou la manipulation de la société par un pouvoir qui réduit de plus en plus la liturgie démocratique – tend à inverser les rapports initiaux entre le peuple et ses représentants. Journaux, partis, syndicats émergeaient de grandes tendances ; aujourd’hui, il s’agit de susciter de nouveaux classements ou plutôt d’éviter qu’il en existe pour atomiser tous les groupements, toutes les associations. La compétition dans l’entreprise, la gestion de la fonction publique selon les parcours individuels, la délégitimation des syndicats sous prétexte que les élections par les salariés ou par les étudiants se caractérisent par l’absentéisme, concourent au même effet : le peuple en corps disparaît – le referendum ne le convoque plus – et le pouvoir dont sont avoués les liens avec des fortunes individuelles et le tropisme vers un modèle étranger (et d’ailleurs fictif, car il ne se vérifie guère aux Etats-Unis) est en situation de tout faire… mais quoi ? Impasse d’un projet qui serait totalitaire s’il avait un but, mais quel est le but de la machine qui se met en place ? La volupté de l’ego politique ? comme celle qui a saisi ces derniers temps certains grands patrons français, souvent défroqués de la fonction publique, et excellant dans la croissance externe mais peu dans les marchés où la concurrence est à mains nues ? L’image, peut-être forcée, semble voulue par le maître. Elle est contraire à ses intentions si le parti est pris de ne croire qu’à la bonne volonté du nouveau président de la République et à son souhait de tout traiter sans a priori, avec détermination d’en finir.

Procès d’intentions, coincidences ? Perquisitions au Point et à L’Equipe, même si le sujet n’est pas présidentiel. Tentative au Canard, au printemps, même si c’était encore sous l’emprise du précédent mandat. Maintenant, la garde à vue, les 6 et 7 Décembre, d’un journaliste refusant de donner ses sources, puis contraint d’en livrer la moins directe [4]. Or, les grandes décisions, notamment de politique dite étrangère, se prennent sur le fondement d’informations reconnues erronnées quelques années plus tard par leurs autreurs-mêmes : la question d’Irak. Et les candidatures aux grandes fonctions se jouent, en bonne partie, sur des images. Contrôlables ? Comment ? par qui ? La « peapolisation » accentue cette pente – réelle pendant les guerres coloniales, mais avec quelque motif, qui aujourd’hui ne saurait plus exister – elle la banalise puisque les sujets sont souriants. Il y avait eu, sur intervention du ministre-candidat auprès du propriétaire de Paris-Match, le vidage du directeur imprudent sous lequel avait été publié la photographie de l’infortune de Nicolas Sarkozy. Il y a eu, pour changer de registre après qu’ait été démontée la tente bédouine du palais Marigny, la mise en scène de Disneyland pour « faire savoir » qu’un nouveau couple s’est bâti [5]. La télévision de ces décennies a intronisé le personnage unique et la confusion de la vie privée avec la vie publique quand celle-ci existe. Autrefois, le président de la République, les membres du gouvernement étaient – selon un statut non écrit – interdits de vie privée ; la transgression était hors de prix, Jules Grévy démissionne du fait de son gendre, le destin de Georges Pompidou a failli basculer et la succession anticipée du général de Gaulle s’est faite en partie selon des rumeurs concernant l’épouse de l’ancien Premier ministre. La vie privée de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand ne fut que supposée, en permanence et rétrospectivement pour le premier, presque jusqu’en fin de règne pour le second. Elle est aujourd’hui un des éléments du système nouveau. Son contenu importe peu mais la confusion des genres et la manière de s’imposer, donnera de plus en plus prétexte à censure si le fil conducteur échappait à l’impétrant.

Même tendance (ou nécessité ?) à manipuler les indicateurs : le directeur général de l’I.N.S.E.E. est remercié, comme la rumeur en courait depuis le début du quinquennat, et malgré qu’il ait changé opportunément le calcul des taux d’emploi de la population active, la fusion des A.N.P.E. et de l’U.N.E.D.I.C. présente (accessoirement) l’avantage d’étouffer une source contradictoire d’évaluation du chômage, la nouvelle indexation des loyers permet aussi d’avoir de nouvelles bases de référence. Les comparaisons d’un quinquennat à l’autre ne seront donc plus possibles.

L’opposition est tout entière occupée par son autogestion et par les prochaines élections municipales. Des réconciliations dans les familles radicales, des éventualités entre un centre et les socialistes, entre un autre centre et le parti présidentiel, des conditionnalités et des échéances. Des destins ministériels sans cesse niés, mais toujours projetés : Jack Lang, Jean-Marie Cavada, Jacques Attali, ce qui attise les rumeurs de remaniement gouvernemental à peine l’exrecice quinquennal commencé. Le fond demeure, la candidature présidentielle de 2007 est rétrospectivement autant discutée par les appareils du Parti socialiste qu’est déjà disputée, entre les mêmes, celle pour 2012. Perplexité habituelle : la mise au point d’un programme l’emporte-t-elle en priorité et en susbtance avec la définition des alliances ou la personnalité portant les couleurs. Ségolène Royal continue – à elle seule – d’émerger, elle sait commenter incisivement selon le rythme quotidien de son vainqueur du 6 Mai la geste foisonnante de celui-ci, mais – précisément – le foisonnement est tel qu’elle lui accorde quelques points : Ingrid Bétancourt évidemment et ne le dessert pas dans ses refus de la procédure référendaire, qui était pourtant – dans son propre programme – le point fort. Le premier referendum – les institutions et la procédure de la « démocratie sociale » - était prévu pour se tenir cet automne, notamment pour les mécanismes du marché du travail qu’aujourd’hui on traite en séance de nuit et à quelques dizaines de parlementaires présent sur 577.

La seule coalition qui serait efficace, ne se fait pas : celle empêchant d’atteindre la majorité constitutionnelle au Congrès de révision tant pour l’adoption du nouveau traité européen que pour la soi-disant modernisation de nos institutions, contraignant le nouveau pouvoir soit à l’abandon soit à cette procédure référendaire à laquelle il répugne, pour des raisons que – quant à moi – je ne discerne pas. Sur les deux sujets auxquels il tient, Nicolas Sarkozy aurait, dans l’état actuel de l’opinion publique, certainement de belles majorités, que François Mitterrand et Jacques Chirac lui envieraient. Ou alors, raison ! éviter un vrai débat car chacun des comités, au travail sur des sujets qui ne sont pas secondaires, la politique de relance économique et la révision constitutionnelle dans un sens présidentiel, ne produit qu’un débat interne. La protestation du président régnant que le débat est ouvert à tous n’est que formelle, la mise en ligne de certaines des auditions du « comité Balladur » n’est pas une intrusion populaire. Il n’est qu’accusé réception des critiques et suggestions quand elles sont hors cadres, aucun des arguments n’est repris dans ces courriers de courtoisie (et de statistiques). Les médias ne s’intéresseraient au débat que s’il était référendaire. L’opposition est complice de cette stratégie d’étouffement du débat puisqu’elle a les moyens de contraindre le pouvoir au referendum : pourtant d’emblée – sans même laisser le temps du suspense – elle y a renoncé. Elle ne procède à aucune critique, à aucun examen d’ensemble ni de la politique économique des premiers mois du quinquennat, ni de ce qui ressort des travaux du « comité Attali », ni du nouveau traité européen dit « simplifié », ni des propositons du « comité Balladur ». Elle reste professionnelle : les investitures, les élections, les gestions diverses selon les mandats acquis. Elle n’est pas fonctionnelle, ses critiques et ses analyses ne devancent jamais un échéancier pour lequel le gouvernement a certes l’avantage de la situation, mais que les circonstances peuvent bousculer.

Tout le champ est donné au président de la République. Et d’abord celui des institutions, qu’il les pratique ou qu’il en préconise la révision. Le « comité Balladur » ne s’est écarté que sur un point de la commande présidentielle : il n’a pas recommandé la limitation à un seul renouvellement du mandat présidentiel. Il a revanche acquiescé au souhait de prise de parole personnelle et en a camouflé l’effet sur l’équilibre des institutions, en traitant sans lien avec cette modification – qui n’est pas de détail – la procédure nouvelle de résolutions de politique générale qui sera désormais ouverte aux assemblées. Les esquisses de retouche au libellé des fonctions du président de la République et du Premier ministre ont montré l’impasse dans laquelle on s’engagerait. L’ensemble – exactement comme les protestations du ministre des Affaires étrangères et de la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme – sert Nicolas Sarkozy : pluralisme gouvernemental d’un côté, abandon souverain du souhait de nouvelle définition des rôles dans l’ « exécutif ». La démocratie octroyée… au peuple et à l’opposition : on laisse au souverain le soin des belles concessions.  La Haute-Cour jugeant le maréchal Pétain n’avait pas eu ces égards pour le général de Gaulle, explicitement et expressément prié de commuer la condamnation à mort.

La moindre conséquence de cette appropriation du champ entier de la vie politique et la revendication d’aller à l’extrême de tous les sujets traités ou se présentant, est dans une certaine contagion. Les dires et souhaits présidentiels sont la référence, le repère, même pour l’opposition. Nicolas Sarkozy a libéré le fonds d’extrême-droite que dans l’U.M.P. et parmi les hiérarques de la majorité et du gouvernement on n’osait jusqu’alors montrer. L’échec principal du général de Gaulle – et la quadrature de son cercle de gouvernement – ont bien été de ne pouvoir recentrer vers la gauche et de vraies générosités et imaginations sociales la majorité qui se faisait sur son nom, mais pas sur sa politique. De Gaulle n’était suivi ni sur la participation, ni pour notre retrait de l’O.T.A.N., ni à propos du « Québec libre ». Louis Vallon et René Capitant étaient archi-minoritaires d’un bout à l’autre de sa présidence, ceux qui jugeaient, dans son premier gouvernement et à l’Assemblée nationale l’indépendance algérienne inéluctable, et probablement bénéfique à terme même et surtout pour la France, étaient très peu nombreux. Trois peut-être parmi les ministres de l’été de 1958. C’est ce qui a marqué toute la suite. L’U.M.P. ne trahit aucun héritage ; elle ne sait pas ce dont elle a hérité et ce dont elle pourrait répondre devant l’histoire. Avec bonheur, elle va, court au travail dominical, aux tests A.D.N. et aux comptages raciaux, à la durée illimitée du travail, à des rapports sociaux déréglementés, à l’atomisation de la société, à l’individualisme revendiqué et théorisé, elle n’est retenue que par des prudences électorales de dernier moment, elle ne sera contrainte que par les événements. Nicolas Sarkozy est son rêve : le chef, enfin, en quoi Jacques Chirac, suiviste de son Premier ministre dès ses débuts et prostré dans l’hésitation pendant tout son second mandat, avait complètement déçu ceux qui révèrent la force. Le chef et le démantèlement de toute solidarité et de toute organisation. Le nouveau président de la République ne gênera ses soutiens que s’il échoue en ayant suscité des forces plus irréductibles que lui. Il semble parfois qu’il les appelle [6]. Dans l’immédiat, on ne cherche autour de lui à se faire valoir qu’en le doublant à droite, le Premier ministre en rajoute en pétition de fermeté, en rappel du dessein réformateur d’ensemble : lui-même ne s’est-il pas fait un nom avec la première étape de la réforme des retraites et sa rupture avec Jacques Chirac ne date-t-elle pas de l’ingratitude de ce dernier pour le travail alors accompli ? ce qui donne des postures à contre-pied comme celle de Christine Boutin sur un sujet sensible – à plusieurs points de vue de la solidarité au maintien de l’ordre – et populaire comme le problème des sans-logis



IV – La confirmation d’un concours de la France à un ordre mondial innommé qui va péricliter et qu’elle n’avait jamais soutenu


Nicolas Sarkozy, en sept mois de présidence, a multiplié les changements d’attitude et de cap – sujet par sujet, théâtre par théâtre, d’une association ou d’un ensemble dont fait partie la France, souvent de fondation, à un autre assemblage. Réintégration de l’organisation du traité de l’Atlantique du nord pour faciliter la fusion de la défense européenne avec la défense atlantique. Adoption des appréciations stratégiques des Etats-Unis sur l’Iran, sur la nécessité de placer un bouclier anti-missile en Europe orientale soi-disant pour parer à une agression iranienne en fait pour faire face à la Russie, sur le maintien d’une présence militaire en Afghanistan, sur le Darfour. Ce qui conduit à ne plus considérer l’entreprise européenne que comme un outil de gestion et de concertation parmi d’autres, au lieu que depuis plus de cinquante ans quelle qu’ait été la République, quels qu’aient été les gouvernement l’union de l’Europe était un but en soi et la façon contemporaine de la France de s’émanciper à tous égards de l’hégémonie du moment, celle des Etats-Unis. La proposition d’Union méditerranéenne non concertée avec nos partenaires dans l’Union ne fait pas cas de la pratique du « processus de Barcelone » dont il vise pourtant les mêmes pays d’outre Méditerranée. Sans la pression allemande très habilement motivée (que la France fasse cavalier seul au sud et Berlin en fera tout autant vers l’est…), le projet aurait écarté tous les Etats membres qui ne sont pas de climat méditerrannéen.

Nos partenaires ne sont pas à l’aise avec nous. Ils ne l’ont à vrai dire jamais vraiment été, sauf en 1950… et à plusieurs reprises, sans y être pourtant fondés, ils ont cru que nous voulions défaire ce qui était en train de se faire. L’euro-scepticisme étant devenu général et les gouvernants se ressemblant tous dans leur refus/crainte de grande solutions européennes (élection du président de l’Union par l’ensemble des citoyens au suffrage direct et en circonscription unique, referendum européen le même jour, sur la même question et en circonscription unique pour trancher les grandes alternatives), Nicolas Sarkozy ne tranche que par une manière personnelle et solitaire qui heurte, parce qu’elle est déplacée. Une vie ensemble suppose le respect d’autrui, des égards et un certain effacement pour que tous signent, sans distinguer inspirateur ou dénégateur. D’autant que le plus souvent la France actuelle se pare des plumes du paon et emprunte à des fonds communs, sous couvert d’originalité ou d’initiative. Trop en vue pour seulement accaparer les apparences, nous donnons prise.

Le rapprochement franco-américain s’opère à la seule initiative de la France, sans avoir été souhaité à Washington. Il ne peut donc produire aucune concession en retour, il est un acquiescement de Paris donné sans condition ni autre préavis que la plate-forme du vainqueur de l’élection présidentielle. Rien que cela le rend inefficace pour ceux qui en auraient espéré des infléchissements américains. Mais l’inefficacité française a une raison bien plus forte. Le changement de cap – par rapport à un partenaire en fin de mandat et donc en recherche de postérité moyennant tous les faux-semblants imaginables comme l’a été la conférence d’Annapolis – semble ignore des changements dans les relations internationales bien plus importants que celui qu’il constitue par lui-même.

Le premier changement est le retour, commencé depuis le printemps et accentué ces derniers jours – depuis les élections législatives russes – à des postures qu’on pouvait croire révolues en Europe. La Russie s’est crue agressée à l’ouest autant par l’adhésion de ses anciens satellites à l’Union européenne que par leur intégration dans l’O.T.A.N., le positionnement du « bouclier anti-missile » en Pologne et en Tchéquie confirme son analyse. L’opinion nationale ne s’y est pas trompée. Le triomphe électoral de Vladimir Poutine est l’œuvre de l’Occident – dénomination d’un certain nombre d’Etats pendant la guerre froide qui aurait dû conceptuellement disparaître à l’implosion soviétique et que l’ambiance de confrontation rend de nouveau courante. Nous avons – sans qu’un seul Etat-membre de l’Union fasse exception – donné toute matière à une renaissance nationaliste qui en Russie ne peut tolérer la démocratie. Nicolas Sarkozy eût été bien mieux inspiré de refuser le bouclier antimissile pour ensuite donner un poids à une absence de félicitations du vainqueur de ces élections : il eût placé nos relations sur le plan stratégique (comme il aurait fallu le faire avec la Libye et comme chaque fois que manquent les affinités personnelles). Le réalisme en relations internationales ne gagne pas à être au premier degré – comme il a été invoqué cette semaine pour notre liaison libyenne – il est de règle au second : il fonde, pour le moment, la tolérance de la Chancelier allemande à notre endroit. Mais tandis que Berlin a tout à gagner dans son hinterland à limiter une Russie qui ne l’en respectera que davntage, Paris au contraire a avantage à peser pour que l’Union européenne ne se donne pas le prétexte de la menace orientale pour reporter une fois de plus aux calendes sa dépendance stratégique vis-à-vis des Etats-Unis. Toute analyse manichéenne de la situation en Europe retarde notre émancipation. Elle est un alignement sur une hégémonie dont la stratégie depuis longtemps considère l’émancipation du Vieux Monde comme redoutable mais très improbable : théorique. La nouvelle posture française y concourt, donc. Nous avons laissé se commettre par l’Union européenne, depuis ce printemps, la même faute que celle commise au début de 2006 à la suite des élections palestiniennes : ostraciser le vainqueur, le Hamas, comme le voulaient Etats-Unis et Israël. Alors même que la formation extrêmiste était en chemin de reconnaître l’Etat hébreu, nous l’avons poussé à la décisive sécession d’aujourd’hui qui rend la question de Gaza distincte de la question palestinienne, et donc leur ensemble insoluble malgré les jeux de scène à Annapolis et maintenant à Paris. La chance veut – pour combien de temps – que la Russie ne s’implique que dans le nucléaire iranien et dans l’opposition serbe à l’indépendance kosovar, pour combien de temps. La probabilité est un retour aux diplomaties d’avant la chute du mur de Berlin, la langue de bois qui caractérise la scène politique intérieure française selon le clivage majorité/opposition ou plutôt pouvoir/opposition, va se parler de nouveau et couramment sur la scène internationale. Tout va se gripper, tout va être dangereux et les négociations et débuts de solution ne seront plus que secrets, donc exclusivement russo-américains. L’Europe, partenaire potentiellement décisif depuis 1992, est à nouveau marginalisée donc dépendante.

Le second changement est qu’à l’instant où tout le monde s’est aperçu de la collusion sino-américaine, celle-ci précisément se défait. Pour des raisons dont l’échéancier était facile à prévoir. La relation monétaire est trop décisive pour les Etats-Unis et à terme trop coûteuse pour l’économie chinoise pour qu’elle soit sécurisante, du point de vue de chacune des parties. La priorité chinoise étant l’approvisionnement à l’extérieur et le contrôle d’une population domestique – en nombre et en maintien de l’ordre – les autorités de Pékin ont été acculées à des vues stratégiques que la « révolution culturelle » naguère n’avaient jamais inscrites que sur le papier : la guerre du Vietnam et la brigue d’une admission en tant que telle aux Nations-Unies accaparaient tout. Aujourd’hui, le pétrole dont les producteurs arabes et iraniens ne veulent plus le paiement en monnaie incertaine : le dollar, commande une nouvelle donne monétaire. Imprudemment, Européens et Américains ont poussé à l’évaluation du yuan, en calculant que le vrai sujet serait ainsi traité par prétérition ou reporté de médication : la relation entre l’euro. et le dollar. Les deux fondements de l’équilibre monétaire et budgétaire américain – qui sont donc le fondement de l’économie boursière mondiale – sont aujourd’hui précaires : l’endettement des ménages insupportable (la crise du « subprime »), le financement des déficits par la Chine en question. La relation sino-américaine devient conflictuelle. Symétrique de l’incident aérien en début du premier mandat de George Bush junior, l’incident naval de ces jours-ci.

Le troisième changement est que le jeu avec les pays tiers, c’est-à-dire avec le monde hors la Chine, les Etats-Unis et la Russie, n’est plus du registre néo-colonialiste et pas encore du registre libéral. C’est sans doute à l’O.M.C. avec comme enjeu la relation de l’Union européenne avec son voisinage territorial immédiat, la Méditerranée et l’Afrique, que se joue la seule partie où les cartes ne sont pas encore définitivement distribuées. Les débats sur le changement climatique et l’environnement auraient pu être un de ces champs. Pour des raisons de politique intérieure, le président de la République – par le « Grenelle de l’environnement – avait conforté un outil thématique dont Jacques Chirac avait eu, avant lui, l’heureuse intuition (marquée par une révision constitutionnelle peu traditionnelle). La chose a peu servi à Bali, malgré le bain d’un ministre et les félicitations décernées à la Chine par la secrétaire d’Etat, après que la fin de partie ait été tristement sifflée.

Paradoxe : le président  a tout pour faire s’interroger, sinon attirer, ses partenaires, donc pour disposer quelque temps de l’effet de surprise et nous rendre une crédibilité perdue depuis une quinzaine d’années. En cela, il ajoute certainement aux cartes et à l’offre traditionnelles de la France dans le monde. Sa manière et son énergie, son égotisme aussi - son courage ou sa naïveté ? intellectuels enfin – tranchent sur beaucoup de ses pairs sur la « scène internationale » où il y a certainement jeu de rôles, tranchent aussi sur certains de ses prédécesseurs en France. Sans se ménager, sans laisser aux circonstances le soin de lui dicter un agenda, Nicolas Sarkozy reçoit tous les partenaires – et le plus souvent, au très bon moment –, va sur tous les théâtres en donnant une sensation d’urgence et de premier commencement ; il sait, mieux que beaucoup, le lien entre les événements joués à l’extérieur et ceux de nos compatriotes qui en pâtissent ; il joue bien de l’intimité (les familles d’Ingris Bétancourt ou des humanitaires de l’arche de Zoé le savent comme celles de Villiers-le-Bel et pourquoi pas les Erignac et les Colonna, sur la stricte scène intérieure) et son adresse à l’opinion publique a toujours le support en parallèle ou au préalable d’un dialogue tête-à-tête. Il a donc le don de l’explicite. Mais il n’a pas la culture ni de ce qui l’a précédé ni de ce qui est attendu, il réfléchit et agit seul. Trop dirigé ou pas assez capable d’utiliser l’outil - formidable – que représente pour le pays une personnalité telle que celle qui a été élue le 6 Mai, l’entourage ne semble pas proposer ce qui convient : appétissant pour un président qui veut marquer et fonder, correspondant aux nécessités mondiales dont il est de tradition française que nous y répondions.

La probabilité est une déception. L’audace n’aboutit qu’au suivisme, les propositions et actions novatrices n’ont pas d’écho, la coalition se fait des intéressés qu’on a déranger et des jaloux habituels de notre pays, contempteurs de nos défauts nationaux auquel surajoute l’équation personnelle, trop démontrée et trop invoquée, du président de la République. Une autorité morale se bâtit – soit par un geste fulgurant (ce qui a été tenté mais sans réelle stratégie de préparation ni de suite par Dominique de Villepin il y a quatre ans pour l’Iak), soit par une prémonition et une analyse riches de beaucoup d’autres ensuite (l’homme du 18-Juin).

D’un agenda – de rencontres et d’accueil à l’Elysée ou en visite guidée de la France, de voyages à l’étranger – très judicieusement organisé, il ne semble sortir ni une analyse du monde de la part de celui qui reçoit et voyage, ni une sensation générale de la part de ses interlocuteurs. La substance d’un rayonnement qui commence, se fait attendre.

Peut-être manque-t-il à Nicolas Sarkozy l’ingrédient essentiel : les circonstances. Une gestion – et malgré les apparences, nous restons dans ce registre à l’extérieur comme à l’intérieur – se juge à ses résultats. Tandis que l’exception appelle l’exception. Il se peut que Nicolas Sarkozy rencontre des circonstances, alors si sa mesure se confirme et est enfin adéquate, un certain règne pourrait commencer. Mais les circonstances, en relations internationales et en état du monde, ne se convoquent qu’en situation d’extrême force, ce qui n’est plus la situation française, et ce qui n’est pas la volonté de nos partenaires pour l’Union européenne : le déroulement de la conférence de Bali sur les changements climatriques l’a montré, le traitement à l’Organisation mondiale du commerce de la question de nos préférences à maintenir en faveur des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique le confirme, alors même que l’Union européenne, sur ces sujets, peut être la très grande puissance.


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En conclusion du moment :
paradoxes, risques et gaspillage d’une personnalité
ambivalence de son attitude


Le président de la République court le risque et fait courir à la France le risque d’une désorganisation sans reconstruction positve.

A ouvrir un chantier ou un débat presque chaque jour, il sature l’opinion, le commentaire et disperse. A dicter lui-même quasiment la lettre des projets de loi, il empêche la discussion et l’approfondissement de la matière en cause. A réagir personnellement sur chacun des sujets ou à chacun des événements qui lui paraissent porteur d’un mécontentement contagieux, il prend des engagements qui ont toutes chances de n’être pas tenus. L’ensemble du gouvernement se meut à l’identique, sans rupture avec le passé pourtant si réputé oublieux des promesses d’Etat que le redressement devait d’abord restaurer une crédibilité de la parole donnée. Ainsi, le Grenelle de l’environnement n’a pas été suivi d’un moratoire de tous les cultures O.G.M. et la taxe-carbone n’est pas de compétence nationale, les mal-logés continuent d’être bercés de promesses, conditionnés par une sagesse et une non-récidive qu’ils ne peuvent avoir en préalable…Les Français ne discernent pas d’étapes dans le processus de gouvernement et ne peuvent donc repérer où ils en sont, notamment pour ce qui est des efforts ou sacrifices à consentir : le cas des réformes en matière de retraites et de sécurité sociale est exemplaire et Nicolas Sarkozy hérite d’une manière de réformer ou d’ajuster qu’il pérennise : d’années en années, allongements de durée de cotisation, apparition de franchises, diminution des prestations. Ni vue d’ensemble ni réexamen des structures. L’obsession d’économiser ne fait pas pourtant diminuer la dépense ni le déficit mais recouvre pratiquement le concept-même de réforme : exactement comme le pratique l’entreprise – surtout celle qui est cotée en bourse – et en cela il légitime son comportement, l’Etat confond réforme de lui-même avec diminution du nombre de ses fonctionnaires et agents. Services et entreprises publics empêchent désormais – sciemment et s’en vantent – l’aménagement du territoire ; la carte judiciaire et la carte hospitalière accentuent les désertifications : les suppressions de tribunaux ou d’hôpitaux ont leurs émules dans la réduction par la société nationale de sa desserte du fret ferroviaire.

La rupture est certes dans la constatation d’une grande activité présidentielle, mais celle-ci est telle que les ministres et les administrations n’apparaissent plus qu’au mieux en mime ou en exécutant. L’embouteillage de l’agenda présidentiel ne fait plus discerner ce qui est ponctuel de ce qui a valeur d’entrainement et d’orientation.

Autre paradoxe : une personnalité qui n’est ni écrivain ni orateur, qui revendique l’efficacité et le sens du pratique, du concret, se donne comme moyen quasi-unique le discours, la lettre de mission, la verbe et la plume ; un homme politique qui voit dans la diminution de l’Etat la libération des énergies nationales productives, ne’organise pas le champ libre et ne joue que du registre législatif et étatique.

Le Président fait réfléchir – et c’est certainement son meilleur point – sur quantité de sujets mais rarement sur des causes et moins encore sur des remèdes, parce qu’il donne en même temps que l’envoi en mission les résultats qu’il attend de celle-ci.

L’hyperactivité – d’un homme, en position éminente – peut mener à l’immobilisme parce qu’il est impossible de suivre autant de pistes parallèles à la fois si n’a pas été définie une direction d’ensemble. L’indépendance de comportement et de pensée – novatrice – produit une soumission à l’ambiance internationale et aux idéologies dominantes.

Risque aussi d’attribuer tout à une personne, puisqu’elle le revendique. Tout lui prêter ? le meilleur puisqu’elle le souhaite, le pire ou l’occasionnel ? Clarté, franchise, transparence ont été le leit-motiv du R.P.R. depuis sa fondation… n’avons-nous pas récolté « cabinet noir » et opacité ? avec les procès, mises en cause et mises en examen qui continuent de faire les éphémérides français d’un mandat présidentiel à l’autre. Nous ne pouvons demeurer dans de telles interrogations.

Antidotes aux risques et aux hypertrophies, et bonne utilisation de l’outil présidentiel : la collégalité au niveau gouvernemental, la participation au niveau populaire. Mentalement, nous donner une perspective. Tout cela est nécessaire et urgent. Cette perspective – seule – peut lever l’hésitation fondamentale que suscitent en permanence l’attitude de Nicolas Sarkozy et sa propension à accumuler des « faits » : qui est-il au fond ? noir ou blanc ? où notre consentement forcé ou délibéré à son gouvernement (manière de faire et lois de changement) nous mène-t-il ? Question de confiance s’il en est, qu’aucun de ses prédécesseurs ne nous faisait nous poser de façon aussi globale, et – est-ce bon ? – aussi liée à la psychologie d’une personne.

C’est cette contingence qui a inspiré mon vote : le risque. Elle hante notre vie nationale, elle est plus profonde encore qu’en campagne électorale, elle ne ressemble pourtant pas à ce qui pouvait s’observer du ministre de l’Intérieur, candidat à l’Elysée de 2002 à 2007 : il me semblait alors totalement négatif. Mais passer du refus à l’hésitation tient aussi à ce que la réalité a changé. Nicolas Sarkozy est au pouvoir, il l’accapare, il est le pouvoir sans partage. Ce n’est pas son emprise qu’il faut évaluer, mais ce qu’il en fait./.

disponibles par courriel sur demande :


15 notes sur la campagne et l’élection présidentielles,
rédigées du 12 Novembre 2006 au 8 Mai 2007



journal réfléchi

14 . 20 Mai 2007
Le point de départ
Les commencements
Les contradictions inévitables
Les lacunes institutionnelles
25 Mai 2007
Quelques « grilles de lecture »
Le pouvoir personnel ou « l’homme d’une nation » ?
La sécurité (du pouvoir)
Le concret, le terrain, les urgences : qu’est-ce à dire et à faire ?

31 Mai . 5 Juin 2007
Nouvelle génération et antécédents consensuels
Une périlleuse prétention
La probation diplomatique
La quadrature du cercle ?

15 . 16 Juin 2007
La manière du candidat ne peut être celle du président de la République
La démocratie de gouvernement
Les débuts de « l’action »

17 . 24 Juin 2007
Déblais…      
Une claire distribution des rôles et des stratégies, au pouvoir et dans l’opposition
La fausse obligation de hâte
Le mode de scrutin pour désigner les députés  l’Assemblée Nationale est-il adapté ?

6 . 10 Juillet & 12 Septembre 2007
Notre pays, notre temps, notre monde – banalités ?
Notre pays, notre temps, notre monde – ce qui change
Les paradoxes qui demeurent
Les précédents ne valent que pris dans la période Cinquième République         
Concept et pratique de la carrière politique - Logique républicaine et accélération des dévoiements
Difficulté de l’émergence d’une nouvelle éthique des grands patrons français

19 Septembre 2007
Des bons points        
Des mauvais points
Des indices
Des sujets d’inquiétude

4 Octobre 2007
I – Politique intérieure
tout se répète
la nouveauté : l’organisation du pouvoir
l’ouverture
le risque de saturation
la pierre de touche
la lacune
l’isolement
II – Politique extérieure
le changement vis-à-vis des Etats-Unis
l’abandon de la priorité européenne

15.19 Octobre 2007
Les pièces du puzzle ? ou « les silences du scenario »
. consacrer quelques premiers mois d’un exercice du pouvoir par une modification de la Constitution ?
. un fonctionnement à risques quotidiens de l’ensemble du mécanisme élu ce printemps
. elle aussi sans précédent, la mise en scène en responsabilité partagée d’une vie de couple
. vis-à-vis de nos partenaires en Europe et de l’entreprise d’Union, une attitude toute nouvelle et sans précédent depuis les fondations des Communautés européennes et de la Cinquième République
. c… par-dessus tête en économie et en social
. les contre-pouvoirs qui s’établiront sans octroi du pouvoir en place

23.25 Octobre 2007
. . . le temps où nous sommes, pourquoi ne savez-vous pas le juger ?
le régime se qualifie lui-même
l’Europe à défaire ?
le mouvement social et l’opposition parlementaire
l’économie seconde

5.6 Novembre 2007
La gestion des crises
La gestion du fond
Desseins et tempêtes
La contradiction

13 Novembre 2007
Erreurs propres au gouvernement et voulues par Nicolas Sarkozy,
vulnérabilités françaises

13.23Novembre 2007
Chronique d’une confrontation
Chronique d’une solution ?
« Gérer » l’ambiguité
Pour voir ?
Avant quoi ?
L’Esprit souffle où il veut
Fini ?



[1] - Paolo Persichetti en Août 2002
[2] - enseignant à Paris VIII en droit fonctionnel et en relations extérieures de l’Union européenne, faute qu’ait été continuée par défaveur du prince et de la corporation, une carrière dans la diplomatie économique et financière, puis comme ambassadeur

[3] - 1er Avril au 29 Novembre 2004

[4] - médias PARIS (AFP) - 06/12/07 23:26 - Le journaliste Guillaume Dasquié mis en examen pour compromission du secret de la défense

Le journaliste Guillaume Dasquié a été mis en examen dans la nuit de jeudi à vendredi pour compromission du secret de la défense, soupçonné d'avoir divulgué des éléments provenant de rapports de la DGSE relatifs au terrorisme, a-t-on appris de source proche du dossier.
Le journaliste a été interpellé mercredi à son domicile parisien par six policiers de la DST (trois hommes et trois femmes) qui ont effectué une perquisition.
Selon une source proche de l'enquête, il est reproché à M. Dasquié une "compromission du secret de la Défense) pour avoir publié dans un article du Monde du 17 avril des éléments provenant de rapports de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) sur le terrorisme.
En avril, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, avait décidé de saisir le Garde des sceaux d'une plainte contre X, après la divulgation par Le Monde de documents classifiés avertissant d'un détournement d'avion américain huit mois avant le 11 septembre 2001.
La plainte concernait "notamment six notes classifiées de la DGSE".

Selon l'article et les documents publiés par Le Monde en avril 2007, les services de renseignements extérieurs français avaient alerté en janvier 2001, soit huit mois avant les attentats du 11 septembre, leurs homologues américains d'un projet de détournement d'avion américain par Al-Qaïda.
Le Monde précisait alors être en possession de 328 pages de documents de la DGSE frappés de la mention "confidentiel défense", des "notes, rapports, synthèses, cartes, graphiques, organigrammes, photos satellite". Le tout, précisait alors Le Monde, représentait "rien de moins que l'essentiel des rapports de la DGSE rédigés entre juillet 2000 et octobre 2001".
Il serait également reproché à M. Dasquié, selon sur une autre source proche de l'enquête, la divulgation d'un document du ministère des Affaires étrangères relatif à l'affaire Borrel (du nom d'un magistrat décédé dans des circonstances non élucidées à Djibouti, ndlr), également dans un article publié dans Le Monde, daté du 10 juin dernier.
Reporters sans frontières a dénoncé jeudi dans un communiqué les "procédés abusifs" utilisés à l'encontre de Guillaume Dasquié.
L'organisation de défense des journalistes indique que "l'irruption de policiers, à l'aube, au domicile d'un journaliste, suivie d'une perquisition de cinq heures et de son placement en garde à vue par le contre-espionnage, sont des procédés abusifs, inédits en France."
Guillaume Dasquié et son associé Philippe-André Dayan sont les fondateurs du site internet geopolitique.com, spécialisé dans la publication de documents classifiés.

médias PARIS (AFP) - 07/12/07 15:01 - Journaliste mis en examen: le SNJ dénonce une "censure moderne"

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a dénoncé vendredi la mise en examen du journaliste Guillaume Dasquié pour compromission du secret défense et "l'organisation d'une censure moderne qui se caractérise par la criminalisation de l'enquête journalistique".
Guillaume Dasquié a été mis en examen dans la nuit de jeudi à vendredi pour compromission du secret de la défense, soupçonné d'avoir divulgué des éléments provenant de rapports de la DGSE relatifs au terrorisme dans un article du Monde du 17 avril 2007.
Il a été interpellé mercredi à son domicile parisien par six policiers de la DST qui ont effectué une perquisition.
Le SNJ, premier syndicat de la profession, "refuse que les journalistes et les citoyens de notre pays soient les victimes de l'organisation d'une censure moderne qui se caractérise par la criminalisation de l'enquête journalistique afin de priver le public des informations qu'il est en droit de recevoir".
La perquisition et la mise en examen "résument toute la question posée par la protection des sources (...). Il y aurait des révélations +autorisées+ et d'autres pas", ajoute le SNJ.
Le SNJ "apporte tout son soutien" à M. Dasquié et "rappelle que depuis avril 2005 où il a déposé un texte de proposition de projet de loi pour harmoniser le droit français avec la jurisprudence européenne, les différents gardes des Sceaux n'ont pas suivi, en dépit de toutes leurs promesses et de l'engagement écrit du candidat Sarkozy".

médias PARIS (AFP) - 09/12/07 17:37 - Guillaume Dasquié, menacé de détention, dit avoir donné le nom d'une source indirecte

Le journaliste Guillaume Dasquié, mis en examen jeudi soir pour compromission du secret de la défense, a confirmé dimanche avoir été menacé de détention provisoire et déclaré qu'il avait fini par donner le nom d'une de ses sources indirectes au cours de sa garde à vue, préservant sa source principale, dans des déclarations au Journal du Dimanche et à France 5.

[5] - médias PARIS (AFP) - 17/12/07 10:10 - Point de Vue: Sarkozy et Carla Bruni "avaient envie de le faire savoir"  -  "Nicolas Sarkozy et Carla Bruni avaient envie de le faire savoir, sinon je ne vois pas pourquoi ils seraient allés à Eurodisney pour aller regarder la parade de Mickey", a dit Colombe Pringle.
Elle a expliqué que "des photographes dont c'est la spécialité les suivaient depuis 15 jours" et avaient appelé Point de Vue à ce sujet.
"Je ne publie pas des photos volées. Je considère que ce ne sont pas des photos volées, mais des photos données dans la mesure où c'est une façon d'officialiser quelque chose", a ajouté la directrice de la rédaction de Point de Vue.
Pour sa part, Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l'Express, qui a publié dimanche l'information sur son site, a expliqué sur la même radio être un ami de l'ex top-model Carla Bruni, mais qu'au départ elle "ne lui avait rien dit".
"Je ne lui avais rien demandé jusqu'à dimanche comme nous mettions en ligne sur le site de l'Express l'information, il m'a semblé normal que je l'appelle et lui explique un peu la teneur de notre papier. A cette occasion, elle a confirmé la relation et elle m'a signalé que la publicité faite autour de cette histoire ne la gênait pas à partir du moment où maintenant ça allait être une aventure, une histoire d'amour publique", a commenté Christophe Barbier.

[6] - pas de semaine, sans – en hors texte – que soit placée cette affirmation : "Je ne me laisserai arrêter par personne (...) des décisions ont été prises, nous les appliquerons (…) Moi, je ne veux pas qu'à la fin de mon quinquennat, on dise qu'il a beaucoup parlé et peu décidé (...) je veux qu'on décide tout de suite". Camargue – mardi 18 Décembre 2007

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