dimanche 2 mars 2014

courriel au Quai d'Orsay à propos de l'Ukraine

----- Original Message -----
To: 
Sent: Sunday, March 02, 2014 10:48 AM
Subject: Ukraine - la manoeuvre peut et doit être grande ... réflexion si ce n'est pas vous encombrer

Cher collègue, simplement...
Poutine n'est pas l'agresseur de l'Ukraine ou en Ukraine. Il est l'agressé. Doublement, quoique ce soit sa faute identitaire, même s'il la revendique en gloire. Agressé dans son régime de dictature et de mépris des droits de l'homme et des peuples, si l'Ukraine réussit à se donner un régime démocratique : contagion possible, probable avec les démocrates de Russie dont nous ne savons pas mesurer l'importance et dont nous n'espérons ni ne prévoyons la victoire, ce qui est un triste révélateur de notre propre confiance en nos propres valeurs (tant ressassés en politique extérieure comme en politique intérieure françaises).
Agressé dans sa tentative de quinze ans déjà de reconstituer puis de maintenir la territorialité de l'Union soviétique. Si l'Ukraine choisit l'Union européenne, c'est le vrai démantèlement de l'URSS et cela accule la Russie à n'être qu'elle-même ce qui est déjà beaucoup en territoire et ressources, sans compter son attractivité pour tous les peuples slavophones qui ne sera pas pour autant entamée en Europe orientale ni en Asie centrale.
Il convient donc de rassurer Poutine. La démocratie se fera d'elle-même, nous en sommes convaincus et nous n'interviendrons pas dans ses affaires intérieures, mais membre du Conseil de l'Europe, il a des efforts à faire pour l'Etat de droit, nous pouvons l'y aider. L'Europe n'est pas contre lui, quoiqu'elle en donne tous les signes tant qu'elle reste sous l'impérium mental et stratégique des Etats-Unis. Nous avons accepté le bouclier anti-missiles contre lui (évidemment pas contre l'Iran) et ce fut une très grave faute des Européens : nous avons ainsi refait le lit du nationalisme russe permettant Poutine et mettant sur la défensive les démocrates et les europhiles. Nous ne pouvons rassurer Poutine qu'en nous émancipant des Etats-Unis et en l'aidant avec d'autres approches notamment vis-à-vis de la Chine. En oeuvrant pour un monde pluripolaire, ce qui ne peut se faire que par l'indépendance de l'Europe.
Je ne brode pas davantage. Il a besoin de vendre son gaz, y compris pour sa fortune personnelle, autant que l'Europe a besoin de son gaz russe. convergence d'intérêts contre laquelle s'était significativement élevée l'Amérique quand nous avons entrepris le gazoduc. 
Précédent et modèle de la manoeuvre : de Gaulle.
. retrait de l'OTAN
. voyage en Union soviétique
. fruits : action et diplomatie commune alors en juin 1967
. débouché (à l'époque manqué) : l'émancipation de l'Europe orientale (voyage en pologne, mais second coup de Prague).
Réfléchissons. Ne soyons pas au fil des événements. Je suppose bien que c'est votre posture. Mais cela ne paraît pas beaucoup dans l'ensemble de nos dires officiels ni dans les dires du ministre. Il aurait été préférable que dans cette journée où tout paraît si tendu, il ne soit pas à Europe 1 en continu comme c'était annoncé hier.
Sympathie déférente et amicale

Aucun commentaire: