jeudi 2 octobre 2014

lettre à Madame Valérie Trierweiler aux bons soins de l'éditeur ("les arènes") de son livre : " Merci pour ce moment "



Chère Madame,

j’ai terminé de lire, en l’annotant presque ligne à ligne, votre livre, hier après-midi, après y avoir passé déjà trois grands moments. Ma femme l’avait lu avant moi, m’en disant parfois ce qu’elle y prenait et l’appréciant. Notre fille, de pas dix ans, allant à votre nom sur Google, en a lu une quinzaine de pages, elle est « pour ». Elle avait voté Eva joly au premier tour. Les lunettes et la lettre à la France.

Je vous donnerai mes notes et réactions dans leur détail. J’ai aussitôt, sans l’avoir lu d’autant que j’avais dû le commander dès le lendemain de sa sortie, tout étant épuisé en région morbihannaise, propagandé votre livre en posant à toute rencontre la question de la lecture ou du projet de lecture. Paradoxe : pour 400.000 tirages, indisponibilité à Vannes et à Nantes dès le second jour, sur quelques deux cent questionnés, deux ou trois intentions de lecture seulement. Le reste de « mes sondés », bouche et nez pincés, la vie privée, l’image présidentielle, « cela ne se fait pas » et un de mes médecins, ne vous ayant pas lu, arguant de son non-intérêt, qui évoque cependant les cachets de tranquillisants épars dans la salle de bain.

Le premier service – décisif – que vous rendez à notre pays est de faire comprendre que la vie publique quand elle a une explication manifestement « privée » du fait de la vie et du comportement de celui qui la garantit et la préside, doit être – aussi, sinon surtout – regardée, voire contrôlée sous cet aspect. Le civisme est une exigence envers soi pour chaque citoyen, mais sans révérence enverfs les gouvernants qui serait lâcheté ou tolérance non motivée, une exigence de vérité. Il y a d’ailleurs une logique à cela : quand la politique selon ce qu’il en est répétitivement communiqué n’est pas compréhensible et ne correspond pas aux vœux d’une majorité d’entre nous et de celle des votants du 6 Maiu 2012, il faut bien trouver une explication à la rigidité présidentielle, malgré l’avertissement de la doctrine économique, malgré le verdict de l’absence de résultats, malgré une bonne volonté des Français à bout de lassitude.

Vous donnez un portrait du Président et de François Hollande, avant son élection et depuis, d’une finesse et d’un factuel, qui n’avaient pas été approchés par les commentateurs et les rares biographes, et qui ne seront certainement pas égalés. Sauf si le Président se convertit, ce qui est souhaitable mais peu probable, je le déplore et le crains. Je l’en supplie et lui en suggère voies et moyens depuis son avènement. Correspondances aux rares accusés de réception, que je pourrai vous donner : un quinquennat alternatif…

Vous faites ce portraut d’un pinceau, d’une plume qui est servante de ce que vous avez à dire, donc régulière, tranquille, sans ostentation, adéquate. Roman-récit d’une amoureuse, qui l’est encore mais ne veut plus « revenir », qui n’a pas choisi de l’être mais a cédé à une séduction d’autant plus forte que vous ne la dites ni ne la laisser comprendre. Ce serait courant en littérature et dans « la vie » mais c’est intense de la première à la dernière ligne de votre livre. Le vis-à-vis n’est pas exceptionnel par son autisme, son mépris, son manque d’égards combinés jusqu’aujourd’hui avec tous les élans et retours de la possessivité, mais le portrait du politique « pur », intégral au sens d’une personnalité et d’une psychologie pour qui la politique, la gloire de la politique, sont une addiction, et la seule addiction, est unique. En littérature, Molière et La Bruyère n’ont pas eu l’occasion de le tenter puisque la monarchie absolue se fondait sur cette même addiction mais elle était imposée au roi par l’histoire et par l’attente nationales. Même le joueur de Dostoeiweski est plus diversifié et chacun a remarqué que l’addiction à la politique de Nicolas Sarkozy n’empêche pas une autre, celle de l’argent. Presque tous les gens de premier plan et de notoriété en politique actuelle – c’est l’un des aspects du drame français – ont cette addiction quoiqu’à un degré moindre et y ont sacrifié généralement la femme de leur jeunesse, l’équipière de leurs débuts et même des premières étapes de leur « réussite ».

Il était – oui – nécessaire que soit montré comment ces psychologies abîmées et déséquilibrées, ayant donc des rapports rigides sinon pathologiquement distants avec autrui et avec les revers, sont cependant celles qui sont censées répondre de notre destin national et améliorer les conditions de vie de nous tous, au moins nous donner la fierté de notre pays. Les quelques accolytes de rencontre que vous mentionnez sont typiques, connus et vous nous faites nous étonner que le Président ne l’ait pas discerné à temps.


En revanche, sans davantage en faire des thèses ou des développements à part – votre art est la touche et votre talent a été de construire le récit en va-et-vient chronologique dans trois moments ou univers, aux héros cependant communs : avant le pouvoir qui aurait transformé l’homme, pendant « ce moment » où vous fûtes au palais et sur le site, depuis – vous donnez à constater chez vous une grande justesse d’intuition à propos d’événements, pas toujours explicitement politiques mais de grande portée pour la crédibilité du Président. Vous êtes d’excellent conseil. Et bien entendu, votre « parcours » de l’enfance à maintenant autant que votre profession et votre expérience des médias, étaient un atout majeur pour un Président de gauche, encore plus communicant que son prédécesseur. Vous ne vous en targuez pas, mais cela m’a frappé. Ainsi que l’attitude des médias et de la rumeur à votre égard. Ne les suivant pas autant que vous en avez été victime et les avez donc scrutées, je ne les savais pas à ce point.

Votre livre pose donc les deux grandes questions de la vie politique française. Le rôle des médias, maléfique, si le pouvoir en place en fait ses juges et ses truchements. François Hollande en est prisonnier encore plus qu’il ne tente de les utiliser. Son prédécesseur ne l’était pas et, quoiqu’aussi lassant, savait mieux s’en servir quitte à être Arlequin. L’homme que vous aimez a sans doute plusieurs comportements, mais il est univoque et d’une totale, peut-être monstrueuse, cohérence, auto-centré comme vous le faites si bien voir et comprendre, sur la politique. Même pas sur le pays. Le rôle des médias aujourd’hui destructeur des citoyens et drogue des dirigeants, d’autant plus vulnérable que leur rang les met davantage sous la lampe forte. Et la possibilité qui s’est manifestement ouverte depuis 2007 d’une permanente permissivité de tout l’appareil public national pour l’élu quinquennal. Ni contrepoids, ni collégialité avec pour conséquence paradoxale l’amoindrissement de la prérogative publique puisque les dogmes de nos deux décennies sont au démantèlement de l’Etat. Dit comme cela, comme je vous l’écris, en espérant ne pas vous lasser, cela paraît pompeux ou théorique. Vous, au contraire, le faites vivre à vos lecteurs.

Enfin, il y a le bien que vous avez fait et que vous faites. Au Président, s’il avait eu l’égard et le discernement de vous considérer et écouter en politique. Aux démunis et aux torturés. Tout ce dont vous témoignez en « humanitaire » ou en continuatrice de l’admirable Danielle Mitterrand est précis, imagé, audible et provoque une forte empathie. Grand merci.

Il y a aussi, ce que j’ai apprécié, la relation avec Carla Bruni-Sarkozy, avec son équipe devenue la vôtre, avec vos homologues de par le monde et probablement une relation quotidienne détendue et attentionnée, sans aucun souci de la montre, avec celles et ceux chargées de vous entourer et de tout faciliter. Y compris Pierre-René Lemas.

Seul reproche mais vous allez sourire… n’avoir pu influencer l’habillement du Présiident, tant la coupe, que les couleurs de ses costumes, l’engoncement accentuant une silhouette au lieu de rendre celle-ci servante des apparats que vous avez si sobrement décrits.

Mais rien n’est joué, à aucun égard.


Veuillez recevoir ici, chère Madame, l’expression de ma gratitude qui est certainement celle de beaucoup de Français, et de mes hommages chaleureux et sincères.

Plein de vœux aussi pour toutes suites.

Aucun commentaire: