jeudi 28 juillet 2016

hommage au Père Jacques Hamel à Notre-Dame de Paris : « J’ai eu vraiment peur d’être submergée par la haine » ... Le Monde.fr



LE MONDE | 27.07.2016 à 21h52 • Mis à jour le 28.07.2016 à 09h17 | Par Louise Couvelaire
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Dispositif de sécurité avant une cérémonie à Notre-Dame, à Paris, à la suite de l'attentat de St-Etienne du Rouvray, le 27 juillet.

Elle est là, mercredi 27 juillet, adossée à un mur, le regard dans le vague. A quelques mètres de Notre-Dame de Paris, où la messe en hommage à Jacques Hamel – le prêtre tué la veille dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) – s’apprête à être célébrée, sous haute surveillance.

Cette jolie brune de 43 ans refuse de donner son nom. La voix est sourde, presque un murmure. Elle a « un peu honte », bredouille-t-elle. Et elle est « épuisée ». Par les attentats et l’atmosphère pesante qu’ils génèrent, mais surtout par le combat qu’elle mène contre elle-même « depuis des mois ».
La confession est douloureuse : « C’est horrible, je suis horrible… Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est de la faute des musulmans, ce qui arrive. Je ne peux pas m’empêcher d’être énervée quand je vois une femme voilée dans la rue, ni d’être effrayée quand je vois un Arabe avec une longue barbe. Et pourtant, je sais qu’il ne faut pas faire d’amalgames, je sais que c’est idiot, je sais que c’est ce qu’ils veulent, nous diviser… »
Catholique, elle est « pratiquante occasionnelle » et ne va à la messe qu’à Noël. « Mais là, j’ai besoin d’aide », dit-elle. Pour faire taire ses « plus mauvais instincts ». Elle est venue pour écouter à nouveau et « en vrai » l’appel à la « paix intérieure », comme elle dit, lancé par les représentants de l’Eglise catholique le jour de l’attentat.

« Résister à cette exaspération haineuse »

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Une messe en hommage au père Hamel, tué à Saint-Etienne-du-Rouvray, s’est déroulée à Notre-Dame de Paris le 27 juillet, sous haute sécurité.
La cathédrale est bondée. Hervé Moreau, 40 ans, est rassuré : « Je voulais être certain qu’il y ait suffisamment de catholiques pour nous représenter autrement que comme des petites familles de quatre enfants habitant Neuilly et militant contre le mariage pour tous. »
Aux premiers rangs, une longue liste de responsables politiques, dont le président de la République, François Hollande, et le premier ministre, Manuel Valls. Ils sont assis sur le même banc que les anciens présidents, Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d’Estaing. Comme une communion républicaine, une trêve dans la polémique qui oppose les politiques depuis l’attentat du 14 juillet à Nice.
Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, réitère son message : « L’espérance a un projet : le projet de rassembler l’humanité en un seul peuple. (…) C’est cette espérance qui nous permet de ne pas succomber à la haine quand nous sommes pris dans la tourmente. »
C’est ce que Françoise Billon, 80 ans, est aussi venue entendre. « J’ai eu vraiment peur d’être submergée par la haine, confie-t-elle à voix basse, sans pouvoir retenir ses larmes, alors que la messe est toujours en cours. Je viens chercher ici la force de résister à cette exaspération haineuse que je vois et que j’entends autour de moi. C’est plus facile de sombrer là-dedans plutôt que de prendre le temps de réfléchir. »
Mais, lorsque le cardinal parle de « pardonner à ses ennemis », certains s’agacent, comme Helena, une senior parisienne, qui hausse les épaules en pestant : « Je ne veux pas entendre parler de ça ! »
Alors que le cardinal André Vingt-Trois et François Hollande remontent l’allée centrale de la cathédrale, les fidèles applaudissent. Françoise Billon se sent « apaisée ». Et la femme brune, qui sort à son tour, esquisse un sourire : « Je vais y arriver, dit-elle. On va y arriver. »
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A l’extérieur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 27 juillet.
  • A Saint-Etienne-du-Rouvray, la marche blanche interdite. La préfecture de Seine-Maritime a décidé, mercredi 27 juillet, d’interdire pour des raisons de sécurité la marche blanche prévue à Saint-Etienne-du-Rouvray, jeudi, en hommage à Jacques Hamel. Seul un rassemblement se tiendra dans le stade municipal à 18 heures, en présence du maire Hubert Wulfranc (Parti communiste) et de l’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun. Le président du conseil régional du culte musulman et de la mosquée de la ville, Mohammed Karabila, a indiqué que les fidèles se joindraient à cet hommage.
  • Louise Couvelaire

Vos réactions (11) Réagir
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Daniel Lattanzio 27/07/2016 - 22h50
On a tous ou presque la même réaction primaire, instinctive, agressive celle qui est motivée par la peur et la répulsion devant l'horreur barbare, devant la méchanceté absolue, devant l'injustice causée à des innocents. Il faut beaucoup de force pour évacuer cette pression et réfléchir. Se dire que c'est ce qu'ils veulent, nous pousser à leur ressembler. Je n'ai pas aucune envie de leur ressembler.
 
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Albert08 27/07/2016 - 22h36
Si vous cherchez à savoir la différence entre une "bonne" et une "mauvaise" personne, vous avez là l'un des meilleurs exemple possible avec la première dame cité (bonne) (et les discours FN et assimilé (mauvais)). Etre une bonne personne ce n'est pas de ne ressentir ni haine ni amalgame mais tenté d'y résisté en sachant la bêtise (c'est ce que les prêcheurs de haine veulent : qu'on devienne comme eux) et la dangerosité (conséquence à long terme du cercle vicieux de la haine) de ces ressentis
 
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Sonia 27/07/2016 - 22h30
Ce n'est pas des "mauvais instincts" de réagir négativement face aux étendards de l'islamisme que sont le voile et les tenues afghanes pour les hommes. C'est juste un réflexe naturel de survie, éprouver de la sympathie pour les gens qui professent une idéologie meurtrière serait inquiétant sur l'état mental de la personne ainsi démunie.
 
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Pierre Dumont 27/07/2016 - 23h09
Il y a quand même une grosse différence entre le fait d'arborer des signes religieux -pas plus débiles que les d'autres d'ailleurs- dont on n'a rien à faire dans un pays de tolérance laïque, et l'existence de monstres cinglés, même manipulés de l'extérieur. Les uns sont nos compatriotes honorables, les autres nos ennemis qui veulent nous détruire au profit de la barbarie.
 
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pierre 27/07/2016 - 23h10
Tous les hommes portant une robe et les femmes portent un voile ne proffessent pas une idéologie meurtrière
 
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HBench 27/07/2016 - 22h26
Réaction normale. Réaction humaine. Les Français ont dû avoir la même réaction à la sortie des deux guerres mondiales à la vue d’un allemand. Moi aussi, j’étais enfant pendant la guerre d’Algérie, j’avais la même réaction chaque fois je voyais un képi.
 
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Thierry P. 27/07/2016 - 22h19
Bel article, belles et dignes réactions après les horreurs entendu après Nice.

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