jeudi 20 octobre 2016

couriellé à l'Elysée - constat, diagnostic et remède - " dans un monde qui change, retrouver le sens du politique "


Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,

1° il n'y a pas, y compris de la part du Président, à regretter les publications et parutions de ces dernières semaines. Elles révèlent un état général dans les démocraties du mal-être des gouvernants qui ressentent profondément que les situations, les outils, et les attentes des gouvernés les dépassent tels qu'ils sont, et que tous les artifices ou habitudes pour présenter  les sujets et les personnes objets et acteurs de ce qui est politique sont devenus inadéquats, caricaturaux, mauvais.

2° les peuples, tout ce qui est collectif, en fait la perception du bien commun et des efforts à consentir par chacun pour refaire ensemble de quoi atteindre le bien commun,  sont autant mal à l'aise.

3° la campagne présidentielle,  quasi-permanente depuis le début du quinquennat, vient d'entrer dans une phase rituelle, que les soi-disant primaires n'enrichissent pas vraiment car elles montrent le délabrement de chacune des familles politiques et le vide général en analyses et en remèdes. Elle révèle nos lacunes et ne nous sortira pas de misère. Elle n'est grosse de rien, que d'un prochain mandat empirant ce que les précédents ont fait du pays et de nos chances. On en est toujours à la gestion en très gros des comptes et en relations internationales à un mélange des situations belligènes qui ne changent pas de modèle depuis la nuit des temps. Les Etats, les élections n'ont plus de prise et leur légitimité est en cause

4° l'Eglise de France, par la concertation de ses évêques vient d'établir un diagnostic et de suggérer une dialectique qu'aucune personnalité, aucune institution ni aucune mouvance dans notre pays n'est parvenu à établir. Le Président doit consacrer une quarantaine de minutes à lire ce texte. 

5° j'ai souvent évoqué dans mes messages vers vous pour le Président ces demi-journées où l'agenda du général de Gaulle, président de la République, restait vierge et où l'homme du 18-Juin, de l'honneur et de la participation - que la hauteur de l'Histoire avait appris à parler au peuple encore plus en plein air qu'à la télévision mais qui restait si proche qu'à son dernier discours, Quimper en 1969, il était si peu "gardé" et "sécurisé" qu'un crachat a pu atteindre sa pochette et y rester - demeurait, sans téléphone, sans papier, dans la pénombre, les mains à plat sur sa table de travail que vous connaissez, que le Président connait : il pensait et réfléchissait, des heures et durant. Hors du temps pour être et rester dans le sujet.

6° le sujet n'est pas, pour le Président, de savoir s'il a des chances de réélection, et s'il doit les courir. Il est de réfléchir à la refondation du politique et donc à la réanimation de l'âme française. Je ne crois pas que le monde ait tellement changé ni que ce soit un monde en rupture. Les apparences sont différentes de siècle en siècle, mais il s'agit toujours de la relation entre les hommes, entre les peuples, et de la manière de faire tous concourir au bien commun. Car tous le veulent, nous tous le voulons. Et ce bien commun est assez aisé à définir, même si chacun a ses mots, ses racines et son terreau

7° les abandons et calculs dans la famille politique du Président, dans le gouvernement, dans les partis de la majorité autant que les ambitions et fantasmes dans les oppositions et dans ce qui est pestiféré ou rêvé, mettent en évidence les ombres des âmes et des gens quand un bateau est à la dérive. Cela ne grandit jamais ni ceux qui s'en vont ni ceux qui se précipitent. Les Français s'en rendent compte. Personne n'est beau sur cette scène et les rôles sont de toujours, lamentables, sans caractère.

8° parce qu'il a reçu un mandat qui n'est pas encore achevé en calendrier, le Président peut et doit être le repère. Il peut susciter cette dialectique que suggère fortement, y compris en proposition à chacun, le texte de nos évêques.

Lire, réfléchir, s'arrêter et faire s'arrêter le pays - pour s'orienter et refonder. L'élection ne doit pas être un débat, une confrontation mais la consécration d'un consensus. Les analogies entre tous les énoncés, entre tous les comportements montrent bien que nous demeurons à un niveau et dans des ordres du jour qui ne sont pas ce qu'il nous faut. Par sa haute fonction, le Président quels que soient le bilan, les éphémérides, les erreurs, les façons-mêmes qui ne sont les siens qu'en apparence - car nous avons tous notre responsabilité dans ce délabrement - peut sereinement susciter du mouvement. Pour l'heure, ce doit d'abord être du silence et de la réflexion.

Le texte de notre épiscopat est le guide le plus complet, le plus sobre et le plus ramassé - pour notre situation nationale et selon la fonction du Président - qui soit, c'est la version des Exercices spirituels d'Ignace de Loyola pour notre reprise et notre détermination. Ensuite, mais ensuite seulement, après cet arrêt et quelque temps vraiment médités, réfléchis, les choix pratiques émergeront facilement car nos consciences auront été déblayés et que nos structures mentales, nos acquis, les legs dont nous bénéficions et nos responsabilités mutuelles entre Français, puis entre la France et ses partenaires, auront été retrouvés, décapés.

Voeux de bonne journée, vous, et le Président.

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