mardi 16 janvier 2018

Calais - jungle... fermeté... humanité ... l'Etat et les associations


POLITIQUE
16/01/2018 04:20 CET | Actualisé il y a 49 minutes

Migrants: à Calais, Macron et son "et de droite, et de gauche" mis à l'épreuve

Attaqué sur sa gauche comme sur sa droite, Emmanuel Macron doit lever les doutes de sa propre majorité sur sa politique migratoire.

AFP
Des migrants non loin d'une route menant à Calais.
POLITIQUE - "Indigne" pour la gauche et les associations de défense des réfugiés, "laxiste" voire contreproductive pour Laurent Wauquiez et Marine Le Pen, la réponse politique qu'Emmanuel Macron entend donner au drame humanitaire des migrants subit depuis des semaines le tir croisé des oppositions. Alors que le ministère de l'Intérieur planche sur un projet de loi "asile et immigration" d'ores et déjà voué aux gémonies, le doute s'est installé jusque dans les rangs de l'aile gauche de la majorité LREM, une première depuis le début du quinquennat.
C'est en partie pour répondre à cette crise de conscience et déminer les pièges tendus par ses adversaires qu'Emmanuel Macron se rend ce mardi 16 janvier à Calais, la ville qui symbolise depuis une vingtaine d'années la crise migratoire en Europe.
Le casse-tête du credo "humanité et fermeté"
Sur le terrain, l'équation relève néanmoins du casse-tête, l'Elysée écartant à l'avance toute "solution miracle". Le chef de l'État, qui doit rencontrer tour à tour les migrants qui cherchent à passer au Royaume-Uni, les associations qui s'en occupent et les défendent, les élus locaux dépassés par la situation, les forces de l'ordre à bout de souffle et la population qui "oscille entre lassitude et exaspération", aura toutes les peines du monde à réconcilier "humanité et fermeté", credo adopté par les macronistes pour résumer la ligne officielle du pouvoir.
Deux des principales associations, qui disent assurer près de 80% des actions auprès des migrants de Calais, ont annoncé lundi 15 janvier qu'elle déclinaient l'invitation à rencontrer Emmanuel Macron à Calais ce mardi, "désapprouvant les politiques migratoires" en cours. "Alors même que le gouvernement n'a pas écouté à Paris les grandes organisations humanitaires, ni sur leurs critiques, ni sur leurs propositions, pourquoi le président tiendrait-il compte des mêmes critiques et propositions des associations locales?", écrivent L'Auberge des migrants et Utopia 56.
Récusant les "faux bons sentiments" de la gauche qui l'accuse d'avoir enterré la bienveillance de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron espère au contraire démontrer que sa réponse est équilibrée: après un soutien marqué aux forces de l'ordre et à la population, où il devrait vanter le démantèlement "systématique" (et brutal selon les associations) des campements sauvages, le chef de l'État visitera à Croisilles, également dans le Pas-de-Calais, l'un des trois centres ouverts depuis l'été pour accueillir les migrants et examiner administrativement leur situation "le plus rapidement possible".
Un geste censé conforter le droit d'asile immédiatement pointé du doigt à droite comme un potentiel appel d'air à l'immigration clandestine. "Avec Emmanuel Macron, les immigrés clandestins resteront sur notre sol. Ils seront même de plus en plus nombreux", a taclé dès ce week-end le président des Républicains, Laurent Wauquiez. La criminalité est "la conséquence de l'immigration", qui "va s'accélérer avec le projet de loi du gouvernement" sur l'asile et l'immigration, a renchéri la présidente du FN Marine Le Pen, visiblement sur la même ligne.
La majorité cherche un autre équilibre
Preuve que "l'équilibre" vanté par le chef de l'État et le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb n'est pas aussi solide qu'affiché, l'aile gauche de la majorité LREM s'interroge encore sur le sens de la politique conduite, alors que des associations dénoncent régulièrement les comportements violents des forces de l'ordre à l'égard des réfugiés, aux antipodes de la ligne "humaniste" revendiquée. Après des remous en fin d'année dernière qui ont repris début janvier, l'Elysée, la Place Beauvau et la direction de La République en Marche ont pris conscience du caractère explosif de ce dossier.
Coïncidence ou pas, c'est le moment qu'a choisi l'aile sociale de LREM pour se structurer dans un "organe de réflexion". Une manière pour ces élus marqués à gauche de tenter de peser sur les débats internes de la majorité.
Autre signal d'alerte, plusieurs soutiens de la campagne d'Emmanuel Macron, dont l'économiste Jean Pisani-Ferry, ont cosigné une tribune très critique à l'égard de sa politique migratoire. "Votre présidence se plaçait sous les auspices d'un humanisme responsable et assumé. Nous nous sommes hélas réveillés dans un pays où l'on arrache leurs couvertures à des migrants à Calais. Où l'on lacère leurs toiles de tente à Paris. Où l'on peut se perdre, pieds et mains gelés, sur les pentes enneigées de la frontière franco-italienne", déplorent-ils.
Pour calmer les esprits et trouver une ligne médiane entre ceux qui s'inquiètent du sort des migrants et ceux qui prônent une ligne dure sur les reconductions aux frontières, un séminaire gouvernemental a été organisé ces lundi et mardi. Un atelier législatif "asile-immigration" s'est notamment déroulé en fin de matinée le 15 janvier dans un climat apaisé, à en croire les participants. Gérard Collomb a quant à lui promis de discuter le temps qu'il faut avec le groupe majoritaire et le Modem pour s'assurer que chacun est sur la même ligne.
La suite devrait donc dépendre de la souplesse de l'exécutif qui semble pour l'heure camper sur la première rédaction du texte de loi. "C'est un projet de loi totalement équilibré", a juré Gérard Collomb en admettant qu'il y ait "des possibilités d'amendement". Mais, prévient-il, "il n'est pas question de changer d'orientation".
© 2017 Le Huffington Post SAS. Tous droits réservés.
Une partie de HuffPost News


*
*       *
ACTUALITÉS
24/10/2017 03:02 CEST | Actualisé 24/10/2017 06:57 CEST

Un an après le démantèlement de la "Jungle", "la situation est encore pire" à Calais

Si les migrants de la Jungle ont globalement pu s'en sortir, pour les nouveaux arrivants, les conditions de vie sont désastreuses.

Pascal Rossignol / Reuters
Des migrants attendant une distribution de nourriture à Calais le 23 août 2017.
CALAIS - Le 24 octobre 2016, l'Etat s'attaquait à l'un des problèmes les plus marquants du quinquennat Hollande: le démantèlement de la "Jungle de Calais", où plus de 7000 migrants s'étaient massés en attendant de trouver un moyen de passage vers l'Angleterre.
Un an plus tard, le territoire de la Jungle est désormais un chantier interdit au public, qui devrait donner naissance à une "zone naturelle d'exception" selon les souhaits de la municipalité. Peut-on alors définitivement clore le chapitre migratoire de l'histoire de la ville? Pas du tout, selon les associations sur place.
En octobre 2017, il y aurait entre 500 et 600 migrants, à en croire le préfet du Pas-de-Calais Fabien Sudry; les associations en comptent environ 700, tandis que la maire LR de la ville Natacha Bouchart estime qu'ils sont entre 800 et 1000.
Qu'importe la source, la comparaison avec le nombre de migrants au moment du démantèlement de la Jungle est sans appel. Mais la guerre des chiffres entre l'Etat, la municipalité et les associations est aussi révélatrice d'une autre réalité: si les chiffres ont baissé depuis que la Jungle a été démantelée, le problème migratoire n'est pas réglé, et il se serait même aggravé.
AFP La "Jungle" de Calais photographiée le 16 août 2016 (en haut) et le 14 octobre 2017 (en bas).
Des migrants éparpillés aux conditions encore plus précaires
"Aujourd'hui, il n'y a plus de Jungle, ni de petites jungles, ni même de campements, sur ce point le préfet du Pas-de-Calais a raison, ironise tristement François Guennoc, vice-président de l'Auberge des Migrants de Calais contacté par Le HuffPost. Il y a des gens dans la rue." Loin d'une amélioration, comme le soutiennent les pouvoirs publics, les associations dépeignent au contraire "une situation humanitaire particulièrement catastrophique".
"Il y a quelque chose d'inachevé car le démantèlement a sonné le glas des hébergements d'urgence" dans le Calaisis explique ainsi Stéphane Duval, qui dirigeait le centre Jules Ferry pour l'association La Vie active, partenaire de l'Etat.
A défaut de se regrouper dans la Jungle, les migrants arrivés après octobre 2016 se sont dispersés dans la ville: sur la zone industrielle des Dunes, distante de quelques mètres seulement de l'ancienne Jungle, dans le Bois Chico-Mendès et celui de Colombier-Viral et aussi sur la route de Saint-Omer, comme le montre la carte ci-dessous, réalisée par La Voix du Nord.
La Voix du Nord/Capture d'écran
Mais à l'approche de l'hiver, l'absence d'abris solides pour les migrants s'annonce désastreuse. "La situation est pire que dans la Jungle", estime le vice président de l'Auberge des Migrants, qui rappelle que ce qui est devenu "le plus grand bidonville de France" avait au moins l'avantage d'offrir des abris solides, des accès à l'eau, des services, sans compter la solidarité qui s'était installée entre les habitants du camp.
"Les conditions de vie aujourd'hui sont difficiles", juge François Guennoc, qui souligne autant les conséquences psychologiques que sanitaires. "Les migrants sont stressés, il y a des cas de gale, de tuberculose, d'infections bactériennes" liées à l'absence de logements secs. Pour lui, la situation actuelle est même pire qu'avant l'apparition de la Jungle.
"Avant, il y avait environ 1000-1300 migrants à Calais, qui habitaient dans des squats, dans de petits campements improvisés. La police les y laissait quelques mois", raconte-t-il. Ce n'est plus le cas désormais. "La police patrouille sans cesse, ils enlèvent les bâches, les tentes, les couvertures", décrit François Guennoc, qui y voit l'application de la politique "tolérance zéro" voulue par l'Etat et la municipalité.
En juillet dernier, le gouvernement et la municipalité ont d'ailleurs dû se plier à la décision du Conseil d'Etat, qui a validé la mise en place de plusieurs robinets et d'une dizaine de toilettes portatives. Dans son rapport, la plus haute juridiction administrative estimait ainsi que "la prise en compte par les autorités publiques des besoins élémentaires des migrants qui se trouvent présents à Calais en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable demeure manifestement insuffisante et révèle une carence de nature à exposer ces personnes, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale."
Une situation qui dépasse la seule ville de Calais
La ville de Calais est loin d'être la seule. A 30 kilomètres de là, dans la municipalité de Grand-Synthe qui a aussi abrité un important centre de réfugiés, le maire EELV Damien Carème a publié au mois de juillet des photos de jeunes enfants au milieu d'un campement sauvage, pour interpeller Emmanuel Macron.
Interrogé par Le HuffPost, il explique avoir reçu une réponse de la part du directeur de cabinet du président de la République, qui l'a renvoyé vers le Ministre de l'Intérieur. Une rencontre organisée mi-septembre a débouché sur la mise en place de maraudes et d'accueil de jour et de nuit. "Je laisse un peu de temps à l'Etat pour voir comment le dispositif évolue mais l'hiver approchant, il va vraiment falloir qu'on trouve une solution qui soit plus efficace pour que personne ne dorme dehors, pendant la période hivernale déjà mais aussi après", confie-t-il.
Il pointe aussi la "stratégie de dispersion" du gouvernement, qui permet de détourner l'attention des "poches" de migrants identifiées, et regrette la politique répressive mise en place. "On sait bien que la répression ne marche pas, renforcer les frontières ne marche pas. (...) La répression favorise les trafics des passeurs. On me dit que les camps vont favoriser les passeurs: ce n'est pas le camp qui fait les passeurs, ce sont les règles que l'on met sur la non-circulation des personnes."
Fin juillet, le ministre de l'Intérieur, d'abord opposé à la création de centres qui favoriseraient "les appels d'air", a d'ailleurs fait machine arrière et annoncé la création de deux structures d'accueil dans les Hauts-de-France, d'une capacité totale de 300 places. Mais ces structures restent insuffisantes.
"Pour les personnes qui ont été prises en charge après le démantèlement, c'est sans doute mieux", analyse François Guennoc. Un an après le démantèlement, 42% des migrants ayant demandé l'asile l'ont obtenu, 7% ont été déboutés et 46% attendent toujours une décision définitive, le reste étant dans des projets autres que l'asile, selon l'Office français d'immigration et d'intégration. "Mais pour les nouveaux arrivants, la situation est bien pire".
OATH
© 2017 Le Huffington Post SAS. Tous droits réservés.
Une partie de HuffPost News

Aucun commentaire: